Les 100 Fils du Soleil, une histoire alternative du Mexique au cours du XXe siècle (inspiré du mod "Road to 56" de HOIV)

Bonjour à tous, cette histoire que je vous apprête à raconter est inspiré de ma récente partie avec le Mexique de 1936 à 1954 dans le mod 'Road to 56", ce mod permet d’augmenter la date limite du jeu de base jusqu'à 1956 et rajoute de très nombreuses améliorations et "destinées nationales" au pays du jeu.
Pour un tout petit plus de logique, j'ai amélioré, parfois modifié certains événements pour conserver une certaine forme de clarté, j'espère que vous ne m'en voudrez pas; en vous souhaitant une agréable lecture.

Bien cordialement Uranium Colonel

Chapitre 1: 1936, l'année de tous les dangers

Nous sommes en 1936 et vous êtes citoyen mexicain, comment voyez-vous l'avenir?
Il faut dire que vos préoccupations sont nombreuses et que votre pays, le Mexique, se remet à peine de la terrible guerre civile qui l'a déchiré deux décennies plus tôt, pour ne rien arranger le récent crash boursier a sérieusement affecté l'économie mexicaine, creusant encore plus les inégalités.
La politique de votre pays est dominé par l'ère du Maximoto, un mélange assez perturbant de nationalisme, de républicanisme, de progressisme et d'autoritarisme dominée par la figure du charismatique président Plutarco Elías Calles (1877-1945), qui de 1924 à 1936 à fait le beau/mauvais temps à Mexico.



Calles en 1930, réorganisant la vie politique et sociale du pays, on lui doit de profondes réformes dont la constitution d'une banque nationale, une réforme du rôle de l'armée et une attaque en règle du clergé catholique, toutefois ces réformes censé mettre un terme aux pratiques du Porfiriat se sont accompagnés d'une très violente quasi-guerre civile (la guerre des Christeros), de la mainmise de chefs militaires ("caudillos") et d'investisseurs américains sur une grande partie des terres et de l'économie nationale et enfin d'un autoritarisme croissant.

En 1934, vous avez mis un terme au règne sans partage de Calles et des ses hommes de pailles du PNR (Parti National Révolutionnaire) en élisant Lázaro Cárdenas (1895-1970), politicien d'inspiration socialiste dont la première réforme d’envergure fût une redistribution massive des terres et une alliance avec le Parti Communiste; cela n'a pas été du goût de tout le monde, en particulier de Calles, qui a été exilé de force.


Lázaro Cárdenas, ancien gouverner de région, il se lance dans la continuation des réformes de Calles mais en y appliquant un fort programme social en vue de redistribuer les richesses nationales, de nationaliser les acquis étranges; à l'extérieur on lui doit une forte opposition aux régimes autoritaires européens, notamment l'Italie mussolinienne et l'Allemagne nazie.

Si vous êtes mexicain en cette journée du 1er janvier 1936, vous allez peut-être vous interroger sur ce que l'avenir vous réserve mais pour cela il vous faut regarder un peu en arrière et vous questionner sur les forces en présence au sein des Etats-Unis du Mexique:

Si vous êtes originaire du Jalisco ou des régions centrales du Mexique, il se peut que votre allégeance n'aille aux Christeros, défenseurs de la foi catholique face aux mesures anti-cléricales de la constitution de 1917, peut-être avez-vous fait le coup de feu contre l'armée au cours de la guerre de 26 à 29, et que vous nourrissez une haine contre les sbires du PNR, responsable d'une épuration en règle des opposants et des prêtres.


Soldats Christeros, emmenés par René Capistrán Garza, président de l'Association mexicaine de la jeunesse catholique, quelque part en 1926. Opposés aux réformes anti-cléricales de la constitution de 17 et à la personnalité (athée) de Callés, les Christeros livreront une guerre brutale, responsable de plus de 100 000 morts. Une paix de compromis très précaire et menacée par les purges de religieux fût trouvée en 29.

