Pour tout l’or de l’Oxus
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Pour tout l’or de l’Oxus
Pour tout l’or de l’Oxus
En essayant de reconstituer l’histoire,
on ne se fie généralement qu’à sa propre imagination.
O.M. Dalton, The treasure of the Oxus, London, 1926
on ne se fie généralement qu’à sa propre imagination.
O.M. Dalton, The treasure of the Oxus, London, 1926
L’histoire de l’humanité est une histoire de trace, celle que les os de nos ancêtres ont laissée dans la terre, celle qu’ils ont laissée dans nos écrits. Supprimez ces signes et il ne vous restera que du silence. Certains peuples n’ont jamais eu accès à l’écriture et d’autres ont disparu au fond du lit des rivières, lacs et désert qui apparurent après leur ère.
Il arrive parfois que ces traces remontent à la surface bien après que le souvenir des peuples qui les engendrèrent aient disparu. Ces signes posent souvent sur nous un regard que nous aurions préféré ignorer.
Mustapha ud-Din prit tout son temps pour viser et tira deux fois de suite, le cerveau transpercé par les projectiles les deux cosaques roulèrent au milieu des rocailles. Le troisième cavalier se coucha sur sa monture et tira sur les rênes avec un cri à glacer le sang. Le cheval bondit par-dessus l’oued asséché et repartit à toute vitesse là où il était venu.
- Allah Akbar !
Son cri de joie sauvage résonna dans l’air pur. Le Turkmène agita son fusil au-dessus de sa tête hurlant des insultes à l’égard du fuyard. « Regarde, ce porc de chrétien qui fuit comme si tous les djinns du désert étaient sur sa trace, Allah tu es grand, toi qui fait de mes ennemis des vaincus. »
Le deuxième homme se redressa plus prudemment. Il s’appuyait sur une carabine sans munition et serrait dans sa main un revolver Remington « mushroom cylinder » dont l’acier bleuit reflétait l’implacable soleil. Plus pâle que son compagnon, il lui répondit dans un arabe teinté de l’accent d’Oxford. L’Anglais s’appelait Francis Cecil Burton.
- Bravo, mais tu devrais prier pour de l’eau et pas invectiver les Chrétiens.
Il lui jeta sa gourde transpercée par une balle.
- Puisse ces chiens crever de cent mille morts ! On trouvera un puits, mon ami. Allah y pourvoira. Tu a vu comme je les ai tirés ? Une balle pour le premier, une deuxième et… deux hommes, tous les deux en plein front. Poursuivons le survivant et on pourra boire à sa gourde !
Burton ne releva pas la fanfaronnade, il essuya la poussière qui constellait sa vareuse en loque et ramassa un des fusils Krnka abandonné par l’assaillant. Il ne valait pas sa propre arme mais que pouvait-il y faire ? Il vida aussi les sacs de cartouche mais ne trouva rien à manger ou à boire. Les affaires des soldats devaient encore être sur leurs chevaux. Lesquels étaient repartis en compagnie du rescapé. Il tourna la tête vers l’horizon où la poussière soulevé par les sabots commençait seulement à retomber. « Il savait où aller, Mustapha. »
- Il y en a d’autres ?
- Trois c’est peu pour une patrouille.
Le Turkmène se rembrunit en comprenant qu’il venait de montrer une prudence qui jurait avec son agressivité. « Bah! Mon père a combattu les Russes toute sa vie et le Tsar est toujours là. Je n’aurais aucune honte à attendre un autre jour pour tuer tous ces infidèles. Surtout que nous n’avons plus qu’un fond de gourde pour deux. »
L’Anglais acquiesça, l’eau était un vrai problème dans cette région du monde. Il se savait encore capable de cheminer une demi-journée avec si peu de liquide. Le Turkmène plus sobre réussirait sans doute à tenir jusqu’à demain. Bien sûr leurs provisions dureraient plus longtemps en marchant de nuit. Seulement, les cosaques attendraient-ils autant de temps pour venir se venger ? Burton appela le bidon d’un geste de la main, et tandis que l’eau tiède glissait dans son gosier, il revit les événements qui l’avaient conduis ici.
