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[CTC16]Le loup de mer

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Message par Thomas Lun 18 Oct - 20:51

Le loup de mer

Notes de l’auteur :
Il s’agit de mon tout premier texte du genre donc ce sera loin d’être parfait. J’ai retranscrit les distances en kilomètres, mais exprimé les vitesses en nœuds.
Les personnages à bord du sous-marin sont fictifs, les autres sont historiques. Les capacités des navires, équipements et armements sont basées sur les données réelles ou estimées. Notamment les données techniques précises de la classe Seawolf restent assez peu connues, car secrètes. L’US Navy maintient encore aujourd’hui la plus grande discrétion quant aux missions et capacités des Seawolf qui restent, vingt ans après leur entrée en service, parmi les navires les plus performants et redoutés au monde.
Un peu de jargon :
·CO : « Commanding Officer » le capitaine, commandant le navire.
· XO : « Executing Officer » commandant en second.
·COB : « Chief of the boat », marin assistant le CO et le XO dans la gestion du navire et de son équipage.
·Il y a aussi 4 chefs de département :
·L’officier mécanicien ou « Eng », responsable du réacteur nucléaire, de l’installation de propulsion et de tous les systèmes mécaniques et électriques de base,
·Le navigateur ou « Nav », responsable des divisions navigation et radio
·L’officier d’armement ou « Weps », responsable des divisions torpilles, sonar et missiles du sous-marin
·L’officier d’approvisionnement ou « Suppo », bien que beaucoup n’aient pas perdu l’habitude d’appeler l’homme chargé de servir le porc et les haricots, « le Chop ».


 
Une crise alimentée par d’autres crises.
Crise économique asiatique de 1997, crise économique russe de 1998, la récession débutée en 1999 dans les pays développés… Autant de raison qui avait poussé le leadership militaire de la République Populaire Chinoise et son président Jiang Zemin à avancer leurs pions en mer de Chine méridionale, mais aussi à Hong-kong et Taiwan. Les objectifs étaient avant tout économiques que politiques et idéologiques. La haute technologie et l’industrie de semi-conducteurs taiwanais, les capitaux hongkongais et les ressources prometteuses des îles Spratleys. De plus, Lee-Ten Hui, le « traitre » dirigeant « la province rebelle de Taiwan » n’avait eu de cesse d’affirmer encore et encore l’indépendance de l’île. Heureusement pour la Chine, les problèmes économiques des Russes depuis la chute de leur Empire soviétique les avaient poussés à vendre tout ce qu’ils pouvaient aux Chinois. Les arsenaux et chantiers militaires russes étaient devenus des supermarchés géants pour l’Armée Populaire de Libération alors que l’industrie de défense tournait à plein régime depuis près de cinq ans grâce aux capitaux chinois. La guerre était devenue inévitable lorsque face à la posture belliqueuse de la Chine, le Royaume-Uni avait annoncé que la rétrocession de Hong-kong était suspendue jusqu’à nouvel ordre.
 
