Tout commence à Presbourg : une autre Europe napoléonienne
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Re: Tout commence à Presbourg : une autre Europe napoléonienne
Idem pour moi c'est vraiment un super récit, il manquerait juste peut-être une carte de l'europeDemetriosPoliorcète a écrit:LFC/Emile Ollivier a écrit:Le drapeau de la Grèce est pour moi une découverte !
J’adore ce récit
Content que ça plaise!
J'ai appris l'existence de ce drapeau en lisant La Grèce et les Balkans d'Olivier Delorme. Rigas imaginait une grande Grèce républicaine et démocratique englobant les Balkans et l'Anatolie. Son drapeau représente l'héritage antique (la massue d'Heraclès) et le christianisme.
Flosgon78- Messages : 289
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Re: Tout commence à Presbourg : une autre Europe napoléonienne
Flosgon78 a écrit:Idem pour moi c'est vraiment un super récit, il manquerait juste peut-être une carte de l'europeDemetriosPoliorcète a écrit:LFC/Emile Ollivier a écrit:Le drapeau de la Grèce est pour moi une découverte !
J’adore ce récit
Content que ça plaise!
J'ai appris l'existence de ce drapeau en lisant La Grèce et les Balkans d'Olivier Delorme. Rigas imaginait une grande Grèce républicaine et démocratique englobant les Balkans et l'Anatolie. Son drapeau représente l'héritage antique (la massue d'Heraclès) et le christianisme.
Hélas, mes compétences en graphisme n'ont pas progressé depuis mes dernières TL...
DemetriosPoliorcète- Messages : 1481
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Re: Tout commence à Presbourg : une autre Europe napoléonienne
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Re: Tout commence à Presbourg : une autre Europe napoléonienne
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Re: Tout commence à Presbourg : une autre Europe napoléonienne
"La forfaiture commise par Charles V de Bourbon, roi d'Espagne, à l'égard du peuple et de la Nation mexicaine, ne peut être décemment pardonnée. Pour cette raison, la couronne mexicaine ne peut être proposée ni à lui-même, ni à aucun de ses héritiers."
Si, en Europe continentale, les monarchies espagnoles et portugaises faisaient office de reliques réactionnaires aux yeux de nombreux européens, leurs empires américains respectifs étaient de plus en plus pénétrés par les idées libérales et nationales.
Ne Ferdinand VII ni Jean VI ne semblaient prêts à accepter les avancées nécessaires qui auraient permis de maintenir l’unité de tels ensembles. Même les réformes qu’avaient entrepris les Bourbons d’Espagne en Amérique latine au siècle précédent avaient eu un effet négatif : en ouvrant le commerce de leurs colonies, elles avaient restauré leur prospérité mais leur avaient aussi fait comprendre qu’elles pouvaient se développer de façon autonome, malgré l’attachement pour la couronne qui demeurait chez beaucoup de sujets.
Au Brésil, une révolte armée dans le Minas Gerais avait secoué le pouvoir portugais en 1816. Devant ces événements, et la pression de son allié britannique, le Portugal accepta l’ouverture des ports brésiliens au commerce international. La mesure satisfit la bourgeoisie brésilienne, mais contribua à affaiblir l’économie du pays et ruina de nombreux commerçants, déstabilisant la monarchie. La proclamation de Jean VI « Roi du Portugal, du Brésil et des Algarves » en 1818, prenant acte de l’autonomie brésilienne, et le voyage d’un an du prince héritier Pierre au Brésil furent mal accueillis par l’opinion portugaise, qu’elle soit conservatrice ou libérale. Le Portugal connaissait néanmoins une expansion coloniale en Afrique, où son allié britannique l’avait poussé à faire valoir ses droits sur le bassin du Congo, inquiet des explorations françaises sur le continent. La fondation de Port Joao, à l’embouchure du fleuve, est l’aboutissement de cette politique.
Drapeau du royaume du Brésil
Dans les possessions espagnoles, si les volontés d’autonomie accrues et de réformes libérales se faisaient de plus en plus importantes parmi les élites, ce fut un choc extérieur qui marqua le début de l’effondrement de l’édifice impérial. Après des années de conflit larvé, et malgré les efforts de l’administration coloniale pour différer le choix d’une solution politique, les colons américains du Texas, de plus en plus nombreux, alliés à des factions autonomistes hispanophones, se révoltèrent et proclamèrent l’indépendance du Texas vis-à-vis de l’Espagne. Pour les partisans de l’autonomie mexicaine, l’inaction de la couronne était scandaleuse.
Le roi Charles de Bourbon, qui s’était hissé sur le trône après une quasi-guerre civile en 1833 et était toujours contesté par la bourgeoisie libérale, était peu au courant des affaires américaines, mais se décida à envoyer un corps expéditionnaire important après les défaites de ses troupes locales, et devant les menaces de sécession de plus en plus concrètes qui arrivaient de Mexico.
La difficile reprise d’Harrisburg par les troupes métropolitaines à l’automne 1838 marquait pour beaucoup la fin du conflit, mais l’exécution sommaires d’une trentaine de citoyens des Etats-Unis soutenant la cause texane entraina irrémédiablement une crise diplomatique avec les Etats-Unis. L’occasion était trop belle pour la jeune fédération, frustrée par sa défaite lors de la guerre anglo-américaine de 1812, d’obtenir une extension territoriale importante.
Le 8 mars 1839, les Etats-Unis déclaraient la guerre à l’Espagne, après le refus de cette dernière d’accepter un ultimatum demandant la reconnaissance du Texas comme une colonie autonome distincte du Mexique, la restitution de leurs biens aux colons anglophones et l’ouverture de la frontière à d’autre colons.
L’action des milices texanes, jamais complètement réduites, facilita l’avancée américaine à travers le Texas, puis la destruction du corps expéditionnaire à Harrisburg. L’armée américaine ne s’arrêta pas là et, traversant le Rio Grande, s’empara de Monterrey, où une nouvelle force levée parmi les populations mexicaines fut vaincue.
Au cours de l’année qui suivit, Madrid envoya des renforts jugés insuffisants par les créoles et chercha à mettre en place un blocus maritime, rapidement brisé par les Etats-Unis, dont les corsaires s’illustrèrent par une série de coups de mains sur les côtes mexicaines. Dans le même temps, les armées de l’Union s’emparèrent du Nouveau-Mexique et de la Haute-Californie, tandis que la République du Texas devenait officiellement un Etat des Etats-Unis.
En avril 1841, constatant l’impasse, Charles accepta un cessez-le-feu en engagea des négociations avec Washington, auxquelles ne furent pas conviés de représentants de la bourgeoisie mexicaine. Trois mois plus tard, les termes du traité signé par les diplomates madrilènes arrivèrent à Mexico, entrainant la fureur de l’opinion publique : non-seulement l’Espagne reconnaissait la perte du Texas, mais elle acceptait de « vendre » le Nouveau-Mexique et la Haute-Californie aux Etats-Unis. L’idée que le souverain puisse vendre la terre mexicaine alors qu’il avait encore les moyens de la défendre était tout simplement insupportable, et entraîna dans les jours qui suivirent la constitution d’une junte, puis la rédaction d’une constitution proclamant un Royaume du Mexique, dont la couronne fut dans un premier temps proposée à Isabelle de Bourbon, la fille de Ferdinand VII écartée du pouvoir en 1833. Si l’entourage de la jeune prétendante refuse le titre, ne voulant pas renoncer de facto au trône d’Espagne, la junte mexicaine persiste et nomme un conseil de régence.
Profitant de la crise politique, les Etats-Unis occupent la Basse-Californie, la Sonora, Chihahua et les régions de Coahuila, de Nuevo Leon et de Tamaulipas. Madrid débarque des troupes à Veracruz, mais renonce rapidement à reconquérir Mexico. Des combats hispano-mexicains se poursuivent néanmoins dans la capitainerie générale du Guatemala, partagée entre loyalistes et partisans d’un rattachement au Mexique. Il faut attendre 1848 pour que l’Espagne accepte la paix avec le Mexique, et que celui-ci puisse se donner un roi, en la personne du Habsbourg Charles-Louis d’Autriche-Teschen, fils de l’Archiduc Charles.
