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Une ère de pétrole et de bruit

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Une ère de pétrole et de bruit Empty Une ère de pétrole et de bruit

Message par DemetriosPoliorcète Ven 20 Oct - 18:11

Une ère de pétrole et de bruit

Prologue : Moscou 1960

Le 13 août 1960, à la nuit tombée, à la surprise générale, deux-cents parachutistes soviétiques investissaient le Kremlin et saisissaient son chef, Lavrenti Pavlovitch Beria. Dans le même temps, tous les autres lieux de pouvoir de la capitale étaient investis par les forces armées, sans résistance à l’exception du ministère de l’intérieur, où les partisans su successeur de Staline s’étaient défendus les armes à la main.

A la tête de la conspiration qui avait mené au coup d’Etat se trouvait le vieux maréchal Kliment Vorochilov, ancien ministre de Staline disgracié. Il avait rassemblé derrière lui tous ceux qui souhaitaient ardemment mettre fin à la politique de libéralisation entreprise par le Premier secrétaire, qui amenait à leur sens à la destruction de l’Union et à la ruine de l’héritage de Staline.

Beria avait péché par excès de confiance en lui au cours des mois précédents : une nouvelle « campagne anticorruption » avait durement frappé l’administration des Républiques et le Parti, renforçant les craintes des opposants et détachant la clientèle que le Premier secrétaire s’était constituée. Dans le même temps, l’accélération de la politique de libéralisation avait conduit Beria à licencier des centaines d’ouvriers et d’employés de l’Etat, mécontents qui avaient manifesté à Moscou et été durement réprimés. La présence de soldats dans les rues n’avait donc, dans un premier temps, étonné personne…

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Après un procès de moins d’une heure, Beria fut abattu. Au matin du 14 août, le vieux Maréchal Kliment Vorochilov, instigateur du complot, lisait en direct à la télévision la proclamation d’un gouvernement provisoire chargé de remettre la révolution soviétique sur les rails. Si des résistances au coup d’Etat furent observées, la révélation des crimes personnels du camarade Beria, et notamment de ses innombrables crimes sexuels, permirent d’obtenir le silence de l’opinion.

Pékin salua le jour même « l’élimination du déviationniste de droite Lavrenti Beria » et se félicita que « le calme régn[ait] enfin sur Moscou » ; mais Mao s’inquiétait secrètement du retour de la concurrence soviétique comme leader des mouvements révolutionnaires. En Indonésie occidentale, Tan Malaka, qui cherchait à maintenir de bonnes relations aussi bien avec Moscou qu’avec Pékin, déclara sa satisfaction. A Cuba, le nouveau régime mis en place par Fidel Castro restait dans l’expectative. Début 1961, une visite à Moscou de Raul Castro, frère de Fidel et membre du Parti communiste cubain, allait fixer la conduite du gouvernement : Raul rapporta à son frère que les nouveaux dirigeants soviétiques étaient « des exemples extrêmes de médiocrité politique ». Cuba allait s’orienter, pour un temps du moins, vers un apaisement avec le puissant voisin du nord.

Les pays occidentaux condamnèrent tous en bloc le coup d’Etat. Le président Sparkman déclara cependant en privé à Joe Kennedy, en campagne pour sa succession, que « c’est une bonne chose qu’on sache bien qui est un communiste et qui ne l’est pas ». Le refus de se positionner clairement de la part des partis communistes historiques et les scissions qui eurent lieu dans les mois suivants contribua encore à les affaiblir par rapport aux partis maoistes.

Ce coup d’Etat qui apparaissait au monde comme un brusque retour en arrière allait en réalité accélérer les recompositions en cours. Le monde entrait dans une nouvelle ère en même temps que dans une nouvelle décennie. Une ère de pétrole et de bruit.
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Message par Rayan du Griffoul Ven 20 Oct - 21:13

Ca repart bien fort
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Message par DemetriosPoliorcète Dim 22 Oct - 10:57

Chapitre 1 : L’aube de la décennie

Le 8 novembre 1960, après la campagne présidentielle la plus chère de l’histoire des Etats-Unis, Joseph Patrick Kennedy Jr était élu président des Etats-Unis d’Amérique face à Nelson Rockefeller. Destiné depuis longtemps par son père à devenir le premer président catholique de l’histoire américaine, Kennedy avait distancé son rival par une parfaite maitrise des codes de la télévision et la construction d’une image d’incarnation de la modernité et de renouveau du monde politique.

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Joseph Patrick Jennedy Jr.

Isolationniste comme son père (sans avoir, contrairement à lui, jamais affiché de sympathies nazies), il entendait défendre strictement la doctrine Monroe, tout en lui donnant un nouveau sens : par un gigantesque plan d’aide financière, inspiré des anciens plans de l’administration Roosevelt pour l’Europe d’après-guerre, il voulait arrimer définitivement l’Amérique latine aux Etats-Unis, par un développement économique mutuellement profitable, et tuer dans l’œuf les velleités de rupture révolutionnaire, que semblait incarner Fidel Castro à Cuba. Durement critiquée y compris au sein du Parti Démocrate, cette vision pouvait néanmoins citer comme exemple le cas du Guatemala, où le président Jacobo Arbenz avait mené une réforme agraire et construit un Etat social sans basculer vers l’URSS, et avait au contraire poussé les mouvements de protestations vers la modération. Le président Stevenson, poussé par les militaires et les relais de la puissante United Fruit Company à organiser son renversement, s’y était refusé. Kennedy déclara ainsi lors d’un meeting à Jacksonville, en Floride, que « le développement économique, l’accès à la propriété individuelle et le commerce équitable et sans entraves seront les armes par lesquelles nous terrasserons le monstre communiste, d’abord dans les Amériques puis dans le monde entier ».


De l’autre côté de l’Atlantique, des hommes moins flamboyants mais non moins habiles à conquérir le pouvoir s’activaient. En Italie, les premières élections libres avaient vu le Parti National Fasciste se maintenir comme première formation politique, permettant à Galeazzo Ciano de former un gouvernement en s’alliant avec plusieurs formations nationalistes et conservatrices, et de prendre une revanche politique sur son vieux rival Grandi. Les socialistes du PSI et les démocrates-chrétiens, les deux forces les plus radicalement antifascistes, obtenaient chacune autour de 20% des voix, tandis que le Parti libéral, symbole du parlementarisme d’avant 1922, récoltait moins de 10% des voix. Le Parti Fasciste Républicain d’Alessandro Pavollini obtenait quelques sièges, mais n’avait pas réussi à amener vers lui l’appareil partisan historique du fascisme. En termes de projet politique, Ciano comptait poursuivre la politique de « normalisation » de la vie politique italienne et de désengagement progressif des conquêtes de son beau-père.

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Galeazzo Ciano

De l’autre côté des Alpes, 1960 est aussi l’année d’une recomposition politique majeure, avec la création de l’Union pour la France et les Libertés. Décrédibilisée par sa gestion de la crise algérienne, la droite s’était retrouvée face à la nécessité de se réorganiser radicalement. Dans ce contexte, le jeune François Mitterrand, ancien haut-fonctionnaire et journaliste, manœuvre habilement pour pousser au rapprochement de forces jusqu’ici antagonistes. En juillet, lors d’un congrès tenu à Nice, le Parti Social Français fusionne avec la Fédération Républicaine. Le soutien du vieux maréchal Weygand conduit le Parti du Renouveau Français, qui n’a jamais été une force politique d’ampleur, à les rejoindre, donnant à la nouvelle UFL son aile « provincialiste » et décentralisatrice. L’Alliance Démocratique refuse l’union dans une formation unique, mais donne son accord pour une alliance électorale lors des élections de 1962.

