Uchronies romaines
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Re: Uchronies romaines
Le siège d'Alésia
Parmi toutes les batailles de la guerre des Gaules, ce siège est de loin le plus connu. L'épisode actuel des Uchronies romaines n'a pour but que de parler d'Alésia, du dispositif romain et de la conduite du siège proprement dit. La bataille décisive sera traitée ultérieurement.
Le site d'Alésia
Il faut d'abord noter qu'il existe une controverse ancienne sur la localisation d'Alésia. Entrer dans le détail de ce débat me semble largement déborder de nos objectifs. Disons que l'on a situé plusieurs villes qui semblent correspondre à Alésia (si on s'en tient au texte de César). En dépit d'une nombre proprement époustouflant de pièces archéologiques contemporaines de la guerre des Gaules trouvées sur le site (dont les fortifications de César), on s'est attaqué à la localisation du site d'Alise-Sainte-Reine pour des raisons de méthodologie et... il faut bien le dire de régionalisme.
S'il est indéniable que les fouilles de 1861 ont été baisés, on ne peut pas contredire les faits. le site a été assiégé, à la fin de la république, par une armée Romaine et germaine qui a entouré l'oppidum d’une double enceinte. Le seul siège mené en Gaule par cette méthode est celui d'Alésia.
Pour le reste, si vous voulez plus de détail, je vous invite à lire l'article wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Si%C3%A8ge_d%27Al%C3%A9sia#Un_d%C3%A9bat_ancien
Donc, à moins qu'on ne découvre des preuves en béton, pour moi, Alise-Sainte-Reine est Alésia.
Le site d'Alise-Sainte-Reine
Alésia est sur une colline nettement séparée de celles qui l'entoure. Son sommet est plat, allongé, à peu près de la forme bi-ogivale d'une glandula (une balle de fronde romaine en plomb).
A l'époque de la guerre des Gaules, ce plateau est complètement entouré d'une épaisse muraille. Les effectifs gaulois qui y sont enfermés sont colossaux : 80 000 hommes. Seulement, les combattants sont entassés avec la population d'origine du site... et ils n'ont que les réserves de nourriture que ce qui se trouve entre ses murs.
Un travail de Romains !
César ne s'aventure pas à un assaut voué à l'échec, il s'emploie immédiatement à boucler Alésia entre une circonvallation (chargée d'interdire les sorties) une muraille tournée vers l'intérieur, et une contrevallation (chargée d'interdire une attaque à revers des assiégeants) muraille tournée vers l'extérieur. des camps sont répartis régulièrement pour permettre d'intervenir rapidement en tout point.
Vu du ciel :
César a écrit:Travaux de César autour d'Alésia
[7,72]
(1) Instruit de ces dispositions par les transfuges et les prisonniers, César arrêta son plan de fortification comme il suit. Il fit creuser un fossé large de vingt pieds, dont les côtés étaient à pic et la profondeur égale à la largeur. (2) Tout le reste des retranchements fut établi à quatre cents pieds en arrière de ce fossé ; il voulait par là (car on avait été obligé d'embrasser un si grand espace, que nos soldats n'auraient pu aisément en garnir tous les points) prévenir les attaques subites ou les irruptions nocturnes, et garantir durant le jour nos travailleurs des traits de l'ennemi. (3) Dans cet espace, César tira deux fossés de quinze pieds de large et d'autant de profondeur ; celui qui était intérieur et creusé dans un terrain bas et inculte, fut rempli d'eau tirée de la rivière. (4) Derrière ces fossés, il éleva une terrasse et un rempart de douze pieds ; il y ajouta un parapet et des créneaux, et fit élever de grosses pièces de bois fourchues à la jonction du parapet et du rempart, pour en rendre l'abord plus difficile aux ennemis. Tout l'ouvrage fut flanqué de tours, placées à quatre-vingts pieds l'une de l'autre.