Si cela ce trouve vous partagez avec les chemises dorées, une xénophobie alliée à un anti-sémitisme croissant avec la détestation des communistes et des syndicalistes, dans tel cas il est fort à parier que vous êtes un admirateur de Nicolás Rodríguez Carrasco.


Nicolas Rodríguez Carrasco, chef des chemisés dorées (Acción Revolucionaria Mexicanista) effectuant le salut national révolutionnaire lors d'un meeting en 1935. Ex-lieutenant de Pancho-Villa, Carrasco a pris la tête d'un mouvement s'opposant à l'immigration massive d'ouvriers asiatiques et au développement du marxisme au Mexique.


Si toutefois, vous êtez l'un de ses jeunes galonnés propulsés par les réformes du ministre de la Guerre Joaquim Amaro, qui sous Calles, s'est attaqué aux pouvoirs et aux richesses des Caudillos (les généraux de l'armée mexicaine s'étant taillés des fiefs), il est fort à parier que vous êtes en train de commander une compagnie agraire 'Agrarista" chargé de construire des routes ou entretenir des aqueducs. Peut être pas l'idée que vous aviez de l'armée quand vous étiez plus jeune?


Joaquim Amaro, ministre de la guerre, qui après le coup d'état manqué de 29, mènera une vaste réforme de l'appareil militaire en l’assujettissant au pouvoir civil du PNR.

Il se peut, que vous travaillez peut être dans les champs pétrolifères du Mexique pour le compte de la société britannique Pearson, à moins que ce ne soit pour les Yankees, dans tel cas vous serez peut être favorable à l'article 27 de la constitution de 17 stipulant la peine souveraineté des mexicains sur leurs ressources minières....


Le champ pétrolifère de Ebano en 1930, à cette époque, moins de 30pour cent du pétrole mexicain est détenu par Mexico.

D'autre part, vous êtes peut être membre de la récemment crée confédération syndical des travailleurs du Mexique (CTM) et soutenez activement la politique de Cárdenas, cette même politique menacée par certains forces assez occultes.

En effet, de nombreux intérêts économiques sont au mains du premier millionnaire du pays, un américain du nom de Williams O. Jenkins.


Jenkins (au centre, avec des lunettes) inspectant une de ses plantations. Jenkins installé au Mexique en 1901, va prospérer sous tous les régimes mexicains du XXeme siècle, établissant un empire économique partant des plantations jusqu'au cinémas. Malgré le fait qu'il soit considéré comme un ploutocrate yankee, Jenkins appuiera le PNR et certaines de ses réformes sociales (notamment la redistribution des terres).

C'est à ce moment là, ou en tant que citoyen mexicain, vous vous dites que bien malin sera celui qui pourra décider du sort du Mexique, vous laissez tomber cette pensée et retournez à vos occupations quotidiennes, laissant l'avenir dans des mains plus expertes que vous....

Chapitre 2: Complot (Février-Juin 1936)

Pour comprendre les événements du 18 juin 1936 (ou la seconde "noche triste"), il faut remonter quelques années plus tôt et à l'assassinat par Calles du militant José Guadalupe Rodríguez Favela en 1929.

Favela avait été l'un des principal activiste marxiste au Mexique durant les années 20 et une menace plus importante qu'il n'y parait pour le système politique du Maximoto: son message agrariste combinée à une volonté de créer des "soviets" de soldats menaçaient la stabilité du régime présidentiel instauré par Calles et déjà bien entamé par la révolte des Cristeros.
Au moment où Favela prônait son message en faveur du communisme au Mexique, le général José Gonzalo Escobar avait lancé une révolte à la frontière américaine, en vue de renverser Calles, le président ne pouvait donc pas se permettre de laisser un opposant populaire agiter le peuple contre lui, il opta donc pour son assassinat.


le général José Escobar (1892-1969) en 1929, si ce brillant officier se décida à une révolte c'était pour renverser un régime qu'il jugeait d'une part profondément corrompu et de l'autre pour protester contre la nomination d'un civil et marionnette de Calles, Portes Gil, à la présidence.
Malgré une série de victoires le long de la frontière US, il sera finalement défait par les forces fédérales à Jiménez en mars 29.
En 1936 son héritage inspirera l'armée à rejoindre les putchistes.