La Chine passe à l’offensive
Bureau Ovale, 22 septembre 2000
Le Président Clinton avait de plus en plus de mal à trouver le sommeil ses dernières semaines. Rien avoir avec l’affaire Monica. Ce n’était pas non plus l’élection à venir qui l’inquiétait, puisqu’il passait la main à son Vice-président Al Gore. Ce qui l’inquiétait était la guerre inévitable dans laquelle son pays risquait d’être entrainé. La Chine massait des troupes dans le Fujian de l’autre côté du détroit de Taiwan, sur les côtes du Guangdong ainsi qu’aux portes de Hong-kong. Sans compter que les navires de l’APL se rassemblaient. Tout cela mis en lumière par une « mystérieuse explosion » qui avait endommagé la base navale de Guam deux semaines plus tôt était de mauvais augure. Pourtant, le « leader du monde libre », même s’il ne voulait pas déclencher un conflit, ne pouvait abandonner ses alliés taiwanais, philippins ou japonais. Pour toutes ces raisons, il avait signé trois ordres :
·Le premier était de placer le commandement pacifique à son niveau d’alerte maximum.
·Le second était de préparer un convoi de matériel miliaire qui serait transféré à Taiwan dans la semaine à venir.
·Le troisième était d’envoyer le SSN-21USS Seawolf, le sous-marin d’attaque le plus moderne et létal au monde, intercepter la flotte d’invasion qui s’apprêtait à mettre le cap vers le récif philippin de Scarborough.
En effet, le rapport du NSC, basé sur les données du NRO, de la NSA, de la CIA et l’ONI était formel : un groupe amphibie venait de quitter Shantou pour prendre possession du récif et y placer des moyens d’interdiction.
Le plan validé par le Président Clinton avait été imaginé il y a plusieurs semaines par l’Amiral Thomas B. Fargo, commandant de la flotte du pacifique. S’il existait des sous-marins qui avaient une chance d’opérer « furtivement », c’était ceux de la classe Seawolf. L’USS Connecticut opérait actuellement en mer du nord pour surveiller l’activité navale russe, mais l’USS Seawolf avait été envoyé à Guam prête à intervenir en mer de Chine. Le plan de Fargo consistait à attendre que la Chine lance son offensive puis d’harceler la marine chinoise jusqu’à ce que la Chine ouvre elle-même les hostilités contre les États-Unis. Le président américain espérait que ce plan permettrait de gagner du temps pour renforcer Taiwan tout en s’assurant que l’inévitable conflit soit accueilli favorablement par l’opinion publique américaine et mondiale.
 
Base navale de Guam, 22 septembre 2000
Le Capitaine Darell Hutchinson, avait pris le commandement de l’US Seawolf, seulement deux semaines plus tôt. Le Capitaine Humphrey Pena, son prédécesseur, avait été contraint d’abandonner son navire et son équipage suite à une crise d’épilepsie provoquée par ce qui se révélait être une tumeur cérébrale.
Alors que le remorqueur commençait la délicate tâche consistant à sortir de la rade un navire à trois milliards de dollars, Hutchinson pensait à sa relation encore un peu fraiche avec l’équipage du navire. Il était difficile pour ces jeunes marines de ne pas avoir une pensée pour leur capitaine dont la vie était en danger alors qu’ils avaient passé des mois, voire des années à travailler et vivre avec lui dans cette formidable machine de guerre qu’était le Seawolf. En effet, Hutchinson n’avait plus de commandement depuis près d’un an lorsque l’USS Boston, un sous-marin de classe Los Angeles, avait été décommissionné. De plus, contrairement à tous les commandants de sous-marin en activité, « Le Hutch » n’était pas sortie d’Annapolis, mais était issu du rang tout en ayant la réputation de prendre beaucoup de risque et d’avoir sale caractère. Ainsi, ses hommes semblaient se méfier de lui et l’avaient accueilli assez froidement.
 
Pas vu pas pris
USS Seawolf, 23 septembre 2000
Le Seawolf avait traversé la Mer des Philippines à pleine vitesse, 35 nœuds, et venait juste de franchir le détroit de Luçon. Le sous-marin nucléaire d’attaque venait officiellement d’entrer en Mer de Chine méridionale, une zone de conflit. Il naviguait à faible profondeur, 50 mètres, en l’attente d’un éventuel message du commandement pacifique transmit par ELF.
« Capitaine sur le pont » annonça Kurt McBride, le XO (officier en second), à l’arrivée d’Hutchinson.
« Maintenant que nous sommes entrés en Mer de Chine méridionale, voici nos ordres : engager et détruire le groupe amphibie de l’APL se dirigeant vers les récifs de Scarborough, puis opérer de manière décisive, solitaire et secrète contre les forces chinoises jusqu’à épuisement de nos munitions. Des questions ? »
L’un des opérateurs sonar, se leva, se mit au garde-à-vous et à l’invitation du capitaine posa sa question « Sommes-nous en guerre Monsieur ? »
« Officiellement ? Pas encore. » répondit le capitaine avant d’enchainer. « D’où le fait que nous devons opérer aussi discrètement que possible. Tant que les Chinois ne peuvent nous identifier et nous incriminer, la Maison-Blanche peut nier et continuer à se préparer pour la suite. »
Le marin en charge de la radio se leva avec un bout de papier en main et le tendit au XO. Ce dernier lut le message avant de le tendre au CO. Le capitaine résuma le message à voix haute pour ses officiers et ses marins « Message Flash, USPACFLT. Flotte ennemie estimation : quatre transports, quatre escortes. Mission inchangée ».
 