Le monde colonial évoluait également à une vitesse accélérée. Avec l’accession au statut d’Etats lors de la réforme de la Fédération voulue par Brossolette, la vie politique locale se structurait. Le Mali nouvellement créé avait élu comme gouverneur l’écrivain et chef du Rassemblement Démocratique Malien, Léopold Sedar Senghor, face au Parti Populaire Malien de Dabo Sissoko, représentant les chefs traditionnels. En Côte d’Ivoire, Félix Houphouët-Boigny, qui avait refusé de rejoindre le Mali, posait les jalons de sa domination sans partage sur la vie politique. Le Cameroun, mandat SDN, obtenait son indépendance, mais restait dans les faits étroitement surveillé depuis Paris ; les deux territoires camerounais sous mandat britannique avaient déjà quant à eux rejoint le Nigéria. Des projets pour une fédération d’Afrique équatoriale semblable au Mali furent proposés mais aucun n’aboutit. Dès 1961, une nouvelle constitution éthiopienne accordée par Ciano transforme le royaume, devenu simple protectorat italien. L’autonomie de son gouvernement est renforcée, bien que celui-ci soit pleinement aux mains des colons et des élites amharas ralliées ; les métis issus d’unions italo-éthiopiennes, qui se comptent désormais en centaines de milliers, commencent à arriver à des postes à responsabilité en constituent l’ossature du nouvel Etat. La réforme retire néanmoins définitivement à l’Ethiopie les régions de l’Ogaden et du Tigré, lesquelles restent administrés respectivement par les autorités coloniales de la Somalie et de l’Erythrée.

En Asie, les hommes forts restaient au pouvoir : Mao Zedong, Subhas Chandra Bose, Tan Malaka. La Chine s’était érigée en gardienne de l’orthodoxie marxiste-léniniste, remisant au placard les plans délirants d’industrialisation des campagnes au profit de plans quinquennaux privilégiant l’industrie lourde. Remis de son recul géopolitique, le Japon connaît un développement économique rapide, tout en parvenant, pour un temps, à étouffer la contestation du régime militaire et impérial.

Mais c’était toujours vers Moscou que tous les regards se tournaient…


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Message par DemetriosPoliorcète Lun 23 Oct - 22:15

Chapitre 2 : fin d’un  régime, survie d’un Etat

L'échec de Vorochilov

Dans les deux années suivant le coup d’Etat, le nouveau praesidium oviétique allait aller de déconvenue en déconvenue, jusqu’à se ridiculiser complètement. Si dans un premier temps les campagnes vécurent dans la peur d’un retour de la terreur stalinienne, les citoyens soviétiques se rendrent bien vite compte que Vorochilov était incapable de mener à bien ce retour : les « organes » étaient depuis longtemps devenues la chose personnelle de Lavrenti Beria, ils n’avaient plus aucune efficacité une fois leur chef éliminé et ses partisans purgé. Les soviétiques virent rapidement que malgré les discours sur le retour à l’ordre, leur espace de liberté d’expression n'avait pas été réduit mais s’était même élargi avec la décapitation du pouvoir. Vorochilov et sa clique ne pouvaient ni réprimer efficacement ni même réellement s’informer sur l’état du pays. La recollectivisation ne fut menée que très superficiellement, les résistances des paysans et les réticences des administrations locales la freinant durablement.

Inefficace à l’intérieur, le gouvernement soviétique abima sa crédibilité international. Alors que la Mongolie prenait discrètement ses distances, se rapprochant de la Chine, les trois « Républiques populaires » baltes, de facto satellite de l’URSS, choisissaient la voix de l’opposition frontale. D’abord muets face au coup d’Etat, les gouvernements, poussés par la population et la base du Parti, furent poussés à affirmer leur souveraineté. Le 20 octobre, les autorités lituaniennes affirmèrent publiquement que, si les accords de défense avec l’URSS seraient respectés, le pays se considérait pleinement souverain pour le choix de sa politique et n'avait aucune intention de revenir sur les réformes des années précédentes. Les deux autres pays baltes emboitèrent le pas, entraînant la fermeture immédiate des frontières et des menaces soviétiques. Le 29 octobre, le Premier secrétaire letton évoqua la tenue prochaine délections libres ; c’était la goutte de trop pour Moscou qui, invoquant les accords de défense avec l’URSS, déploya ses troupes dans le pays le 2 novembre. Si les armées régulières n’opposèrent qu’une faible résistance, la prise de contrôles des capitales fut difficile pour l’Armée rouge, notamment du fait de l’indiscipline de la troupe, des désertions voire, dans certains cas, des fraternisations entre conscrits soviétiques et émeutiers baltes. A l’exceptions de la Chine, de la Mongolie et de l’Indonésie, l’ensemble des Etats indépendants condamnèrent l’intervention soviétique.

Dans le même temps, le Kremlin avait annoncé le retour à une économie planifiée, sans avoir de véritable plan sous la main et sans redéfinir les responsabilités de chacun. La situation vira vite à la catastrophe, ordres et contre ordres paralysant la production et amenant à une multiplication des pénuries. Dès 1960, les grèves se multiplièrent parmi les ouvriers, ruinant les efforts idéologiques du praesidium qui voulait remettre l’ouvriérisme au goût du jour. En 1961, l’échec était total.

Mais ce ne furent pas les mouvements des paysans ou des ouvriers qui provoquèrent la chute de la junte, du moins pas directement : ce fût le PCUS lui-même qui mena à sa chute, par une série de frondes d’abord localisées puis étendue à toute l’Union et à tous les niveaux de la hiérarchie. Beaucoup de jeunes cadres réformistes, formés sous Beria, refusaient les nouvelles orientations du régime, tandis que d’autres, plus anciens, n’avaient aucune envie de revire la période stalinienne. Même parmi ceux qui croyaient encore sincèrement dans le communisme, beaucoup n’acceptaient pas le coup de force qui avait outrepassé la légalité soviétique elle-même et le fonctionnement du Parti.

Impuissants à rétablir l’ordre, le gouvernement putschiste ne tint pas deux années complètes et accepta la tenue d’un congrès du PCUS, ne prenant en compte aucune des exclusions opérées depuis 1960. Ce XXIIIe congrès, réuni en juillet 1962, marqua la consécration du réformisme, bluffant les observateurs occidentaux qui voyaient l’URSS se remettre en cause elle-même. Le nouveau Secrétaire général semblait avoir été nommé pour présider à la liquidation de l’Union : Georgui Malenkov, ancien allié de Beria que celui-ci avait fini par jeter en prison puis par reléguer à la direction d’une centrale électrique sibérienne, avait été tiré de l’anonymat pour incarner la transition. Son absence de charisme, encore aggravée par une vieillissement prématuré, et un retour à la foi orthodoxe dans les dernières années, semblaient annihiler tout risque de dérive autoritaire. On décida de la tenue d’élections libres dans les Républiques dès janvier de l’année suivante, et de l’élection d’une constituante pour 1964. Le Parti unique et les entraves à la liberté d’expression furent levées, menant à une période de floraison culturelle et journalistique sans précédent. Sur le plan économique, on décida prudemment de revenir au système mis en place par Beria sans aller plus avant jusqu’à ce que les questions institutionnelles soient réglées.