Favela souhaitait lui aussi renverser le régime de Calles mais au nom de la troisième internationale communiste, son militantisme dans la province de Durango lui permit donc d'avoir très vite accès aux cartouches et aux stocks de l'armée fédérale mexicaine et ce alors que cette dernière lutte sur deux fronts; Favela proclame donc courant avril 29 la révolution soviétique mexicaine.
Mais Favela à présupposé de sa popularité et à largement sous-estimé ces adversaires: le 14 mai 1929, le général Esquivel fait arrêter le révolutionnaire avant de le faire fusiller, douchant tous les espoirs d'une nouvelle révolution mexicaine.

Une marge de doute subsiste quant aux vrais commanditaires de l'assassinat de Favela: Calles ou bien les propriétaires terriens alliés aux généraux mutins? mais une chose est clair, ces derniers seront aux rendez-vous en juin 36.


Une du 25 mai 29 du journal révolutionnaire "El Machete" dénonçant le meurtre de Favela et le gouvernement réactionnaire.
En 1936 avec la coalition de Cárdenas, ce sont les forces de la gauche traditionnelle et celle des communistes révolutionnaires qui dirigent le pays, au grand effroi des forces "réactionnaires" que sont les propriétaires terriens, les intérêts américains et l'armée.

La politique de Cárdenas effraient bon nombre de grands propriétaires et généraux, même Williams Jenkins semble inquiet des rapprochements menés par l'actuel dirigeant avec les communistes et les nostalgiques de Favela, il faut donc agir et eux seuls disposent des leviers pour pouvoir renverser Cárdenas.
Les historiens débattent toujours du rôle joué par Jenkins dans le coup d'état de juin 36: simple fourvoyer de fonds ou véritable commanditaire? en tout cas après le rétablissement de la démocratie en 1939, il ne sera pas inquiété laissant ainsi une tâche noire sur l'histoire du Mexique au XXe siècle.

Le terrible engrenage se met en marche à partir de février 36 et permet aux cours de réunions interlopes menés dans certaines haciendas du nord du pays de rassembler une coalition certes hétéroclite (de militaires partisans de Escobar, de propriétaires terriens, des fascistes du ARM) mais motivé par la volonté d'empêcher le Mexique de devenir un état marxiste et ce à n'importe quel prix.
Le 27 février 1936, l'expulsion de Carrasco et son exil forcée à El Paso sont du pain béni pour les conspirateurs, qui peuvent ainsi jouer du ressentiment des gros bras de l'ARM tout en se débarrassant d'un allié beaucoup trop gênant.



Un cheval renversé par une voiture lors de l'émeute du Zocalo, le 20 novembre 1935.
4 personnes seront tués et des centaines blessés au cours d'une émeute opposant militants communistes et chemises dorées, cet incident justifiera l'interdiction de l'ARM et l'exil de son chef mais in fine permettra de renforcer les putchistes de juin 36.




Il faudra quelques mois pour préparer minutieusement une opération qui ne souffrirait d'aucun échec; mois pendant laquelle l'ordre international si précaire allait commencer sa longe chute au enfer avec la militarisation de la Rhénanie par les forces armées allemandes à la suite de leur entrée, aux mépris des accords, dans la région le 7 mars 1936.

Chapitre 3: Qui frappera le premier la piñata?

La date du 18 Juin 1936 avait été fixée de façon arbitraire par les putschistes avec les conséquences, désastreuses, que l'on connais mais moins connu est la lutte de faction au sein même des putschistes pour prendre et conserver le pouvoir, sitôt Cárdenas éliminé.
Cette guerre intestine impliquait au moins trois factions, qui tant que le PNR resterait au pouvoir, collaboreraient mais sitôt le putsch achevé, elles se jetteraient à la gorge dans une réédition mexicaine de la "Nuit des longs couteaux". {1}

Quelles étaient ses factions et qui les représentaient?