Aux postes de combat
USS Seawolf, 24 septembre 2000
« Capitaine sur le pont ! »
Il était 5 h 8, le capitaine avait été réveillé 5 minutes auparavant après que ce qui semblait être des contacts ennemis ait été détecté au sonar. La suite sonar AN/BSY-2 ou Busy Two, coûtant la coquette somme de 16 millions de dollars, se composait d’un sonar passif à large bande AN/BQQ-10 dans le dôme d’étrave, les sonars passifs tractés TB-16 et TB-29, un sonar passif AN/BQG-5 sur chaque côté de la coque, l’AN/BQS-24 MIDAS monté à la base du kiosque et un sonar environnemental AN/BQH-9 sur chaque côté de la coque. Les données de tous ces capteurs étaient traitées par le processeur AN/BQR-22 faisant du Busy Two la suite sonar la plus performante en activité. Le sonar actif, rarement utilisé puisqu’il vous révélait immanquablement à l’adversaire, permettait de suivre les cibles en temps réel dans un rayon de plus de 60 kilomètres alors que dans des conditions idéales (qui n’existaient pas), l’ensemble des capteurs passifs permettait de détecter une cible à près de 260 kilomètres. Dans ce cas vous ne révéliez pas votre position, mais la détection dépendait uniquement du bruit que faisaient l’ennemi et l’environnement.
Le Seawolf se trouvait à environ 160 kilomètres au nord du récif de Scarborough et patrouillait à sa vitesse maximale de 35 nœuds afin de couvrir un maximum de distance. Avant même d’informer le capitaine, le XO avait ordonné de réduire la vitesse à 25 nœuds pour réduire les risques de détection et convoqué tout le monde au poste de combat. À l’arrivée d’Hutchinson, le sous-marin était paré au combat et la tension était palpable.
« Situation ? » demanda le capitaine.
« Multiples navires arrivant au 320-320. Identification en cours » annonça McBride.
« Condition ? » interrogea à nouveau le capitaine.
« Nous naviguons à 25 nœuds. Profondeur 180 mètres. Bruit de fond à plus de 80 décibels. Pas de couche. D’après nos cartes le fond est à un peu plus de 600 mètres. » cracha le XO en rafale.
La couche désignait le thermocline une zone de transition thermique rapide entre les eaux superficielles de l’océan généralement plus chaudes et oxygénées et les eaux profondes généralement plus froides et anoxiques et parfois plus salées. Selon où on se trouvait vis-à-vis de cette limite cela changeait drastiquement les conditions acoustiques et notamment la propagation des ondes sonores. L’absence de cette couche était un handicap pour le sous-marin américain, car en plongeant sous une couche qui dégradait les conditions acoustiques, le sous-marin pouvait potentiellement, disparaitre des écrans sonar ennemis.
Hutchinson réclama de ramener la vitesse à 5 nœuds et la profondeur à 60 mètres tout en allant se placer près de l’équipe sonar qui, tant à l’oreille qu’assistée par un ordinateur contenant une immense base de donnée de signatures acoustiques des marines mondiale, tentait d’identifier chaque navire.
Les identifications commençaient à tomber grâce aux sonars passifs et au sonar tracté :
« Contact Sierra1. Frégate de classe Jianghu. »
« Contact Sierra2. Frégate de classe Jianghu. »
« Contact Sierra3. Frégate de classe Jianghu. »
Les frégates Type 053 Jianghu étaient spécialisées dans la défense antiaérienne et n’était pas une menace directe pour un navire tel que le Seawolf.
« Contact Sierra4. LST de classe Yuting. »
Le LST de Tpe 072II était l’une des cibles désignées du Seawolf. Comme tout navire de débarquement, il était faiblement armé et était une proie facile pour un sous-marin d’où la présence de navire d’escorte.
« Révision. Contact Sierra2. Destroyer de classe Luhu. »
Hutchinson fit la grimace. Le destroyer Type 052 dit classe Luhu était une amélioration « made in China » des Luda d’origine soviétique. Polyvalent, lourdement armé, y compris pour la lutte anti-sous-marine, il embarquait au moins un hélicoptère Kamov Ka-27 de lutte ASM.
« Hélicoptère ASM en vol » s’interrompit l’officier sonar.
« Donnez au 230 », ordonna calmement le capitaine.
Alors que l’ordre se répercutait et que le navire tournait lentement au sud-ouest. Le capitaine ne voulait pas se retrouver trop proche du Luhu alors que l’identification des cibles n’était pas terminée. Par chance le Ka-27 était en patrouille ASM de routine et ne s’approcha pas de la zone où était embusqué le Seawolf.
« Contact Sierra7. Frégate de classe Jianghu. »
Après une attente de moins de deux minutes, mais qui parut interminable dans le silence ambiant de la passerelle, le marin en charge du sonar annonça une nouvelle identification.
« Contact Sierra4. LST de classe Qiongsha. »
Il ne restait plus qu’un seul navire à identifier, mais il ne fallut pas longtemps avant que le verdict tombe.
« Contact Sierra5. LST de classe Qiongsha. »
Hutchinson contempla brièvement l’écran de situation tactique. La flotte arrivait depuis le nord-ouest. Deux Jianghu et le Luhu semblaient couvrir le flanc est-nord-est et un autre Jianghu fermait la marche, plus en retrait. Les Chinois ne s’attendaient pas à ce qu’un sous-marin, qui plus est américain, les attende déjà sur leur flanc sud.
La capitaine ne demanda pas de point sur l’armement. Il savait que le « Weps », l’officier en charge de l’armement et du sonar, avait fait charger les tubes conformément à ses instructions : 4 torpilles Mk48 ADCAP, 3 missiles antinavires UGM-84 Harpoon et un leurre sonar MOSS MK70. Ce dernier était une petite torpille conçue pour imiter une signature sonar. Le Seawolf étant ultra secret, ses MOSS imitaient la signature d’un sous-marin d’attaque de classe Los Angeles. Le leurre ne comprenait pas de charge explosive et naviguait jusqu’à épuisement du carburant. Il se désactivait alors et sombrait.
 