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Le XXIIIe congrès

Embrasement sur les marges

Alors que l’aile réformiste du Parti, qui a repris un solide contrôle de l’appareil d’Etat, souhaite se concentrer sur la question de la réforme institutionnelle en laissant les questions nationales de côté, il est vite rattrapé par les flambées nationalistes en plusieurs endroits. La question nationale était réapparue à la faveur des mobilisations et des grèves contre le gouvernement putschiste, puis avait encore été exacerbée par la soudaine libération de la parole après la démission de Vorochilov.

En août, les responsables du Parti de la RSS autonome du Haut-Karabagh, qui avaient déjà cherché à s’exprimer lors du congrès, demandent leur détachement de l’Azerbaïdjan et l’accession à un statut de république à part entière. Gêné, le praesidium déclare que la question sera remise à plus tard. Dès ce moment, des affrontements armés ont lieu entre milices arméniennes et azéries. Moscou déclare que, tant que le nouveau cadre constitutionnel n’est pas fixé, le territoire reste partie intégrante de l’Azerbaïdjan ; le politburo arménien démissionne alors en bloc en signe de protestation. Dans le même temps, le refus du pouvoir central de faire intervenir l’armée fédérale dans les affrontements et de proclamer officiellement l’intangibilité des frontières entraîne également l’hostilité de Bakou.

En Ukraine, la formation d’un parti indépendantiste unifié en vue des prochaines élections transforme la question institutionnelle en question purement nationale, alors que le souvenir des famines staliniennes est brutalement ravivé. Au sein de la RSFR, les contestations nationales furent néanmoins étouffées par le Parti Communiste russe, nouvellement créé, et le gouvernement de la République, en dépit de tensions en Tchétchénie et dans le Touva.

Dans ce contexte où se mêlaient extrême tension, libération de la parole et floraison culturelle et artistique, les élections de 1963 virent le triomphe des nationalistes en Ukraine et en Transcaucasie et des réformistes du PCUS en Russie, tandis que la nomenklatura d’Asie centrale s’en tira habilement en faisant campagne sur des thèmes nationalistes sans quitter pour autant le Parti. L’acceptation des résultats par le nouveau gouvernement donna le signal de l’effondrement du régime.

En Ukraine, la formation d’un gouvernement par l’alliance entre les nationalistes et les réformistes provoqua la peur d’une partie des populations russophones et, comme en Azerbaïdjan, on envisagea une partition entre deux républiques distinctes à l’est et à l’ouest. Cette fois, alors que les querelles dégénéraient en affrontements armés, l’armée fédérale se déploya pour protéger les foyers de contestation dans l’est face aux forces de sécurité républicaines, ce qui précipita la déclaration d’indépendance ukrainienne. Les forces armées du nouvel Etat indépendant, armé par la Pologne (par pur pragmatisme, Varsovie réprimant le nationalisme ukrainien de son côté de la frontière), prirent d’assaut les casernes de l’Armée rouge. Après plusieurs jours d’affrontements, une médiation germano-franco-américaine parvint à obtenir un cessez-le-feu et l’évacuation des forces régulières vers l’ouest, ce qui n’empêcha pas la poursuite de combats dans les zones contestées. En prévision d’autres violences, Moscou, où dominait le bloc russo-centrasiatique, déploya des troupes en Abkhazie et en Ossétie du sud, où le même scénario risquait de se produire. Arménie et Azerbaïdjan agissaient de fait comme des Etats indépendants, bien qu’aucun des deux pays ne souhaitat sortir le premier de l’Union, pour de pas laisser l’autre bénéficier du soutien russe.

La tenue des élections pour la constituante semblait compromise, mais les efforts de médiation des pays européens, ainsi que de l’Inde, qui maintenait de bonnes relations avec l’URSS, aboutirent finalement à l’acceptation par toutes les parties d’une conférence internationale des frontières, dont le travail devait être préalable à toute proclamation d’indépendance, ainsi que de référendums dans les Républiques dirigées par les nationalistes. Ceux-ci devaient se tenir avant la constituante. Le processus aboutit en février 1964 à la partition de l’Ukraine (l’Ukraine orientale restant une république soviétique), à l’indépendance des trois républiques transcaucasiennes, sans l’Abkhazie et l’Ossétie qui rejoignaient la RSFR, et au rattachement du Haut Karabakh à l’Arménie. Les dirigeants kazakhs refusèrent par ailleurs catégoriquement toute modification de leur frontière avec la Russie, voyant leur avenir dans une nouvelle union.

La nouvelle Union

La question des frontières réglées, les élections de 1963 purent se tenir sereinement. Les réformistes avaient entre temps quitté en masse le PCUS pour former le Parti du Socialisme Démocratique, récupérant une large part de l’appareil du Parti ; le PCUS proprement dit ne put mobiliser qu’autour du seul refus d’un changement trop rapide. Les nationalistes russes avaient acquis une certaine popularité mais partaient divisés.

L’Assemblée constituante d’Almaty  commença à siéger en décembre, avec la lourde tâche de définir quel serait l’Etat successeur de l’URSS. L’ancien nom avait en effet été progressivement abandonné, associé à un projet communiste auquel presque plus personne ne croyait. Un militaire eût à cette occasion cette réflexion restée célèbre : « si nous avions affronté les fascistes au lieu de pactiser avec eux, si nous avions remporté une grande victoire contre les nations ennemies, alors peut-être le pays aurait-il accepté les réformes de Beria et l’Union aurait-elle pu continuer à vivre et à prospérer sous son ancienne forme. Mais elle n’avait rien à proposer au peuple, aucun mythe fédérateur sinon celui de la marche vers le communisme ; une fois que nous avons abandonné celui-ci, l’Union ne pouvait survivre, elle n’avait plus de raison d’être ».

Restait à déterminer quelle nouvelle idéologie allait souder les Républiques qui avaient choisi de participer à l’Union. Un nationalisme grand-russien était exclu par les républiques non-russes aussi bien que par les minorités de l’ancienne RSFR. L’Eurasisme développé dans l’entre-deux-guerres par des penseurs comme Troubetskoï, avait l’avantage de proposer une identité duale, entre monde slave et monde turc. La référence au socialisme fut conservée dans le corps de la constitution, mais, après d’âpres débat, ne figura pas dans le nom du nouveau pays. Le premier janvier 1965 était officiellement proclamée la Fédération des Républiques Eurasiatiques. Dans la droite ligne des régimes précédents, l’exécutif était particulièrement fort et siégeait au Kremlin. Une chambre haute appelée « Assemblée des Peuples » était installée dans la cité ouzbèke de Samarcand.
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Message par DemetriosPoliorcète Mar 24 Oct - 18:16

Il y a une question dont je me rends compte que je ne l'ai pas traitée dans la première partie et que je vais devoir évoquer dans les chapitres à venir : quelle évolution pour la Libye italienne.
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Message par DemetriosPoliorcète Mer 25 Oct - 18:11

Chapitre 3 : un nouveau monde ?

L’échec des putschistes soviétiques puis la transformation de l’URSS en Union eurasiatique rebattait les cartes à l’échelle mondiale et fut accueilli par beaucoup comme la promesse d’un nouveau monde. Certains proclamèrent même la « fin des idéologies », ce que l’avenir devait brutalement contredire.

