[CTC02] Charles et Carloman à travers les sources tardives
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[CTC02] Charles et Carloman à travers les sources tardives
Extrait de la thèse de James Aethelwuf Longbeard, Charles et Carloman à travers les sources tardives Université Gallo-Britannique d’Exeter, année 1439 de l’Hégire.
« Après une jeunesse passée dans l’arrogance et dans le vice, j’ai cherché la repentance dans le service de la Foi, de mon Calife et des Gens de mon pays, d’abord par l’épée, puis par les lettres, et j’ai entrepris de raconter dans mes vers l’histoire de la Gaule et de ses peuples »
C’est par ces vers empreints de modestie que Mahomet l’Austrasien introduit son œuvre majeure, Histoire des Peuples et des Rois des Gaules, récit qui passe pour avoir servi de base au Français moderne et est resté jusqu’à aujourd’hui, comme le sera plus tard le chiisme, l’un des socles identitaires de la culture gauloise. Bien qu’ayant probablement parlé un dialecte germanique comme langue maternel, et maitrisé à la perfection l’Arabe et le Persan, langues dans lesquelles on lui attribue un certain nombre de poèmes, il choisit comme langue d’expression un dialecte roman du nord après être entré au service du Calife d’Arles en tant que poète officiel de la cour, sa carrière militaire ayant été écourté par la perte d’une main, quelques années plus tôt.
Son récit mythique de l’histoire gauloise, relatant la succession des dynasties régnantes depuis la création du monde et l’installation des Gaulois, suivant un invariable cycle de conquête, de décadence puis de restauration à travers une nouvelle dynastie, nous donne l’une des plus longues descriptions littéraires des campagnes de Charles et Carloman. L’Austrasien les place résolument, de la même façon que leur père Pépin et leur grand Père Charles, du côté de la décadence, qui suit la glorieuse période de Clovis et de ses descendants, très probablement dans le but d’introduire la conquête musulmane non comme une invasion étrangère mais comme le début d’une régénération de ce que nous pouvons appeler, avec un brin d’anachronisme, la nation gauloise. La révolte des deux frères est présentée comme un événement cataclysmique qui remet en cause, heureusement pour un temps seulement, la conversion de la Gaule et sa marche vers la prospérité.
« Comme leurs pères avant eux, qui avaient abaissé et usurpé le pouvoir de leurs rois en se prétendant leurs serviteurs, les deux frères étaient maitres dans l’art de la duplicité et de la dissimulation, et à la mort de leur père, quand ils se partagèrent ses terres comme le voulait alors la triste coutume des Francs, ils jurèrent de servir fidèlement, bien que restés Chrétiens, le commandeur des croyants, et de payer tribut. Mais, quand ils entendirent les rumeurs des défaites des combattants de la foi face aux païens du nord, quand ils virent les croyants se déchirer dans les luttes internes, partout dans le dar al-Islam, persuadés que personne ne se lèverait pour s’opposer à leur parjure, persuadés enfin, dans leur profonde vanité, que leur force et leur intelligence leurs suffiraient pour vaincre, ils déclarèrent n’avoir aucun souverain humain au-dessus d’eux, et appelèrent tous leurs sujets à chasser les musulmans. Ce fut Charles qui, le premier, assassinat les représentants du Calife, profana leurs cadavres et leva son étendard contre tous les croyants et tous les hommes sincères. Ne voulant être dépassé en prestige par son frère, Carloman leva à son tour ses armées en Neustrie, entra dans Paris, y fit profaner mosquées et sépulture, pendit les cadi et les officiers, et maintint tous les Musulmans dans la peur. Puis, joignant leurs forces, ils massacrèrent la garnison de Boulogne et combattirent le long du Rhin et de la Moselle, sans égards pour leurs propres peuples qu’ils exposaient ainsi aux rapines des païens. »
La suite du récit est un ensemble d’épisodes, parfois très clairement légendaires, mettant en scènes les deux frères, et présentés comme des indices de leur chute future. L’Austrasien raconte également la montée des jalousies et des rivalités entre les deux frères, conduisant Charles à assassiner Carloman (point sur lequel la querelle historiographique fait toujours rage), puis la suite des combats en Neustrie et en Bourgogne, avant que « la démesure l’ayant gagnée, jugeant que, Rome comme Constantinople étant tombées dans les mains musulmanes, il était le seul souverain légitime parmi les Chrétiens, et non content d’avoir usurpé le titre de roi, il se para de celui d’Empereur d’Occident, et déclara vouloir conquérir toutes les terres qui furent jadis aux mains des Empereurs. Alors ce qui lui restait de raison s’évanouit, comme le quitta sa chance. Alors, après ce moment, il ne connut plus jamais la victoire ».
[…]
Exact contemporain de Mahomet l’Austrasien, Sigmar de Westphalie livre un récit sur la vie de Charles sensiblement différent, reprenant le passage consacré à la révolte franque dans la Wittekindsaga et en le développant, laissant une large part à l’imaginaire et au légendaire, avec l’introduction d’un élément nouveau, la conversion prétendue de Charles et Carloman au paganisme alors en pleine réforme, et l’abandon du Christianisme.
