[CTC02]Opération Charlemagne
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[CTC02]Opération Charlemagne
Opération Charlemagne
Marius Lemaire volait, encore et toujours. C’est ce qu’il avait toujours voulu faire et c’était tout ce qu’il savait faire. Déjà avant que n’éclate la guerre entre la Grande Entente et le Reich il avait été passionné d’aviation. En 1938, lorsque la guerre avait commencé il n’avait que 15 ans et s’était retrouvé à servir comme mécanicien pour l’aéronaval. Deux ans plus tard, il commençait enfin à voler, d’abord pour convoyer des avions d’une base à une autre où depuis les usines puis en 1942 il devint pilote de guerre, mais pas à bord d’un porte-avions. La France en avait trop peu, deux étaient en train d’achever leur construction. Mais en attendant la marine avait décidé se doter d’une aviation basée à terre.
C’est en Corse que Marius avait commencé sa guerre. À bord de son M.B.175T, il avait participé à la plupart des attaques contre les côtes italiennes. Lorsque les Italiens avaient décidé de s’associer à l’Allemagne hitlérienne, ils avaient pensé pouvoir s’emparer des possessions franco-anglaises en méditerranée, mais aussi de l’Afrique. En 1941, après un an de guerre les Transalpins avaient perdu la Libye et l’Afrique orientale tout en se révélant totalement incapables de franchir les Alpes. En 1942, alors que le front de la Bataille de France restait statique, le Commonwealth appuyé par la marine française était passé à l’offensive en méditerranée débarquant simultanément en Sicile et en Sardaigne. Les bombardiers de la Marine nationale avaient alors commencé à attaquer les ports italiens.
Au sein de la Flottille 12F, son escadron avait coulé les cuirassés Littorio et Vittorio Veneto ainsi que les croiseurs Trento et Gorizia. En mars 1943, l’armée italienne renversait le gouvernement fasciste de Mussolini, signait l’armistice et rejoignait la Grande Entente. La guerre de Marius s’était finie à ce moment-là puisque sa flottille était retournée en Bretagne pour traquer les U-boat de la Kriegsmarine en attendant d’avoir un porte-avions. C’est aussi là qu’il avait perdu la seule autre chose qui comptait pour lui. L’amour de sa vie. Sa douce Sybille, son amour d’enfance, infirmière de guerre avait été tué dans un bombardement à Ypres pendant la libération de la Belgique.
En juin 1944, alors que démarrait la qualification de la 12F abord du porte-avions Gambetta, l’Allemagne avait fini par capituler. Il avait fallu pour cela une invasion et une destruction sans précédent. À l’ouest et au sud les armées de la Grande Entente menée par les Franco-Britanniques et leurs Alliés ; à l’ouest, l’URSS. L’Allemagne ressortait du conflit totalement anéanti et divisé entre la Grande Entente et l’URSS. Pendant ce temps, Marius n’avait visé plus qu’un seul objectif devenir le meilleur pilote d’attaque qui soit.
En 1947, une nouvelle guerre se dessinait, présageant d’une opportunité pour Marius de montrer son excellence. Contre toute attente cette guerre ne serait pas contre l’Union soviétique, avec laquelle la France avait d’assez bonnes relations, contrairement aux Américains et aux Britanniques. Non, cette guerre qui s’annonçait était contre l’Empire du Japon et la Fédération chinoise. En effet, l’Asie avait été un soutien précieux de la Grande Entente. Ressources et protection des convois dans l’océan indien en échange de la décolonisation de l’Asie à la fin du conflit. Seulement, la France Première puissance militaire mondiale, bien que déclinante, n’entendait pas saborder son empire et était revenu sur sa parole, tout comme les Hollandais qui voulaient continuer à exploiter les ressources de l’Insulinde. Seuls les Britanniques avaient tenu parole, mais les circonstances ne leur avaient vraiment pas laissé le choix. Alors que les pourparlers pour l’indépendance du Raj avaient commencé depuis moins d’un an, une guerre civile d’une violence inouïe avait débuté entre les musulmans et les hindous. Les Britanniques et les Français avaient évacué et sauvés tout ce qu’ils avaient pu, laissant l’Inde se transformer en un pandémonium.
L’objet des tensions entre la France et ses anciens alliés japonais et chinois était donc l’Indochine. Depuis un an, le pays et surtout le Tonkin étaient secoués par une révolte indépendantiste animée par le Parti Nationaliste Vietnamien (Việt Nam Quốc Dân Đảng VNQDD) mené par un certain Nhất Linh. Les milices du VNQDD étaient armées et financées par les Japonais et s’entrainaient dans le Yunnan chinois, hors d’atteinte des forces françaises.
Mais depuis quelques semaines l’ensemble des services de renseignement français alertait de l’imminence d’une attaque sino-japonaise en Indochine. Marius, à bord du Gambetta, ainsi que les navires français les plus modernes avaient donc mis le cap vers l’Indochine. Marius trépignait d’impatience il n’avait pas désiré la guerre précédente, mais maintenant la tension du combat et les poussées d’adrénaline lui manquaient. Il ne faisait pas de politique, mais il trouvait la position sino-japonaise totalement déplacée. L’Indochine était française. Les Français y avaient construit des usines, des routes, des écoles. Même si le Japon et la Chine étaient devenus des pays modernes, c’était là aussi grâce aux Occidentaux. Qui avait aidé le Japon à se moderniser sur le plan militaire et économique il y a 50 ans ? Qui achetait les matières premières asiatiques ? La région devait énormément à la France et au Royaume-Uni et les alliés sino-japonais l’avait un peu trop vite oublié.
Alors que Flotte française ravitaillait à Saigon, tous les signaux étaient passés au rouge du côté des différents services de renseignements. D’après des barbouzes en station au Kouang-Tchéou-Wan, une flotte japonaise comptant deux porte-avions et plusieurs cuirassés venait d’arriver à Hainan et allait probablement frapper les bases françaises d’Indochine d’ici quelques jours. Le ministre de la Guerre Darlan avait donné l’ordre d’une attaque préventive, cette information avait été révélée aux capitaines des différents navires il y a vingt-quatre heures. Marius avait été informé comme les autres pilotes, par le capitaine Stanislas Longin commandant de la flottille 12F il y a seulement douze heures. Les Japonais quant à eux recevraient la déclaration de guerre par l’ambassadeur de France au Japon seulement 60 à 30 minutes avant l’attaque. Prévenu aussi tard la flotte n’aurait aucune chance de réagir, de quoi accrocher quelques navires de plus au tableau de chasse de la Flottille et remettre les Japonais à leurs places. Ces derniers ne seraient pas au bout de leur surprise, car la flotte française était suivie du convoi du Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient du Général Salan. Des paquebots avaient été mobilisés pour l’occasion et pas moins de 16 000 hommes et plus de 200 blindés débarqueraient à Haiphong d’ici cinq jours.