La France de la « Chambre Mitterrand »

Alors que Brossolette s’attend à être reconduit sans difficultés, suite aux succès de son mandat, il a la surprise de trouver face à lui une droite unifiée derrière le jeune Mitterrand, qui a conclu une solide alliance avec le centre-droit. Le FRS se retrouve, de son côté, isolé à gauche pour avoir porté la réforme constitutionnelle. Politicien extrêmement habile, le nouveau Président du conseil parvient à se maintenir à son poste pendant tout la législature.

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Son ère est celle de l’entrée progressive de la France dans la société de la consommation et des loisirs. La première chaîne de télévision privée est créée (le Président du conseil y placera ses proches pour préparer l’avenir), le secteur de la radio, où public et privé cohabitaient depuis l’entre-deux-guerres, est libéralisé, permettant l’éclosion de nombreuses radios libres. Le nouveau Président du conseil reprend aussi à son compte le projet de régionalisation porté par le RPF, dotant les régions de nouvelles compétences par la loi de réforme territoriale de 1965.

Le gouvernement poursuit également la politique de rapprochement avec les voisins, signant plusieurs accords commerciaux avec l’Allemagne et l’Italie, et engageant le processus d’adhésion de l’Allemagne au Pacte de Varsovie, l’alliance militaire européenne. Des projets de marché commun voire de monnaie unique sont évoqués. La mise en place d’une instance de régulation commune du charbon et de l’acier est vivement critiquée, d’autant plus que l’Allemagne est alors en plein redressement économique. Le président du conseil fait également sensation en accueillant à Paris en juillet 1963 le président américain Joseph Patrick Kennedy : ayant presque le même âge, les jeunes dirigeants semblent incarner l’avenir.

Le premier mandat de Joe Kennedy Jr.et ses conséquences internationales

Entré en fonction en 1961, Kennedy avait moins de 50 ans et semblait incarner une Amérique nouvelle, qui tournait définitivement le dos à la grande dépression pour retrouver l’énergie et l’esprit pionnier de la nation. Il symbolisait aussi, du fait de ses origines irlandaises et de son catholicisme, l’intégration définitive des « white ethnics », ouvrant l’horizon à celle des afro-américains ; son soutien au mouvement des droits civiques provoqua d’ailleurs le départ de l’aile ségrégationniste du Parti démocrate, qui allait former le Constitution Party.

L’homme avait néanmoins un côté plus sombre, que son talent pour la communication parvint un moment à cacher. Proche, comme son père des milieux du crime du crime organisé, il tâcha tout au long de sa présidence d’en conserver les bonnes grâces, et de leur offrir des compensations lorsque la politique internationale américaine allait contre leurs intérêts, notamment dans l’affaire cubaine. Il intervint personnellement pour rappeler à l’ordre ses deux jeunes frères, John et Robert, ainsi que le sénateur démocrate Estes Kefauver, sur la question. Il ne froissa jamais non plus le tout puissant patron du FBI, John Edgar Hoover, dont le bureau conserva toutes ses prérogatives, y compris le renseignement extérieur en Amérique latine, ce qui fût un obstacle à la création d’un service de renseignement unifié.

L’Amérique latine fut d’ailleurs au cœur du premier mandant de Kennedy, à travers le « Plan de développement mutuel pour les Amériques » : 12 milliards de dollars de l’époque devaient être prêtés ou donnés aux pays d’Amérique latine (90% de prêts, 10% de dons), contre l’assurance d’importer l’équivalent en produits et en machines américaines, ainsi qu’un abaissement des législations protectionnistes. Passé de justesse au congrès, le plan bouleversa la géopolitique du continent : la volonté de Kennedy de ne négocier qu’avec des gouvernements issus d’élections libres entraina la chute de la junte argentine et le retour de Juan Peron dès 1964. Au Brésil, Joao Goulart dut probablement son maintien à ce même plan, bien qu’il ne l’ait accepté que de mauvaise grâce, sous la pression des oligarchies locales. Seul le Mexique refusa catégoriquement cette aide, vue comme une inféodation au voisin du nord.      

Le cas de Cuba fut plus compliqué et nécessita des discussions bilatérales serrées entre Fidel Castro et le président américain. L’île obtint finalement, après une victoire électorale écrasante de Castro en 1962, un prêt avantageux et la garantie du maintien des législations hostiles au jeu et au crime organisé sur l’île. Les socialistes cubains acceptèrent en échange d’indemniser selon la plus haute estimation les propriétaires des biens américains nationalisés au début de la révolution, les Républicains pointant pour l’occasion au Congrès que l’Amérique payait indirectement pour les politiques « collectivistes ». L’essentiel était néanmoins accompli pour Kennedy, qui maintenait l’île dans le giron étatsunien et Castro loin du marxisme-léninisme. L’effondrement du système communiste en URSS donna au Lider maximo la mesure de la justesse de son choix.

D’autres plans d’aide furent mis en place à destination d’autres parties du monde, notamment les Etats nouvellement indépendants d’Afrique et d’Asie ainsi que les puissances du Moyen Orient. Les constants revirements de Mohammad Reza Shah, demandant avec insistance les aides américaines tout en poursuivant le raidissement autoritaire de son pouvoir, convainquirent Kennedy d’intervenir directement pour le renverser, en prenant contact avec Teymour Bakhtiar, chef de la SAVAK, la police politique du régime. Découvert, Bakhtiar n’eut d’autre choix que de hâter son coup d’Etat et de renverser les Pahlavi, proclamant la République d’Iran. L’avenir montra que le choix de ce poulain par les services américains était calamiteux : dès l’année suivante, le brutal Bakhtiar transforma le pays en Etat National d’Iran, prenant modèle sur l’Inde de Chandra Bose.

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Drapeau provisoire de la République Iranienne

L’opposition républicaine se concentra sur la critique de ce qu’elle interprétait comme de l’interventionnisme rompant avec les promesses isolationnistes de la campagne, et sur le gaspillage d’argent. Un sénateur jusqu’ici cantonné aux seconds rôles, Richard Nixon, se fit le héraut d’une politique sociale plus volontaristes que celle des démocrates dans le but de supprimer la pauvreté. Kennedy fut néanmoins réélu avec une confortable avance en 1964, en dépit de la concurrence du dixiecrat George Wallace, qui emporta plusieurs Etats du vieux sud.


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Message par Collectionneur Jeu 26 Oct - 16:41

Er bien. Beau reboot bien écrit lors de l'élection du Kennedy :

Une seule oublié dans le chapitre 1 : par une parfaite maitrise des codes d... la télévision et

Et dans le chapitre 3 sur l'Iran :

Les constants revirements de Mohammad Reza Shah, demandant avec insistance les aides américaines tout ...n poursuivant le raidissement autoritaire de son pouvoir, convainquirent Kennedy d’intervenir directement pour le renvers
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Message par DemetriosPoliorcète Sam 28 Oct - 18:39

Chapitre 4 : le monde musulman en ébullution


La décennie 1960 voit les pays du Moyen Orient et du monde arabe et du Moyen Orient adopter des trajectoires différenciées. Si des pays comme la Syrie d'Adib Chichakli ou le royaume d'Irak connaissent une consolidation des régimes établis à la décennie précédente, trois pays connaissent des changements profonds.

Le « fascisme démocratique » à l’épreuve de la crise libyenne

Après les désengagements progressifs italiens d’Albanie et d’Ethiopie, nombreux étaient ceux qui pensaient que Ciano, doté qui plus est d’une légitimité électorale, allait entamer le même processus pour la Libye italienne, officiellement intégrée au territoire métropolitain en 1939. C’était dans cette optique qu’une assemblée de notables arabes avait proposé en 1961 d’offrir à Humbert II la couronne d’un royaume de Libye autonome.