« Alors, découvrant qu’ils ne devaient en rien leur victoire au Christ et aux anges, mais aux dieux de leurs ancêtres germaniques, ils renièrent la foi qu’avait imposé Clovis, et ils vénérèrent les dieux de Weleda, les dieux d’Hermann, les dieux dont Wittekind relevait alors les statues et rétablissait le culte en Bavière et dans toutes les terres qu’avaient souillées les Chrétiens. »
Si cette idée de conversion n’a jamais été prise au sérieux par les historiens, ce passage a pu être cité à l’appui de la thèse selon laquelle Wittekind aurait directement envoyé des troupes aux Francs, thèse défendue notamment par mes collègues de l’Université Nordique d’York et à laquelle je ne crois pas. Le plus probable est que Sigmar invente purement et simplement certains événements pour faire de Charles un personnage de guerrier germain idéalisé. N’oublions pas que ses récits s’inscrivent dans une époque où l’on cherche à justifier les vagues de persécution anti-monothéistes dans l’Empire Germanique, auxquelles sa famille est clairement favorable.
Sigmar invente également très probablement l’ensemble de la scène de la mort de Carloman, que sa Saga de Karl et Karlmann présente non comme assassiné mais comme tué au combat contre une armée musulmane venue d’Arles. Point de rivalité entre les deux frères ici : Carloman/Karlmann meurt dans les bras de son frère au cours d’adieux déchirants. On ne s’étonnera pas non plus que la proclamation de Charles comme Empereur des Romains ne soit pas évoquée.
[…]
Sans probablement connaitre chacun le travail de l’autre, les deux auteurs insèrent Charles dans des récits identitaires fondamentalement opposés. Ils n'en témoignent pas moins d'u vif regain d'intérêt pour la période, quatre siècles plus tard.
« Après une jeunesse passée dans l’arrogance et dans le vice, j’ai cherché la repentance dans le service de la Foi, de mon Calife et des Gens de mon pays, d’abord par l’épée, puis par les lettres, et j’ai entrepris de raconter dans mes vers l’histoire de la Gaule et de ses peuples »
C’est par ces vers empreints de modestie que Mahomet l’Austrasien introduit son œuvre majeure, Histoire des Peuples et des Rois des Gaules, récit qui passe pour avoir servi de base au Français moderne et est resté jusqu’à aujourd’hui, comme le sera plus tard le chiisme, l’un des socles identitaires de la culture gauloise. Bien qu’ayant probablement parlé un dialecte germanique comme langue maternel, et maitrisé à la perfection l’Arabe et le Persan, langues dans lesquelles on lui attribue un certain nombre de poèmes, il choisit comme langue d’expression un dialecte roman du nord après être entré au service du Calife d’Arles en tant que poète officiel de la cour, sa carrière militaire ayant été écourté par la perte d’une main, quelques années plus tôt.
Son récit mythique de l’histoire gauloise, relatant la succession des dynasties régnantes depuis la création du monde et l’installation des Gaulois, suivant un invariable cycle de conquête, de décadence puis de restauration à travers une nouvelle dynastie, nous donne l’une des plus longues descriptions littéraires des campagnes de Charles et Carloman. L’Austrasien les place résolument, de la même façon que leur père Pépin et leur grand Père Charles, du côté de la décadence, qui suit la glorieuse période de Clovis et de ses descendants, très probablement dans le but d’introduire la conquête musulmane non comme une invasion étrangère mais comme le début d’une régénération de ce que nous pouvons appeler, avec un brin d’anachronisme, la nation gauloise. La révolte des deux frères est présentée comme un événement cataclysmique qui remet en cause, heureusement pour un temps seulement, la conversion de la Gaule et sa marche vers la prospérité.
« Comme leurs pères avant eux, qui avaient abaissé et usurpé le pouvoir de leurs rois en se prétendant leurs serviteurs, les deux frères étaient maitres dans l’art de la duplicité et de la dissimulation, et à la mort de leur père, quand ils se partagèrent ses terres comme le voulait alors la triste coutume des Francs, ils jurèrent de servir fidèlement, bien que restés Chrétiens, le commandeur des croyants, et de payer tribut. Mais, quand ils entendirent les rumeurs des défaites des combattants de la foi face aux païens du nord, quand ils virent les croyants se déchirer dans les luttes internes, partout dans le dar al-Islam, persuadés que personne ne se lèverait pour s’opposer à leur parjure, persuadés enfin, dans leur profonde vanité, que leur force et leur intelligence leurs suffiraient pour vaincre, ils déclarèrent n’avoir aucun souverain humain au-dessus d’eux, et appelèrent tous leurs sujets à chasser les musulmans. Ce fut Charles qui, le premier, assassinat les représentants du Calife, profana leurs cadavres et leva son étendard contre tous les croyants et tous les hommes sincères. Ne voulant être dépassé en prestige par son frère, Carloman leva à son tour ses armées en Neustrie, entra dans Paris, y fit profaner mosquées et sépulture, pendit les cadi et les officiers, et maintint tous les Musulmans dans la peur. Puis, joignant leurs forces, ils massacrèrent la garnison de Boulogne et combattirent le long du Rhin et de la Moselle, sans égards pour leurs propres peuples qu’ils exposaient ainsi aux rapines des païens. »
La suite du récit est un ensemble d’épisodes, parfois très clairement légendaires, mettant en scènes les deux frères, et présentés comme des indices de leur chute future. L’Austrasien raconte également la montée des jalousies et des rivalités entre les deux frères, conduisant Charles à assassiner Carloman (point sur lequel la querelle historiographique fait toujours rage), puis la suite des combats en Neustrie et en Bourgogne, avant que « la démesure l’ayant gagnée, jugeant que, Rome comme Constantinople étant tombées dans les mains musulmanes, il était le seul souverain légitime parmi les Chrétiens, et non content d’avoir usurpé le titre de roi, il se para de celui d’Empereur d’Occident, et déclara vouloir conquérir toutes les terres qui furent jadis aux mains des Empereurs. Alors ce qui lui restait de raison s’évanouit, comme le quitta sa chance. Alors, après ce moment, il ne connut plus jamais la victoire ».