Saturnino Cedillo fût le dernier des "caciques" mais le premier à soutenir l'idée d'un coup contre son propre parti politique, après tout son expérience acquise lors de la guerre civile de 1912 (il avait été l'un des premiers à usurper le pouvoir de Huerta) lui avait permis de construire un imposant réseau d'influence et de consolider son fief du San Lui Potosi.


Cedillo au début des annés 30, la presse américaine le surnommera le "Goering mexicain" du fait de sa passion pour l'aviation et du rôle politique majeur qu'il a joué aussi bien sous Cárdenas que sous l'"Estado Nuevo".

Cedillo avait des raisons personnelles de détester Cárdenas, du fait de son adhésion aux thèses des agraristas et à sa sympathie envers ses anciens ennemis Cristeros.
Début 1933 Cedillo ne cessait de remettre en question le pouvoir mexicain, se dotant d'une véritable armée personnelle, le plus souvent sous l’œil favorable de nombreux officiers supérieurs, y compris Escobar.


Soldats mexicains en 1935, c'est un équipement hétéroclite (casque français Adrien, Fusil danois Madsen) et souvent très cher, imposant à l'armée de bien choisir ses "sponsors".

Salvador Abascal fût la personnalité la plus complexe de cette "troïka" , mystique catholique et admirateur notoire du régime hitlérien, Abascal représentait le courant légal des Cristeros au sein de l'UNS (Unión Nacional Sinarquista), un parti politique qui pourrait être aisément comparé aux phalangistes espagnols, plus répandu mais plus élitiste que les "chemises dorés". Partisan d'une réforme spirituelle et d'un rapprochement diplomatique avec l'Axe, Abascal était probablement le mieux choisi pour prendre le pouvoir et le conserver...


Abascal en 1936, agrarisme et catholicisme extrême au rendez-vous.


Le drapeau sinarchiste , qui deviendra de 1937 à 1940 le drapeau officiel de l'"Estado Nuevo" mexicain.
Dans le le Manifeste sinarchiste, il est écrit: "« une organisation qui œuvre pour la restauration des droits fondamentaux de chaque citoyen et le salut de la Patrie. À l'inverse des utopistes qui rêvent d'un société sans gouverneurs ni lois, le Sinarchisme soutient une société régie par une autorité légitime, émanant de la libre activité démocratique du peuple, qui garantit véritablement l’ordre social dans lequel tous trouveront un véritable bonheur. » (Source: https://fr.wikipedia.org/wiki/Union_nationale_sinarchiste)


Le dernier candidat, et le plus fragile, était le général Cristeros Jesús Degollado Guízar vivant en clandestinité avec un bon millier de ses combattants, il frapperait un coup fort contre les édiles du PNR, permettant ainsi à Cedillo et Abascal de prendre le pouvoir à Mexico.


Le général Cristeros Jesús Degollado Guízar


L'armée mexicaine organise des "grandes manœuvres" au mois de juin 1936....



{1} Un film sur les sujet "Tiempo de morir" sera réalisé en 1965 par le réalisateur Arturo Ripstein, traité sur la forme d'un western froid et cruel, le film traite de la répression des "chemises dorés" par les miliciens de l'UNS.

Chapitre 4: Un grand coup....dans l'eau.

Le 18 juin 1936 à 3h30 du matin, les premiers coups de feu éclatent au sein du "Palacio Nacional", leurs responsables étant des membres de la conspiration infiltrés au sein de la garde présidentiel, leur objectif: abattre l'hydre communiste en tuant le président Cárdenas et éliminer d'un coup le seul obstacle sérieux à la mise en place d'une dictature fasciste au Mexique, mais comme l'avait si bien dit Napoléon : "l n’y a que deux espèces de plans de campagne, les bons et les mauvais. Les bons échouent presque toujours par des circonstances imprévues qui font souvent réussir les mauvais.".

Il fallait croire qu'en ce jour fatidique de juin 36, les putschistes avaient tiré la mauvaise carte, en effet outre que la perspective imminente d'un coup d'état avait été éventée depuis au moins plusieurs jours par les hommes du président, Cárdenas avait mis en place un plan pour évacuer les principaux acteurs du régime présidentiel mexicain en direction des États-Unis, qui ne manquerait pas de s'opposer à la nouvelle junte mexicaine.