Maintenant Marius volait en cercle au-dessus de la flotte. La couverture nuageuse était plus dense et plus basse que prévu par les gars du service météo. Cela pouvait être un avantage comme un handicap. Sangler derrière lui son « gunner » Maxime Sépulcre était nerveux. Voler dans le même avion que Marius faisait souvent cet effet-là tant il fleurait avec les limites des capacités des appareils abord desquels il volait. Les 12 cylindres du moteur faisaient vibrer la carlingue de son VB.38 Espadon, le petit bijou de l’Arsenal de l’aéronautique. D’après les plans de l’opération, dans 15 minutes soit à 7 h 15 plus de 120 appareils mettraient le cap sur Hainan et la flotte japonaise. Tout son escadron avait pris l’air et quelques dizaines de mettre devant lui se trouvait l’Espadon de commandement et d’observation du commandant de la Flottille Matojievsky. Quelques minutes plus tard, Matojievsky sortie de la formation d’attente, imitée par le reste des pilotes et les 120 appareils mirent le cap vers le nord-est et Hainan. Marius consulta sa montre : il était 7 h 15.
Les premiers avions français survolèrent la base et aperçurent le port et les navires japonais à 7 h 40. Les avions-torpilleurs Espadon dont celui de Marius volaient à basse altitude. Les bombardiers VB.33 Épaulard volaient quant à eux à haute altitude. À 7 h 53, les premières bombes françaises furent larguées et les Espadons se mirent en formation d’attaque. Marius était déjà à l’altitude de largage 25 mètres au-dessus des vagues plus de 330 km/h. L’ennemi alerté par les premières bombes commençait à répliquer et les obus et balles traçants commençaient à fuser de toute part. Il ne dévia pas sa trajectoire, filant vers l’imposant porte-avions amarré à quai. Il avait répété ces gestes des centaines de fois, largage à une distance minimale laissant juste le temps à la torpille de s’armer. Une manœuvre dangereuse qui exaspérait les hommes sous ses ordres. Trois cents mètres, il actionna le bouton de largage et son avion s’allégea d’un seul coup. Il releva le manche à la dernière minute passant juste au-dessus de pont du porte-avions. Dans le siège derrière lui Maxime jugerait furieusement, mais pour Marius quelque chose clochait, il vira sur la droite pour voir le porte-avions japonais au moment où la torpille aurait dû détonner. Rien, les Japonais avaient placé des filets anti-torpille et ils se révélèrent efficaces, mais il eut confirmation de ce qui clochait : il n’y avait aucun avion sur le pont d’envol du navire japonais. Il rejoignit le reste de son escadron et ils reprirent tous ensemble de l’altitude avant de regagner le Gambetta. Le ciel autour d’eux était devenu furieusement animé alors que les chasseurs VB.31 Requin étaient aux prises avec plusieurs dizaines de chasseurs japonais. Dans la rade un destroyer et un cuirassé étaient en flamme. Maigre succès.
Après 25 minutes de vol, Marius fut pris d’effrois en apercevant plusieurs colonnes de fumée et de flammes provenant de la flotte française. Les Japonais avaient attaqué. Était-ce les avions manquant sur les porte-avions à Hainan ? Probablement. Son escadron entamant les manœuvres d’appontage, il devait se poser en premier pour faire son rapport. Durant la manœuvre il eut le temps de constater que les deux navires en flamme étaient le cuirassé Flandre et surtout le porte-avions Clemenceau, sister-ship du Gambetta. Le porte-avions semblait terriblement mal au point et la totalité du pont d’envol semblait noyée dans les flammes.
À bord du porte-avions japonais Seiryū, l’amiral Tamon Yamaguchi guettait le retour de ses pilotes pour avoir leur rapport. Depuis que l’amiral Yamamoto était rentré dans le milieu de la politique, Tamon avait été son successeur désigné à la tête de la Flotte combinée, mais il avait dû faire face aux amiraux de vieille garde pour s’assurer définitivement de son poste. Ces dernières années la flotte avait surtout pris part à des opérations côtières en soutien du gouvernement fédéral chinois contre certains seigneurs de la guerre un peu trop récalcitrants. Mais les jeux de guerre furent fréquents afin de rester prêt en cas de guerre contre l’URSS, les USA ou les Européens et alors qu’il brillait lors de ses exercices son principal adversaire, l’amiral Nagumo s’était ridiculisé à plusieurs reprises, car il était incapable de tolérer que l’ennemi ne s’en tienne pas à ce qu’on en attendait. Il était incapable d’audace ou d’improvisation. Alors que les tensions montaient avec les puissances européennes quant à leurs engagements non tenu sur la décolonisation de l’Asie, infiltré au sein des états-majors français en Indochine des éléments du VNQDD avait découvert que les Français préparaient une attaque préventive contre la flotte japonaise qui se dirigeait vers Hainan, mais cette flotte n’était qu’un leurre. Elle se constituait de navires anciens, par exemple les porte-avions Hiryū et Soryū ou encore les cuirassés Nagato. Le plan japonais était de faire croire à une attaque imminente pour que les Français déclarent la guerre tout en se jetant un piège. Yamaguchi avait mené une partie de Flotte Combiné en mer de Chine afin d’attaquer les Français dès qu’ils passeraient à l’attaque. Sa flotte, forte de trois porte-avions modernes et de quatre cuirassés, avait fait route depuis le Japon maintenant le silence radio complet depuis une semaine, communiquant uniquement par signaux lumineux. Ce qui avait aidé à mener son plan à bien était un nouveau navire, le croiseur de commandement Mishima qui n’avait de croiseur que la coque et l’allure. En dehors de ses équipements de défense antiaérienne, l’armement du croiseur était constitué d’antenne et de radar. Le Mishima était un navire de guerre des ondes qui avait permis à l’amiral de recevoir les messages des espions du VNQDD et d’être informé de l’attaque sur Hainan sans rompre le silence radio. Le trafic radio avait permis de savoir quand les avions français étaient partis pour Hainan et de déterminer le nombre approximatif d’appareils. La Flotte Combiné, elle, se trouvait à 230 kilomètres à l’est de la flotte française. Yamaguchi avait ordonné à ses avions de décoller et de se regrouper dès que les Français avaient commencé à préparer leur attaque. Ayant plus de distance à couvrir, les appareils japonais étaient partis 10 minutes avant les Français et avaient atteint leur objectif pendant que l’essentiel des appareils ennemis attaquait Hainan. La première vague d’attaque japonaise était composée de plus de 180 appareils : des chasseurs Mitsubishi A7M2 Reppū, quelques appareils de reconnaissance Nakajima C6N2 Saiun et des bombardiers Aichi B7A2 Ryūsei.