Barrage
USS Seawolf, 24 septembre 2000
Les ordres d’Hutchinson pleuvaient suivit de la confirmation de leur exécution.
« Weps !  Lancez MOSS au 300. »
« Tube 8 lancements. » Le MOSS allait suivre une trajectoire presque parallèle, mais en sens contraire, à la flotte ennemie.
« Lancez Tube 1 au 340. Gardez le câble. »
« Tube 1 lancement. » Une première torpille filait en direction des navires chinois. Le câble permettait au sous-marin de contrôler la torpille à distance et notamment de déjouer les leurres acoustiques ennemis qui pourraient éventuellement tromper ses capteurs en mode automatique.
« Lancez Tube 5 au 355. Gardez le câble. » Une deuxième torpille était à l’eau.
« Lancez Tube 2 au 325. Gardez le câble. » Une troisième torpille.
Les torpilles filaient en direction de la flotte chinoise, mais tant que les câbles n’étaient pas rompus les tubes ne pouvaient pas être rechargés. Commençaient maintenant de longues minutes d’attente alors que les torpilles fonçaient à 74 km/h de moyenne. Il fallait encore que les sonars passifs puis actifs des torpilles accrochent les cibles, déjouent les leurres et les manœuvres et évasives puis frappent leurs cibles, à savoir l’escorte. Hutchinson, comme tout son équipage, espérait que le Luhu, serait l’un de premiers accrochés par les torpilles, car il était le seul à même de protéger le groupe amphibie des menaces sous-marines et donc de représenter un danger pour le sous-marin américain.
Entre le bruit de fond de l’océan, le bruit des torpilles, le bruit du MOSS et les manœuvres, les sonars passifs du Seawolf n’avaient qu’une connaissance lacunaire de la position de ses cibles. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, à moins d’avoir des conditions acoustiques parfaites (qui n’existaient pas), un sous-marin ne pouvait pas suivre en temps réel la position de ses cibles.
Après deux minutes d’un calme total, alors que la gerbe de torpille avait déjà parcouru la moitié de la distance les séparant de la dernière position connue du Yuting, le marin en charge du sonar annonça « ASROC ! Tire multiple. Au moins deux. Non ! Quatre poissons dans l’eau ». Il annonça dans la foulée la position estimée des torpilles Yu-7 (une copie des anciennes Mark 46 américaine). Le Luhu avait détecté les torpilles du Seawolf et pensait que le sous-marin qui les avait lancés était bien plus près que ne l’était en réalité le Seawolf.
Le Capitaine Hutchinson n’ordonna même pas un changement de cap. Certains des marins et des officiers le plus jeunes lui lancèrent un regard inquiet. Dans la foulée le Weps annonça la rupture des câbles des tubes 2 et 5. Hutchinson ordonna qu’ils soient chargés de nouvelles torpilles MK-48. Le tube 8 avait quant à lui accueilli un nouveau MOSS (le navire en embarquait cinq) comme l’exigeaient les consignes du capitaine.
« Tube 1, passez en mode actif » ordonna Hutchinson. Immédiatement, le ping de la torpille répercuté jusqu’au sonar passif du Seawolf donna la nouvelle position du Seawolf. Depuis sa dernière position connue, le destroyer avait accéléré et pris la tête de la flotte. La torpille numéro 1 n’était qu’à quelques centaines de mètres de lui au moment où elle était passée en mode actif.
Le câble n’ayant pas été rompu le marin en charge de la torpille n’avait plus qu’à corriger la trajectoire de la torpille pour éviter les éventuels leurres qu’allait larguer le destroyer face au danger imminent. Le tout sous l’œil attentif du « Weps » et du Capitaine.
Le Luhu avait immédiatement tourné plein est et à vitesse maximale tout en larguant un premier leurre. Détruire en premier le seul navire ASM de l’escorte pourrait grandement faciliter la tâche à l’équipage du Seawolf. Le leurre fut facilement évité grâce au filoguidage et la Mark 48 filait droit vers sa proie eu rythme de ping strident de son sonar actif. Un deuxième leurre évité. Suivit quelque seconde plus tard d’une explosion alors que le Luhu avait tenté un virage brutal par bâbord dans une tentative d’esquive désespérée.
« Contact Sierra2. Luhu. Dernière position relèvement au 351. Bruit de rupture. »
Le navire chinois avait été touché et contrairement au navire lourdement blindé de la Seconde Guerre mondiale, il suffisait généralement d’une seule torpille pour couler une frégate ou un destroyer moderne. Bien placer la torpille pouvait briser le navire en deux instantanément.
Identifiant facilement le bruit d’un navire coulant à pique, le marin en charge du sonar annonça que le Luhu coulait. Le destroyer avait vu sa poupe se disloquer et coulait à pique. Il est probable que peu de marins auraient le temps d’évacuer, mais maintenant la flotte d’invasion de Scarborough était quasiment sans défense.
Il n’y eut pas de hourra, ni même une tape sur l’épaule, car sept navires ennemis étaient encore dans les parages.
 