Charles-Ferdinand de Habsbourg, roi du Mexique
La question mexicaine se réglait, mais la contagion s'était déjà répandue dans les autres colonies américaines...
DemetriosPoliorcète- Messages : 1481
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Re: Tout commence à Presbourg : une autre Europe napoléonienne
"Petite annonce : Vieille dame vend Pologne en viager."
Titre d'un journal satirique, mars 1848
A la suite du Mexique, les révoltes indépendantistes et libérales gagnèrent le continent sud-américain, et se concrétisèrent à Caracas avec la proclamation d’une junte puis d’une République du Vénézuela. Le pays était depuis longtemps la porte d’entrée des idées nouvelles venues d’Europe ou des Etats-Unis pour le continent, et plusieurs conspirations, comme celle menée par Francisco de Miranda et Simon Bolivar deux décennies plus tôt, avaient tenté de défier le pouvoir royal. A Buenos Aires, une Assemblée se réunissait pour proclamer la création d’un royaume constitutionnel du Rio de la Plata, sans pour autant préciser qui en serait le roi.
La révolution vénézuelienne fut rapidement vaincue suite au soulèvement des populations rurales, fidèles à la couronne, et au débarquement de 3000 soldats métropolitains. Mais, contre toute attente, on apprit en janvier 1843 que le roi acceptait la transformation de la vice-royauté de Nouvelle-Grenade en un royaume doté d’une constitution, dont il demeurait le souverain. Les événements avaient en effet entraîné un tournant en métropole…
La défaite de 1841 puis l’indépendance avait en effet mis à mal l’autorité royale madrilène. Après huit ans d’un règne marqué par une politique réactionnaire confinant à l’absurde Charles V voyait à nouveau sa légitimité contestée par les libéraux et par les partisans de sa nièce Isabelle. Après avoir écrasé le soulèvement de plusieurs garnisons en juin 1842, le roi est contraint, quatre mois plus tard, d’accepter les revendications des figures libérales : les Cortès sont autorisées à rédiger une constitution qui sera signée par le roi, tandis que l’Inquisition, si elle n’est pas officiellement abolie, perd tout pouvoir réel. C’est la fin de l’absolutisme espagnol.
Charles V de Bourbon, roi d'Espagne
Dans ce nouveau contexte, il devient impossible de mobiliser afin de reconquérir les Amériques au nom de ce même absolutisme. Les vice-royautés du Pérou, de Nouvelle-Grenade et du Chili sont transformées en royaumes possédant leur autonomie interne, bien que leur politique extérieure dépende encore de Madrid. La situation du Rio de la Plata s’avère plus compliquée, le Congrès acceptant l’idée d’une union personnelle mais demandant la pleine indépendance et l’application de la constitution déjà rédigée à Buenos Aires, ce qui est inacceptable pour Charles. Les soulèvements royalistes au Paraguay et dans le Haut-Pérou convainquent finalement le Congrès de céder l’année suivante pour garantir l’intégrité territoriale du pays.
En Europe, on s’intéresse peu aux événements survenus dans le monde hispanique. A Paris, l’humeur générale est à l’optimisme alors que l’Empire se libéralise. Pourtant, la révolution libérale en Espagne ne tarde pas à avoir des échos en Europe. En Pologne, les velléités révolutionnaires progressaient rapidement, tant le compromis de 1829 ne satisfaisait plus personne. Alors que le roi de Pologne en titre, Nicolas de Russie, maintenait une politique réactionnaire dans ses frontières, son vassal, le Grand-Duc de Varsovie, ne pouvait faire office de figure nationale à opposer au despotisme. Bien peu libéral, et surtout soucieux de maintenir l’équilibre européen en n’initiant aucun conflit avec le Tsar, Othon de Wittelsbach était devenu très impopulaire. A son immobilisme politique s’ajoutait la présence insupportable de hauts-fonctionnaires bavarois accaparant la direction de l’Etat et témoignant un certain mépris aux locaux.
En 1838, une première démonstration de mécontentement par une partie de l’armée et de la population de Varsovie avait été calmée par l’apparition du roi en costume national et quelques concessions. Neuf ans plus tard, l’opinion n’avait pas évolué, notamment dans la bourgeoisie et l’armée, où l’on souhaitait ardemment se débarrasser du duc, fût-il le neveu de la régente de l’Empire français. Les partisans de l’unité polonaise sous la couronne des Romanov, déçus par la politique des Tsar successifs, avaient presque disparus ; les sociétés secrètes libérales prônaient a minima une constitution libérale limitant drastiquement le pouvoir du Grand-Duc, pour d’autres, un changement de monarque, et toutes avaient comme horizon une unification de l’ensemble des Polonais au sein d’un seul Etat.
Le 20 octobre 1847, les officiers libéraux occupaient les lieux clés de la capitale et entouraient le palais Grand-Ducal, présentant à Othon un projet de constitution provisoire. Acceptant dans un premier temps de le signer, il cherche pourtant dans la soirée à quitter la ville pour rejoindre des troupes fidèles à Cracovie (la rumeur dira qu’il cherchait à rejoindre les Russes). Bloqués à la sortie de Varsovie, les gardes affrontent les troupes putschistes et finissent massacrés. Othon, légèrement blessé, est fait prisonnier : il a perdu toute crédibilité aux yeux des libéraux, qui proclament sa déchéance dans les jours qui suivent.
Sans attendre la réaction des autres européens, Nicolas Ier ordonne à ses troupes présentes dans le Grand-Duché et à l’extérieur de marcher sur Varsovie se considérant dans son droit au vu du traité de 1829 et de son titre de roi de Pologne. Après avoir vaincu les Polonais en rase campagne, les troupes russes envahissent la ville et arrêtent les principales meneurs, avant que les pressions des puissances n’imposent un Congrès européen.
Celui-ci, tenu à Berlin, voit s’opposer la Russie, qui considère que le compromis de 1829 a échoué, affirme vouloir annexer le Grand-Duché, ou a minima y placer un prince Romanov, aux puissances qui veulent en conserver les termes dans les grandes lignes. Seules la France et la Bavière défendent le maintien d’Othon, par solidarité familiale ; les autres puissances demandant un changement de monarque assorti d’une constitution libérale. Après plusieurs semaines de négociations, la Russie cède, en échange d’une révision du traité réglant la navigation dans les détroits, du droit d’établir une garnison à Gallipoli et de la mise en place d’une administration franco-russo-ecclésiastique de la municipalité de Constantinople. La personne choisie pour succéder à Othon est Augusta de Saxe, cousine du roi de Saxe, qui possède une certaine légitimité dynastique sur la Pologne et qui, n’ayant pas d’enfants, n’enracinera pas de dynastie, laissant une possibilité aussi bien pour les Wittelsbach que pour les Romanov. Le problème est donc remis à plus tard, provoquant un certain nombre de moqueries. Un journal satirique parisien titre ainsi : « petite annonce : vieille dame vend Pologne en viager ». La régente se voit accusée d’avoir privilégié les intérêts de sa famille et de ne pas avoir suffisamment soutenu la populaire cause polonaise. Ce sera la seule baisse de popularité importante de son règne.
Si la guerre a été évitée, le caractère bancal du règlement laisse songeur quant à la viabilité de l’ordre européen. Dans le même temps, alors que le libéralisme semble progresser, d’autres idéologies viennent défier l’ordre établi. Le Trèvois Charles Marx (déjà auteur de L’idéologie française), exilé en Angleterre, et le Prussien Friedrich Engels publient le Manifeste du Parti Communiste à Londres en 1848. La Franco-Peruvienne Flora Tristan publie l’année suivante son Tour de France où elle décrit longuement les conditions de vie des ouvriers et les débuts d’organisations syndicales. Ils représentent, avec Pierre-Joseph Proudhon, les grands courants du mouvement ouvrier qui vont marquer l’Europe au cours du siècle.