La question ne se posait pourtant pas dans les mêmes termes que dans les autres colonies italiennes. La Libye était le « quatrième rivage », dont l’annexion était un vieux thème de l’irrédentisme italien. Par ailleurs, une population italienne importante s’y était installée. Si l’objectif d’Italo Balbo d’amener 500 000 Italiens en Libye d’ici les années soixante s’était révélé illusoire, du fait du développement de la péninsule qui avait tari les flux migratoires et d’un pays qui n’inspirait pas les mêmes idéaux romantiques (ni les mêmes promesses sexuelles…) que l’Ethiopie, ainsi que de ponctuelles révoltes de la population, les Italiens représentaient en 1961 plus de 20% des habitants.

Le fossé de la religion avait également tenu séparées les populations arabe et italienne, entre lesquelles on n’avait pratiquement pas constaté de métissage. Si les Arabes libyens avaient pu bénéficier de la politique d’équipement mise en place par le régime fasciste, ils restaient largement désavantagés dans la répartition des terres, et beaucoup considéraient que le découpage électoral décidé après la démocratisation les désavantageait par rapport aux colons péninsulaires. L’absence de véritables évolutions alors que l’ensemble de l’Italie se transformait à grande vitesse contribuait à faire progresser les courants autonomistes et indépendantistes dans l’opinion. D’abord portée par la confrérie Sénoussi et son chef, l’ancien émir de Cyrénaïque, elle était surtout le fait, dans les années 1950 et 1960, de groupes laïques et modernistes. Le plus puissant d’entre eux, le Parti Social-Nationaliste Nord-Africain, animé par des jeunes intellectuels tripolitains, s’inspirait de son homologue syrien, tout en mettant davantage en avant l’identité arabe et, surtout, l’Islam.

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Mouammar Kadhafi, l'un des leaders du PSNNA

Le 8 avril 1962, une trentaine de bombes explosèrent dans diverses villes du pays, visant des symboles du pouvoir italien mais aussi des lieux fréquentés par des civils italiens ; un officiel fasciste et sa familles furent abattus à l’arme à feu le lendemain. Dans les jours qui suivirent, des escadrons issus du PNF et du Parti Fasciste Républicain, sur des initiatives locales, se lancèrent dans des représailles aveugles sur la population musulmane, rappelant les pires heures du squadrisme de l’après-guerre.. A cette occasion, un responsable socialiste déclarera : « ce que les fascistes n’osent plus nous faire à nous, ils le font aux Arabes de Libye ». Les centaines de victimes civiles, et la mollesse du gouvernement de Ciano à punir ces actions, par peur d’entrer en conflit avec sa base, contribuèrent à dresser la population contre le pouvoir.

Ciano proclama dans le même temps l’état d’urgence sur le territoire libyen, suspendant les institutions élues. L’année suivante, devant le départ des colons récents pour la péninsule, il rendit plus difficile les déplacements des résidents en dehors de la colonie, sans empêcher la part de péninsulaires dans la population totale. La configuration de la Libye ne permettant pas l’apparition de véritables foyers de guérillas, les indépendantistes se concentrèrent sur des coups de mains urbains. La situation évolua encore avec l’accession au pouvoir, en 1964, de Gamal Abd-el Nasser et de son Union Socialiste Arabe en Egypte. Malgré les divergences idéologiques entre les deux mouvements, le gouvernement égyptien apporta un soutien sans faille au PSNNA, qui put installer des camps en territoires égyptien, amenant à une succession de coups de mains et de représailles avec les troupes coloniales italiennes. En décembre, les incursions italiennes en territoire égyptien entrainèrent une véritable conforntation entre les forces conventionnelles des deux pays. Après plusieurs jours d’affrontements, et devant la détermination de ses adversaires, Ciano choisit de mettre fin à l’affrontement et de revenir au statu quo, mettant en jeu sa crédibilité.

En 1965, le Président du conseil fait évoluer sa position vers une solution « à l’algérienne » pour la Libye, mais il est trop tard, et ses propositions se heurtent à une fin de non-recevoir de la part des indépendantistes. Aux élections de 1966, le PNF se retrouve en minorité, perdant son noyau dur électoral au profit du PFR et le gros de ses électeurs au profit du PPI et des socialistes. L’alliance entre démocrates-chrétiens, socialistes et libéraux permet de former un gouvernement antifasciste, mettant fin à plus de quarante ans de domination du PNF. Le nouveau président du Conseil, Mariano Rumor, entame prudemment un processus de désescalade, libérant de nombreux notables arabes dont il cherche à faire ses interlocuteurs. Il faudra encore plus d’une année entière pour intégrer le PSNNA dans les négociations, aboutissant à l’indépendance libyenne en 1968. La Somalie obtient quant à elle son indépendance, sous la forme d’une union personnelle, en 1970.

Le socialisme arabe en Egypte et au Soudan

Depuis son indépendance, l’Egypte était restée dominée par le vieux parti nationaliste Wafd, mais celui-ci, confronté à l’usure du pouvoir et au poids de son aile conservatrice sociale, avait peu à peu perdu les faveurs de la population. En 1964, il est écarté du pouvoir après une victoire sans appel d’un jeune parti, l’Union Socialiste Arabe, de Gamal Abd-el Nasser. Militant nationaliste et panarabe depuis sa jeunesse, Nasser  avait fait partie des officiers « en congé » qui avaient directement affronté l’armée britannique autour du canal de Suez, et en avait retiré une grande popularité. Maire du Caire,  il devient ensuite, par les urnes, Premier ministre du roi Farouk Ier, puis de son fils Fuad II, dont il cherche inlassablement à limiter la marge de manœuvre politique. L’Union Socialiste Arabe remporte également les élections au Soudan, toujours en union personnelle avec l’Egypte.

La politique de Nasser est marquée dès le début, outre par son soutien à l’indépendance libyenne, par sa politique sociale volontariste, avec la réforme agraire la plus poussée du monde arabe, et la construction du pharaonique barrage d’Assouan, dont la construction est lancée en 1966 avec des capitaux européens et, surtout, américains.

A l’international, la résistance des Egyptiens face aux Italiens en 1966 donne Nasser une popularité au-delà de ses frontières, et lui permet de tisser des liens étroits dans son environnement régional. Il ne parvient néanmoins pas à lancer de processus de fusion entre son pays et d’autres régimes arabes, la Syrie restant attachée à son nationaliste géographique, et non linguistique, tandis que la Libye nouvellement indépendante reste divisée sur la question.

En 1969, Nasser peut présider officiellement la cérémonie de restitution du canal de Suez à l’Etat égyptien. Il décède l’année suivante du fait de sa consommation de cigarettes, tout aussi pharaonique que les constructions initiées sous son règne.

L’Etat National Iranien de Teymour Bakhtiar

Après un an seulement d’existence, et sans qu’aucune élection n’ait pu se tenir, la République iranienne est renversée par Teymour Bakhtiar, l’ancien chef de la SAVAK et initiateur du renversement de Mohammad Reza Shah. Le régime est, jusque dans le nouveau nom donné au pays, inspiré du nationalisme de l’Inde voisine, avec laquelle la coopération transfrontalière prend une nouvelle dimension.