Cinq ans plus tôt la deuxième guerre anglo-afghane tirait à sa fin, le capitaine F. C. Burton se trouvait alors dans son poste de police du Tezin. Une nuit calme et tranquille parmi tant d’autre se préparait quand Mustapha se présenta dans son camp, épuisé par des heures de courses dans les montagnes. Le Turkmène était l’un des serviteurs qui suivait les déplacements de trois marchands mahométans qui, partis de Kaboul, avaient l’intention de se rendre à Peshawar. Ces trois braves hommes exerçaient leurs activités entre Khiva, Samarkand et l’empire britannique des Indes. Ils venaient acheter de grandes quantités de thé et de soie que les dominions de Sa Majesté produisaient pour les revendre en Afghanistan ou dans le sud du territoire du Tsar. Comme Abderraham, le futur émir d’Afghanistan, rançonnait tous ceux qui s’approchaient trop de sa résidence de Kunduz, les marchands avaient cousus leurs objets précieux à l’intérieur de sacs de cuir qu’ils avaient chargés de babioles sans importance. En réalité, ils transportaient un trésor inestimable.
Au cours de leur voyage, les mahométans eurent la malheureuse idée de s’éloigner de leur caravane pour arriver plus rapidement à leur but. Ils furent attaqués. Des pillards s’emparèrent d’eux, de leurs serviteurs et de leurs biens. Ils quittèrent la route et les conduisirent par des sentiers de chèvres au travers du Tesinka Kothal jusque dans le Karkatcha. Dans les grottes où ils tenaient leurs repaires, les bandits purent enfin commencer à se partager le butin. Toutefois, en découvrant sa valeur réelle ils se disputèrent, permettant au brave Mustapha de rejoindre le camp britannique. Burton n’hésita pas un instant. Accompagné de deux soldats, il se rendit jusqu’au repaire des pillards et les surprit en pleine nuit alors que le partage avait tourné à la bataille rangée. Le capitaine était un homme impressionnant, polyglotte et connaisseur des coutumes de la région. Usant de menaces, de flatteries et de sourates du Coran, il réussit à faire libérer leurs prisonniers ainsi qu’une partie du butin. Mais les marchands avaient écouté les conversations des pillards et le prévinrent qu’ils méditaient de l’attirer dans un guet-apens. Le lendemain et après une nuit entière à se cacher, Burton réussit rejoindre son camp pour revenir avec tous ses hommes extorquer la totalité du butin sous la menace des fusils anglais. L’histoire aurait pu se terminer là mais les marchands reconnaissants laissèrent un certains nombres d’objets à Burton.
D’après eux, ils venaient d’une ville ancienne appelée Kabadian ou Kahndian. Des fouilles avaient permis de retrouver un grand nombre de pièce de monnaies anciennes et d’étranges vases zoomorphes en or. Ceux que Burton vendit lui permirent d’amasser un magot de 28 000 roupies, ce qui était une somme fantastique en 1880. Quelques mois plus tard, Mustapha, lassé de servir les marchands, revint pour lui proposer de financer une expédition pour Kabadian. L’Anglais et le l’ancien serviteur se comprirent admirablement. L’âge pesait sur les épaules de l’officier, trop pour qu’il puisse encore espérer sortir du rang. Bien que se traitant intérieurement de fou, Burton n’hésita pas à déserter pour rejoindre le Karirningan où les flots de l’Amou-Daria, l’antique Oxus, auraient englouti la cité.
Leur voyage avait été pénible. Lentement, ils avaient traversé l’Afghanistan et franchis la frontière sans se faire remarquer. Une chance… mais cela n’avait pas duré. A proximité de Lylal’ Mikar, ils avaient été attaqués. Des Tadjiks avaient volé leurs chameaux et leur argent, tout ce que Burton avait mis de côté de sa part du trésor. Plus déterminés encore à trouver la cité perdu, ils avaient continué leur route en longeant l’Amou-Daria. Malheureusement, les Cosaques du Tsar les avaient retrouvés et ils avaient dû s’engager dans les monts Hissars, une région brûlante le jour, glacée la nuit. Et c’est parmi cette fantaisie de pics déchiquetés que les féroces cavaliers du Don les poursuivirent des jours durant.
- Quelle folie, jura Burton.
Comme un phantasme, une hallucination mortelle, il voyait son corps dévoré par les charognards. La souffrance et le danger perçaient enfin sur la soif d’or qui l’avait conduit jusque dans cette région désolée.
- Quand le timon du char est cassé, nombreux son ceux qui vous disent par où il ne fallait pas passer », répondit le Turkmène. « Allah nous fera vainqueur s’il le souhaite mais il demande au fidèle de se battre en son nom jusqu’à la dernière goutte de son sang."
- Entendu, mon ami, espérons que le verdict nous sera favorable.
- Par-là ! Il doit y avoir des glaciers sur les plus hautes montagnes et les glaces fondent en été. Ces oueds doivent être alimentés par le ruissellement, remontons leur cours.
