Hokushin-ron (uchronie en une heure )

Dans le Bataille & Blindé n° 89 un court article traite de l’achat par le Japon d’un char Tigre I et d’un Panther. Ils ne furent jamais livrés au Japon, car il ne rentrait pas dans les submersibles faisant la liaison entre les deux pays.
Les Japonais ont aussi acheté les plans de ces chars. L’article ne dit pas si les plans ont été livrés.
Le Japon a acheté d’autres chars avant cela :
-2 Panzers III en 1941
-2 Panzers IV et 1 Panther en mars 1943.
Ces chars semblent avoir été livrés, même si on perd leur trace ensuite. Pour rappel les ravages de la guerre font que beaucoup d’archives ont été détruites.

Petite uchronie en une heure :
Il est donc envisageable dans une uchronie de voir le Japon produire des chars d’origine allemande. L’industrie japonaise n’est pas très développée dans le domaine des chars moyens et lourds. Et la production de chars demande aussi des ressources. Toutefois, le Japon a produit des milliers de chars légers durant la guerre.
Il faut toutefois une uchronie ou les officiers japonais prennent conscience de l’utilité des chars. Les accrochages avec les Soviétiques n’ont pas suffi à faire comprendre la leçon. Il faut un POD antérieur à Khalkhin Gol et Khassan donc antérieur à 1938.
Pour que les chars soient considérés comme potentiellement utiles, il faut aussi un Japon tourné vers la conquête du nord et non du sud : Hokushin-ron.

En gros l’uchronie qui me vient en tête est un Japon qui entre 1935 et 1938 décide que ses guerres seront contre la Chine et l’URSS et que les chars y seront utiles. Le Japon reste à peu près neutre dans le début de la guerre de l’Allemagne contre les Français et Anglais et se contente de « prendre » l’Indochine à Vichy après l’effondrement français.

La Marine japonaise n’a pas besoin de ses grands cuirassés ultras couteux en argent comme en ressources. Entre 1941 et 1943, le Japon se dote de divisions blindées qui lui permettent de triompher en Chine. En 1943 (1944 au plus tard), le Japon, la Mandchourie et la Chine attaquent l’Extrême-Orient soviétique, obligeant l’état-major de Staline à divertir des unités pour tenter de sauver la Sibérie ou faire une croix dessus.
Avec une flotte moins active et pas de super cuirassés, les maigres ressources en carburant japonaises sont allouées à l’arme blindée. Les Japonais sont certes obligés de faire attention à leur utilisation du carburant, mais s’en sortent malgré l’embargo américain. Peut-être aussi que l’Allemagne a aidé le Japon à développer une industrie pour le carburant de synthèse.

Pour rappel : L’essence synthétique (ou carburant synthétique) est un mélange d’hydrocarbures non dérivés du pétrole, mais obtenus à partir d’une autre source telle que la houille ou le lignite, ressources dont la Chine et la Mandchourie de manquent pas.
Précisons aussi que sur le plan politique le Japon et l’Allemagne sont des alliés objectifs, car ayant une ennemie commune (l’URSS), mais qu’ils ne sont pas liés par un traité autre que le pacte anti-Kominterm. Le Japon n’est donc pas en guerre avec le Royaume-Uni et la France.

En 1945-1946 la guerre n’est pas finie, mais l’URSS n’existe plus.

La question se pose alors pour la suite et les possibilités sont nombreuses dans ce continuum.

Le Commonwealth :
• La couronne britannique dispose toujours d’un empire, mais il est maintenant vulnérable depuis les frontières de feu l’URSS. Iran et Irak sont atteignables depuis le Caucase. Le Raj depuis le l’Asie centrale.
• Vu le tournant prit par la guerre des pays comme la Turquie pourrait bien basculer du côté des Allemands menaçant le moyen-orient.
• Avec une guerre qui semble devoir durer très longtemps pour le Commonwealth, une révolte de grande ampleur n’est pas exclure en Inde et la région pourrait basculer.
• Si le Japon décide d’entrer en guerre contre le Britannique, il peut avoir la bonne idée de le faire en se passant d’une attaque contre l’Amérique et même sans les Yamato l’Asie du Sud-est reste largement à l’a porté de l’Empire du soleil levant.
• Même sans passer par la guerre, le Japon peut tenter un coup de force politique contre le gouvernement hollandais en exil pour que celui-ci lui facilite l’accès aux ressources indonésiennes au début des années 40. Cela lui éviterait d’avoir à faire une guerre de plus.
• Le Commonwealth est « seul » et doit s’appuiera sur l’industrie américaine. Et la situation ne changera pas tant que l’Allemagne ou le Japon n’attaque pas les USA.
• Vu la situation mondiale, on peut même voir une Angleterre finir par accepter de faire la paix avec Hitler en échange de la sauvegarde de l’essentiel de son empire. Les différents gouvernements européens en exil n’auront plus qu’à fuir en Amérique où ils ne pourront pas faire grand-chose ou bien accepter la paix en même temps que l’Angleterre.

L’Amérique :
• Suite à ça l’Amérique, tant qu’on ne l’attaque pas et qu’on ne marche pas sur ces platebandes (le continent américain) profite de la paix et reprend ses relations commerciales avec le Japon et l’Allemagne.