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Teymour Bakhtiar, chef de l'Etat National Iranien

L’Etat policier décrié sous le Shah se maintient tout en se renforçant, avec la multiplication des services de police politique. L’idéologie officielle de l’Etat peine néanmoins, malgré la création d’un parti unique et d’une Ligue de la jeunesse nationale, peine à se structurer. Insistant d’abord sur un nationalisme aryen tourné vers l’héritage pré-islamique, le régime se tourne ensuite vers une alliance avec le clergé, cherchant son soutien en échange de la levée des dernières législations anticléricales héritées de l’ère Reza Shah (rappelant d’ailleurs la stratégie politique de Mohammad Reza à ses débuts). Un ensemble de législations moralisatrices sont édictées, notamment dans le domaine du cinéma, ce qui a pour conséquence inattendue de voir des studios se développer dans l’Afghanistan voisin. Bakhtiar refuse néanmoins de supprimer le calendrier persan et la fête pré-islamique de Norouz.


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Message par Collectionneur Sam 28 Oct - 18:56

Il manque la fin de la phrase de préambule :

. Si des pays comme la Syrie d'Adib Chichakli ou le royaume d'Irak connaissent une consolidation des régimes établis à la.....
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Message par DemetriosPoliorcète Sam 28 Oct - 19:00

Collectionneur a écrit:Il manque la fin de la phrase de préambule :

. Si des pays comme la Syrie d'Adib Chichakli ou le royaume d'Irak connaissent une consolidation des régimes établis à la.....

Merci, je corrige de suite! Je me charge aussi de faire les corrections des fautes que tu as pointées dans tes messages précédents Wink
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Message par DemetriosPoliorcète Dim 31 Déc - 13:09

Chapitre 5 : le second souffle du marxisme-léninisme

La crise puis la disparition de l’Union soviétique, remplacée par une Eurasie qui se réclamait désormais d’un socialisme non-marxiste et avait renoncé à toute prétention d’universalité, semblait sonner le glas du marxisme-léninisme. Il n’en était pourtant rien  puissance montante, la Chine de Mao Zedong apparaissait comme un modèle pour les mouvements de gauche radicale à travers le monde, notamment dans les pays nouvellement indépendants.

L’Orient est (toujours) rouge

Etablie en 1949, la République Populaire de Chine s’était consolidée par la reprise en main dans le Xinjiang puis par la conquête et l’annexion du Tibet en 1955. La question du Mandchoukuo et des Îles de Formose et Hainan restaient en suspend, comme celle du Mengjiang, toujours occupé par une force internationale et qui restait le principal obstacle à un rapprochement entre Oulan-Bator et Pékin.

Dès les premières réformes de Beria, Mao avait soulevé des critiques quant à la voie prise par le « frère » communiste, jusqu’à condamner ouvertement le révisionnisme soviétique au milieu de la décennie. L’évolution de l’URSS était en fait vue comme une chance par la diplomatie chinoise, qui pouvait s’affirmer comme le véritable pôle du mouvement ouvrier mondial face à un PCUS compromis avec la bourgeoisie et les puissances de l’ouest. Pour marquer sa revendication de l’héritage de 1917, la Chine avait dès 1955 imprimé une nouvelle série de billets à l’effigie de Lénine puis, l’année suivante, abandonné le drapeau de la RPC pour reprendre celui de la République soviétique chinoise. Le maintien de la politique d’industrialisation des villes, pour brutal qu’elle fût, sauva probablement la vie à des millions de chinois, par l’abandon des projets de « Grand bond en avant » et d’industrialisation délirante des campagnes.

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Le drapeau de l'ancienne République soviétique chinoise remplace le premier drapeau de la République populaire à partir de 1955, pour marquer la revendication de tout l'héritage de 1917 et du marxisme-léninisme.


Le coup d’Etat soviétique, après un éphémère rapprochement des deux pays, permit à Pékin de tester les faiblesses du voisin du nord. Entre 1962 et 1964, les troupes chinoises et soviéto-mongoles furent impliquées à plusieurs reprises dans des affrontements conventionnels, tenus secrets par les trois pays.

Au sein du PCC, Mao Zedong consolide sa position de chef incontesté, tandis que son fils, après une longue carrière militaire, commence à occuper des fonctions de premier plan dans l’appareil partisan, sans toutefois que son père ne le désigne officiellement successeur. Face à lui, sa belle-mère Jiang Qing cherche aussi à imposer son influence dans l’entourage du président, poussant vers les postes à responsabilités les révolutionnaires les plus radicaux ; son poids ne cesse de grandir jusqu’à la mort de son mari.

L’Afrique divisée

Dans l’Afrique décolonisée, si la plupart des politiciens se proclament socialistes, peu de régimes sont réellement prêts à un alignement sur la Chine. Le Ghana de Kwame Nkrumah et le Togo de Sylvanus Olympio se sont certes rapprochés de Moscou puis sur Pékin, mais n’ont pas rompu totalement les liens avec les anciennes puissances coloniales, ni collectivisé leurs économies.

La situation change radicalement en 1966, avec l’avènement d’un Etat marxiste-léniniste en Afrique de l’Est : à cette date, le Tanganyka tombe aux mains d’une junte militaire qui ne tarde pas à s’aligner totalement sur la Chine maoïste, transformant le pays en République populaire. Comprenant tout l’intérêt de cette vitrine idéologique au cœur du continent africain, Mao n’aura de cesse de chercher à le consolider, envoyant conseillers militaires et techniques, puis unités entières et ouvriers qualifiés. On estime qu’au tournant de la décennie, entre 30 000 et 40 000 Chinois seront présents à divers titres, et que l’argent envoyé par la RPC finance la plupart des projets d’infrastructures du pays. Si l’opération rend amère de nombreux Chinois, qui pointent le fait que Mao aura mis plus de soin au développement du Tanganyka qu’à celui de nombreuses provinces chinoises et aura traité ses habitants bien plus humainement que son propre peuple, elle est un succès auprès des Africains, de nombreux mouvements politiques adoptant l’idéologie chinoise. Ainsi, les colonies portugaises voient s’intensifier les guérillas indépendantistes maintenant clairement alignées sur Pékin, dont la plus célèbre est l’UNITA de Jonas Savimbi, directement formé en Chine. En 1968, Hophouët-Boigny, qui dirige pourtant l’un des Etats les plus riches du continent, manque d’être renversé par un coup d’Etat maoïste.

En dehors des mouvements communistes, les forces de gauche ont le vent en poupe dans tout le continent. Alors qu’il était jusque là opposé aux libéraux de Dabo Sissoko, Léopold Sédar Senghor est doublé sur sa gauche par son ancien allié Mamadou Dia, hostile à sa politique de clientélisme clanique, qui parvient à se faire élire à la tête du Sénégal, au sein de la fédération du Mali. En plus de la popularité de son programme socialiste, Dia dispose de sympathies à Paris [1], ce qui n’est pas sans grossir les inquiétudes de Senghor. En 1969, une crise constitutionnelle manque de faire éclater la Fédération du Mali, et seule l’intervention de Paris d’une part et l’attachement de Dia à l’union d’autre part permettent de maintenir l’unité. Dia démissionne volontairement, laissant le Sénégal à un membre du RDA, mais se fait élire à l’Assemblée fédérale de Marseille, où il porte la voix de l’opposition.

La montée en puissance des forces de gauche fait néanmoins les affaires d'un pays à part : l'Afrique du sud, dominée par les Afrikaners, renforce son système raciste et sa crédibilité auprès des occidentaux en jouant sur la peur d'une Afrique communiste.