Burton opina en silence, la bouche trop sèche pour se lancer dans une longue discussion. Avec de la chance, il suffirait de creuser le bord concave de l’oued pour trouver de l'eau mais combien de temps pour le faire avec l’ennemi au trousse ? Il partit derrière Mustapha, calquant son pas sur celui fluide et serein de son ami. Ils marchèrent durant des heures jusqu’à ce que le soleil passe derrière les contreforts à l’ouest de leur position. Dans la pénombre qui s’installait rapidement, la roche prenait des nuances de pourpre et de brun sanglant. Puis, avec le lever de la lune, le froid s’installa et de nouvelles couleurs glacées répondirent à l’éclat de sélène. Dans l’imagination de l’Anglais enfiévré par la soif, les amoncellements de roches se fondaient en de magnifiques châteaux de rêves et de cauchemars.
Son pied se prit dans une crevasse et il jura en se rattrapant à une saillie de pierre. Il grogna et se força à se remettre en marche. Devant lui, le Turkmène commençait à traîner la patte. Au moins, il n’était pas le seul à peiner. Les dents serrées, il fixa un rocher pour en faire son objectif, arrivé à destination il en fixa un autre… et un autre après, toute sa volonté focalisée sur le prochain pas. Le paysage était accidenté, successions d’éperons de pierres usées par le vent et de valons couverts de cailloux. La végétation rare ne comportait que quelques épineux disséminés au hasard.
« Cette région était autrefois très riche, des pasteurs y faisaient paître leurs troupeaux. Seul Allah sait pourquoi la pluie a cessé de l’irriguer », murmura Mustapha d’un air songeur. « Les hommes sont partis et les villes se sont écroulées après eux. »
Ils marchèrent encore un long moment jusqu’à ce que les jambes de Burton finissent par se dérober sous lui. Le Turkmène se retourna avec vivacité, juste à temps pour l’empêcher de tomber. Alors qu’il dévissait le bouchon de la gourde, le déserteur lui retint la main.
« Assez ! Je n’irais pas plus loin. Garde l’eau… tu en auras besoin… sans moi… pour te retarder tu atteindras un village. »
« Relève-toi, Burton, de l’eau on va bientôt en avoir. Là, regarde ! Des constructions et donc des hommes et un puits. Alors bois et lève-toi. »
L’eau glissa dans son gosier. Une simple gorgée, c’était tout ce qui restait. Mais plus encore que le liquide, l’espoir rendit ses forces à l’ancien capitaine. Appuyé sur son ami, il fit quelques pas en chancelant. Oui, les yeux du Turkmène ne l’avait pas trahi… des formes géométriques couronnaient la crète. Ils gravirent la pente caillouteuse et obliquèrent en direction de bâtiments de pierre qui reposaient sur une colline battue par les vents. Lorsqu’ils furent assez près, la surprise leur scella les lèvres. Ce qu’ils avaient pris pour une bergerie ce révélait être les ruines anciennes d’une ville. Vu de près, la butte se transformait en un amoncellement de débris dont n’émergeaient que quelques pans de murs éboulés.
- C’est une cité de Djinn !
- Non, c’est une cité Achéménide. Regarde les frises sur ce pan de mur !
Oubliée la soif, Burton escalada un escalier à moitié désagrégé. La rampe qui menait au sommet était ornée de silhouettes de guerriers. Peu demeuraient intactes et la plupart étaient engloutis jusqu’à mi-corps dans les décombres, mais leur dessin était reconnaissable : des Perses en longues robes, les cheveux et la barbe bouclée, chacun tenait une grande lance dans la main droite et un bouclier au bras gauche. Un carquois, un arc, des flèches et une coiffe complétaient leur équipement. Raides et dignes dans leurs somptueux atours, les « Immortels » de la garde royale achéménide escortèrent les deux visiteurs jusqu’à l’entrée ruinée de la ville. Les pierres monumentales des murailles jonchaient le sol comme les moraines d’une ancienne glaciation. La différence entre les zones construites ou laissée libres n’était plus évidente. Ne demeurait qu’un amoncellement uniforme de pierres broyées par le temps souverain, le plus cruel de tous les tyrans.
Les deux amis ressentaient différemment ce fardeau qui pesait sur leurs épaules. Mustapha tournait la tête de tout côté, le cœur serré par une surnaturelle terreur qui contrastait avec l’insatiable curiosité de l’Anglais. En bon Occidental, il ne s’attardait pas aux récits de fantômes et de démons qui fleurissaient sur ce genre de ruine. Mais ils avançaient ensemble, réunis par leur commune soif de l’or.