Flora Tristan, pionnière du socialisme romantique et du féminisme
DemetriosPoliorcète- Messages : 1481
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Re: Tout commence à Presbourg : une autre Europe napoléonienne
DemetriosPoliorcète- Messages : 1481
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Re: Tout commence à Presbourg : une autre Europe napoléonienne
"Cette Constitution est parfaitement inapplicable, et ce faisant elle est très réussie"
Un diplomate français commentant la Constitution autrichienne
Le milieu du siècle était marqué en Europe par l’inquiétude concernant soit un grand conflit européen, soit une vague révolutionnaire déstabilisant l’ensemble des puissances, soit les deux éléments combinés. Aux aspirations libérales et nationales s’ajoutait des difficultés économiques de plus en plus visibles dans les économies industrialisées.
A Paris, le nouveau règne commençait dans un climat bien différent de celui de son père, avec le sacre de Napoléon III le 2 décembre 1852. Le nouvel Empereur n’avait été déclaré majeur que dans sa vingt-et-unième année, contrairement à son père, qui avait commencé son règne personnel à dix-sept ans. Si ce dernier avait pu paraître un personnage falot en comparaison de son père ou de son épouse, Napoléon III est passé à la postérité comme un souverain en soi peu intéressant et à l’œuvre très mince. Sans manquer réellement d’intelligence, Napoléon Charles Maximilien était peu intéressé aux affaires de l’Etat et peu pressé d’y prendre part, et mettait dans le même temps la couronne en difficulté en étant peu discret sur une vie privée mouvementée. En 1855, son mariage avec Louise de Prusse, qui devait aboutir à un rapprochement entre les deux pays, eut l’effet inverse, tant l’entente entre les époux fut exécrable et l’Impératrice rapidement délaissée par son mari. L’opinion, de son côté, prêta à l’impératrice une liaison avec son beau-frère Maximilien ; une révolution et un empire n’avaient pas fait évoluer les commérages depuis Marie-Antoinette.
Louise de Prusse, Impératrice des Français
Son règne fut marqué, sur le plan intérieur, par des évolutions contradictoires : sa volonté de se désengager des affaires courantes le conduisit à officialiser le poste de Premier ministre, le premier étant le centriste André Dupin, bientôt remplacé par le libéral Camille Cavour, premier dirigeant français originaire des nouveaux départements. Mais, dans le même temps, il se montra attaché à sa prérogative et entra à plusieurs reprises en conflit avec ses premiers ministres, renvoyant Cavour en 1856.
Pourtant, les intellectuels libéraux et modérés connurent, au cours des années 1850, un regain d’optimisme : l’explosion révolutionnaire européenne ne se produisait pas, et l’on assistait au contraire à des flambées localisées aboutissant rapidement à l’octroi de constitutions libérales puis à la marginalisation des éléments les plus radicaux de la révolution. En Prusse, le roi romantique Frédéric-Guillaume IV avait dû s’incliner en 1853, et octroyé une constitution fondée sur un suffrage par classe de revenus.
En Autriche, une insurrection libérale à Vienne, bientôt suivie d’insurrections libérales autant que nationales à Budapest, Prague et Belgrade, avaient entraînées le début d’un processus constitutionnel. La constitution finalement acceptée sera qualifiée par un observateur français de « parfaitement inapplicable, et de ce fait très réussie" : le texte était en effet un compromis complexe entre les tendances centralisatrices de l’administration impériale, les aspirations libérales et les droits historiques des différents territoires. Le premier article reconnaissait l’Empire comme un rassemblement des couronnes de Hongrie, d’Autriche et des différents royaumes, mais l’échelon de base de l’administration était le kreis, subdivision interne aux royaumes et prenant ses ordres à Vienne. Une chambre haute était composée de délégations des différentes diètes et instances traditionnelles, une chambre basse était composée d’élus des différents territoires, selon un système censitaire. Les révolutionnaires hongrois, qui pensaient avoir obtenu gain de cause, constataient leur échec : non seulement le royaume de Hongrie restait une simple couronne constitutive de l’Empire, et non une monarchie en union personnelle, mais le poids des minorités nationales internes à la Hongrie diminuait la voix que pouvaient porter les nationalistes dans les instances centrales. Une tentative d’insurrection menées par Lajos Kossuth en 1856 échoua. A Prague, l’opposition entre germanophones et nationalistes slaves empêcha la constitution d’une véritable opposition à la reprise en main par Vienne.
Dans la Confédération du Rhin, la violence des émeutes fut singulièrement plus faible : l’influence française avait préparé l’ensemble de l’Allemagne du Sud à une évolution vers le libéralisme. L’idée d’une fédération renforcée entre les différents royaumes n’aboutit néanmoins qu’à un changement de nom, de Confédération du Rhin à Confédération d’Allemagne du Sud.
Victor Hugo s’enthousiasma, comparant cet ensemble de révolutions à des échos de la révolution française, à chaque fois moins brutaux mais toujours aussi audibles. Pourtant, la question polonaise restait posée, et l’inquiétude demeurait. Mais c’était un autre espace qui allait voir une nouvelle guerre éclater en Europe…
Dernière édition par DemetriosPoliorcète le Ven 13 Jan - 16:17, édité 1 fois
DemetriosPoliorcète- Messages : 1481
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Re: Tout commence à Presbourg : une autre Europe napoléonienne
Et sinon comment ça se passe pour la Grande Bretagne ?
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Re: Tout commence à Presbourg : une autre Europe napoléonienne
Rayan du Griffoul a écrit:Un bon récit ma foi
Et sinon comment ça se passe pour la Grande Bretagne ?
Mrci!
C'est l'un des points qui est encore assez flou dans mon esprit, je l'avoue.
Grosso-modo, la Grande-Bretagne reste dominante du point de vue maritime et industriel, mais la vie politique y est plus mouvementée et plus clivée qu'OTL, vu que l'absence de victoire face à Napoléon a entraîné des contestations accrues. Le radicalisme a ainsi une plus grande place,e t on peut s'attendre à ce que certaines avancées sociales arrivent plus vite, par crainte d'une révolution.
Du point de vu colonial, le Royaume-Uni est beaucoup plus prudent qu'OTL. La Confédération Marâthe n'est jamais entièrement annexée et l'EIC ne change pas de mentalité, ce qui permet d'éviter la révolte des Cipayes.
DemetriosPoliorcète- Messages : 1481
Date d'inscription : 05/03/2016
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Re: Tout commence à Presbourg : une autre Europe napoléonienne
DemetriosPoliorcète a écrit:Rayan du Griffoul a écrit:Un bon récit ma foi
Et sinon comment ça se passe pour la Grande Bretagne ?
Mrci!
C'est l'un des points qui est encore assez flou dans mon esprit, je l'avoue.
Grosso-modo, la Grande-Bretagne reste dominante du point de vue maritime et industriel, mais la vie politique y est plus mouvementée et plus clivée qu'OTL, vu que l'absence de victoire face à Napoléon a entraîné des contestations accrues. Le radicalisme a ainsi une plus grande place,e t on peut s'attendre à ce que certaines avancées sociales arrivent plus vite, par crainte d'une révolution.
Du point de vu colonial, le Royaume-Uni est beaucoup plus prudent qu'OTL. La Confédération Marâthe n'est jamais entièrement annexée et l'EIC ne change pas de mentalité, ce qui permet d'éviter la révolte des Cipayes.
Points plutôt pertinents. L'absence de succès contre un ennemi extérieur tend à empêcher les dirigeants d'un territoire à masquer les difficultés internes. Confrontés aux problèmes et aux défis internes, les forces politiques sont davantage en rivalité et les influences extérieures n'aident pas en la matière. Ce qui serait intéressant de voir dans la situation britannique est la question de la succession royale, mais aussi la question irlandaise, notamment au regard du potentiel impact de l'épidémie de mildiou si cette dernière a lieu comme dans la réalité historique.