Alors que les rebelles progressaient au cœur du palais présidentiel en direction des appartements présidentiels situés au troisième étage (ce troisième étage était une construction très récente, et les putschistes ne disposaient pas de tous les plans), les voila pris à parti par une mitrailleuse légère, qui s'il l'on en croit la légende, aurait été mis en batterie par El Presidente lui même!


Le jeune Cárdenas (18 ans) dans l'armée constitutionnaliste en 1913, son courage et son leadership déjà remarqué à l'époque lui permettront de triompher de l’éphémère junte fasciste mexicaine.

Les forces mutines à l'intérieur du palais présidentiel durent se rendre à l'évidence, elles ne pouvaient pas progresser et remplir leur mission sans renforts, les mêmes renforts qui se retrouvaient dispersés à travers toute la ville de Mexico.
Pour le président Cárdenas et ses proches, cette très petite victoire ne pouvait malheureusement renverser la progression des fascistes à travers tout le pays, ceux-ci disposaient du soutien de l'armée et des grands propriétaires fonciers; la seule chance était d'exfiltrer le courageux président vers les États-Unis et de soutenir une contre-révolution depuis l'étranger.

à 5h30 du matin, après presque deux heures de combat, le président Cárdenas et ses proches se sauvent du troisième étage du palais présidentiel (incendié par les mutins) grâce à des draps attachés ensemble, ils sont récupérés par une voiture banalisée et conduit in extremis à l'aéroport de Mexico d'où les attend un Ford Trimotor, direction Los Angeles.


Le Palais présidentiel de Mexico en 2013, incendié en 1936 et partiellement reconstruit sous la direction de l'architecte allemand Leonhard Gall (1884-1952) en 1938, le Palais ne sera définitivement achevé (et expurgé de son style völkisch/néo-aztéque) qu'n 1948.


Le président Cárdenas, surnommé "El Machete" (la machette) lors de son fameux discours du 21 juin 1936 à la KNX de Los Angeles, appelant les mexicains à la résistance.

Dans tout le Mexique, en effet une brutale guerre civile commence entre partisans du régime démocratique, communistes et rebelles indigènes contre la nouvelle junte militaire.
Mais là encore le rapport de force est inégal, les rebelles mieux équipés et plus nombreux prennent rapidement l'avantage et le 15 septembre 1936, la dernière poche de résistance dans la province du Durango est détruite: le Mexique est aux mains de la Triarchie Cedillo-Abascal-Guizar.


Déclenchée au mois de Juillet 1936, la guerre civile espagnole a largement éclipsé la seconde guerre civile mexicaine et sa répression.


Mais si les putschistes avaient frappé un coup dans l'eau, ils allaient accidentellement être le déclencheur d'un autre coup, qui lui bouleverserait l'équilibre des grandes puissances.....


La réélection en novembre du président sortant Roosevelt s'annonce sous les meilleures auspices.

Chapitre 5: On a tiré sur le président!


C'est par cette simple phrase qu'au soir du 16 août 1936 le speaker de la CBS annonce l'impensable, au retour de sa visite présidentielle au Québec , le président Roosevelt préparant alors sa campagne électorale de Novembre, a été victime d'un attentat.

Invité au Madison Sqaure Garden de New York pour y prononcer un discours imprévu sur les dangers de l’expansionnisme fasciste en Amérique Latine, le président Roosevelt regagnait la voiture présidentielle lorsqu'un jeune homme l'intercepta et lui tira à bout portant 2 balles de 380 ACP, l'une des balles allant perforer le poumon gauche du président.
Profitant du chaos généré par son attaque, l'assassin réussit à s'échapper, provoquant une chasse humaine qui devrait durer plusieurs heures à travers New York.
Victime à 21h32 de cet odieux attentant, le président Roosevelt est transféré immédiatement au Bellevue Hospital mais une série de circonstances malheureuses sous la forme de bouchon et d'un accident de la route entre les croisements de la seconde avenue et de la 34eme rue retarde l'admission d'urgence du président des Etats-Unis, victime d'un effondrement total du poumon.
Admis seulement à 22h10 et affaibli par sa polio, FDR décède à 22h24 le 16 août 1936.