Massacre
USS Seawolf, 24 septembre 2000
D’autres explosions se faisaient entendre, mais il s’agissait des torpilles tirées par l’ASROC quelques minutes plus tôt. Arrivées à court de carburants, elles s’autodétruisaient les unes après les autres.
Toutefois, deux autres torpilles, américaines cette fois-ci, se dirigeaient toujours vers les navires chinois. Face au destin que venait de rencontrer le Luhu, navire le plus puissant de la petite flotte, les navires de transport avaient fait brutalement demi-tour et filait plein nord. Il faut dire que les frégates de classe Jianghu n’étaient pas équipées pour protéger les navires de débarquement face à la menace sous-marine. Le seul danger potentiel était l’hélicoptère ASM du Luhu, mais rien ne permettait de savoir s’il avait coulé avec son vaisseau mère ou s’il se trouvait quelques parts au-dessus des vagues à tenter de détecter le Seawolf.
Hutchinson observa la mise à jour de l’écran tactique et constata que la chance était de son côté. La manœuvre de la flotte ennemie faisait que les deux torpilles Mk48 encore à l’eau se dirigeaient sur le même gisement que deux des trois frégates chinoises. La troisième, qui fermait encore la marche il y a quelques minutes, était encore relativement éloignée.
Il était temps de passer d’une posture d’attente à une posture de chasse. Le Seawolf qui était resté à bonne distance de la flotte adverse et naviguait à cinq nœuds risquait d’être distancé.
« La barre à zéro ! » ordonna le capitaine afin que son navire file plein nord. « Tirez un MOSS au 290 et rechargez », enchaina-t-il.
Dans la foulée les deux torpilles américaines passèrent en mode actif. Celle se situant le plus à l’ouest était dans le sillage de Sierra7, l’une des frégates. L’autre, était dans le sillage de Sierra1, une autre frégate, mais vu la distance à parcourir il était peu probable qu’elle atteigne sa cible. Après près de deux minutes d’attente, la torpille américaine, qui filait toujours en ligne droite, était passée juste à côté de la dernière position connue de Sierra7. Encore quarante secondes d’attente. Soudain, le marin en charge du sonar annonça qu’un leurre acoustique était dans l’eau sur la trajectoire de la torpille. La dernière position de la frégate chinoise était donc périmée et la Mark48 se dirigeait sur elle. Il n’y avait plus qu’à espérer qu’elle ne se fasse pas berner par le leurre.
« Tube 1. Lancez au 340 et gardez le câble » ordonna le capitaine. Son ordre fut répercuté en quelque seconde et une nouvelle torpille filait en direction de la flotte ennemie.
Pendant ce temps Sierra 7, luttant toujours pour sa survie, larguait un nouveau leurre acoustique. Soudain une explosion se fit entendre, mais ce n’était pas Sierra7. En effet, contre toute attente, la torpille Mk48 qui filait en direction de l’autre Jianghu, Sierra1, avait trouvé et frappé sa cible. Alors qu’Hutchinson leva un sourcille marquant l’étonnement de ce coup de chance, une détonation se fit entendre. La torpille qui suivait Sierra7. Pas de chance cette fois-ci, la torpille, berné par un leurre avait raté sa cible puis épuisé son carburant. Toutefois, la torpille du Tube 1, toujours contrôlé par filoguidage restait porteuse d’espoir. Vu sa trajectoire et les dernières positions des navires ennemis allait surement accrocher Sierra7 ou le navire de débarquement Yuting désigné Sierra4. Les frégates restantes Sierra7 et Sierra3, bien plus rapides que les transports, faisaient toute vers le Luhu et le Jianghu Sierra1 afin d’assister les survivants.