Yodarc- Messages : 424
Date d'inscription : 14/02/2022
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Re: Tout commence à Presbourg : une autre Europe napoléonienne
« Ils avaient découvert, chose terrible, qu’ils n’étaient plus les soldats de Napoléon ! »
Gustave Flaubert, épilogue de L’Education sentimentale
Le recul de Napoléon à Presbourg et la nomination de Joseph à la tête de l’Italie semblait avoir réglé la question italienne et éteint les tensions. La fin de l’administration française de Parme, érigée en principauté dirigée par la fille de l’Empereur, Marie-Thérèse, et le maintien d’une république censitaire indépendante à Gênes (la République ligurienne) étaient allés dans le même sens.
Mais l’avenir de la péninsule était à nouveau, au milieu du siècle, un objet d’inquiétude. Le royaume d’Italie était devenu, sous Joseph et plus encore sous son neveu et successeur Charles, le fer de lance des Etats libéraux en Europe, après plusieurs réformes constitutionnelles acceptées sinon encouragées par les souverains. Au libéralisme s’ajoutaient les velléités d’unification de l’Italie, que l’on comprenne par là l’ensemble de la péninsule ou seulement sa moitié nord. En 1848, un certain Giuseppe Mazzini avait pris le pouvoir à Gênes et imposé le suffrage universel, relançant le projet d’une Ligue italique qu’il voyait comme une fédération sur le modèles des Etats-Unis. A l’inverse, Naples, Rome et Florence étaient d’irréductibles bastions réactionnaires. Enfin, dans le duché de Parme, si Marie-Thérèse avait su se rendre populaire, elle n’avait jamais eu d’enfants, ce qui laissait ouverte la question de sa succession. Si l’idée retenue était que les puissances choisiraient un nouveau souverain, des voix s’élevaient pour demander le rattachement pur et simple au royaume d’Italie.
En février 1857, une insurrection contre le pouvoir Bourbon à Palerme secoua l’ensemble de la péninsule. Cette révolte avait pour objet bien plus l’autonomie de l’île que le libéralisme, fut néanmoins vue comme le signal de a révolution par les opinions et sociétés secrètes libérales, qui s’attaquèrent aux pouvoirs royaux à Naples, le même mois, puis à Florence et Rome en mars. A Parme, le Corps législatif vote à une écrasante majorité le rattachement à l’Italie après la mort de la princesse. Intervenant en pleine séance, Marie-Thérèse considère longuement, dans un silence pesant, la proposition de loi qu’on lui demande de ratifier ; sans dire un mot ou exprimer une émotion, elle signe finalement le document, provoquant des acclamations qui se propagent dans toute la ville. L’événement est représenté sur le célèbre tableau de Jean-Léon Gérôme, Marie-Thèrèse signe la loi de succession.
A Florence, le roi Charles Ier d’Etrurie avait accepté, contraint et forcé, la ratification d’une constitution libérale, mais demandait secrètement de l’aide à Vienne. A Rome, face aux émeutes, Pie IX avait accepté un cessez-le-feu mais, après qu’on lui ait présenté un projet de constitution réduisant considérablement son pouvoir temporel, avait refusé toute signature et avait quitté Rome, faisant débarquer un corps expéditionnaire autrichien dans l’est de ses Etats.
Le 5 avril, le double-jeu du roi d’Etrurie est découvert et celui-ci est chassé de sa capitale et se réfugie auprès de troupes fidèles. Le trône est proclamé vacant, et l’on songe à l’offrir au roi d’Italie. Le 11 du même mois, Milan reçoit un ultimatum de la part de Vienne, lui enjoignant de refuser à la fois l’annexion de Parme et le trône d’Etrurie. Refusant toute ingérence autrichienne dans les affaires péninsulaires, le gouvernement italien adresse un refus catégorique. La France avait préalablement assuré l’Italie que toute agression contre elle entraînerait l’intervention de la Grande Armée. La guerre a commencé.
Si les Etats d’Allemagne du Sud, malgré leur sympathie française, n’entrent pas en guerre, affirmant ainsi leur indépendance de Paris comme de Vienne, le pouvoir français, dirigé par les conservateurs du Parti National, est confiant. Malgré les voix, dont celle de l’ancienne régente, qui prônent une guerre limitée pour ne pas mettre en danger la stabilité de l’ordre européen, l’Empereur et l’état major tranchent en faveur d’une campagne qui doit mener l’armée française jusqu’à Vienne. L’armée autrichienne, humiliée en 1828, reste vue comme une force obsolète qui sera rapidement balayée.
Pourtant, dès les premières semaines, les difficultés logistiques retardent le déploiement des 300 000 Français qui doivent renforcer l’armée italienne, à qui une première défaite est infligée sur le Mincio, avant que les Autrichiens ne soient forcés d’effectuer un retrait tactique devant le renforcement de leurs adversaires. En Etrurie, les troupes italo-parmesanes écrasent les fidèles de Charles Ier ; en Italie centrale, l’armée austro-pontificale doit se replier vers les Deux-Siciles, entrées en guerre aux côtés de Vienne après que Ferdinand II ait réprimé l’opposition libérale.
Une fois les Autrichiens chassés du territoire italien, l’offensive décisive sur Vienne peut être lancée. L’idée est, après s’être emparé de Laibach, de marcher sur la capitale impériale via la Carinthie. Mais la campagne, fondée sur des prévisions trop optimistes et sur des cartes erronées ne prenant pas assez en compte le terrain montagneux, tourne rapidement au désastre. Tournées et coupées de leurs lignes d’approvisionnement, les troupes franco-italiennes sont écrasées dans les alentours de Graz. Restée comme l’une des plus humiliantes défaites de l’histoire militaire française, la bataille voit les Autrichiens faire plusieurs dizaines de milliers de prisonniers ; le reste de l’armée d’invasion retraite à travers le piémont alpin dans une désorganisation totale. Cet épisode est relaté avec brio par Gustave Flaubert dans la dernière partie de son roman L’Education sentimentale, dans laquelle Frédéric Moreau, secrétaire d’un général alcoolique, constate le fossé entre le mythe napoléonien omniprésent et les réalités d’une armée française qui court au désastre.
Des soldats français tentent de tenir un pont pendant la débâcle
Alors que Milan se prépare à une invasion, à Paris, la consternation le dispute à l’agitation populaire. Dans une missive à l’Empereur, le nouveau commandant en chef des forces françaises écrit : « la présence ou l’absence de votre Majesté à la tête de l’armée relevait jusqu’ici du choix politique, je crains qu’elle ne soit aujourd’hui une impérieuse nécessité si nous souhaitons redresser la situation.
L’arrivée de l’Empereur et de son frère Maximilien à la tête de renforts permet de sauver Milan d’une prise par les Autrichiens et de rééquilibrer pour un temps les forces en présence. Charles-Louis de Hollande, à la tête d’un corps expéditionnaire, se rend également sur le front. Plus au sud, Naples est occupée, mais la guérilla que mènent les partisans des Bourbons et la brutalité des occupants se renforcent mutuellement jusqu’à aboutir à des épisodes particulièrement sanglants. Le 17 juillet, la population napolitaine se soulève et est écrasée avec violence. Cette période, et le souvenir des « démons jacobins » marquera profondément l’opinion du sud de la péninsule, faisant obstacle à toute idée d’unité italienne.
Le roi de Hollande en uniforme, pendant la campagne
Après plusieurs batailles indécises et des propositions de médiation de plus en plus puissantes des autres puissances, France et Autriche s’accordent sur la tenue d’un congrès européen. La Grande armée avait sauvé l’honneur, mais elle avait connu un indéniable échec. Napoléon III était plus impopulaire que jamais.