Leurs pas les menèrent presque involontairement aux terrasses effondrées qui formaient le sommet de l’étrange colline. Emergeant de la désolation, deux statues veillaient encore sur l’escalier de l’ancien temple. Des taureaux aux ailes brisées tournaient toujours vers la vallée leurs visages humains aux traits lissés par l'érosion éolienne.
- C’est de l’art babylonien ça, pas perse !
- Des démons ! Des idoles impies ! Tu ne représenteras pas l’œuvre d’Allah dans la pierre !
Burton répondit d’un haussement d’épaule aux imprécations du musulman. Son regard se perdait sur le monticule qui lui faisait face. Sous l’accumulation de pierrailles et de buissons, on devinait encore la forme d’une colossale construction. La véritable colline avait dû être arasée pour laisser place à un tel monstre. Quatre terrasses se superposaient et de chacune partait un escalier monumental qui la reliait à la précédente. Une ziggourat taillée à même la falaise sur laquelle elle s’appuyait. Attirés comme des papillons par une flamme, ils gravirent les longues volées de marches. Dépouillée par les éléments, la plate-forme supérieure était pavée de pierres de taille sur un plan carré. Au centre, un vaste autel du feu gravé du soleil ailé, paré de serres de vautour en appelait encore à l’éternelle gloire d’Ahura-Mazda, le seigneur de lumière ennemi de l’obscurité.
- Zoroastre ! C’est un temple du feu comme ceux des parsis d’Inde !
- Des infidèles !
- Imagine cette ville à son apogée, elle devait entièrement être tournée autour de son sanctuaire. Tu vois les blocs qui gisent aux alentours de l’autel ? Ce sont les frontons de colonnes, si on n’en voit pas de traces c’est qu’elles étaient en bois.
- Je ne préfère pas imaginer ce temple idolâtre entier.
- Et ces statues ! Dommages qu’elles soient si abîmées, tu vois leur pose ? Des rois… oh !
Si les deux premières étaient nettement de style perse, impersonnelles et majestueuses. La troisième empruntait à l’art hellénique. Les inscriptions… « Mustapha, fait de la lumière ! » L’excitation de son ami fit accourir le petit Turkmène. Frottant une pyrite contre un silex, il alluma rapidement les brindilles qu’il avait accumulées au pied de la statue. Le roi avait beau porter les vêtements mèdes en usage chez les Achéménides son nom était inscrit en lettres grecques.
- Alexandre le grand ! » Burton se tourna vers son ami et répéta en arabe, « Iskander le conquérant. »
Mustapha, pour la première fois, paru impressionné. Les légendes islamiques prêtaient de nombreux exploits au Macédonien, considéré comme un élu d’Allah. Mais il se reprit vite, il n’était pas venu chercher des leçons d’histoire. « Et l’or ? ». Son compagnon haussa les épaules. « Il faudrait chercher des tombes. Les Achéménides enterraient les leurs dans des niches qu’ils creusaient dans les falaises comme celles que l’ont voit derrière. Mais ils abandonnaient aussi les gens du commun aux bêtes sauvages pour qu’elles dévorent leurs cadavres. » « Des impies ! » Burton éclata de rire mais s’interrompit sur une quinte de toux. « On a un problème plus grave que l’or… l’eau. On n’a toujours pas trouvé de source. »
Sans doute la raison pour laquelle Kabadian -car cela ne pouvait être qu’elle- avait été abandonnée par les hommes. Il venait de faire demi-tour pour regagner l’escalier lorsqu’il sentit une dalle céder sous son pas. Intrigué, Burton se pencha pour déblayer la poussière accumulée. Oui, l’une des pierres du pavement bougeait. Peut-être n’est-elle que descellée mais une joie étrange monta en lui lorsqu’il comprit la vraie signification. Mustapha qui lisait ses émotions sur son visage, lui demanda ce qui lui arrivait. « Bon sang, tu as regardé les autres pierres de pavement ? Il a bien fallu dix hommes pour les monter jusqu’ici et celle-ci mon poids suffit à la faire bouger ! Réfléchis ! » Le Turkmène tressaillit « Elle ne peut pas… sauf si c’est une fausse, une issue ! » Les deux aventuriers se partagèrent les tâches, poussant d’un côté soulevant de l’autre. Il leur fallu un long moment pour faire basculer la dalle sur la tranche. Alors qu’ils cherchaient à la faire pivoter, elle leur glissa entre les mains et tomba en oblique dans un escalier soudain découvert.