Choc et stupeur à travers le monde après l'assassinat du président Roosevelt (ne tenez pas compte de la date de 1945, si j'étais bon avec photoshop, ça se saurait).

L’assassin du nom de Joseph "Joe" Black est un jeune américain de 26 ans d'origine allemande et un militant du Bund Germano-américain, une association militant pour un rapprochement entre les EU et l'Allemagne Nazie.
Radicalisé par le récent coup d'état au Mexique, Black est convaincu que la prise du pouvoir par les militants du Bund n'est possible que par la violence et l'élimination du président "judéo-communiste", "les juifs et les métèques bolchéviques" contrôlant les leviers du pouvoir donc les élections; on ignore encore si l'action de Black a été téléguidé depuis Berlin ou s'il s'agissait d'une action de type "loup solitaire" perpétué par un jeune homme connu pour ses troubles psychiatriques.
Il reste très difficile de connaitre les tenants de l'assassinat de FDR sachant que Jospeh Black devait mourir le même soir que sa victime:
Réfugié dans le cinéma AMC de la 19eme rue, Black ne se doute pas qu'il a été reconnu par Jacques Rubi, propriétaire du cinéma.
Celui-ci affirmera dans sa déposition à la police qu'il avait eu des doutes quant à cet homme agité dont les vêtements étaient maculés d'eau et de boue, allumant sa radio à 22:41 (un peu avant la fin de la séance du soir) il apprend le décès du président Roosevelt, effectuant rapidement le parallèle Rubi décide de confronter Black.
Rubi accuse Black d'être l’assassin du président et lui ordonne de s'arrêter, ce que l’assassin refuse avant d'ouvrir le feu sur Rubi et de le manquer.
Ameuté par les accusations, une importante foule s'est rassemblée autour de Rubi et de Black mais va se disperser aux premiers coups de feu, on ignore donc ce qui va réellement se passer entre 22:48 et 22:52 (date d'arrivée de la patrouille du NYPD) mais il est évident que Black a été victime de plusieurs coups à la tête assénée par une barre de fer.
Black est conduit à l’hôpital le plus proche mais décède d'une hémorragie cérébrale à 23h24, exactement une heure après sa victime.



Fritz Kuhn (au centre) et des membres du Bund, Black est visible (5éme homme en partant de la gauche)/ Mai 1936.

Pour ceux qui se posent des questions, le jeu n'arrêtant pas d'élire le très improbable Alf Landon, il m'a fallu trouver une excuse pour sortir FDR dès 1936 (j'aurai pu imaginer une sorte de méchante grippe contractée au Québec mais l'assassinat par un sympathisant nazi de FDR me permet d'avoir une Amérique déclarant la guerre à l’Allemagne nazie à la fin 40 plutôt qu'en décembre 41.)

Le coup du cinéma et de Jack Rubi ^^

Joseph Joe Black est une référence au Maitre du Haut Château....

Chapitre 6: Une histoire de gagnants et de perdants.

Le lâche assassinat de FDR par le sympathisant nazi Joseph Joe Black propulsa l'Amérique dans l'inconnu, alors qu'à Mexico on se réjouissait de l'élimination du marxiste gringo Roosevelt et rêvait déjà à reprendre le Texas, la situation était tout autre à Washington où l'impopulaire vice-président John Nance Garner se retrouvait à la tête de la présidence mais aussi de l'investiture démocrate:
Garner représentait un mouvement que l'on qualifierait peut être aujourd'hui de conservateur au vu de son opposition aux réformes économiques de Roosevelt, les deux hommes se méprisant "cordialement".


John Nance Garner, 33eme président des États-Unis. Ses relations avec FDR, ils les qualifiera de " not worth a bucket of warm piss" (ne valant pas un sceau de pisse chaude).
Son opposition au "New Deal" et son impopularité lui couteront les surprenantes élections de 36.