Pendant qu’il repensait aux évènements qui avaient mené à cette journée qui serait surement historique les premiers appareils avaient apponté, dont le Saiun du capitaine Tanaka. Ce dernier sauta de son avion dès qu’il fut immobilisé et fonça rejoindre l’îlot de commandement pour faire son rapport à Yamaguchi. L’attaque initiée par la moitié des B7A2 équipés de torpilles avait semée la panique dans la flotte ennemie qui avait lancé de nombreuses manœuvres d’évitement et avait étiré son dispositif diminuant ainsi l’efficacité de sa défense antiaérienne. Peu de torpilles avaient fait mouche, mais cela avait permis aux autres Ryūsei, équipé de bombes, de surgir depuis les nuages directement à la verticale de flotte ennemie. Tanaka avait assisté de ses propres yeux à l’attaque ravageuse qui avait vu l’un des porte-avions ennemis frappés successivement de 12 bombes larguées par les bombardiers en piqués. Lorsque les avions japonais avaient fait demi-tour, un cuirassé était lui aussi mal au point. Yamaguchi avait déjà pris sa décision dès que les avions de la première vague auraient fini d’apponter, il enverrait les appareils maintenus en réserve qui avaient été armés dans les hangars juste sous le pont d’envol. Le but de l’opération Ichi-Go était de couler les deux porte-avions ennemis et l’amiral japonais n’entendait pas échouer.
Sur le pont d’envol encombré du Gambetta, Marius attendait impatiemment de laver l’affront. Les Français étaient tombés dans un piège. Une flotte japonaise se trouvait à l’est d’après les estimations de l’amiral Auphan et son état-major. Une partie des appareils du Clemenceau avaient apponté sur le Gambetta pour renforcer son groupe aérien, mais d’autres avaient dû amerrir et abandonner leurs avions aux profondeurs de l’océan. C’était maintenant au tour de Marius de décoller. Freins bloqués volets vérifiés, il poussait son moteur dans les tours, mais son regard était inexorablement attiré sur sa gauche et le Clemenceau toujours ravagé par les incendies. Soudain le porte-avions fut déchiré par une immense explosion dont l’onde de choc vint secouer son avion avant que le son terrifiant de l’explosion ne l’atteigne. Maxime l’informa que les « rampants » sur le pont d’envol attendaient que l’Espadon décolle. Marius réagit immédiatement et lâcha les freins pour pousser son avion à pleine vitesse vers l’océan. Le VB.38 s’arracha du pont d’envol pour rejoindre le reste de flottille avant de mettre le cap vers la flotte ennemie. Les Espadons devaient se séparer en deux groupes pour attaquer dans un mouvement en tenaille pendant que les Épaulards attaqueraient en piqué.
Il était maintenant 10 h 55, le regroupement de la force de frappe avait pris bien trop de temps au goût de Marius. La plupart des pilotes aperçurent au loin sur leur gauche une tripotée d’avions qui volaient dans la direction opposée à travers les nuages. Les Japonais sans aucun doute. Il ne douta pas non plus du fait que le commandant Matojievsky était en train d’avertir la flotte. À 11 h 4, les appareils français amorçaient leur attaque contre la flotte japonaise enfin localisée. Les espadons furent ciblés par la DCA ennemie dès qu’ils furent à porter. Marius identifia trois porte-avions et s’aligna sur le plus proche, imité par le reste de l’escadron. Soudain il vit des éclats ricocher sur la carlingue de son appareil alors que Maxime alertait d’une attaque des chasseurs ennemis. Son appareil ne fut pas endommagé et il maintint le cap vers la cible alors que quatre des appareils sous ses ordres avaient été abattus. À 300 mètres les 8 appareils survivants larguèrent leurs torpilles. Marius redressa son appareil au dernier moment pour passer au-dessus du porte-avions visé, le but de la manœuvre étant de rester hors de portées de la DCA pendant quelques secondes. Alors qu’il redressait pour gagner de l’altitude, plusieurs éclats de flak vinrent frapper son appareil et il entendit Maxime hurler de douleur. Le pilote tenta d’obtenir des nouvelles de son canonnier, mais il semblait avoir perdu connaissance. Marius espérait qu’il n’était pas mort.
L’amiral Yamaguchi devait concéder une chose aux pilotes français. Ils étaient courageux et déterminés. D’après les rapports, le Taihō avait été touché par deux torpilles. La première avait touché les réservoirs de carburant et les vapeurs de mazout s’étaient répandues dans les compartiments voisins. La seconde avait détruit la principale canalisation d’eau à bâbord, qui commençait à inonder les chaudières du navire. Le porte-avions pouvait néanmoins continuer de naviguer à la vitesse de 44 km/h. Il pourrait récupérer ses avions, pas en lancer d’autres. Deux autres bombes avaient touché le Kaihō déclenchant des incendies. D’après le commandant du porte-avions, la situation était sous contrôle et le navire pourrait reprendre le combat sous peu. Par miracle, son propre porte-avions, le Seiryū, avait été manqué de peu par une douzaine de bombes. Cette attaque avait été une grosse alerte pour l’amiral. Ses porte-avions étaient encore opérationnels, mais auraient besoin de lourdes réparations. Il espérait que sa deuxième vague d’attaque reviendrait victorieuse.