Leurs yeux ne percevaient que les premières marches mais l’odeur de renfermée qui s’élevait des profondeurs… et l’humidité leur en appris assez. « De l’eau ! » « Oui, c’est possible… il y a beaucoup de plantes sur le temple. » « On devrait attendre le jour pour pouvoir descendre, dans l’obscurité on pourrait se tuer. On a déjà beaucoup osé, faut-il demander à Allah de tout nous donner en une seule fois ? » Burton lui lança un regard fatigué. « Demain, je serais peut-être mort. C’est Dieu qui m’a fait mettre le pied sur la bonne dalle et c’est lui qui l’a descellé pour nous. Il ne faut pas repousser Sa générosité en se montrant trop pusillanime. » Cette argumentation eut raison de la résistance du musulman. Pour résoudre le problème de la lumière, il se servit des branches des arbustes pour former des torches passables. Au bas de l’escalier s’ouvrait une salle creusée dans la roche, un tombeau.
Le sarcophage de bois avait pourris des éons plus tôt et le squelette était retourné à la poussière. Seulement, tout autour du corps des objets d’or s’accumulaient. Il devait y en avoir près de deux cent. Des plaques montraient des hommes portant des faisceaux de branches, des bijoux comme ce magnifique bracelet terminé par deux superbes griffons en face à face ou des miniatures semblable à ce modèle réduit de char de guerre avec son conducteur, son passager et ses quatre chevaux attelés de front. Mais le plus bel objet était d’argent, une magnifique corne à boire décorée de motifs végétaux sur la partie évasée et dont la pointe ressemblait à une tête de griffon. Ses deux pattes étendues devant lui offraient une surface suffisante pour faire tenir la corne debout. La plupart des objets avaient des fonctions utilitaires. Ainsi il y avait des coupes d’or, des cruches de même métal, des sceaux montés en bague, mais aussi des statuettes en argent, des plaques votives portant le portrait d’Ahura-Mazda. Des médailles montraient des rois barbus porteurs de tiares. Tout cela était en or incrusté de pierres précieuses ou de pâte de verre colorée.
Le trésor de l’Oxus !
Au fond d’eux, les deux aventuriers n’avaient jamais espéré le trouver et le choc éprouvé devant toute cette splendeur n’en était que plus grand. Ils restèrent immobiles à contempler cet amoncellement d’objets sans songer à bouger. Petit à petit, la soif refit surface et ils se dirigèrent vers le fond de la salle où une arche donnait accès à une autre série de marches. Des fresques couraient sur les murs. Ressuscités par l’éclat des torches, les satrapes perses reprenaient place dans la procession funéraire. Kushana conduisant un okapi, une longue corne d’ivoire sur l’épaule; Lydien portant d’un air appréciateur deux vases précieux; Indien en pagne et pieds nus supportant le lourd poids de paniers de poudre d’or extraits du sol par des marmottes; Scythe en bonnet tenant par sa longe un petit cheval des steppes; Bactrien tirant à sa suite un robuste chameau… Il y aurait encore beaucoup à décrire puisque les vingt-sept satrapies étaient représentées. Mais les deux hommes ne leur jetèrent qu’un regard indifférent.
L’escalier s’ouvrait sur une nouvelle salle plus profondément enterrée que la tombe et bien plus vaste qu’elle. Son haut plafond se perdait dans l’obscurité alors que ses murs se couvraient de reliefs héroïques dominés par les symboles du mazdéisme. Un roi barbu et coiffé d’une tiare tenait son pied sur un vaincu. Une pléthore de souverains dans leurs costumes traditionnels, enchaînés et prosternés devant lui, subissaient le poids de son courroux. Sur le sol couvert de carreaux de faïence, une vasque se remplissait à une source qui glougloutait paisiblement. En temps normal, cette eau leur aurait paru trop froide et son arrière goût alcalin. Pourtant, c’était un délice après ces jours de privation. Ils burent raisonnablement car après une longue déshydratation leurs estomacs supportaient difficilement d’être remplis trop brutalement.