La flotte ennemie se trouvant maintenant à une trentaine de kilomètres, Hutchinson craignait que la torpille épuise son carburant avant d’atteindre une cible. Ne souhaitant pas que la chasse du Seawolf ne s’éternise trop il décida de faire évoluer son plan.
« Tube 5 et 6, remplacez les Mk48 par des Tomahawks ! ». Ainsi, en comptant les tubes 3, 4 et 7 le sous-marin américain pourrait tirer une salve de 5 missiles antinavires si le besoin se faisait sentir.
« Weps ! Passez la torpille du Tube 1 en mode actif. » Ainsi, le Seawolf aurait des informations plus fraiches quant aux positions ennemies grâce aux pings émis par la torpille. Donnant seulement 18 nœuds, le Yuting ne pouvait pas être loin. Mais c’est soudain le Jianghu Sierra7 qui apparut sur la trajectoire de la torpille américaine. Le navire lâcha un leurre acoustique et vira brutalement sur bâbord dans l’espoir d’éviter la torpille qui n’était plus qu’à quelques mètres. Assez près pour que le détonateur de proximité se déclenche juste sous sa quille. Le bruit de la frégate Jianghu se brisant en deux saturait les sonars, masquant le reste de la flotte chinoise.
« Sierra3 au 340. Distance : moins de 17 kilomètres ».
Si Sierra3 était encore détecté, c’est parce que la frégate avait marché à pleine vitesse vers le Luhu pendant que les transports filaient vers le nord et que Sierra7 avait tenté d’esquiver la torpille qui lui avait été fatale.
« Tube 2. Lancez au 340. » Ordonna le Hutchinson.
« Câble rompu ! » fit le marin chargé de la torpille immédiatement après le lancement. Une rupture accidentelle du câble était rare, mais pas impossible. La chance ne pouvait pas toujours être du côté des Américains.
« Recharger une Mk48 » fit le capitaine, résistant à la tentation de charger un Tomahawk de plus. La sortie en mer du Seawolf était à durée indéterminée et conditionnée par la gestion des munitions. Autant ne pas les gaspiller.
Après 17 minutes d’attente, la torpille passa en mode actif et semblait se diriger droit vers le Jianghu qui se trouvait à proximité de la dernière position connue du Luhu au moment de son naufrage. La frégate chinoise était peut-être en train de porter assistance aux naufragés, car sa vitesse semblait très basse si on se fiait aux mises à jour de la carte tactique. Mais le Jianghu n’avait pas dit son dernier mot et dans une accélération brutale accompagnant un virage tout aussi brutal sur bâbord, le navire parvint à esquiver la torpille américaine. Cette dernière parvint à réacquérir sa cible et vira sur tribord. Sa cible lâcha un leurre acoustique et entama un nouveau virage serré, sur tribord cette fois-ci, mais la frégate était plus de deux fois plus lente que la torpille qui la traquait. Cette fois-ci la manœuvre ne suffit pas, la torpille vint éventrer le flanc tribord du dernier Jianghu, laissant les transports sans défense.
 