Maxime ne donnait toujours pas signe de vie à l’arrière de l’appareil et ce que Marius distinguait au loin ne le rassurait pas. La flotte française avait été attaquée et des immenses colonnes de fumées noires indiquaient que plusieurs navires étaient en feu. Seuls quatre avions, le sien inclut, étaient revenus de l’attaque contre la flotte japonaise. Tous étaient endommagés à divers degrés. Il n’y aurait donc probablement pas de troisième attaque aujourd’hui. Alors que les Espadons se rapprochaient de la flotte, Marius cherchait le Gambetta du regard. Lorsqu’il le trouva enfin, il comprit qu’il n’y aura pas d’autres attaques quoiqu’il arrive. Le porte-avions était en flamme et son pont d’envol était éventré sur plusieurs dizaines de mettre. Même si l’équipage parvenait à maitriser les incendies il serait impossible d’apponter. Marius décida de continuer à voler jusqu’à épuisement du carburant en espérant que Maxime reprendrait conscience d’ici là et sera capable de quitter l’appareil lorsqu’il faudrait amerrir. Il informa ses ailiers de la situation et leur ordonna d’amerrir à proximité des destroyers pour pouvoir être repêchés au plus vite. Les avions étaient remplaçables, les bons équipages l’étaient beaucoup moins.
Comme quelques heures plus tôt Yamaguchi attendait le retour de ses pilotes pour entendre leur rapport. Comme quelques heures plus tôt Tanaka se précipita hors de son Saiun pour faire son rapport. L’amiral japonais fut satisfait d’entendre que le deuxième porte-avions français avait été frappé d’une bombe anti blindage qui avait fait des ravages inouïs. D’après les observations de Tanaka, la bombe avait dû traverser plusieurs ponts et atteindre les réserves de carburant, car un seul impact avait déclenché une explosion monumentale éventrant le pont d’envol sur plus de 60 mètres. Deux destroyers, deux cuirassés et au moins un croiseur pouvaient être comptés dans les pertes infligées à l’ennemi. Tanaka avait vu de ses yeux un cuirassé de classe Alsace se briser en deux suite à l’explosion de ses munitions après avoir été frappé par plusieurs torpilles. Yamaguchi transmit alors ses ordres : une fois les avions récupérer la flotte ferait route au nord pour regagner le Japon. Privé de leur porte-avions les Français étaient sérieusement handicapés et la Marine japonaise ne manquait pas de ressources pour s’occuper de ce qui restait de la flotte française. D’ailleurs les Français n’étaient pas au bout de leurs surprises, car d’après ce que l’amiral savait des milliers des miliciens indépendantistes étaient en train d’entrer au Vietnam depuis le Yunnan et maintenant que la guerre était déclarée, les troupes chinoises et les aviateurs japonais allaient soutenir leurs alliés vietnamiens dans leur quête d’indépendance.
Marius gisait dans son radeau de sauvetage gonflable et attendait qu’on vienne le repêcher. À côté de lui gisait Maxime qui souffrait le martyre. Alors qu’il ne lui restait plus que quelques minutes de carburant, Marius avait attaché et calé son manche à balai avec le sac de son parachute qui ne lui serait plus d’aucune utilité. Alors que son avion volait en ligne droite, il s’était détaché de son siège pour aller s’occuper de Maxime. Les claques restant sans effet il fallut appuyer sur la blessure que Maxime avait à l’épaule pour le réveiller. Son pauvre équipier avait reçu des éclats à l’épaule, dans le ventre et la cuisse. Il baignait dans son sang, mais au moins il était réveillé. Le pilote avait alors repris le contrôle de son appareil et s’était dirigé vers un destroyer. Il avait purgé les derniers litres de carburant des réservoirs et coupé le moteur. Le but était de poser l’Espadon aussi délicatement que possible sur les vagues pour ne pas se blesser et pouvoir évacuer. L’avion se posa avec succès sur la crête d’une vague et fut freiné brutalement. Immédiatement Marius détacha ses sangles puis déclencha les boulons explosifs qui éjectèrent la verrière à plusieurs mettre de l’appareil. Il escalada ensuite les sièges et détacha son équipier en souffrance, l’aida à monter sur l’aile de l’avion qui s’enfonçait doucement dans l’eau. Marius eu alors le temps d’attraper la trousse de soins, le radeau gonflable et les fusés de détresse avant que son avion de s’enfonce dans l’océan. Heureusement qu’ils avaient des gilets de sauvetage, car Maxime était trop amoché pour nager.
Alors qu’un destroyer approchait pour les récupérer, le ciel s’ouvrit sur une énorme averse que Marius trouvait rafraichissante. L’opération Charlemagne était le plus gros désastre de l’Histoire militaire française moderne et Marius se demandait si la France avait la moindre de chance de gagner la guerre qu’il avait contribué à déclencher.
Marius Lemaire volait, encore et toujours. C’est ce qu’il avait toujours voulu faire et c’était tout ce qu’il savait faire. Déjà avant que n’éclate la guerre entre la Grande Entente et le Reich il avait été passionné d’aviation. En 1938, lorsque la guerre avait commencé il n’avait que 15 ans et s’était retrouvé à servir comme mécanicien pour l’aéronaval. Deux ans plus tard, il commençait enfin à voler, d’abord pour convoyer des avions d’une base à une autre où depuis les usines puis en 1942 il devint pilote de guerre, mais pas à bord d’un porte-avions. La France en avait trop peu, deux étaient en train d’achever leur construction. Mais en attendant la marine avait décidé se doter d’une aviation basée à terre.
C’est en Corse que Marius avait commencé sa guerre. À bord de son M.B.175T, il avait participé à la plupart des attaques contre les côtes italiennes. Lorsque les Italiens avaient décidé de s’associer à l’Allemagne hitlérienne, ils avaient pensé pouvoir s’emparer des possessions franco-anglaises en méditerranée, mais aussi de l’Afrique. En 1941, après un an de guerre les Transalpins avaient perdu la Libye et l’Afrique orientale tout en se révélant totalement incapables de franchir les Alpes. En 1942, alors que le front de la Bataille de France restait statique, le Commonwealth appuyé par la marine française était passé à l’offensive en méditerranée débarquant simultanément en Sicile et en Sardaigne. Les bombardiers de la Marine nationale avaient alors commencé à attaquer les ports italiens.
