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La "Petite Révolution" : un autre 1848

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Thomas
DemetriosPoliorcète
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Message par DemetriosPoliorcète Mar 14 Nov - 19:26

La "Petite Révolution" : un autre 1848

Le 23 février 1848, la Garde nationale avait mis crosse en l’air devant les insurgés, hurlant avec eux « Vive la réforme » et « à bas Guizot ». La démission de l’impopulaire chef de gouvernement et l’annonce de la formation d’un Ministère Molé avait, pour un temps, calmé les Parisiens, mais les tensions restaient vives.

Pour un sergent Corse du 14e de ligne, les préoccupations sont néanmoins toute autres : il s’aperçoit qu’on lui a dérobé ou qu’il a égaré ses cartouches ; mort de honte, il passe la journée à le cacher au reste de la troupe et à ses supérieurs.

La nuit tombe sans incident notable. Le lendemain, le nouveau gouvernement, conscient que le peuple parisien sent qu’il a remporté une victoire, se résout à faire l’annonce qui garantira le retour au calme : l’abaissement du cens et l’élection d’une nouvelle chambre. Partout en ville, la joie éclate, une ère nouvelle semble s’ouvrir après une révolution qui n’aura pratiquement pas fait couler de sang, ni renversé le régime politique. C’est la « Petite Révolution », nommée ainsi par rapport à la « Grande » de 1789 et aux Trois glorieuses de 1830. Ce nom s’inscrit dans l’idée d’un progrès continu, chaque changement nécessitant moins de violence et s’inscrivant dans un large consensus.

La nouvelle chambre, élue par un corps électoral plus que doublé, voit des figures républicaines, comme Lamartine ou Ledru-Rollin, prendre place sur les bancs de l’Assemblée. Mais c’est surtout le centre-gauche et le « parti du mouvement » qui triomphe, avec Odilon Barrot porté à la présidence du Conseil. Les légitimistes s’affirment également comme une opposition active, tandis que l’ancien « Parti de la résistance » de Guizot, doublé sur sa gauche comme sur sa droite, est le grand vaincu.

Dix ans d’optimisme

Si le suffrage universel n’est pas mis en place, et que le rôle social de l’Etat ne change pas fondamentalement, la reprise économique qui s’amorce en 1848 et l’ambiguité du discours gouvernemental qui laisse entendre que l’élargissement progressif du corps électoral se poursuivra contribuent à créer un climat d’optimisme dans tout le pays.

C’est le triomphe des idées d’association ouvrière, de mutuellisme, de coopératives, qui ont en outre l’avantage de ne nécessiter que des encouragements de l’Etat et non des dépenses. Néanmoins, les saint-simoniens et les socialistes disciples de Fourrier parviennent à faire accepter en 1857 le financement par l’Etat des premiers logements sociaux.

Se mettant en retrait de la vie politique, Louis-Philippe décède en 1850, laissant le trône à son petit-fils, sous le nom de Louis-Philippe II. Conscient de son impopularité, le duc de Nemours, oncle du nouveau roi, renonce à la régence au profit de la duchesse d’Orléans, réputée libérale. Le jeune roi, parce qu’il ne peut prendre aucune décision, devient très vite populaire.

Il faudra attendre les périodes suivantes pour que l’on porte un regard plus critique sur les politiques du royaume de France à cette période : si les effets de la crise économique s’estompent, les investissements dans les secteurs indispensables (banques, chemins de fer) restent limités au minimum nécessaire, et le conservatisme économique domine. Les élites françaises refusent toujours à la fois investissements étatiques et libre-échange qui aurait pu accélérer la modernisation de l’industrie française, qui fait toujours pâle figure face à ses rivales britannique et belge.
A l’international, la politique reste la stricte non-intervention, dont la dénonciation est le principal thème des républicains : la France reste à l’écart du concert européen, dans une Europe restée fondamentalement metternichienne. La France ne porte pas secours au clergé catholique à Jérusalem, pas plus qu’elle n’intervient dans les affaires d’Italie.