De retour dans la tombe, ils commencèrent à remplir les sacs qu’ils avaient emportés. « Tu ne trouves pas étrange que ce lieu n’ait jamais été pillé ? » L’Anglais haussa les épaules. « Si les bergers du coin sont aussi superstitieux que toi, cela n’a rien de troublant au contraire. » Mustapha ne s’offusqua pas, il était prêt à admettre qu’il avait peur des djinns tant que l’on ne mettait pas en doute son courage face à des adversaires de chair et de sang. « Je vais faire une prière, sinon les génies vont arracher ton cœur de roumi. » Burton haussa les épaules tandis que son compagnon se prosternait. Cependant, les prières qui montaient de son coin n’avaient rien de musulmanes. C’étaient les psalmodies des El-Kannazîn, les chercheurs de trésors mystiques dont parlait Léon l’Africain : « Baâlshaqesh, Mithraqesh, Aqshaqesh, Shaqmounhish, Rekinshar, Ashlekh, Barkiaz, Hawra, Alarkiaz, Iasloub, Shamakhi, le plus hautain que tout Barakh, par la manifestation du Seigneur sur la montagne, mais celle-ci a été abattue et Moïse tomba alors en défaillance. Je vous conjure ô esprits de céder et d’exaucer le lecteur de cette invocation. »
Il en était à sa troisième répétition –il en fallait sept comme pour toutes les opérations magiques- quand du bruit retentis dans l’escalier menant au sanctuaire du feu. « Les djinns ! »
« Non, les Cosaques ! » Le premier cavalier entrait déjà dans la salle, son sabre brandis. Burton n’hésita pas, le fusil Krnka cracha et son adversaire s’effondra touché en pleine poitrine. L’arme vidée, il tira son Remington et ouvrit le feu sur les silhouettes surprises au pied des marches. Le Turkmène le couvrit lorsqu’ils se replièrent vers la salle aux fresques. Ils eurent le temps d’atteindre l’arche avant que les soldats ne ripostent. Il n’y eut qu’un bref flottement car les Cosaques méprisaient la mort. Les balles sifflèrent en tout sens, l’une fit sauter le chapeau de Burton, une autre arracha un pan du Patou couleur de terre de Mustapha. Miraculeusement épargnés, ils virent encore deux de leurs ennemis rouler au sol avant qu’ils n’arrivent au contact. Les sabres et le cimeterre de Mustapha se heurtèrent dans un fracas métallique. Son revolver ayant tiré toutes ses cartouches, Burton le lança au visage d’un agresseur et lui enfonça son poignard khyber dans le ventre. Rouge, le sang teintait les lames mais sans ralentir le tourbillon humain qui se refermait sur eux. « Juste au moment où la fortune me souriait la Mort m’appelle de son baiser d’oubli, » songea l’Anglais.
- Ne les tuez pas tout de suite !
L’ordre avait été formulé en russe. Les mains lâchèrent les sabres et crochetèrent leurs vêtements. Des poings et des pieds bottés tombèrent sur eux en grêle haineuse. En un instant, ils furent jetés au sol, meurtris et ligotés.
Deux bottes couvertes de poussières mais soigneusement cirées se posèrent juste devant Burton. En levant les yeux, il vit tout d’abord les pantalons vert rayés d’une fine ligne rouge. Puis se voyait la veste d’uniforme serrée par une ceinture. Sa plaque était gravée de l’aigle bicéphale des Romanov et de la couronne impériale de Russie. Au-dessus s’inscrivait le visage d’un homme aux traits pâles et comme modelés dans une argile grossière. Sous la casquette plate qu’il portait, les cheveux étaient aussi gris que la lourde moustache qui entourait sa bouche.
- Feodorov !
- Colonel Seimyan Dimitriovski Féodorov, surtout pour une raclure de fond de tonneau dans ton genre !
- Féodorov ? Le Féodorov ? Gémit Mustapha.
Le Russe éclata de rire, un son grinçant, désagréable au possible.
- Tiens ! Ton nouvel associé a entendu parler de moi ?
- Il sait la part que tu as pris dans la « russification » du Turkménistan. Toujours ta méthode ? Monter les tribus les unes contre les autres, distribuer des armes. Et ensuite descendre comme saint Michel à l’appel des trompettes du jugement dernier pour ramener la Pax Russisa sur les pauvres hères déchirés par la guerre civile !
L’officier tsariste lui accorda un sourire dédaigneux.
- Tu ferais bien de cesser de te moquer, Burton. Cela pourrait me coûter la dernière once de pitié que je pourrais avoir pour toi. Tu préfères que je te laisse à mes amis ou être jugé à Moscou pour avoir fomenté un soulèvement pro-anglais ?