L’Extrême-Orient:
• L’occupation japonaise de l’Extrême-Orient soviétique ne sera pas très difficile, car en dehors des grandes villes, il n’y a que des tribus nomades qui se ne se soucieront pas forcément de qui les gouvernent tant qu’on les laisse en paix. Les Russes blancs de Mandchourie quant à eut seront ravis de s’occuper des bolchéviques. La région abrite aussi des nombreux goulags dont les occupants s’accommoderont de la présence japonaise en échange de leur liberté. Pour se venger des « rouges » il est probable que beaucoup collaborent avec le Japon.
• On assiste très probablement à la mise en place d’un état fantoche en Extrême-Orient. Gouverné par les Russes blancs et exploité par les industriels japonais.

Effrayante uchronie ! Pour les Japonais et le char Tigre, il y a Order of Battle qui propose cette unité côté japonais

Effrayant, certes, mais peu crédible. Les raisons sont multiples et un POD devrait en prendre compte sauf que... et bien, l'origine du système qui a permis au Japon de devenir une "superpuissance" remonte au XIXème siècle.

Ce que je vais vous raconter est vrai, mais très simplifié, il y a littéralement de quoi écrire un livre. 

Lorsque l'on parle "Armée" et "Marine" on a vision normale et logique, l'Armée c'est des chars, des hommes et la Marine c'est des bateaux. Sauf que ce n'est pas vrai dans le cas du Japon. Certes, chacune sont plutôt spécialisé dans un type de combat (sur terre ou sur mer) mais TOUTES deux ont une marine et une infanterie. L'Armée, par exemple, possédait des... sous-marins, tandis que la Marine possédait une Infanterie de Marine forte de plusieurs divisions !
Pourquoi cette aberration ?
Au XIXème siècle, lors de la modernisation du Japon, il y avait deux factions militaristes distinctes qui ont profité de l'ère Meiji. Comme le Japon, en s'occidentalisant, s'était doté d'un ministère des Armées et d'un ministère de la Marine, chacune de ces factions a revendiqué un des ministères pour pouvoir influer sur le gouvernement. Cela a évidemment conduis à ce spécialiser, mais elles n'ont jamais renoncé à s’immiscer dans la sphère d'influence de l'autre, et donc ont développé chacune une armée complète (air, mer, terre). 

Toute l'histoire du Japon entre la fin du XIXème siècle et 1945 s'explique par les luttes d'influence entre les civils, l'Armée et la Marine au sein du gouvernement Japonais et des luttes internes dans ses factions. Parce que, bien sûr, l'Armée et la Marine avait leurs propres factions politiques qui avaient le contrôle de composantes territoriales et qui donc poussaient le gouvernement et le grand état-major à leur allouer le maximum de moyens et à privilégier leur front... et pas toujours pour des raisons stratégiques ! Par exemple, dans le cas de cette uchronie, l'Armée du Guangdong , qui occupe la Mandchourie, est une sous-faction, très indépendante, au sein de l'Armée. Elle serait certainement favorable à l'expansion en URSS. Mais d'autres factions seraient davantage favorables à une attaque sur la Birmanie ou l'Inde... 

Donc l'Armée serait favorable dans son ensemble à une lutte portée sur terre sauf que... la Marine est contre (on se demande bien pourquoi ) . Et le problème c'est que... le Japon est un archipel. Quant on vit entouré d'eau, le besoin d'une marine de guerre est criant. Cela a donné l'avantage à la Marine dès le début de la lutte entre les deux factions.

Et là, on touche au cœur du problème. Pour que la guerre soit livrée contre l'URSS, il faut trouver une raison très en amont pour que le Japon n'ait pas besoin d'une marine de guerre puissante... or ( on y revient) le Japon est un archipel.

Merci Anaxagore. Pour le pod, on peut imaginer que la faction "terrienne" s'impose face aux "marins" dans le chaos politique des années 30 au Japon.

Anaxagore ce que dit n’est pas faux, mais tu forces un peu trop le trait.
L’armée ne s’est dotée de navires essentiellement à partir de 1942 et 1943, pour s’affranchir de la Marine « qui ne l’aidait pas assez » (ouin-ouin-ouin). L’IJA disposait de quelques transports, quelques LST (Type 101, classe commune avec la marine) et navire de transport et une ou deux canonnières ridicules vite envoyées à la casse.
Les sous-marins n’en étaient pas. Il s’agissait de « transport submergé » construit à partir de 1943 et qui n’ont pas servi à grand-chose.
L’armée s’est même dotée de 4 porte-avions d’escorte qui n’en était pas vraiment et n’ont servir qu’à transporter des avions depuis le Japon jusqu’aux garnisons de l’armée.

La lutte d’influence entre l’armée et la marine s’explique par la prédominance dans leur rang de descendants des clans de samouraï Chōshū (qui domine la marine) et Satsuma (qui domine l’armée).
La marine japonaise ne comptait dans ses Rikusentai que l’équivalent de 4 ou 5 Divisions. Les USA en ont fait autant avec les Marines qui dépendent de la Navy.

De plus je ne parle pas de mettre la marine à poil, mais bien de ne pas construire les Yamato (OTL Yamamoto lui-même s’y opposait). Le Japon a donc une marine puissante, peut-être moins qu’OTL et encore peut être juste différent avec l’accent mis sur les PA et sous-marin plutôt que les cuirassés. En plus dans les premiers mois d’une guerre totale contre la Chine puis l’URSS. Le rôle de la Marine devient vite de prémunir l’empire contre une éventuelle intervention américaine ou « britannique » dans sa zone d’influence.

Avec un POD entre 1920 et 1935, cette uchronie n’est pas inenvisageable.