Au sein de la Flottille 12F, son escadron avait coulé les cuirassés Littorio et Vittorio Veneto ainsi que les croiseurs Trento et Gorizia. En mars 1943, l’armée italienne renversait le gouvernement fasciste de Mussolini, signait l’armistice et rejoignait la Grande Entente. La guerre de Marius s’était finie à ce moment-là puisque sa flottille était retournée en Bretagne pour traquer les U-boat de la Kriegsmarine en attendant d’avoir un porte-avions. C’est aussi là qu’il avait perdu la seule autre chose qui comptait pour lui. L’amour de sa vie. Sa douce Sybille, son amour d’enfance, infirmière de guerre avait été tué dans un bombardement à Ypres pendant la libération de la Belgique.
En juin 1944, alors que démarrait la qualification de la 12F abord du porte-avions Gambetta, l’Allemagne avait fini par capituler. Il avait fallu pour cela une invasion et une destruction sans précédent. À l’ouest et au sud les armées de la Grande Entente menée par les Franco-Britanniques et leurs Alliés ; à l’ouest, l’URSS. L’Allemagne ressortait du conflit totalement anéanti et divisé entre la Grande Entente et l’URSS. Pendant ce temps, Marius n’avait visé plus qu’un seul objectif devenir le meilleur pilote d’attaque qui soit.
En 1947, une nouvelle guerre se dessinait, présageant d’une opportunité pour Marius de montrer son excellence. Contre toute attente cette guerre ne serait pas contre l’Union soviétique, avec laquelle la France avait d’assez bonnes relations, contrairement aux Américains et aux Britanniques. Non, cette guerre qui s’annonçait était contre l’Empire du Japon et la Fédération chinoise. En effet, l’Asie avait été un soutien précieux de la Grande Entente. Ressources et protection des convois dans l’océan indien en échange de la décolonisation de l’Asie à la fin du conflit. Seulement, la France Première puissance militaire mondiale, bien que déclinante, n’entendait pas saborder son empire et était revenu sur sa parole, tout comme les Hollandais qui voulaient continuer à exploiter les ressources de l’Insulinde. Seuls les Britanniques avaient tenu parole, mais les circonstances ne leur avaient vraiment pas laissé le choix. Alors que les pourparlers pour l’indépendance du Raj avaient commencé depuis moins d’un an, une guerre civile d’une violence inouïe avait débuté entre les musulmans et les hindous. Les Britanniques et les Français avaient évacué et sauvés tout ce qu’ils avaient pu, laissant l’Inde se transformer en un pandémonium.
L’objet des tensions entre la France et ses anciens alliés japonais et chinois était donc l’Indochine. Depuis un an, le pays et surtout le Tonkin étaient secoués par une révolte indépendantiste animée par le Parti Nationaliste Vietnamien (Việt Nam Quốc Dân Đảng VNQDD) mené par un certain Nhất Linh. Les milices du VNQDD étaient armées et financées par les Japonais et s’entrainaient dans le Yunnan chinois, hors d’atteinte des forces françaises.
Mais depuis quelques semaines l’ensemble des services de renseignement français alertait de l’imminence d’une attaque sino-japonaise en Indochine. Marius, à bord du Gambetta, ainsi que les navires français les plus modernes avaient donc mis le cap vers l’Indochine. Marius trépignait d’impatience il n’avait pas désiré la guerre précédente, mais maintenant la tension du combat et les poussées d’adrénaline lui manquaient. Il ne faisait pas de politique, mais il trouvait la position sino-japonaise totalement déplacée. L’Indochine était française. Les Français y avaient construit des usines, des routes, des écoles. Même si le Japon et la Chine étaient devenus des pays modernes, c’était là aussi grâce aux Occidentaux. Qui avait aidé le Japon à se moderniser sur le plan militaire et économique il y a 50 ans ? Qui achetait les matières premières asiatiques ? La région devait énormément à la France et au Royaume-Uni et les alliés sino-japonais l’avait un peu trop vite oublié.
Alors que Flotte française ravitaillait à Saigon, tous les signaux étaient passés au rouge du côté des différents services de renseignements. D’après des barbouzes en station au Kouang-Tchéou-Wan, une flotte japonaise comptant deux porte-avions et plusieurs cuirassés venait d’arriver à Hainan et allait probablement frapper les bases françaises d’Indochine d’ici quelques jours. Le ministre de la Guerre Darlan avait donné l’ordre d’une attaque préventive, cette information avait été révélée aux capitaines des différents navires il y a vingt-quatre heures. Marius avait été informé comme les autres pilotes, par le capitaine Stanislas Longin commandant de la flottille 12F il y a seulement douze heures. Les Japonais quant à eux recevraient la déclaration de guerre par l’ambassadeur de France au Japon seulement 60 à 30 minutes avant l’attaque. Prévenu aussi tard la flotte n’aurait aucune chance de réagir, de quoi accrocher quelques navires de plus au tableau de chasse de la Flottille et remettre les Japonais à leurs places. Ces derniers ne seraient pas au bout de leur surprise, car la flotte française était suivie du convoi du Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient du Général Salan. Des paquebots avaient été mobilisés pour l’occasion et pas moins de 16 000 hommes et plus de 200 blindés débarqueraient à Haiphong d’ici cinq jours.
Maintenant Marius volait en cercle au-dessus de la flotte. La couverture nuageuse était plus dense et plus basse que prévu par les gars du service météo. Cela pouvait être un avantage comme un handicap. Sangler derrière lui son « gunner » Maxime Sépulcre était nerveux. Voler dans le même avion que Marius faisait souvent cet effet-là tant il fleurait avec les limites des capacités des appareils abord desquels il volait. Les 12 cylindres du moteur faisaient vibrer la carlingue de son VB.38 Espadon, le petit bijou de l’Arsenal de l’aéronautique. D’après les plans de l’opération, dans 15 minutes soit à 7 h 15 plus de 120 appareils mettraient le cap sur Hainan et la flotte japonaise. Tout son escadron avait pris l’air et quelques dizaines de mettre devant lui se trouvait l’Espadon de commandement et d’observation du commandant de la Flottille Matojievsky. Quelques minutes plus tard, Matojievsky sortie de la formation d’attente, imitée par le reste des pilotes et les 120 appareils mirent le cap vers le nord-est et Hainan. Marius consulta sa montre : il était 7 h 15.