[7,73]
(1) Il fallait dans le même temps aller chercher du bois et des vivres, et employer aux grands travaux des retranchements les troupes, diminuées de celles qu'on employait au loin. Souvent encore les Gaulois essayaient de troubler nos travailleurs, et faisaient par plusieurs portes les sorties les plus vigoureuses. (2) César jugea donc nécessaire d'ajouter quelque chose à ces retranchements, afin qu'un moindre nombre de soldats pût les défendre. À cet effet, on coupa des troncs d'arbres et de fortes branches, on les dépouilla de leur écorce et on les aiguisa par le sommet ; puis on ouvrit une tranchée de cinq pieds de profondeur, (3) où l'on enfonça ces pieux qui, liés par le pied de manière à ne pouvoir être arrachés, ne montraient que leur partie supérieure. (4) Il y en avait cinq rangs, joints entre eux et entrelacés ; quiconque s'y était engagé s'embarrassait dans leurs pointes aiguës - nos soldats les appelaient des ceps -. (5) Au devant, étaient disposés obliquement en quinconce des puits de trois pieds de profondeur, lesquels se rétrécissaient peu à peu jusqu'au bas. (6) On y fit entrer des pieux ronds de la grosseur de la cuisse, durcis au feu et aiguisés à l'extrémité, qui ne sortaient de terre que de quatre doigts ; (7) et pour affermir et consolider l'ouvrage, on foula fortement la terre avec les pieds : le reste était recouvert de ronces et de broussailles, afin de cacher le piège. ( On avait formé huit rangs de cette espèce, à trois pieds de distance l'un de l'autre : on les nommait des lis à cause de leur ressemblance avec cette fleur. (9) En avant du tout étaient des chausses-trappes d'un pied de long et armées de pointes de fer, qu'on avait fichées en terre ; on en avait mis partout, à de faibles distances les unes des autres ; on les appelait des aiguillons.
[7,74]
(1) Ce travail fini, César fit tirer dans le terrain le plus uni que pût offrir la nature des lieux, et dans un circuit de quatorze mille pas, une contrevallation du même genre, mais du côté opposé, contre l'ennemi du dehors. Il voulait qu'en cas d'attaque, pendant son absence, les retranchements ne pussent être investis par une multitude nombreuse. Enfin, pour prévenir les dangers auxquels les troupes (2) pourraient être exposées en sortant du camp, il ordonna que chacun se pourvût de fourrage et de vivres pour trente jours.
Schéma des fortifications romaines :
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Dernière édition par Anaxagore le Lun 6 Juil - 23:58, édité 1 fois
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Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots. William Faulkner
Anaxagore- Messages : 2228
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Re: Uchronies romaines
L'arrivée de l'armée de renfort
La situation dans Alésia
César a écrit:Discours de Critognatos
[7,77]
(1) Cependant les Gaulois assiégés dans Alésia, voyant que le jour où ils attendaient du secours était expiré, et que tout leur blé était consommé, ignorant d'ailleurs ce qui se passait citez les Héduens, s'étaient assemblés en conseil et délibéraient sur le parti qu'ils avaient à prendre. (2) Parmi les diverses opinions, dont les unes voulaient qu'on se rendît et les autres qu'on tentât une sortie vigoureuse tandis qu'il leur restait encore assez de forces, l'on ne peut, ce me semble, passer sous silence le discours de Critognatos, à cause de sa singulière et horrible cruauté. (3) C'était un Arverne d'une naissance élevée et qui jouissait d'une haute considération. "Je ne parlerai pas, dit-il, de l'avis de ceux qui appellent du nom de capitulation le plus honteux esclavage ; et je pense qu'on ne doit, ni les compter au nombre des citoyens, ni les admettre dans cette assemblée. (4) Je ne m'adresse qu'à ceux qui proposent une sortie, et dont l'opinion, comme vous le reconnaissez tous, témoigne qu'ils se souviennent encore de notre antique valeur. (5) Mais il y a plutôt de la faiblesse que du courage à ne pouvoir supporter quelques jours de disette. Les hommes qui s'offrent à la mort sans hésitation sont plus faciles à trouver que ceux qui savent endurer la douleur. (6) Et moi aussi je me rangerais à cet avis (tant l'honneur a sur moi d'empire), si je n'y voyais de péril que pour notre vie ; (7) mais, dans le parti que nous avons à