Enfin, dans une certaine indifférence de la métropole, une colonisation brutale se poursuit en Algérie, ou la doctrine est clairement de « faire du colon » en y attirant les « classes dangereuses », une politique qui satisfait aussi bien la bourgeoisie heureuse de limiter les risques d’insurrection que les courants utopistes qui voient dans la colonisation le moyen de réaliser des sociétés nouvelles et de, selon les mots du député Victor Hugo, « changer les prolétaires en propriétaires ».

Louis-Philippe III et le tournant conservateur

Tout change le 14 janvier 1858 : le jeune souverain et sa mère sont brutalement tués dans un attentat à la bombe, alors qu’ils se rendaient à l’opéra. L’instigateur, Felice Orsini, espérait que la mort du roi permettrait l’établissement d’une République et que la France viendrait alors l’aide de l’Italie, toujours sous le joug autrichien. C’est l’exact inverse qui se produit : une vague de détestation des révolutionnaires et des étrangers, confondus dans une même catégorie, balaie le pays. Alors que le duc de Nemours monte sur le trône sous le nom de Louis-Philippe III, le « Parti de l’ordre » rassemblant les forces de la droite triomphe à la Chambre, enterre les promesses d’élargissement du corps électoral et prend une série de mesures d’exceptions s’en prenant à la liberté de la presse et aux sociétés politiques et philanthropiques. Une nouvelles loi d’exil pousse Louis-Napoléon Bonaparte et sa famille à se réfugier à la cours du Piémont.

Le conservatisme social se joint au conservatisme économique déjà présent, et les années suivantes apparaissent comme une ère de stagnation et de répression. En 1862, le refus de laisser partir une délégation française à la première réunion de l’Association Internationale des Travailleurs entraîne une série d’émeutes brutalement réprimées. La politique internationale de la monarchie vise pleinement la préservation de l’ordre européen : en 1860, alors que des mazziniens débarquent en Sicile et s’empare de l’île, Louis-Philippe III donne son plein assentiment à une intervention autrichienne dans le Royaume de Naples, puis n’apporte aucun soutien au Piémont qui lance les hostilités en Italie du Nord.

La chute

Alors que la crise italienne et sa brutale résolution semble confirmer l’idée d’une Europe solidement tenue par le concert des grandes puissances, un homme vient brutalement briser cet édifice : Otto von Bismarck, Ministre-président de Prusse, déclenche une guerre contre le Danemark en 1864 puis, avec l’aide du Piémont, attaque l’Autriche en 1866.

Sidéré par les victoires rapides de la Prusse et conscient qu’une victoire militaire serait le seul moyen de rehausser la popularité du régime (d’autant que les républicains les plus extrémistes appellent sans se cacher à une guerre pour rétablir la frontière du Rhin), le gouvernement vole au secours de la monarchie habsbourgeoise. Hélas, l’armée française est loin d’être à la hauteur de ses ambitions : après une mobilisation chaotique, elle se lance sans soutien logistique et sans matériels suffisants vers la Rhénanie prussienne. Opérant un mouvement remarquable, l’armée de Von Moltke transfère la majeure partie de ses troupes du front de Bohème vrs l’ouest et inflige une série de défaites aux Français, qui sont finalement 200 000 à être encerclés à Cologne ; parmi eux, le prince héritier Gaston d’Orléans est fait prisonnier.

Le roi répond par la pire des décisions : alors qu’une nouvelle armée est prête à partir au front, il ordonne à celle-ci de rester à proximité de Paris pour écraser une éventuelle insurrection et entame des pourparlers avec les Prussiens. C’est l’occasion rêvée pour Louis-Napoléon Bonaparte, secrètement revenu à Paris, pour tenter de soulever les militaires comme il a déjà essayé de le faire à Boulogne et Strasbourg. La troisième fois est la bonne : portée par les officiers subalternes, la mutinerie conduit à la mise aux arrêts du général Mac-Mahon et à l’effondrement du régime. Dans le même temps, les leaders républicains autour de Gambetta, Emile Ollivier et Ferry proclament la formation d’un gouvernement de défense nationale, décidé à poursuivre la guerre, en dépit de la paix séparée signée par Vienne. Louis-Napoléon obtient le titre de Prince-Président, tandis que Gambetta devient président du Conseil.