Ouvert à Madrid, le congrès aboutit à des modifications mineures dans la péninsule. L'Autriche se contentait, comme gains territoriaux, d'une rectification de la frontière vénitienne servant surtout des buts militaires, mais elle ressortait auréolée du prestige d'avoir vaincu seule la Grande Armée. En compensation de ces pertes, l'Italie obtenait le rattachement de Parme après la mort de Marie-Thérèse et la présidence d'une Ligue italique enfin réalisée, mais limitée au nord de la péninsule. Charles Ier remontait sur le trône d'Etrurie mais devait accepter une constitution libérale et l'amnistie de ses opposants, objet de longues et épuisantes négociations annexes.
A Gênes, les conservateurs chassèrent les mazziniens dans les semaines qui suivirent. A Naples, la réaction, appuyée sur une opinion populaire traumatisée par l'occupation, était plus forte que jamais. La seule concession que dut accepter Ferdinand était le renoncement à un Etat unitaire entre Naples et la Sicile.
Dernière édition par DemetriosPoliorcète le Sam 14 Jan - 12:02, édité 1 fois
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Re: Tout commence à Presbourg : une autre Europe napoléonienne
Napoléon Ier
Napoléon François Charles Joseph Bonaparte (1811-1836), Prince de Constantinople puis Empereur
Marie-Thérèse Laëtitia (1814-1879), princesse de Parme
Caroline-Marie Louise Bonaparte (1816-1885), reine consort de Suède
Napoléon II
Epouse : Frédérique Sophie Dorothée Wilhelmine de Bavière
Enfants :
Marie-Victoire Caroline Louise (1830-1911), reine de Saxe
Laëtitia Wilhelmine Sophie (1830-1862)
Napoléon Charles Maximilien (1832-1868), Prince de Constantinople puis Empereur
Maximilien Louis Napoléon (1834-1919)
Napoléon III
Epouse : Louise de Prusse
Enfants légitimes : Marie-Sophie Louise Frédérique Laëtitia
Enfants illégitime :
Constantin Bonaparte, orientaliste et diplomate
Philippine Bonaparte
Pierre-Charles Bonaparte
Marie Bonaparte
Lucie Bonaparte
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Re: Tout commence à Presbourg : une autre Europe napoléonienne
« Par la présente déclaration, la municipalité provisoire déclare la ville de New York ville libre, hors de la guerre injuste et vide de sens menée par les Etats-Unis d’Amérique »
Proclamation de la municipalité insurrectionnelle de New York, 1863
Les Etats-Unis étaient au milieu du XIXe siècle une vaste terre d’opportunités…et de violentes controverses politiques. L’idéal fondateur de cette nation de pionniers était en effet questionné et mis à mal par de profonds questionnements, autour de deux enjeux centraux : l’arrivée de nouvelles populations, souvent catholiques, poussées par la transition démographique européenne et la grande famine irlandaise de 1846, et la question de l’ « institution particulière », l’esclavage, qu’avait très imparfaitement réglé le compromis du Missouri de 1819. La frontière sud du Missouri devait servir de limite pour les Etats, forcément libres au nord, ayant le choix de pratiquer ou non l’esclavage au sud.
Refusé par les abolitionnistes et jugé contraire aux droits des Etats par les esclavagistes, le compromis restait le seul moyen d’apaiser les tensions liées à cette question, mais la conquête de nouveaux territoires aux dépends de l’Espagne et du Mexique avait entrainé des remises en cause et obligé le pouvoir fédéral à maintenir un équilibre toujours plus délicat. L’expansion vers le sud avait ouvert à l’économie esclavagiste des colons de nouveaux territoires, et la perspective d’un nombre d’Etats esclavagistes plus important que celui des Etats libres inquiétait, et risquait de mener à la sécession du nord puritain, refusant de se mêler à une nation de pêcheurs. Des compromis devaient sans cesse être trouvés.
Ainsi, le territoire de l’Utah, au nord de la frontière du Missouri, fut logiquement déclaré libre, de même que le futur Etat du Kansas, malgré les protestations de certains colons. Les Etats de Basse et de Haute Californie, au sud de cette limite, se proclamèrent Etats libres, ce qui permit le maintien d’un certain équilibre. Les Etats de Tamaulipas et du Nouveau Léon se prononcèrent quant à eux en faveur de l’esclavage, tandis que les territoires non-encore organisés en Etats devaient décider de leur positionnement plus tard, bien que l’ « institution particulière » y soit de fait déjà pratiquée.
La décision de la cour suprême, en 1858, de déclarer nul le compromis de 1819 en vertu du respect du droit de propriété et du droit des Etats fit éclater cet équilibre bancal et ouvrit la voie à un conflit armé que l’on jugeait de plus en plus plausible. La question était de savoir qui, des sécessionistes du nord ou de ceux du sud, allait mettre les premiers en danger l’intégrité de l’Union.
Aux élections de 1860, l’élection inattendue d’Abraham Lincoln, du jeune Parti républicain, trancha la question en entraînant la sécession de la Caroline du sud, de l’Alabama, du Mississipi, de la Floride, de la Georgie, de la Louisiane, du Tamaulipas, du Nouveau-Léon et du Texas, bientôt rassemblés dans les Etats Confédérés d’Amérique, qui se voulaient une version des Etats-Unis plus conforme à l’idéal des pères fondateurs. La guerre était dès lors inévitable.
Drapeau adopté par la Confédération à l'issue de la guerre
A la puissance industrielle et démographique du nord répondit la meilleure formation des officiers du sud, vainqueurs de la plupart des affrontements en rase campagne, sans pour autant avoir les forces nécessaires pour s’emparer de Washington. Le basculement décisif n’allait pas se trouver sur les champs de bataille mais dans les villes du nord : après de nouvelles défaites en 1863, la conscription fut renforcée, entraînant un mécontentement grandissant qui aboutit sur des émeutes. A New York, les anti-guerres, comptant dans leurs rangs de nombreux membres de la pègre locale, qu’elle soit « native » ou irlandaise, s’emparèrent de tous les lieux de pouvoir face à une police débordée, alors que, dans l’urgence des combats, l’ensemble des forces armées se trouvait sur le front. De jeunes conscrits originaires du Massachussetts, seule force disponible pour écraser la révolte, sympathisa avec les émeutiers, contribuant à former une nouvelle municipalité qui proclama New York « ville libre » et appela les autres villes le la Côte Est à suivre le même chemin. Il fallut plusieurs jours de bombardement par la flotte et l’arrivée de troupes aguerries revenues du front pour venir à bout de cette sédition, d’autres villes ayant manqué de peu de suivre le même chemin.
Destruction de bâtiments publics au début des émeutes new-yorkaises
Décrédibilisé par cette « guerre civile dans la guerre civile », l’administration Lincoln fut sévèrement battue aux élections de 1864. L’année suivante, l’indépendance des Etats du sud était reconnue, la Confédération récupérant la gestion des territoires de l’Arizona, du Nouveau Mexique et des Territoires du sud ouest (Chihuahua et Coahuila). L’esclavage avait triomphé et s’était même étendu vers l’ouest. Le nouvel Etat fut reconnu par les Etats-Unis et la France, la Russie suivant peu après.
Au Nord, la consternation était palpable partout. La recherche de boucs émissaires conduisit à une réaffirmation de l’idée d’une Amérique blanche, anglo-saxonne et exclusivement protestante, les Irlandais, les Français et les autres catholiques étant considérés comme les responsables de la défaite, quand bien même les émeutes anti-guerre aient été en réalité menées aussi bien par des immigrés que par des natives, et de nombreux Irlandais s’étant battus avec courage et patriotisme dans les armées de l’Union.
Stand (Degataga) Watie, général de la Confédération puis premier président des Nations fédérées d'Amérique
Des bénéficiaires inattendus du conflit étaient sans doute les Amérindiens des « quatre tribus civilisées » de l’Oklahoma, qui profitèrent de leur situation d’Etat-tampon pour se faire reconnaitre la pleine indépendance, obtenant même une extension de leur territoire vers l’ouest. Stand Watie, général dans l’armée confédérée, devint le premier Président des Nations fédérées d’Amérique.