prendre, considérons toute la Gaule que nous avons appelée à notre secours. ( Lorsque quatre-vingt mille hommes auront péri dans cette tentative, quel courage pensez-vous que conservent nos parents et nos proches, s'ils ne peuvent, pour ainsi dire, combattre que sur nos cadavres ? (9) Gardez-vous donc de priver de votre soutien ceux qui n'ont pas craint de s'exposer pour votre salut, et, par précipitation, par imprudence, par pusillanimité, n'allez pas livrer toute la Gaule à l'avilissement d'un perpétuel esclavage. (10) Parce que vos auxiliaires ne sont pas arrivés au jour fixé, douteriez-vous de leur foi et de leur constance ? Eh quoi ! quand les Romains travaillent tous les jours à des retranchements nouveaux, pensez-vous que ce soit seulement pour se tenir en haleine ? (11) Si tout chemin vous est fermé par où vous pourriez avoir de leurs nouvelles, les Romains eux-mêmes ne vous assurent-ils pas de leur arrivée prochaine par ces travaux de jour et de nuit qui montrent assez la crainte qu'ils en ont ? (12) Quel est donc mon avis ? De faire ce que firent nos ancêtres dans leurs guerres, bien moins funestes, contre les Cimbres et les Teutons. Forcés, comme nous, de se renfermer dans leurs villes, en proie à la disette, ils soutinrent leur vie en se nourrissant de la chair de ceux que leur âge rendait inutiles à la guerre ; et ils ne se rendirent point. (13) Si nous n'avions pas reçu cet exemple, je dirais que, pour la cause de la liberté, il serait glorieux de le donner à nos descendants. (14) Quelle guerre en effet peut-on comparer à celle-ci ? Les Cimbres, après avoir ravagé la Gaule, et lui avoir fait de grands maux, sortirent enfin de notre territoire, et gagnèrent d'autres contrées ; ils nous laissèrent nos droits, nos lois, nos champs, notre liberté ! (15) Mais que demandent les Romains ? Que veulent-ils ? L'envie les amène contre tous ceux dont la renommée leur a fait connaître la gloire et la puissance dans la guerre ; ils veulent s'établir sur leur territoire, dans leurs villes, et leur imposer le joug d'une éternelle servitude. Car ils n'ont jamais fait la guerre dans d'autres vues. (16) Que si vous ignorez comment ils se conduisent chez les nations éloignées, voyez cette partie de la Gaule qui vous touche ; réduite en province, privée de ses droits et de ses lois, soumise aux haches romaines, elle gémit sous le poids d'un esclavage qui ne doit pas finir.Expulsion des non-combattants
[7,78]
(1) Les avis ayant été recueillis, il fut arrêté que ceux qui, à raison de leur santé ou de leur âge, ne pouvaient rendre de service à la guerre, sortiraient de la place, et qu'on tenterait tout avant d'en venir au parti proposé par Critognatos. (2) On décida toutefois que, si l'on y était contraint et si les secours se faisaient trop attendre, on le suivrait plutôt que de se rendre ou de subir la loi des Romains. (3) Les Mandubiens, qui les avaient reçus dans leur ville, sont forcés d'en sortir avec leurs enfants et leurs femmes. (4) Ils s'approchent des retranchements des Romains, et, fondant en larmes, ils demandent, ils implorent l'esclavage et du pain. (5) Mais César plaça des gardes sur le rempart, et défendit qu'on les reçût.
Après deux mois de siège, le moral dans Alésia est bas et les vivres manquent. L'épisode de la sortie des non-combattants est doublement horrible... Comme le texte de César le souligne en parlant de la "singulière et horrible cruauté" de Critognatos. Toutefois, César lui-même l'est tout autant... toutefois, il ne l'est pas envers son peuple. Car voilà où se loge la morale du général romain. Ce que l'on fait subir à ses ennemis est toujours juste si cela apporte la victoire. Toutefois, abandonner le peuple que l'on est sensé défendre est cruel. Pourtant, au-delà du bien et du mal, les deux camps font preuve de réalisme... un réalisme froid. Les Gaulois ne peuvent garder les non-combattant parce qu'ils mangent les réserves de pain et qu'ils en ont besoin pour continuer la lutte. César ne peut laisser passer les Gaulois parce qu'il ne peut les laisser traverser ses lignes... et surtout parce que les appels à l'aide des pauvres gens coincés entre les deux lignes ruine le moral des défenseurs. Il y a toujours une chance que ces derniers finissent par céder et reprennent les civils... ce qui raccourcirait le siège.