La chute de Tan Malaka


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Le leader communiste indonésien Tan Malaka

L’Indonésie socialiste s’était voulue, dès les premièrs tensions entre Beria et Mao, à l’équidistance des deux principaux Etats communistes, refusant de choisir un camp et cherchant à devenir elle-même un modèle de développement pour les nations décolonisées. Ainsi, quelques réformes de libéralisation furent tentées au début de la décennie 1950, sans pour autant que le pays ne prenne le chemin de l’URSS de Beria. Après la chute de l’URSS, les liens se resserrent néanmoins avec la Chine.

Paradoxalement, l’Etat archipélagique indonésien se lance dans une politique de développement de l’intérieur des terres, avec le soutien aux industries lourdes et à l’intensification de l’agriculture ; elle se place de ce fait autant dans la rectitude idéologique marxiste-léniniste que dans l’héritage des anciens empires hydrauliques malais.

En dépit d’indéniables succès, notamment dans l’alphabétisation, le pouvoir communiste rencontre néanmoins des difficultés, ne parvenant par exemple pas à gérer l’ensemble des effets de la croissance démographique ni à résorber le problème de la domination javanaise sur le reste du pays. En difficulté face à la vieille garde communiste, Tan Malaka décide de tenter un coup d’éclat : l’invasion de Bornéo, dont Jakarta n’a jamais reconnu l’indépendance. Sensé prendre les pays voisins de vitesse, l’opération est en fait connue longtemps à l’avance par les adversaires de la République populaire. En 1970, les flottes malaise, néerlandaise et est-indonésienne agissent conjointement pour détruire la force d’invasion.

Vaincu, Tan Malaka annonce publiquement sa démission et son retrait de la vie politique. Ses successeurs se lancent dans une politique combinant libéralisation économique relative et affirmation du nationalisme irrédentiste, celui-ci ne visant plus seulement les anciennes colonies hollandaises mais aussi l’ensemble du monde malais. Le nouveau nom du pays, République socialiste du peuple malais d’Indonésie, est révélatrice de ce changement d’orientation.

[1] Ce n’est pas fondé sur rien : si j’e crois Frederick Cooper, les services français voyaient vraiment Dia comme un politicien à soutenir, malgré les craintes suscitées par son socialisme.


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Message par Collectionneur Dim 31 Déc - 13:54

Bon réveillon santa

Relecture rapide sur le paragraphe consacré à l'Afrique

Le Ghana de Kwame Nkrumah et le Togo de Sylvanus Olympio se son.... certes rapprochés de Moscou puis sur Pékin

Si l’...pération rend amère de nombreux Chinois, qui pointent le fait que Mao aura mis plus de soin au développement du Tanganyka

La montée en puissance des forces de gauche fait néanmoins les affaires d'un pays à part : l'Afrique du sud, dominée par les Afrikaners, renfo....ce son système raciste

Ainsi, les colonies portugaises voient s’intensifier le ... guérillas indépendantistes maintenant clairement alignées sur Pékin.
---------------------
Un S2 Tracker décollant décollant du Hr Ms Karel Doorman en 1970 lors de la bataille qui décima la flotte de Djakarta :

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Message par DemetriosPoliorcète Dim 31 Déc - 14:02

Merci pour la relecture et pour l'illustration!
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Message par Collectionneur Dim 31 Déc - 14:10

Mais depuis mon portable, cette photo est sérieusement coupé avec juste la queue de l'avion Shocked

Elle est visible normalement pour toi ?
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Message par Rayan du Griffoul Dim 31 Déc - 15:50

Trés content de lire la suite
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Message par DemetriosPoliorcète Dim 31 Déc - 17:09

Collectionneur a écrit:Mais depuis mon portable, cette photo est sérieusement coupé avec juste la queue de l'avion Shocked

Elle est visible normalement pour toi ?

On ne voit probablement qu'une partie de l'image en effet.

Rayan du Griffoul a écrit:Trés content de lire la suite

Merci!
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Message par Thomas Dim 31 Déc - 20:26

Au sein du PCC, Mao Zedong consolide sa position de chef incontesté, tandis que son fils, après une longue carrière militaire, commence à occuper des fonctions de premier plan dans l’appareil partisan, sans toutefois que son père ne le désigne officiellement successeur. Face à lui, sa belle-mère Jiang Qing cherche aussi à imposer son influence dans l’entourage du président, poussant vers les postes à responsabilités les révolutionnaires les plus radicaux ; son poids ne cesse de grandir jusqu’à la mort de son mari. a écrit:
Faut-il s'attendre à une dynastie maoïste "à la Kim"?

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Message par DemetriosPoliorcète Lun 1 Jan - 8:47

Thomas a écrit:
Faut-il s'attendre à une dynastie maoïste "à la Kim"?

En tout cas, Mao Anying n'étant pas mort en Corée, il va jouer un rôle de premier plan.
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Message par DemetriosPoliorcète Lun 1 Jan - 10:05

Chapitre 6 – Cultures d’une Europe en paix

Alors que les traumatismes de la Première guerre mondiale et de la Guerre de Danzig s’estompaient progressivement et que la perspective d’une guerre contre l’URSS disparaissait, l’Europe connaissait des transformations culturelles qui suivaient de près la transformation des modes de vie.

Accès à la télévision, diversification des chaines de radio (accélérée en France par la libéralisation mitterrandienne), motorisation et accès des classes moyennes au confort via l’électroménager transformaient la perception du monde de plus en plus d’Européens. Les pratiques culturelles et les représentations qu’elles véhiculaient ne tardèrent pas à suivre.


Nouvelles pratiques, nouveaux médias, nouveaux publics

Alors que la génération née dans les années 40 arrive sur le marché, l’industrialisation de la culture se poursuit. La télévision, confidentielle au cours de la décennie précédente, entre dans de plus en plus de foyers, obligeant les chaines publiques comme privées à adapter leurs programmes au grand public. Alors que les séries américaines mettant en scène la conquête de l’ouest arrivent dans les grilles de programme, les chaînes européennes réagissent avec des fictions historiques et des adaptations de classiques littéraires. Si la RTF produit avec succès Les Trois mousquetaires, la BBC marque les esprits avec The Offensive, qui évoque avec réalisme la bataille de la Somme.

La télévision ne détrône pas, contrairement aux craintes de certains, le cinéma, qui se défend bien face à la concurrence américaine (aidé, il est vrai, par les politiques protectionnistes des Etats. En Italie, le modèle des grands films de studio s’essouffle, alors que la libéralisation relative permet aux comédies et aux drames de sortir du carcan imposé par le régime fasciste et à se diversifier ; la censure qui frappe toujours, plus qu’ailleurs, la nudité et la violence, convainquant des cinéastes aussi différents que Pier Paolo Pasolini et Mario Bava de rester à l’étranger. En France, le poids pris par le financement public entraîne des débats sans fin sur le genre de films à privilégier, entre grosses productions à l’américaine, divertissement populaire ou films d’arts et d’essais. Si l’histoire du cinéma retient la nouvelle vague, l’époque est aussi celle des films de Louis de Funès et des icônes comme Michèle Mercier, qui triomphe dans le remake de 1961 d’Un an à Oslo, et dans une moindre mesure Brigitte Bardot [1].

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Michèle Mercier dans Le trois visages de la peur de Mario Bava

Le disque, l’autre grande industrie culturelle, permet l’implantation sur le continent des musiques anglo-saxonnes, avec le succès des Beatles, groupe anglais emblématique de la décennie.