Au sud, la guerre avait conduit à la naissance d’une nouvelle identité nationale, fortement liée au sol et à l’idée d’une différence culturelle fondamentale avec le nord. Les premières années, marquées par l’optimisme et le développement de l’industrialisation dans plusieurs Etats (industrialisation intégrant l’esclavage), mais, rapidement, les tensions liées aux populations d’esclaves, qui réalisaient qu’elles avaient manqué de peu l’occasion de se libérer, allaient faire basculer le nouveau pays dans la peur. Les années 1870 seraient la « décennie abominable ».
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Re: Tout commence à Presbourg : une autre Europe napoléonienne
Hâte de lire le chapitre sur cette décennie abominable
_________________
1940 : Mandel continue la guerre depuis l'exil.
https://forumuchronies.frenchboard.com/t751-la-france-exilee-tome-1-1940-la-roue-du-destin
https://forumuchronies.frenchboard.com/t826-la-france-exilee-tome-2-1942-la-roue-tourne
https://forumuchronies.frenchboard.com/t968-la-france-exilee-tome-3-1944-la-fin-d-un-cycle
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Re: Tout commence à Presbourg : une autre Europe napoléonienne
LFC/Emile Ollivier a écrit:Si je ne me trompe pas, dans Victoria mod Franchill, les Mormons déclarent leur indépendance si le Nord perd la guerre.
Hâte de lire le chapitre sur cette décennie abominable
Merci pour la piste!
C'est en cours Les suites de la guerre vont avoir des effets au niveau mondial.
DemetriosPoliorcète- Messages : 1481
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Re: Tout commence à Presbourg : une autre Europe napoléonienne
« Mais il s’avère que ce n’est pas mon nom »
Maximilien Bonaparte répondant à des dignitaires lui proposant de prendre le titre de Napoléon IV
Tableau qui représenterait le prince Maximilien, en uniforme de cuirassier, blessé en Italie. L'artiste a en tout cas volontairement choisi un uniforme anachronique pour relier la scène à l'époque de Napoléon Ier [1]
Après la défaite de Graz, puis les résultats du congrès de Madrid au cours duquel la France avait avoué son échec, Paris avait été au bord de l’insurrection générale. Des barricades avaient été érigées et des coups de feu échangés à plusieurs endroits, et il avait fallu combiner une répression rapide et des efforts de médiation pour empêcher la ville de s’embraser et le pays de tomber dans une totale incertitude.
Malgré une certaine accalmie, il était redevenu courant de penser que Napoléon III serait le dernier souverain français. La défaite de 1857, combinée à ses incessants revirements dans ses liens avec le Corps législatifs, l’avaient rendu extrêmement impopulaire. Son divorce avec Louise de Prusse, en 1859, avait achevé de donner de lui l’image d’un souverain irresponsable, doublé d’un mari sorti d’une comédie de boulevard.
Napoléon III fit alors la meilleure chose qu’il pouvait faire dans l’intérêt de la monarchie et de l’Etat : il abdiqua et quitta le territoire de l’Empire. L’élément déclencheur fût sa volonté d’épouser une comtesse danoise divorcée de six ans son ainée, mais l’étude de sa correspondance personnelle a montré, bien plus tard, que la conscience de son impopularité avait joué dans sa décision.
Le 2 décembre 1861, son frère Maximilien était proclamé Empereur des Français sous le nom de règne de Maximilien Ier. Esprit anticonformiste, Maximilien était tout aussi scandaleux que son frère sous certain aspects, notamment de par son anticléricalisme qui s’affirmera de plus en plus avec le temps, mais il avait l’avantage d’être plus discret sur sa vie privée que son frère ainé. Il avait su se rendre particulièrement populaire par sa participation à la guerre d’Italie, pour laquelle il avait pris congé d’un poste diplomatique à Damas et où il avait été légèrement blessé à l’épaule.
Passionné d’orientalisme et de voyages, s’étant destiné très tôt à une vie de représentation diplomatique, Maximilien s’avéra rapidement un souverain énergique. Parmi les premières décisions de son règne, on peut citer, dans la continuité des projets de son frère, la mise en œuvre de grands travaux dans Paris (devant la nécessité évidente, entre autre, de rendre plus difficiles les émeutes). Bien que logiquement opposé aux révolutionnaires, il avait semble-t-il quelques sympathies socialistes qui le conduisirent à appuyer la légalisation des organisations syndicales et du droit de grève, laissant également des réunions de l’internationale ouvrière se tenir à Paris [2], dans le but d’obtenir des interlocuteurs clairs entre le pouvoir et la classe ouvrière.
A l’international, conscient qu’un conflit risquait d’éclater avec la Russie, il intervint pour s’assurer du soutien de la Grèce en transférant à Athènes l’administration de la Thrace et de l’Ionie, tout en y maintenant des garnisons. L’Assemblée grecque vota, à cette occasion, un texte qui autorisait les princes impériaux français à continuer à porter le titre de Princes de Constantinople, en témoignage des liens unissant les deux pays.
Maximilien avait également l’avantage d’avoir déjà un fils héritier au moment de son avènement, Léopold-Napoléon, deuxième enfant de son mariage avec Cécile de Bade, qu’il avait épousé au printemps 1858. Le couple aura en tout six enfants : Clothilde, Léopold-Napoléon, Wilhelmine, Alexandrine, Louis-Maximilien et Sophie Théodelane (on sent dans plusieurs d’entre eux la mode pour le Haut Moyen Âge en pleine effervescence dans les années 1860 et 1870).
Cécile de Bade, Impératrice des Français
Maximilien fut également le premier souverain français à se rendre dans les colonies. Après une tournée aux Antilles en 1866, il se rendit dans l’océan indien et à Bornéo en 1882. Sa passion pour les cultures extra-européenne l’encouragea à développer le corps des Mamelouks (un accord datant de Napoléon II autorisait la France à en recruter un certain nombre dans l’Empire ottoman, mais ils furent ensuite surtout recrutés en Afrique du Nord) et à intégrer une Légion africaine, recrutée dans les comptoirs français au Sénégal, à la garde.
[1] A ce stade, les personnages qui ne sont pas nés OTL deviennent de plus en plus nombreux, donc difficile d'illustrer...
[2] OTL, Napoléon III avait encouragé dans un premier temps la constitution de l’AIT.
DemetriosPoliorcète- Messages : 1481
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Re: Tout commence à Presbourg : une autre Europe napoléonienne
PauL62- Messages : 465
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Re: Tout commence à Presbourg : une autre Europe napoléonienne
La différence est que tu développes l'univers résultant de ce traité alternatif de Presbourg (là où Jour J en fait juste un prétexte pour son histoire, quelque chose que j'ai tendance à leur reprocher parce que leurs récits d'uchronie ont tendance à tomber dans une espèce de surenchère et à plaquer des conceptions très contemporaines sur les époques explorées).
Voir ces tendances explorées est très intéressant, d'autant plus qu'elles explorent parfois des tropes d'uchronie désormais bien connus/clichés sous un autre angle et de façon qui paraît plausible dans la présentation du contexte (par exemple, la confédération américaine qui survit).
J'ignore jusqu'où tu pourras explorer cette réalité alternative (notamment pour les figures historiques alternatives), mais c'est très plaisant à lire et présente une situation à la fois bien distincte et pourtant assez similaire à celle historique du fait de certaines tendances.
Yodarc- Messages : 424
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Re: Tout commence à Presbourg : une autre Europe napoléonienne
En effet Yodarc, j'ai lu Vive l'Empereur de la série Jour J, ça m'a probablement influencé sur certains points. Mais oui, si j'ai apprécié l'esthétique et certaines idées de l'album, j'ai trouvé son univers beaucoup trop simpliste et flou sur certains points.
Ce récit regroupe pas mal de réflexions et d'idées qui étaient présentes dans certaines de mes uchronies précédentes ou de discussions qui ont eu lieu sur le forum (au sujet des Etats Confédérés notamment).