Mise à mort
USS Seawolf, 24 septembre 2000
Sierra3 s’enfonçait dans l’eau dans un long grincement alors que sa coque se désagrégeait lentement. La coque de Sierra7 continuait de craquer et grincer elle aussi. Le bruit et la distance rendaient difficiles de nouveaux tirs de torpilles en direction des transports. Heureusement, en salle des torpilles, cela faisait longtemps, près de 20 minutes, que les Tomahawks avaient remplacé les Mk48 des tubes 5 et 6. Le capitaine demanda au Weps de préparer des solutions de tir optimal pour les Tomahawks. Dans le même temps, le marin en charge du sonar annonça une possible détection d’un bruit de rotor. Le Ka-27 du Luhu était peut-être de retour dans les parages, raison de plus pour ne pas s’éterniser.
« Solution de tir prête ! » annonça le Weps après moins de trois minutes.
« Tube 3 à 6 : Tirez ! »
En l’espace de deux secondes quatre missiles Tomahawks quittèrent les tubes lance-torpilles, regagnèrent la surface puis allumèrent leurs boosters. Rapidement, ils atteindraient leur vitesse maximale de 980 km/h.
Les transports chinois n’avaient aucun équipement qui leur permettrait de leurrer ou intercepter les missiles du Seawolf. Deux explosions se succédèrent à une seconde d’écart, suivie d’une troisième au bout de quatre secondes et une quatrième encore deux secondes plus tard. La séquence des explosions laissait penser qu’au moins trois des quatre cibles avaient été touchées, mais rapidement le marin en charge du sonar annonça qu’il distinguait quatre navires en train de couler. À travers le sonar, leur agonie devint rapidement assourdissante alors que les armements et le carburant qu’ils transportaient déclenchaient des explosions secondaires et que le reste des cargaisons se décrochait avec fracas des navires en train de chavirer, de se retourner, de couler. Pour sa première mission de combat, l’USS Seawolf venait de couler un tonnage de plus de 24 000 tonnes hors cargaison.
Toutefois, l’immense gerbe provoquée par la sortie de l’eau des missiles, accompagnée par les panaches de fumé de la mise à feu des boosters avait révélé la position du sous-marin américain. Rapidement, malgré le vacarme des transports en train de couler, le bruit d’un rotor au ras de l’eau fut capté par le sonar. Le Ka-27 du Luhu arrivait droit sur la dernière position du Seawolf, qui naviguant toujours à cinq nœuds, n’avait pas énormément changé.
Souhaitant venger les nombreux marins chinois tués au combat ou qui risquaient de mourir dans les heures et jours qui viennent à la merci des éléments et des requins, l’équipage ne prit même pas la peine de mouiller son sonar.
« Torpille dans l’eau, dans nos six heures. Distance moins d’un kilomètre. » Le Ka-27 avait largué sa torpille pile dans le sillage du Seawolf qui, pour la première fois de la mission, était réellement en danger. Mais les pings de la torpille permettaient au sonar passif du Seawolf d’estimer sa position et sa vitesse avec une précision redoutable.
« Vitesse maximale. Maintenez le cap ! » cingla le capitaine.
Alors que l’ordre était répercuté et exécuté avec célérité, plusieurs marins et même des officiers regardaient le CO et le XO d’un air inquiet. Mais le capitaine et son second se regardaient avec un sourire en coin. McBride savait exactement ce qu’Hutchinson préparait.
Le sous-marin continuait à gagner en vitesse alors que la torpille Yu-7 gagnait du terrain. McBride alla se placer à la poignée des ballasts et ordonna au barreur de se tenir prêt. En 1996, lors d’un exercice au large d’Hawaï, le futur second n’était qu’un officier parmi tant d’autres, la manœuvre évasive de l’USS Boston face à la torpille d’entrainement avait fait achever d’entériner la réputation de tête brûlée d’Hutchinson qui le commandait.
Le Seawolf venait d’atteindre 33 nœuds et la torpille était à une centaine de mètres.
« À mon signal : chassez aux ballasts, barre à droite toute, plongé à 500 mètres. »
« Maintenant ! » La torpille n’était plus qu’à 100 mètres du Seawolf qui venait d’atteindre sa vitesse maximale de 35 nœuds. McBride poussa brièvement la poignée des ballasts avant de la ramener à sa position initiale. En même temps, le sous-marin piqua vers le fond tout en entamant un virage serré à droite. Le bref nuage de bulles d’air évacué par les ballasts aveugla temporairement le sonar de la torpille chinoise qui soudainement ne voyait plus sa cible qui se trouvait juste devant elle trois secondes plutôt. La torpille entama une boucle par la gauche et commença à tourner en rond en attendant de réacquérir sa cible. Cette dernière, un sous-marin de plus de 9000 tonnes, se trouvait maintenant à sa verticale et plongeait vers le fond en une spirale silencieuse.
Alors que le Seawolf s’apprêtait à atteindre les 500 mètres de profondeur, la capitaine ordonna « Assiette à zéro. Donnez au 90. Vitesse 5 nœuds. »
Dans un silence de cathédrale, le sous-marin rétablit son assiette et réduisit l’allure alors que la torpille chinoise émettait des pings désespérés plus de 200 mètres au-dessus du Seawolf. Après plusieurs minutes d’attente, une explosion se fit entendre. La torpille avait épuisé son carburant et c’était autodétruite.
Environs 72 minutes plus tard, l’équipe sonar identifia un « splash » bien particulier. Le Ka-27, trop loin de toute terre et n’ayant plus de navires sur lequel se poser avait été contraint d’amerrir après son dernier baroud d’honneur face au Seawolf.
« Nav ! » interpella, le capitaine. « Message ELF pour USPACFLT : le coup d’envoi a été donné. ».
 