L'opposition républicaine avait été en quelque sorte stérilisée par le charisme du 32éme président et n'avait pu s'entendre que sur le très peu charismatique Alf Landon, ex-gouverneur du Kansas et ironiquement fervent admirateur de FDR.
Cet-ex industriel du pétrole avait beau représenté un courant libéral du parti républicain, sa campagne était condamné au désastre du fait de son incapacité à sortir de son Kansas natal, lui valant le sobriquet peu flatteur de "Dorothée" (référence au "Magicien d'Oz" de Lyman Frank Baum).
Mais le 16 août 1936 avait tout changé, Alf Landon bouleversé par le décès de son opposant, se livra à une poignante interview radiophonique y livrant son attachement aux programmes sociaux du "New Deal" et l'importance de lutter contre ses régimes étrangers qui "nient notre liberté et tuent les meilleurs de nos compatriotes".


Alf Landon, pour la une du Time de mai 1936, le 34éme président bien que fiscalement conservateur prépara un vaste plan de soutien à l'économie américaine en soutenant massivement les entreprises, en particulier celles de l'armement.
Si on peut lui reprocher une politique fermement opposée aux syndicats (à l'inverse de son modèle démocrate), il fût l'un des premiers présidents à s'opposer activement à la ségrégation et aux discriminations raciales.


Il fût rejoint par l'une des stars américaines du moment: le champion olympique Jesse Owens médaillé des JO de 36, qui lui apporta son soutien ainsi que celui de la population afro-américaine.

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Le champion olympique Jesse Owens contribua à l’élection surprise de Landon en novembre 1936. Il décéda le 16 décembre 1942 lors de la troisième bataille de Kozani au sein de la 93e division d'infanterie.



Frank Knox, vice président des États-Unis et éminence (pas si) grise. Outre le démarchage du grande partie du "Brain Trust" de Roosevelt vers le camp républicain, on lui doit aussi le réarmement progressif de l'USN et de l'US Army en vue d'une guerre mondiale.


William J.Donovan, ami personnel de FDR et républicain obtient dès décembre 1936 la création d'un service de renseignement extérieur, l'OSS (Office of Strategic Service) dont le premier projet actif est la mise en place de l'opération "Tropic Thunder".


Si Edgar Hoover est accusée par certaines théories complotistes d'avoir trempé dans l'assassinat de FDR, l'administration républicaine ne lui en tiendra pas rigueur par contre elle va retirer au FBI toute prérogative quant aux opérations clandestines en Amérique Latine." />

Chapitre 7: "Tropic Thunder" ou comment ruiner un pays pour les idiots.

Alors que l'investiture du surprenant Alf Landon venait de s'achever, le nouveau président des E.U a décidé d'axer la politique extérieure de son pays sur une approche beaucoup plus "virulente" à l'étranger, après des années d'isolationnisme et de retrait d'une sphère politique européenne en pleine ébullition, le récent coup d'état fasciste au Mexique et le lâche assassinat de FDR avaient montré au public américain que l'océan Atlantique n'était plus un bouclier aux prétentions des admirateurs de Mussolini ou d'Hitler.
Landon était bien décidé à poursuivre le programme de FDR mais en y ajoutant une touche "républicaine" que l'on retrouvera jusqu'en dans les années 70 au sein de la politique américaine: associer à la politique extérieure américaine des "selfs-made man" souvent issus du secteur privé, dont les connections à l'étranger facilitaient les échanges informels avec des nations ou des personnages acquis aux intérêts américains.
C'est ainsi que William J Donovan est devenu l'un des principaux conseilleurs occultes de la présidence américaine en terme de politique extérieure, ami proche de FDR et alors responsable d'un réseau informel de renseignement.
L'objectif est clair, unifier la communauté du renseignement américain extérieur pour éviter les deux désastres de l'année précédente: celui du Mexique et celui de l'assassinat de FDR et réagir avec force à toute agression envers le peuple américain et ses alliés, en somme comme le dira Donovan: "In an age of bullies, we cannot afford to be a sissy" (dans une époque de brutes, on ne peut pas se permettre d'être des trouillards).