Les cosaques étaient des gens simples et superstitieux. Leurs mœurs étaient cruelles. Ils n’hésitaient pas à torturer les prisonniers ennemis. Burton préféra rester silencieux car il savait que son vis-à-vis ne plaisantait pas. Quarante ans plus tôt, Féodorov faisait déjà parti des agents provocateurs que les Russes avaient envoyés en Afghanistan pour saper l’autorité britannique. Depuis, le colonel n’avait jamais arrêté de pousser les rouages du « Grand Jeu » qui voyait s’opposer la Perse, l’Angleterre et la Russie pour le contrôle de l’Asie Centrale. « Que fais-tu ici ? » Finit-il par demander. « Je te cherchais et je cherchais ceci », la main du russe balaya le trésor funéraire, « car j’espérais que tu m’y mènerais. Tu as entendu parler de Kabadian mais tu n’en sais presque rien. Son histoire est ancienne et bien des rumeurs pèsent sur son compte. On sait qu’Alexandre le Grand avait saisi les trésors que les souverains Achéménides avaient gardé à Suse, Persépolis et Parsagade. Mais les Diadoques, ses successeurs, dilapidèrent aussi bien les terres de son empire que son trésor. Ce qui ne finit pas entre les mains des Parthes se retrouva dans celles des Romains. Sauf ce trésor ! Vous ne vous êtes pas demandés qui était enterré ici ? Sous la statue d’Alexandre ? Et bien ce tombeau, sans doute bâti pour un satrape, resservit pour un des lieutenants du Macédonien. Parménion, exécuté pour avoir fermé les yeux sur les projets de son fils qui complotait contre le conquérant. Parménion avait toujours été un des lieutenants préférés d’Alexandre. Il fut donc enterré avec les honneurs et une partie du trésor royal. Des pèlerins vinrent prier sur sa tombe et pour offrir des présents au défunt. Ce qui explique la présence de pièce de monnaies datant de plusieurs siècles après la mort de Parménion. Des mouvements identiques sont attestés de la part des empereurs Romains qui vinrent à Alexandrie prier sur le sarcophage où la momie du roi macédonien baignait dans le miel. Parménion finit par être oublié lorsque le monde d’Alexandre vola en éclat, comme fut oublié les autels que le conquérant avait dressés sur l’Indus. Toutefois, il laissa un fantastique butin archéologique derrière lui. N'avez-vous jamais vu ce trésor autrement que comme des lingots d’or ? Non, je m’en doute, c’est des objets d’art, des témoignages destinés à des musées. Ils appartiennent à l’Histoire, pas à des pillards ! »
Il s’était emporté sur ces derniers mots et foudroya les aventuriers d’un regard acide, la main sur la crosse de son revolver. Derrière lui, les Cosaques s’étaient rembrunis. Depuis leur entrée dans le tombeau, leurs yeux brillaient de convoitise. Et voilà que leur chef déclarait vertueusement que cet or n’était pas à eux ! Le vieux tsariste tourné vers ses prisonniers ne s’était rendu compte de rien. Burton cria en voyant l’un des cavaliers dégainer son poignard. Le geste avait été si soudain que l’avertissement de l’Anglais ne changea rien. La froide lame d’acier ouvrit la gorge du colonel sans un remord. Le sang aspergea tous les hommes alentours alors que les soldats poussaient le terrible « hourré », le cri de guerre de leur peuple.
Les cavaliers n’étaient plus que six dont deux blessés, ils se réunirent pour tenir un rapide conciliabule au-dessus du corps de leur victime. Comme ils parlaient dans leur propre langue, Burton ne comprit rien à ce qu’ils dirent. Néanmoins, on les fit se lever pour les conduire au pied du temple, là où ils gardaient leurs chevaux. On commit une sentinelle à leur garde tandis que les autres remontaient avec le contenu de leurs sacoches : des bouteilles de Vodka et des bâtons de dynamite. Des chants grivois ne tardèrent pas à s’élever dans l’air nocturne, accompagnant l’air d’une balalaïka. Mustapha se redressa prudemment, le Cosaque tourné vers le temple ne prêtait pas attention à lui. Il était clair qu’il aurait préféré participer à la fête lui aussi. Mais il aurait mieux fait de surveiller le Turkmène. Comme par magie, il s’était débarrassé de ses liens et tenait un couteau dans son poing. Au moment où le soldat se retournait son sort était déjà scellé. Il mourut de la même manière que son chef, quelques minutes seulement après l’avoir trahi. Burton tendit ses liens à son ami.
- Et bien, tu me sauves la vie.
- Allah est grand, mon frère et d’un vainqueur il fait un vaincu. Que fait-on ?
Le fusil cosaque modèle 1860, le poignard de Mustapha, ce n’était pas suffisant pour un assaut frontal. « Pour l’instant, on va attendre. Les Cosaques vont bien se coucher à un moment donné. Lorsqu’ils dormiront, on attaquera. » Le plan paru bon au musulman qui retourna s’asseoir au pied des ruines.