Les premiers avions français survolèrent la base et aperçurent le port et les navires japonais à 7 h 40. Les avions-torpilleurs Espadon dont celui de Marius volaient à basse altitude. Les bombardiers VB.33 Épaulard volaient quant à eux à haute altitude. À 7 h 53, les premières bombes françaises furent larguées et les Espadons se mirent en formation d’attaque. Marius était déjà à l’altitude de largage 25 mètres au-dessus des vagues plus de 330 km/h. L’ennemi alerté par les premières bombes commençait à répliquer et les obus et balles traçants commençaient à fuser de toute part. Il ne dévia pas sa trajectoire, filant vers l’imposant porte-avions amarré à quai. Il avait répété ces gestes des centaines de fois, largage à une distance minimale laissant juste le temps à la torpille de s’armer. Une manœuvre dangereuse qui exaspérait les hommes sous ses ordres. Trois cents mètres, il actionna le bouton de largage et son avion s’allégea d’un seul coup. Il releva le manche à la dernière minute passant juste au-dessus de pont du porte-avions. Dans le siège derrière lui Maxime jugerait furieusement, mais pour Marius quelque chose clochait, il vira sur la droite pour voir le porte-avions japonais au moment où la torpille aurait dû détonner. Rien, les Japonais avaient placé des filets anti-torpille et ils se révélèrent efficaces, mais il eut confirmation de ce qui clochait : il n’y avait aucun avion sur le pont d’envol du navire japonais. Il rejoignit le reste de son escadron et ils reprirent tous ensemble de l’altitude avant de regagner le Gambetta. Le ciel autour d’eux était devenu furieusement animé alors que les chasseurs VB.31 Requin étaient aux prises avec plusieurs dizaines de chasseurs japonais. Dans la rade un destroyer et un cuirassé étaient en flamme. Maigre succès.
Après 25 minutes de vol, Marius fut pris d’effrois en apercevant plusieurs colonnes de fumée et de flammes provenant de la flotte française. Les Japonais avaient attaqué. Était-ce les avions manquant sur les porte-avions à Hainan ? Probablement. Son escadron entamant les manœuvres d’appontage, il devait se poser en premier pour faire son rapport. Durant la manœuvre il eut le temps de constater que les deux navires en flamme étaient le cuirassé Flandre et surtout le porte-avions Clemenceau, sister-ship du Gambetta. Le porte-avions semblait terriblement mal au point et la totalité du pont d’envol semblait noyée dans les flammes.
À bord du porte-avions japonais Seiryū, l’amiral Tamon Yamaguchi guettait le retour de ses pilotes pour avoir leur rapport. Depuis que l’amiral Yamamoto était rentré dans le milieu de la politique, Tamon avait été son successeur désigné à la tête de la Flotte combinée, mais il avait dû faire face aux amiraux de vieille garde pour s’assurer définitivement de son poste. Ces dernières années la flotte avait surtout pris part à des opérations côtières en soutien du gouvernement fédéral chinois contre certains seigneurs de la guerre un peu trop récalcitrants. Mais les jeux de guerre furent fréquents afin de rester prêt en cas de guerre contre l’URSS, les USA ou les Européens et alors qu’il brillait lors de ses exercices son principal adversaire, l’amiral Nagumo s’était ridiculisé à plusieurs reprises, car il était incapable de tolérer que l’ennemi ne s’en tienne pas à ce qu’on en attendait. Il était incapable d’audace ou d’improvisation. Alors que les tensions montaient avec les puissances européennes quant à leurs engagements non tenu sur la décolonisation de l’Asie, infiltré au sein des états-majors français en Indochine des éléments du VNQDD avait découvert que les Français préparaient une attaque préventive contre la flotte japonaise qui se dirigeait vers Hainan, mais cette flotte n’était qu’un leurre. Elle se constituait de navires anciens, par exemple les porte-avions Hiryū et Soryū ou encore les cuirassés Nagato. Le plan japonais était de faire croire à une attaque imminente pour que les Français déclarent la guerre tout en se jetant un piège. Yamaguchi avait mené une partie de Flotte Combiné en mer de Chine afin d’attaquer les Français dès qu’ils passeraient à l’attaque. Sa flotte, forte de trois porte-avions modernes et de quatre cuirassés, avait fait route depuis le Japon maintenant le silence radio complet depuis une semaine, communiquant uniquement par signaux lumineux. Ce qui avait aidé à mener son plan à bien était un nouveau navire, le croiseur de commandement Mishima qui n’avait de croiseur que la coque et l’allure. En dehors de ses équipements de défense antiaérienne, l’armement du croiseur était constitué d’antenne et de radar. Le Mishima était un navire de guerre des ondes qui avait permis à l’amiral de recevoir les messages des espions du VNQDD et d’être informé de l’attaque sur Hainan sans rompre le silence radio. Le trafic radio avait permis de savoir quand les avions français étaient partis pour Hainan et de déterminer le nombre approximatif d’appareils. La Flotte Combiné, elle, se trouvait à 230 kilomètres à l’est de la flotte française. Yamaguchi avait ordonné à ses avions de décoller et de se regrouper dès que les Français avaient commencé à préparer leur attaque. Ayant plus de distance à couvrir, les appareils japonais étaient partis 10 minutes avant les Français et avaient atteint leur objectif pendant que l’essentiel des appareils ennemis attaquait Hainan. La première vague d’attaque japonaise était composée de plus de 180 appareils : des chasseurs Mitsubishi A7M2 Reppū, quelques appareils de reconnaissance Nakajima C6N2 Saiun et des bombardiers Aichi B7A2 Ryūsei.