William J.Donovan à la tête de la nouvellement crée OSS.

L'OSS (Office of Strategic Service) est ainsi crée en Mars 1937 avec comme prérogatives, le renseignement extérieur et l'action clandestine, échappant au contrôle du vice président américain (dont le sens de la moralité l'interdisait de gérer une "ungentlemanly warfare") pour ne dépendre (pour l'instant) que du président des États-Unis.
Le premier dossier sur le nouveau bureau de Donovan, c'est celui du Mexique...... et il savait où frapper:pile sous la ceinture.

L'une des principales sources de financement de la junte mexicaine reposait sur l'exploitation pétrolière gérée par les compagnies américaines et britanniques regroupées sous la Mexican Eagle Petroleum Company mais cette exploitation était le plus souvent inique et foncièrement illégale au regard des codes fonciers mexicains de 1894 et de la loi pétrolière de 1901; en 1935 les réclamations des ouvriers mexicains du secteur pétrolier (40 heures par semaine, congé maladie payée) avait débouché sur une grande grève du secteur et un bras de fer juridique toujours pas résolu à l'heure du coup d'état.
Le président Cardenas, exilé à Los Angeles à l'heure de "Tropic Thunder", était certes un grand partisan de la nationalisation toutefois il ne souhaitez pas se mettre à dos la nouvelle administration américaine, mais ses idées étaient restés populaires au Mexique et il serait facile de pousser les soutiens de la junte à épouser certains des ses idées par pure anti-américaine, créant ainsi un piège qui impliquerait forcément les intérêts américains, tout en permettant à Landon de rester un défenseur des compagnies pétrolières américaines.

à partir de Mai 1937, une série d'incendies criminels ainsi que des sabotages ravagent certaines installations de la Mexican Eagle Petroleum Compagny (MEPC), dont les cadres accusent Mexico de laisser faire (il sera déterminé que l'OSS avait manipulé des ouvriers mexicains pro-Cardenas). Face à des accusations, il faut l'admettre le plus souvent insultantes, le ton monte très vite alors que les partisans de la junte réclament de foutre les "yankees à porte".
Le 19 Juin 1937, le conseiller spirituel et leader officieux du Mexique Salvador Abascal déclare la nationalisation de la MEPC remplacée par la PEMEX (Petróleos Mexicanos) afin de préparer le Mexique à vivre en autarcie sur le même modèle que l'Italie mussolinienne sauf que c'était tout sauf une bonne idée.

Le lendemain, le gouvernement américain déclarait un embargo sur tous les produits mexicains, suivis par le Royaume Uni le surlendemain.
Les Mexicains allaient payer le prix fort de la décision d'Abascal.

La phase 1 de Tropic Thunder était achevé, il était temps de lancer la phase 2.

Pour ceux qui aime l'ironie de l'Histoire, il n'y a pas plus amusant d'imaginer Landon grand défenseur du pétrole et des compagnies privées participer à un complot dont le principal ressort est l'expulsion d'une compagnie anglo-américaine mais bon c'est un coup fourré très Rooseveltien (OTL il est très probable que certains tycoons ont du bien faire la tronche lors de l'Export Control Act de 1940...).
OTL, Cardenas à bien nationaliser la MEPC en Mars 1938 résultant sur un embargo assez douloureux pour le Mexique mais Roosevelt inquiet des risques de contagion fasciste ou communiste a tout fait pour limiter la casse par le "Good Neighbor policy" sans parler des arrangements sur la vente de brut mexicain par des compagnies texanes.

Sauf qu'ici la junte est obligée de jouer au balancier, outre que c'est une troïka instable elle utilise un nationalisme extrêmement hostile aux américains au risque d'en perdre le contrôle.

Le prochain chapitre pourrait parler d'un homme avec une épaisse moustache.....

Cela m'a semblé contre intuitif de voir les hommes de Pancho Villa, symbole romantique de la Révolution avec un grand R, devenir des fascistes xénophobes...

On va les revoir très bientôt en train de chasser des nazis...je dis ça.