Au printemps 1867, une difficile campagne permet de dégager Metz et Strasbourg assiégées et de porter à nouveau la guerre en territoire prussien. Guillaume Ier est contraint de négocier l’hiver suivant, laissant à la France Sarrelouis, Landau et le Luxembourg.

La victoire puis le congrès de Londres qui réorganise l’espace européen assurent le triomphe du Prince président, bientôt couronné Empereur des Français. Le compromis est d’autant mieux accepté par les républicains que ni Louis-Napoléon ni son héritier présomptif le prince Jérôme n’ont d’enfants légitimes. La maladie rattrape pourtant rapidement le nouvel empereur, qui n’est bientôt plus en état de régner. A sa mort en 1873, son successeur, Jérôme Ier, « l’Empereur rouge » met en place un série de réformes garantissant la liberté de la presse, le droit d’association, l’école publique et obligatoire et la séparation des Eglises et de l’Etat. En 1891, il désigne comme successeur le prince de Pontecorvo, Joachim Murat, dont les descendants demeurent jusqu’à aujourd’hui Empereurs des Français.
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Message par Thomas Mer 15 Nov - 17:09

En 1891, il désigne comme successeur le prince de Pontecorvo, Joachim Murat, dont les descendants demeurent jusqu’à aujourd’hui Empereurs des Français. a écrit:
Je me demande qu'elle tronche du 21ème siècle dans cette TL.

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Message par Collectionneur Ven 17 Nov - 6:11

Un simple fusil volé ou égaré suffit pour changer l'Histoire Laughing

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Message par DemetriosPoliorcète Sam 18 Nov - 16:57

Thomas a écrit:
Je me demande qu'elle tronche du 21ème siècle dans cette TL.

Je n'ai pas beaucoup développé l'aspect international, mais je pense qu'avec une onde de choc de 1848 moins forte, les mouvements nationaux se seraient développés moins vite, les unités allemande et italienne seraient arrivées plus tard, et probablement sous la forme de confédérations assez laches, et non de la subordination de tout le pays à l'un des Etats.

Je ne pense pas qu'on aurait échappé à une déflagration européenne à un moment ou un autre, mais sans doute plus tard.
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Message par Anaxagore Lun 20 Nov - 9:47

DemetriosPoliorcète a écrit:
Thomas a écrit:
Je me demande qu'elle tronche du 21ème siècle dans cette TL.

Je n'ai pas beaucoup développé l'aspect international, mais je pense qu'avec une onde de choc de 1848 moins forte, les mouvements nationaux se seraient développés moins vite, les unités allemande et italienne seraient arrivées plus tard, et probablement sous la forme de confédérations assez laches, et non de la subordination de tout le pays à l'un des Etats.

Je ne pense pas qu'on aurait échappé à une déflagration européenne à un moment ou un autre, mais sans doute plus tard.

Je suis assez d'accord, le nationalisme est une conséquence directe de la révolution de 1848.

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Message par Collectionneur Lun 20 Nov - 18:59

On a la France qui a raté le coche de la révolution industrielle avec son conservatisme. Peut-être que l'électricification sera plus rapide avec les barrages et des machines outils plus modernes à la fin du XIXe S. En Angleterre, des machines datant des années 1840 étaient encore en service durant la Seconde Guerre mondiale.
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Message par LFC/Emile Ollivier Mar 21 Nov - 10:08

Demetrios, tu nous a encore une fois produit de la qualité Wink
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Message par Flosgon78 Sam 25 Nov - 15:40

Génial !!!
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