Pendant qu’il repensait aux évènements qui avaient mené à cette journée qui serait surement historique les premiers appareils avaient apponté, dont le Saiun du capitaine Tanaka. Ce dernier sauta de son avion dès qu’il fut immobilisé et fonça rejoindre l’îlot de commandement pour faire son rapport à Yamaguchi. L’attaque initiée par la moitié des B7A2 équipés de torpilles avait semée la panique dans la flotte ennemie qui avait lancé de nombreuses manœuvres d’évitement et avait étiré son dispositif diminuant ainsi l’efficacité de sa défense antiaérienne. Peu de torpilles avaient fait mouche, mais cela avait permis aux autres Ryūsei, équipé de bombes, de surgir depuis les nuages directement à la verticale de flotte ennemie. Tanaka avait assisté de ses propres yeux à l’attaque ravageuse qui avait vu l’un des porte-avions ennemis frappés successivement de 12 bombes larguées par les bombardiers en piqués. Lorsque les avions japonais avaient fait demi-tour, un cuirassé était lui aussi mal au point. Yamaguchi avait déjà pris sa décision dès que les avions de la première vague auraient fini d’apponter, il enverrait les appareils maintenus en réserve qui avaient été armés dans les hangars juste sous le pont d’envol. Le but de l’opération Ichi-Go était de couler les deux porte-avions ennemis et l’amiral japonais n’entendait pas échouer.
Sur le pont d’envol encombré du Gambetta, Marius attendait impatiemment de laver l’affront. Les Français étaient tombés dans un piège. Une flotte japonaise se trouvait à l’est d’après les estimations de l’amiral Auphan et son état-major. Une partie des appareils du Clemenceau avaient apponté sur le Gambetta pour renforcer son groupe aérien, mais d’autres avaient dû amerrir et abandonner leurs avions aux profondeurs de l’océan. C’était maintenant au tour de Marius de décoller. Freins bloqués volets vérifiés, il poussait son moteur dans les tours, mais son regard était inexorablement attiré sur sa gauche et le Clemenceau toujours ravagé par les incendies. Soudain le porte-avions fut déchiré par une immense explosion dont l’onde de choc vint secouer son avion avant que le son terrifiant de l’explosion ne l’atteigne. Maxime l’informa que les « rampants » sur le pont d’envol attendaient que l’Espadon décolle. Marius réagit immédiatement et lâcha les freins pour pousser son avion à pleine vitesse vers l’océan. Le VB.38 s’arracha du pont d’envol pour rejoindre le reste de flottille avant de mettre le cap vers la flotte ennemie. Les Espadons devaient se séparer en deux groupes pour attaquer dans un mouvement en tenaille pendant que les Épaulards attaqueraient en piqué.
Il était maintenant 10 h 55, le regroupement de la force de frappe avait pris bien trop de temps au goût de Marius. La plupart des pilotes aperçurent au loin sur leur gauche une tripotée d’avions qui volaient dans la direction opposée à travers les nuages. Les Japonais sans aucun doute. Il ne douta pas non plus du fait que le commandant Matojievsky était en train d’avertir la flotte. À 11 h 4, les appareils français amorçaient leur attaque contre la flotte japonaise enfin localisée. Les espadons furent ciblés par la DCA ennemie dès qu’ils furent à porter. Marius identifia trois porte-avions et s’aligna sur le plus proche, imité par le reste de l’escadron. Soudain il vit des éclats ricocher sur la carlingue de son appareil alors que Maxime alertait d’une attaque des chasseurs ennemis. Son appareil ne fut pas endommagé et il maintint le cap vers la cible alors que quatre des appareils sous ses ordres avaient été abattus. À 300 mètres les 8 appareils survivants larguèrent leurs torpilles. Marius redressa son appareil au dernier moment pour passer au-dessus du porte-avions visé, le but de la manœuvre étant de rester hors de portées de la DCA pendant quelques secondes. Alors qu’il redressait pour gagner de l’altitude, plusieurs éclats de flak vinrent frapper son appareil et il entendit Maxime hurler de douleur. Le pilote tenta d’obtenir des nouvelles de son canonnier, mais il semblait avoir perdu connaissance. Marius espérait qu’il n’était pas mort.
L’amiral Yamaguchi devait concéder une chose aux pilotes français. Ils étaient courageux et déterminés. D’après les rapports, le Taihō avait été touché par deux torpilles. La première avait touché les réservoirs de carburant et les vapeurs de mazout s’étaient répandues dans les compartiments voisins. La seconde avait détruit la principale canalisation d’eau à bâbord, qui commençait à inonder les chaudières du navire. Le porte-avions pouvait néanmoins continuer de naviguer à la vitesse de 44 km/h. Il pourrait récupérer ses avions, pas en lancer d’autres. Deux autres bombes avaient touché le Kaihō déclenchant des incendies. D’après le commandant du porte-avions, la situation était sous contrôle et le navire pourrait reprendre le combat sous peu. Par miracle, son propre porte-avions, le Seiryū, avait été manqué de peu par une douzaine de bombes. Cette attaque avait été une grosse alerte pour l’amiral. Ses porte-avions étaient encore opérationnels, mais auraient besoin de lourdes réparations. Il espérait que sa deuxième vague d’attaque reviendrait victorieuse.
Maxime ne donnait toujours pas signe de vie à l’arrière de l’appareil et ce que Marius distinguait au loin ne le rassurait pas. La flotte française avait été attaquée et des immenses colonnes de fumées noires indiquaient que plusieurs navires étaient en feu. Seuls quatre avions, le sien inclut, étaient revenus de l’attaque contre la flotte japonaise. Tous étaient endommagés à divers degrés. Il n’y aurait donc probablement pas de troisième attaque aujourd’hui. Alors que les Espadons se rapprochaient de la flotte, Marius cherchait le Gambetta du regard. Lorsqu’il le trouva enfin, il comprit qu’il n’y aura pas d’autres attaques quoiqu’il arrive. Le porte-avions était en flamme et son pont d’envol était éventré sur plusieurs dizaines de mettre. Même si l’équipage parvenait à maitriser les incendies il serait impossible d’apponter. Marius décida de continuer à voler jusqu’à épuisement du carburant en espérant que Maxime reprendrait conscience d’ici là et sera capable de quitter l’appareil lorsqu’il faudrait amerrir. Il informa ses ailiers de la situation et leur ordonna d’amerrir à proximité des destroyers pour pouvoir être repêchés au plus vite. Les avions étaient remplaçables, les bons équipages l’étaient beaucoup moins.