Mais je vais moins loin dans les divergences que dans "L'héritage de Lazare Hoche" par exemple. Avec plus de recherche de plausibilité, les grandes tendances de l'histoire européenne restent les mêmes : concert européen qui limite sans empêcher complètement les conflits, progression lente des idées libérales et nationales, questions irrésolues de Pologne et d'Italie (la question de l'unité allemande ne se pose pas dans les mêmes termes, en l'absence d'Iéna et de domination napoléonienne sur l'Allemagne).
Je pense poursuivre ce topic jusqu'à la fin du XIXe siècle, je continuerai peut être ensuite à développer l'univers sous d'autres formes.
DemetriosPoliorcète- Messages : 1481
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Re: Tout commence à Presbourg : une autre Europe napoléonienne
« Tant qu’un homme sera asservi par un autre
Tant qu’un homme souhaitera en asservir un autre
Tant que les habitants de la Confédération n’auront pas payé pour leurs péchés
Je me battrai
Je jure d’être le bras armé de la Justice divine
Et peu m’importe si je dois y perdre la vie »
Serment prêté par les membres des Fils de Spartacus
La frustration de la défaite face à un ennemi inférieur en nombre et en matériel, couplé aux difficultés du retour à la vie civile avaient convaincu nombre de vétérans nordistes que la guerre devait être continuée par d’autres moyens. Nombre de sociétés secrètes se formèrent dès les lendemains de la guerre. Parmi elles, la plus célèbre était celle des « Fils de Spartacus », soudée autour de l’idée de la libération des esclaves, et rapidement d’une fervente religiosité protestante. Masqués, ses adeptes se rassemblaient dans des rituels teintés de mysticisme. Mais le but restait l’action concrète : tout au long de la nouvelle frontière, et en particulier dans les territoires encore peu organisés de l’ouest, la société acquit un certain nombre de propriétés qui furent autant de bases pour des chevauchées dans le sud.
D’abord pensés dans un but de sauvetage des esclaves, les raids en territoire confédéré se transformèrent rapidement en expéditions armées visant à punir ceux que la société voyait comme des pécheurs, attaquant non seulement les plantations mais également les bourgs, et exécutant tout prisonnier convaincu d’être un vétéran confédéré. D’authentiques bandits, bien peu intéressés par le sort des esclaves, ne tardèrent pas à utiliser ce prétexte pour couvrir leurs actions. Dès la fin de la décennie 1860, un psychose s’empara du sud ; ça n’allait pas aller en s’arrangeant.
Fin 1868, plusieurs plantations d’Alabama se révoltèrent avec le soutien d’abolitionnistes du nord qui avaient réussi à armer les esclaves. Se répandant à travers l’Etat, la « grande révolte » impliqua à divers titres autour de 30 000 esclaves, même si seulement une portion réduite d’entre eux furent réellement combattants, les autres n’ayant d’autre choix que de suivre le mouvement. Après avoir éliminé plusieurs détachements de milices et de garnisons locales, la colonne des révoltés chercha à traverser le Tennessee voisin pour ensuite gagner l’Union, mais, manquant d’organisation et de chefs, la révolte finit écrasée militairement, et s’acheva sur un massacre d’une violence extrême, n’épargnant pas femmes et enfants. Dans le même temps les échos de la révolte avaient provoqué d’autres tentatives de soulèvement ou assassinats de maitres dans toute la Confédération. L’idée d’être passés tout près d’une libération collective était fortement enracinée parmi les populations d’esclaves, et il devenait clair que les relations entre esclaves et libres, entre noirs et blancs ne pouvaient redevenir les mêmes qu’avant la guerre. Outre les révoltes, le nombre de fuites bien plus élevé qu’en 1860 en témoignait.
S’ajoutait un autre problème : si certains Etats étaient toujours dominés par « King Cotton », la monoculture cotonnière écrasant toute autre activité, dans d’autres se mettait en place un début d’industrialisation. Ce processus intégrait, dans la lignée des dernières années de l’antebellum, l’usage des esclaves, mais cet état de fait mécontentait les travailleurs blancs pauvres, exclus des possibilités d’emploi offertes par les usines. A Richmond en avril 1869, une manifestations réclamant des quotas de travailleurs libres dans l’industrie fut violemment réprimée par la garde nationale ; six manifestants venus avec leurs uniformes de vétérans de la guerre furent abattus, provoquant un immense scandale et la naissance d’un mouvement syndical de plus en plus puissant. La très moderne lutte des classes se superposait, sans l’atténuer en rien, à l’antique lutte entre maitres et esclaves…
La période dite de la « décennie abominable », généralement bornée de 1868 à 1878, fut donc marquée par un état de défiance généralisée dans la société confédérée, et la peur des révoltes d’esclaves et des actions des Fils de Spartacus. La conscience que la société esclavagiste ne pouvait pas se perpétuer sans bains de sang réguliers de part et d’autre progressait dans la société, entraînant une décrue du nombre d’esclaves, d’abord sous forme de libérations individuelles ou de rachats de liberté, motivés par la peur des révoltes, puis du fait de législation des différents Etats finalement convaincus par la nécessité d’une abolition graduelle, avec la proclamation de la liberté des ventres notamment. Mais il était hors de question pour la majeure partie de l’opinion des Etats confédérés que les esclaves une fois libres restent sur place ; il en découla des déplacements parfois forcés vers le nord, malgré les législations hostiles aux noirs libres qu’avaient pris plusieurs Etats nordistes. Devant la multiplication des esclaves libérés, l’idée germa vite de les déplacer vers l’Afrique, reprenant les vieux projets du début du siècle qui avaient donné naissance au Libéria.
Dès le milieu de la décennie 1870, plusieurs milliers d’esclaves libérés rejoignirent le Libéria, renforçant ainsi la population afro-américaine qui dominait le pays, et entrainant l’extension de celui-ci vers l’ouest. D’autres furent déplacés à Cuba ou vers le Mexique, qui avait depuis longtemps aboli l’esclavage. Mais ces solutions s’avérant insuffisantes, l’idée germa de coloniser un nouveau territoire africain, et des « philanthropes » originaires du Nord comme du Sud recréèrent l’American Colonisation Society, dans le but de trouver une nouvelle terre où déplacer les anciens esclaves, auxquels pourraient éventuellement s’ajouter les populations blanches catholiques. Les premières installations eurent lieu en 1877 à proximité de Douala, dans ce qui s’appellera bientôt l’Afrique Centrale Américaine [1].
En 1878, après une nouvelle série de révoltes, l’ensemble des Etats du sud se décidèrent à adopter un texte confédéral qui généralisait la liberté des ventres, interdisait un certain nombre de traitements violents (ou, tout du moins, en retirait l’usage aux maitres pour le donner aux seules autorités), créait un statut de « sujet » pour les Noirs libres et prenait un certain nombre de mesures pour encourager l’émigration vers le Nord ou directement vers l’Afrique, selon le principe qui allait s’imposer de « la liberté signifie le départ ».
La sécession des Etats esclavagistes n’avait finalement pas empêché la destruction des structures sociales du sud et du mode de vie traditionnel du sud, qui avaient justifié la guerre. Les derniers esclaves seraient libérés dans la décennie suivante ; l’Amérique esclavagiste avait vécu. Mais, pour les populations noires, la liberté ne signifiait en rien l’égalité, ni dans le sud, où le statut de sujet interdisait tout droit politique ou social, ni dans le nord, où les législations empêchant l’installation ou l’embauche des noirs libres. Le départ était souvent un choix qui apparaissait raisonnable, d’autant qu’il était parfois fait sous la contrainte ou la menace. Les historiens décrivent aujourd’hui le peuplement du Libéria et de l’Afrique centrale, encouragé par le Nord comme le Sud, comme « une déportation massive qui ne disait pas son nom ».
En 1900, ce qui était le sud des Etats-Unis aura complètement changé : la fin de l’esclavage et le départ massif des Noirs aura entraîné l’arrivée, pour les remplacer dans les plantations, de travailleurs québécois et irlandais, puis de coolies chinois et indiens, donnant naissance à une société métissée difficilement imaginable un demi-siècle plus tôt.