Pas de D-Day pour la Chine
26 septembre 2000
Dans une attaque coordonnée et massive, une flotte d’invasion chinoise a été coulée au large du récif philippin de Scarborough. Zhu Bangzao, porte-parole du Parti Communiste Chinois, a déclaré sur China Central Television (CCTV) que « la réponse de la République Populaire à cette agression des impérialistes américains serait cinglante ».
Interrogé quelques heures plus tard par la presse, Kenneth Bacon, Secrétaire adjoint à la défense pour les affaires publiques, a refusé de faire le moindre commentaire. Pressé de question quant à la présence éventuelle de sous-marins américains en mer de Chine, Bacon a seulement déclaré « les opérations réelles ou supposées des sous-marins de l’US Navy sont classées secret-défense ».

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Message par LFC/Emile Ollivier Lun 18 Oct - 23:04

Excellent, Thomas ! Chapeau bas, pour une première Wink
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Message par Préhistorique Lun 18 Oct - 23:56

Intéressant, j'ai appris un peu comment se passe un combat de sous marin moderne.
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Message par Thomas Mar 19 Oct - 7:31

LFC/Emile Ollivier a écrit:Excellent, Thomas ! Chapeau bas, pour une première Wink
Merci.
Préhistorique a écrit:Intéressant, j'ai appris un peu comment se passe un combat de sous marin moderne.
Merci. J'ai extrapolé. Mais il y a un élément avec lequel j'ai galérè: l'estimation des distances des objets en mouvement via le sonar.

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