Comme quelques heures plus tôt Yamaguchi attendait le retour de ses pilotes pour entendre leur rapport. Comme quelques heures plus tôt Tanaka se précipita hors de son Saiun pour faire son rapport. L’amiral japonais fut satisfait d’entendre que le deuxième porte-avions français avait été frappé d’une bombe anti blindage qui avait fait des ravages inouïs. D’après les observations de Tanaka, la bombe avait dû traverser plusieurs ponts et atteindre les réserves de carburant, car un seul impact avait déclenché une explosion monumentale éventrant le pont d’envol sur plus de 60 mètres. Deux destroyers, deux cuirassés et au moins un croiseur pouvaient être comptés dans les pertes infligées à l’ennemi. Tanaka avait vu de ses yeux un cuirassé de classe Alsace se briser en deux suite à l’explosion de ses munitions après avoir été frappé par plusieurs torpilles. Yamaguchi transmit alors ses ordres : une fois les avions récupérer la flotte ferait route au nord pour regagner le Japon. Privé de leur porte-avions les Français étaient sérieusement handicapés et la Marine japonaise ne manquait pas de ressources pour s’occuper de ce qui restait de la flotte française. D’ailleurs les Français n’étaient pas au bout de leurs surprises, car d’après ce que l’amiral savait des milliers des miliciens indépendantistes étaient en train d’entrer au Vietnam depuis le Yunnan et maintenant que la guerre était déclarée, les troupes chinoises et les aviateurs japonais allaient soutenir leurs alliés vietnamiens dans leur quête d’indépendance.
Marius gisait dans son radeau de sauvetage gonflable et attendait qu’on vienne le repêcher. À côté de lui gisait Maxime qui souffrait le martyre. Alors qu’il ne lui restait plus que quelques minutes de carburant, Marius avait attaché et calé son manche à balai avec le sac de son parachute qui ne lui serait plus d’aucune utilité. Alors que son avion volait en ligne droite, il s’était détaché de son siège pour aller s’occuper de Maxime. Les claques restant sans effet il fallut appuyer sur la blessure que Maxime avait à l’épaule pour le réveiller. Son pauvre équipier avait reçu des éclats à l’épaule, dans le ventre et la cuisse. Il baignait dans son sang, mais au moins il était réveillé. Le pilote avait alors repris le contrôle de son appareil et s’était dirigé vers un destroyer. Il avait purgé les derniers litres de carburant des réservoirs et coupé le moteur. Le but était de poser l’Espadon aussi délicatement que possible sur les vagues pour ne pas se blesser et pouvoir évacuer. L’avion se posa avec succès sur la crête d’une vague et fut freiné brutalement. Immédiatement Marius détacha ses sangles puis déclencha les boulons explosifs qui éjectèrent la verrière à plusieurs mettre de l’appareil. Il escalada ensuite les sièges et détacha son équipier en souffrance, l’aida à monter sur l’aile de l’avion qui s’enfonçait doucement dans l’eau. Marius eu alors le temps d’attraper la trousse de soins, le radeau gonflable et les fusés de détresse avant que son avion de s’enfonce dans l’océan. Heureusement qu’ils avaient des gilets de sauvetage, car Maxime était trop amoché pour nager.
Alors qu’un destroyer approchait pour les récupérer, le ciel s’ouvrit sur une énorme averse que Marius trouvait rafraichissante. L’opération Charlemagne était le plus gros désastre de l’Histoire militaire française moderne et Marius se demandait si la France avait la moindre de chance de gagner la guerre qu’il avait contribué à déclencher.
Notes de l’auteur : dès que le thème charlemagne j’ai pensé à une histoire de ce genre sauf que Charlemagne était le nom d’un porte-avions. Son sistersip était le Bonaparte. Mais je trouvais que ces noms ne sonnaient pas assez républicain. J’ai alors repensé à ce cycle de la série de bandes dessinées « Jour-J » où la France était l’agresseur, l’ennemie. L’un des tomes s’appelait « Opération Charlemagne ». Et bien évidement je n’ai pas résisté l’idée d’illustrer le bombardier torpilleur Arsenal VB.38 Espadon. Espadon étant un autre clin d’œil à une célèbre bande dessinée.
Dernière édition par Thomas le Lun 18 Mai - 8:21, édité 1 fois
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Re: [CTC02]Opération Charlemagne
Ouille, a part aider les seigneurs de guerre chinois pour harceler les japonais, voir s'allier a l'URSS pour qu'elle attaque la Mandchourie, c'est mal barré pour la France...
Une lettre en trop ici :
À 11 h 4, les appareils français amorçaient leur attaque contre la flotte japonaise enfin localisée. Les espadons furent ciblés par la DCA ennemie dès qu’ils furent à porter. Marius identifia trois porte-avions et s’aligna sur le plus proche, imité par le reste de l’escadron. Soudain il vit des éclats ricocher sur la carlingue de son appareil alors que Maxime alertait d’une attaque des ''chausseurs'' ennemis.
Une lettre en trop ici :
À 11 h 4, les appareils français amorçaient leur attaque contre la flotte japonaise enfin localisée. Les espadons furent ciblés par la DCA ennemie dès qu’ils furent à porter. Marius identifia trois porte-avions et s’aligna sur le plus proche, imité par le reste de l’escadron. Soudain il vit des éclats ricocher sur la carlingue de son appareil alors que Maxime alertait d’une attaque des ''chausseurs'' ennemis.
Re: [CTC02]Opération Charlemagne
Merci.
Bien vu pour la faute improbable.
Bien vu pour la faute improbable.
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Re: [CTC02]Opération Charlemagne
Super
Le PdD c'est bien ce que je crois, pas d'accords de Munich ?
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Re: [CTC02]Opération Charlemagne
Entre autre. Probablement aussi une France réarmée plus tôt et ayant pris par à la guerre d'Espagne.
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Re: [CTC02]Opération Charlemagne
Ok merci
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Re: [CTC02]Opération Charlemagne
Une suite?
Uranium Colonel- Messages : 1907
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Localisation : République Démocratique de l'Icaunais
Re: [CTC02]Opération Charlemagne
Pas prévu, mais il ne faut jamais dire jamaisUranium Colonel a écrit:Une suite?
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Re: [CTC02]Opération Charlemagne
Arsenal VB.33 Epaulard
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Re: [CTC02]Opération Charlemagne
Arsenal VB.31 Requin
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Re: [CTC02]Opération Charlemagne
Oui.
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Re: [CTC02]Opération Charlemagne
Je viens de jeter un œil rapide sur l'article wiki. On ingénieurs ont voulu une structure en bois pour qu'il soit simple a produire mais on n'avez plus d'arbres de la qualité appropriée en France C'est ballot
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