Dans une pièce de théâtre de 1902, un personnage de vétéran éborgné et unijambiste déclare, quand on lui demande ce qu’il reste de ce pourquoi il s’est battu : « rien, tout a té emporté par le vent » ; puis, se ravisant, il montre la maison d’un riche planteur : « en fait si. Eux, ils sont restés ».
[1] le Cameroun d’OTL.
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Re: Tout commence à Presbourg : une autre Europe napoléonienne
Doit-on s'attendre à voir les états fédérés se transformer en "envoyé de Dieu", qui remplacerait le concept de "Destinée manifeste"?soudée autour de l’idée de la libération des esclaves, et rapidement d’une fervente religiosité protestante.
Donc pas moins de "problème d'immigration".la fin de l’esclavage et le départ massif des Noirs aura entraîné l’arrivée, pour les remplacer dans les plantations, de travailleurs québécois et irlandais, puis de coolies chinois et indiens, donnant naissance à une société métissée difficilement imaginable un demi-siècle plus tôt.
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« Ce n’est que devant l’épreuve, la vraie, celle qui met en jeu l’existence même, que les hommes cessent de se mentir et révèlent vraiment ce qu’ils sont. »
Alexandre Lang.
Au Bord de l'Abîme et au-delà
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Re: Tout commence à Presbourg : une autre Europe napoléonienne
Doit-on s'attendre à voir les états fédérés se transformer en "envoyé de Dieu", qui remplacerait le concept de "Destinée manifeste"
Le paysage politique américain va en tout cas être très différent...et beaucoup moins libéral.
Donc pas moins de "problème d'immigration".
Oui, et une société qui va beaucoup ressembler à celles de l'Amérique latine : populations métissées et diverses, politique dominée par une élite agraire, économie extravertie. Le tout sera propice à l'apparition de mouvements populistes puissants un peu plus tard.
DemetriosPoliorcète- Messages : 1481
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Re: Tout commence à Presbourg : une autre Europe napoléonienne
"Allez, faites ! faites des routes, faites des ports, faites des villes ; croissez, cultivez, colonisez, multipliez ; et que, sur cette terre, de plus en plus dégagée des prêtres et des princes, l'esprit divin s'affirme par la paix et l'esprit humain par la liberté !"
Victor Hugo, Discours sur la colonisation, 1878
Le 13 novembre 1866, une expédition française s’emparait de la capitale coréenne, forçant le royaume de Joseon à signer un traité de commerce et d’amitié particulièrement contraignant, marquant la fin de la période du « royaume ermite », tout en provoquant un choc dans le Japon voisin, où le Shogunat Tokugawa accélère les réformes.
La pénétration française sur un terrain aussi lointain que la péninsule coréenne, justifiée par le meurtre de mercenaires, apparaît comme le point d’orgue du regain expansionniste des puissances occidentales commencé par les explorations et les achats de Napoléon II. Alors que l’île de Bornéo est développée et urbanisée avec l’arrivée, dans un premier temps, de Malais, puis de travailleurs indiens et chinois, la France progresse dans le même temps en Afrique de l’ouest par des expéditions fluviales et terrestres vers l’intérieur des terres ; si l’expansion de la zone sous contrôle directe est, dans un premier temps, lente, les liens diplomatiques établis loin à l’est dans ce que l’on appelle le Soudan occidental serviront de base pour l’expansion ultérieure. Comme toutes les colonies européennes en Afrique, le Sénégal français put profiter de l’arrivée de milliers d’esclaves libérés des Etats Confédérés, pouvant tenir le rôle de négociants et d’administrateurs dans les régions où les Européens rechignaient à se rendre, et formant l’embryon d’une classe de planteurs.
La puissance européenne qui possède en théorie les territoires les plus vastes en Afrique demeure le Portugal : pour limiter l’expansion française, Londres a vivement encouragé son allié à faire valoir ses revendications sur l’embouchure du Congo dès la décennie 1820, avec la création des villes de Porto Joao et Porto Pedro [1]. Si les cartes montraient d’immenses territoires portugais, la puissance qui pénétrait économiquement ces nouveaux territoires était en réalité le Royaume-Uni. Le Portugal poursuivait par ailleurs son expansion à partir de ses colonies plus anciennes de l’Angola et du Mozambique, destinées à se rejoindre pour former un territoire continu de l’Atlantique à l’océan indien.
Mais le souverain le plus actif dans le domaine colonial était sans conteste Charles-Louis Ier de Hollande, pour qui réaffirmer la vocation maritime et coloniale de son pays, partie intégrante de son projet d’affirmation nationale. Après s’être rapproché de l’Angleterre, contrebalançant l’influence française, il put, dès 1851, commencer à achever la conquête de Ceylan. Les territoires néerlandais de l’île avaient été rendus par la Grande-Bretagne en 1815, mais le statut du reste de l’île, où le royaume de Kandy était devenu entre temps un protectorat britannique. Le traité signé en 1851 entre Londres et Amsterdam reconnaissait le transfert de la souveraineté sur toute l’île à la Hollande, conquise dans les deux années suivantes. A Madagascar, les progrès du protestantisme parmi la population et les élites du royaume Mérina ouvrit la voie à une influence hollandaise toujours plus forte sur le pays, prélude à un futur protectorat.
En 1862, Charles-Louis entrait en négociation avec le royaume d’Espagne, extrêmement endetté, et proposait à Madrid l’achat de l’île de Cuba. Après le refus des autorités espagnoles, l’intérêt se déplaça sur les Philippines, territoire espagnol proche des Indes néerlandaises, finalement transféré l’année suivante et transformé en royaume sous protectorat hollandais. Enfin, un traité avec le sultanat de Zanzibar permit l’implantation hollandaise en Afrique orientale. Les interventions diplomatiques hollandaises permettront en outre au Transvaal, peuplé de colons néerlandophones, d’obtenir des frontières viables lui permettant de conserver son indépendance vis-à-vis de l’Empire britannique.
Plusieurs puissances extra-européennes s’affirment néanmoins comme des interlocuteurs diplomatique à part entière par les Occidentaux. Le Japon, ouvert graduellement à l’influence occidentale, puis entré dans un processus de modernisation accélérée à partir de la deuxième moitié de la décennie 1860, échappe à tout protectorat et peut lui-même envisager une future politique expansionniste, d’abord en direction du royaume de Ryukyu. La Chine, trop importante démographiquement et territorialement, demeure une puissance indépendante, mais subit néanmoins des humiliations à répétitions avec sa défaite face aux Britanniques lors des deux guerres de l’opium. La France, qui reste fidèle à la stratégie esquissée sous Napoléon II d’entretenir des rapports amicaux avec les puissances directement menacées par l’expansion britannique afin de modérer celle-ci, ne s’engage pas dans ces conflits et mène, à partir de Maximilien Ier, une politique de rapprochement avec celle-ci, renonçant notamment à établir un protectorat sur l’Annam et le Tonkin, et se contentant de la Cochinchine.
Le Shogun Tokugawa Yoshinobu en uniforme militaire français. Au cours des années suivantes, l'installation du protectorat français en Corée entraîne une nette dégradation des relations entre France et Japon. Yoshinobu se tourne alors davantage vers les Britanniques
Les Etats du Nord de l’Inde, au premier rang desquels la Confédération marâthe, conservaient une indépendance formelle, malgré les pertes de territoires face à l’EIC et une pénétration économique britannique croissante. Une série de peishwas énergiques à partir de la décennie 1860 permettent même un certain redressement et une centralisation du pays.
Plus à l’ouest, l’Afghanistan s’effondrait en plusieurs Etats. Peshawar avait déjà était conquise par l’Etat sikh, tandis que l’Iran qâdjâr affirmait définitivement son contrôle sur Hérât, compensant les pertes subies face aux Russes en 1813 et 1828.
[1] Brazzaville et Kinshasa de notre monde
DemetriosPoliorcète- Messages : 1481
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Re: Tout commence à Presbourg : une autre Europe napoléonienne
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