Dans le monde intellectuel, la grande question qui agite les universités est l’attitude à adopter par rapport à l’Eurasie d’une part, et à la Chine de l’autre. Parmi les intellectuels de gauche, nombreux sont ceux qui voient dans le maoisme un nouvel espoir après la réforme puis la fin de l’URSS. Sous l’influence de Jean-Paul Sartre, l’Humanité passe sous contrôle pro-chinois, accélérant le vote par le PCF de la fusion avec le Parti Marxiste-Léniniste de France pour former le Parti Communiste Unifié. Chez les intellectuels de droite, on se demande plutôt s’il faut célébrer les retrouvailles avec le monde russe ou continuer à voir dans l’Eurasie une menace. A l’extrême-droite, la normalisation de la vie politique italienne puis le départ de Ciano du pouvoir donnent paradoxalement un nouveau souffle à la pensée révolutionnaire néofasciste, désormais libérée de la référence au régime de Rome. De jeunes intellectuels s’emparent de la pensée d’auteurs comme Julius Evola et donnent naissance à un nouyveau mouvement contestataire, à la fois anticlérical, nationaliste et opposé à la société de consommation qui se met en place.

Le laboratoire allemand


Après une vie culturelle et artistique terne au cours des années 1950, l’Allemagne redevient, dans la décennie suivante, le cœur des avant-gardes européennes. La permanence d’un savoir-faire et d’infrastructures héritées de Weimar et du IIIe Reich, l’adoption des innovations américaines, mais aussi un contexte culturel particulier expliquaient cet état de fait : contrairement à ses voisins désireux de tourner le dos aux conflits passés et gagnés par une forme d’insouciance, l’Allemagne restait pleine d’interrogations quant à son passé et son identité. Le cinéma, plus que n’importe quel autre medium, se fait l’écho de ces questionnements, avec notamment une réflexion sur le régime nazi déchu et son héritage ; le film de science-fiction Les impurs décrit ainsi un monde ravagé par une catastrophe nucléaire dans lequel une milice de fanatiques cherche à éliminer tout individu susceptible d’avoir été irradié. Arkadia, également un film de science-fiction, raconte l’histoire d’un jeune pêcheur d’Allemagne du Nord qui découvre par hasard une île peuplée de femmes et d’hommes à la beauté exceptionnelle, qui s’avèrent les créations d’un savant fou désireux de créer une race parfaite (l’aventure finira mal pour le pêcheur comme pour le savant…). A côté de ces œuvres motivées de façon évidente par une dénonciation de l’idéologie Völkisch, le cinéma d’extrême-droite se développe également. La survie de la volonté décrit une vallée bavaroise où la vie est rythmée par l’affrontement que se livrent deux figures d’autorité, un prêtre réactionnaire et un universitaire juif ; dans cette atmosphère étouffante, un groupe de jeune finit par s’émanciper dans la violence, ravageant leur village avant de s’enfuir dans une voiture volée au châtelain local. Réalisé avec un petit budget, le film est un succès inattendu au-delà des frontières allemandes, fascinant une partie de la jeunesse. Au théâtre, Bertholt Brecht continue sa brillante carrière et reste comme le plus grand dramaturge de sa génération.

Mais on ne parle pas que de politique en Allemagne. Films et séries télévisées font aussi la part belle au comique et au pur divertissement. C’est en Allemagne que Mario Bava, pour qui l’Italie du « fascisme démocratique » reste trop contraignante, réalise ses plus grands succès. Citons notamment les films de tueurs en série L’Incube et Six femmes pour l’assassin, ainsi que son adaptation personnelles des Nibelungen, ou encore La baie sanglante [2].

L’Allemagne devient aussi le pays par excellence des contre-cultures, plus encore que les Etats-Unis. Les films de motards de la décennie précédente, qui avaient effrayé et fasciné l’Amérique puritaine, ont connu en Allemagne un succès inattendu et donné naissance à une subculture particulière, rendue possible par le rattrapage des allemand en terme de motorisation et l’infrastructure routière laissée par l’Allemagne hitlérienne. Les clubs de motards se créent, dont le plus célèbres est les Fils du Svastika [3], très clairement marqué à l’extrême-droite et lié à des partis comme le Front noir ou les Socialistes du Reich. Après que le groupe ait été impliqué dans des violences contre des Polonais dans les zones encore contestées de Silésie, la jeunesse polonaise de droite créé un groupe rival, les Chevaliers dragons. La gauche allemande possède aussi son club de prédilection, le Rote Siegfried.

Les contre-cultures prennent aussi d’autres voies : communautés utopiques agraires, communautés religieuses prônant les sagesses orientales ou le retour aux religions païennes (et souvent un mélange des deux), ou encore mouvement naturiste.

[1] Oui, c’est ma préférence personnelle qui parle ici.
[2] A part les Nibelungen, ce sont de vrais films de Bava (l’Incube était le titre qu’il aurait voulu pour La femme qui en savait trop). Ici bien sûr, ils auraient sans doute été très différents, avec des acteurs et des décors allemands.
[3] Terme volé à Norman Spinrad dans Rêve de fer.
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Message par LFC/Emile Ollivier Lun 1 Jan - 11:23

Véritablement passionnant !
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Message par Thomas Lun 1 Jan - 11:48

LFC/Emile Ollivier a écrit:Véritablement passionnant !
Très intéressant en effet.

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Message par DemetriosPoliorcète Lun 1 Jan - 12:30

Merci pour vos retours !

J'aime particulièrement l'histoire culturelle et je trouve très stimulant d'imaginer ce que serait devenue la culture dans une Allemagne qui n'aurait pas connu l'année 0 et l'occupation américaine et où l'idéologie Völkisch serait toujours vivace.
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Message par Thomas Lun 1 Jan - 13:16

DemetriosPoliorcète a écrit:Merci pour vos retours !

J'aime particulièrement l'histoire culturelle et je trouve très stimulant d'imaginer ce que serait devenue la culture dans une Allemagne qui n'aurait pas connu l'année 0 et l'occupation américaine et où l'idéologie Völkisch serait toujours vivace.
1/ Le maniaque de worldbuilding que je suis aime beaucoup le développement des aspects annexes.
2/ Le maniaque de worldbuilding que je suis est heureux que sur le plan culturel l'ABATL soit très proche d'OTL. J'ai déjà beaucoup trop de travail.

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Message par Rayan du Griffoul Ven 5 Jan - 21:31

DemetriosPoliorcète a écrit:Merci pour vos retours !

J'aime particulièrement l'histoire culturelle et je trouve très stimulant d'imaginer ce que serait devenue la culture dans une Allemagne qui n'aurait pas connu l'année 0 et l'occupation américaine et où l'idéologie Völkisch serait toujours vivace.

Je me permet d'ajouter quelque chose à propos de Louis de Funés.

En 1966, l'acteur connait le sucées avec "La Grand Vadrouille" dans lequel il incarne le rôle du Caporal Stanislas LeFort, qui durant la bataille des Ardennes, doit faire face au gaffes du soldat Augustin Bouvet joué par Bourvil. Les deux connaitront de nombreuses mésaventures sur le chemin qui les mènera à Prague.
En 1964 le duo d'acteurs avait connu le succès, avec Le Corniaud, première coproduction Franco-italienne, et premier français tourné en Italie.


Voila

Et aussi une petite question. Est-ce que les nouvelles radios libres auront accès à la bande FM ? Ou resteront elles en ondes moyennes ?
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Message par Collectionneur Ven 5 Jan - 21:41

Je ne vois pas pourquoi la FM ne serait pas utilisé.
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