Le temps passait doucement, les voix étaient de plus en plus ivres et par moment des insultes volaient. Soudain une détonation éclata ! En un instant, les deux amis furent sur pied, tournés vers l’autel du feu. Oui, un autre tir vint et des bruits confus qui suggéraient que les cavaliers se battaient entre eux ! « Allah sème la discorde parmi les infidèles. » « L’alcool et l’or, plutôt. » La rectification de Burton fit rire Mustapha. « Tu comprends maintenant pourquoi l’alcool est interdit aux musulmans et que le prophète nous enjoint de nous préoccuper des richesses spirituelles plutôt que celles de la terre. »
Avaient-ils attiré l’attention du Très-Haut par des paroles imprudentes ? En empêchant Mustapha de terminer son invocation aux djinns les Cosaques avaient-ils fâchés les génies ? On une balle des plus prosaïques avait-elle touchée le sac de dynamite ?
La raison importe peu, cela ne changea pas le résultat.
La montagne sembla se soulever, jetant les deux hommes au sol. Des monceaux de rocs arrachés à la falaise dégringolèrent la pente jusqu’aux pathétiques restes de l’antique ville qu’ils broyèrent sous leur masse. Les pierres plus légères mitraillèrent les environs pendant encore quelques instant puis le silence ce fit. Seuls quelques cailloux roulaient encore.
Burton et Mustapha se relevèrent miraculeusement indemne. Devant eux sous le voile de poussière qui retombait lentement, ne restait plus aucune trace de Kabadian. La falaise s’était effondrée. Ce qui avait entraîné un gigantesque glissement de terrain qui ne les avait ratés que de justesse.
A l’est, le soleil se levait. Les chevaux étaient morts ou en fuite. Pas plus qu’hier ils n’avaient d’eau et le trésor qu’ils avaient tenus entre leurs mains avait disparu à jamais. Peut-être était-ce mieux ainsi, qui sait ? La vérité paru bien moins amer aux yeux de Burton qu’à ceux de Mustapha. Il avait lu Hérodote et connaissait le destin de Crésus que sa richesse même avait condamné. Sur son bûcher, le roi de Lydie ne fut sauvé que par l’évocation de Solon. Le philosophe grec n’avait-il pas dit : « Nul vivant n’est heureux. » ?
Tout comme Crésus, Burton venait de comprendre que seuls les morts n’ont plus à craindre de perdre leur or !
Fin
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Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots. William Faulkner
Anaxagore- Messages : 2234
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Re: Pour tout l’or de l’Oxus
Intéressant, comme je connais assez mal cette période pourrait tu me dévoiler quelle est la part d'uchronie.
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« Ce n’est que devant l’épreuve, la vraie, celle qui met en jeu l’existence même, que les hommes cessent de se mentir et révèlent vraiment ce qu’ils sont. »
Alexandre Lang.
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Re: Pour tout l’or de l’Oxus
Solon et Cyrus ont vécu à 30 ans d’écart
Kabadian n'a toujours pas été retrouvé (mais l'erreur se trouve dans Hérodote, et c'est les historiens modernes qui l'ont relevé... pour ma part je croyais encore qu'ils s'étaient rencontré il y a quelques mois).
Francis Cecil Burton n'a jamais déserté.
Kabadian n'a toujours pas été retrouvé (mais l'erreur se trouve dans Hérodote, et c'est les historiens modernes qui l'ont relevé... pour ma part je croyais encore qu'ils s'étaient rencontré il y a quelques mois).
Francis Cecil Burton n'a jamais déserté.
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Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots. William Faulkner
Anaxagore- Messages : 2234
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Re: Pour tout l’or de l’Oxus
Pour Kabadian et le trésor, j'étais au courant. c'est pour le reste que je savais pas. Merci de tes éclaircissement.
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Re: Pour tout l’or de l’Oxus
Histoire très prenante.
Juste une question : ''. Tu préfères que je te laisse à mes amis ou être jugé à Moscou pour avoir fomenté un soulèvement pro-anglais ?'' Est-ce un lapsus pour Saint Petersbourg ?
Juste une question : ''. Tu préfères que je te laisse à mes amis ou être jugé à Moscou pour avoir fomenté un soulèvement pro-anglais ?'' Est-ce un lapsus pour Saint Petersbourg ?
Re: Pour tout l’or de l’Oxus
Lapsus... bien sûr, j'ai oublié que la capitale était Saint Petersbourg.
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Anaxagore- Messages : 2234
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Re: Pour tout l’or de l’Oxus
Remarquable!
Uranium Colonel- Messages : 1896
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