[…]
Exact contemporain de Mahomet l’Austrasien, Sigmar de Westphalie livre un récit sur la vie de Charles sensiblement différent, reprenant le passage consacré à la révolte franque dans la Wittekindsaga et en le développant, laissant une large part à l’imaginaire et au légendaire, avec l’introduction d’un élément nouveau, la conversion prétendue de Charles et Carloman au paganisme alors en pleine réforme, et l’abandon du Christianisme.
« Alors, découvrant qu’ils ne devaient en rien leur victoire au Christ et aux anges, mais aux dieux de leurs ancêtres germaniques, ils renièrent la foi qu’avait imposé Clovis, et ils vénérèrent les dieux de Weleda, les dieux d’Hermann, les dieux dont Wittekind relevait alors les statues et rétablissait le culte en Bavière et dans toutes les terres qu’avaient souillées les Chrétiens. »
Si cette idée de conversion n’a jamais été prise au sérieux par les historiens, ce passage a pu être cité à l’appui de la thèse selon laquelle Wittekind aurait directement envoyé des troupes aux Francs, thèse défendue notamment par mes collègues de l’Université Nordique d’York et à laquelle je ne crois pas. Le plus probable est que Sigmar invente purement et simplement certains événements pour faire de Charles un personnage de guerrier germain idéalisé. N’oublions pas que ses récits s’inscrivent dans une époque où l’on cherche à justifier les vagues de persécution anti-monothéistes dans l’Empire Germanique, auxquelles sa famille est clairement favorable.
Sigmar invente également très probablement l’ensemble de la scène de la mort de Carloman, que sa Saga de Karl et Karlmann présente non comme assassiné mais comme tué au combat contre une armée musulmane venue d’Arles. Point de rivalité entre les deux frères ici : Carloman/Karlmann meurt dans les bras de son frère au cours d’adieux déchirants. On ne s’étonnera pas non plus que la proclamation de Charles comme Empereur des Romains ne soit pas évoquée.
[…]
Sans probablement connaitre chacun le travail de l’autre, les deux auteurs insèrent Charles dans des récits identitaires fondamentalement opposés. Ils n'en témoignent pas moins d'u vif regain d'intérêt pour la période, quatre siècles plus tard.
DemetriosPoliorcète- Messages : 1481
Date d'inscription : 05/03/2016
Re: [CTC02] Charles et Carloman à travers les sources tardives
Ce fut rapide !!!
_________________
« Ce n’est que devant l’épreuve, la vraie, celle qui met en jeu l’existence même, que les hommes cessent de se mentir et révèlent vraiment ce qu’ils sont. »
Alexandre Lang.
Au Bord de l'Abîme et au-delà
Re: [CTC02] Charles et Carloman à travers les sources tardives
Je me suis dit que j'allais profiter de mon après-midi, les jours suivants sont plus chargés pour moi
DemetriosPoliorcète- Messages : 1481
Date d'inscription : 05/03/2016
Re: [CTC02] Charles et Carloman à travers les sources tardives
Joli texte
_________________
1940 : Mandel continue la guerre depuis l'exil.
https://forumuchronies.frenchboard.com/t751-la-france-exilee-tome-1-1940-la-roue-du-destin
https://forumuchronies.frenchboard.com/t826-la-france-exilee-tome-2-1942-la-roue-tourne
https://forumuchronies.frenchboard.com/t968-la-france-exilee-tome-3-1944-la-fin-d-un-cycle
https://forumuchronies.frenchboard.com/t1036-lfc-guerre-froide
LFC/Emile Ollivier- Messages : 2721
Date d'inscription : 26/03/2016
Age : 35
Re: [CTC02] Charles et Carloman à travers les sources tardives
Emile Ollivier a écrit:Joli texte
Merci!
DemetriosPoliorcète- Messages : 1481
Date d'inscription : 05/03/2016
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