La situation dans le reste de la Gaule
César a écrit:L'armée gauloise de secours
[7,75]
(1) Pendant que ces choses se passaient devant Alésia, les principaux de la Gaule, réunis en assemblée, avaient résolu, non d'appeler aux armes tous ceux qui étaient en état de les porter, comme le voulait Vercingétorix, mais d'exiger de chaque peuple un certain nombre d'hommes ; ils craignaient, dans la confusion d'une si grande multitude, de ne pouvoir ni la discipliner, ni se reconnaître, ni se nourrir. Il fut réglé que les divers états fourniraient, savoir (2) les Héduens, avec leurs clients les Ségusiaves, les Ambivarétes, les Aulerques Brannovices, les Blannovii, trente-cinq mille hommes ; les Arvernes avec les peuples de leur ressort, tels que les Eleutètes, les Cadurques, les Gabales, et les Vellavii, un pareil nombre ; (3) les Sénons, les Séquanes, les Bituriges, les Santons, les Rutènes, les Carnutes, chacun douze mille ; les Bellovaques, dix mille ; les Lémoviques, autant ; les Pictons, les Turons, les Parisii, les Helvètes, huit mille chacun ; les Ambiens, les Médiomatrices, les Petrocorii, les Nerviens, les Morins, les Nitiobroges, chacun cinq mille ; les Aulerques Cénomans, autant ; les Atrébates, quatre mille ; les Véliocasses, les Lexovii, les Aulerques Eburovices, chacun trois mille, les Rauraques avec les Boïens, mille ; (4) vingt mille à l'ensemble des peuples situés le long de l'Océan, et que les Gaulois ont l'habitude d'appeler Armoricains, au nombre desquels sont les Curiosolites, les Redons, les Ambibarii, les Calètes, les Osismes, les Lémovices, les Vnelles. (5)Les Bellovaques seuls refusèrent leur contingent, alléguant qu'ils voulaient faire la guerre aux Romains en leur nom et à leur gré, sans recevoir d'ordres de personne. Cependant, sur les instances de Commios, leur allié, ils envoyèrent deux mille hommes.
[7,76]
(1) C'était ce même Commios dont César, ainsi que nous l'avons dit plus haut, s'était servi comme d'un agent fidèle et utile dans la guerre de Bretagne, quelques années auparavant ; et en reconnaissance de ses services, César avait affranchi sa nation de tout tribut, lui avait rendu ses droits et ses lois et assujetti les Morins. (2) Mais tel fut l'empressement universel des Gaulois pour recouvrer leur liberté et reconquérir leur ancienne gloire militaire, que ni les bienfaits ni les souvenirs de l'amitié ne purent les toucher, et que nul sacrifice ne coûta à leur zèle, (3) puisqu'ils rassemblèrent huit mille cavaliers et environ deux cent quarante mille fantassins. Ces troupes furent passées en revue et le dénombrement en fut fait sur le territoire des Héduens ; on leur choisit des chefs, et le commandement général fut confié à l'Atrébate Commios, aux Héduens Viridomaros et Eporédorix, et à l'Arverne Vercassivellaunos, cousin de Vercingétorix. (4) On leur donna un conseil, formé de membres pris dans chaque cité, pour diriger la guerre. (5) Tous partent vers Alésia, pleins d'ardeur et de confiance ; (6) aucun ne croyait qu'il fût possible de soutenir seulement l'aspect d'une si grande multitude, surtout dans un double combat où les Romains seraient à la fois pressés par les sorties des assiégés, et enveloppés en dehors par tant de cavalerie et d'infanterie.
Premiers affrontements
César a écrit:Arrivée de l'armée de secours
[7,79]
(1) Cependant Commios et les autres chefs, investis du commandement suprême, arrivent avec toutes leurs troupes devant Alésia, et prennent position sur l'une des collines qui entourent la plaine, à la distance de mille pas au plus de nos retranchements. (2) Ayant le lendemain fait sortir la cavalerie de leur camp, ils couvrent toute cette plaine que nous avons dit avoir trois mille pas d'étendue, et tiennent, non loin de là, leurs troupes de pied cachées sur des hauteurs. (3) On voyait d'Alésia tout ce qui se passait dans la campagne. À la vue de ce secours, on s'empresse, on se félicite mutuellement, et tous les esprits sont dans la joie. (4) On fait sortir toutes les troupes, qui se rangent en avant de la place ; on comble le premier fossé ; on le couvre de claies et de terre, et on se prépare à la sortie et à tous les événements.Victoire de la cavalerie romaine
[7,80]
(1) César, ayant rangé l'armée tout entière sur l'une et l'autre de ses lignes, afin qu'au besoin chacun connût le poste qu'il devait occuper, fit sortir de son camp la cavalerie, à laquelle il ordonna d'engager l'affaire. (2) Du sommet des hauteurs que les camps occupaient, on avait vue sur le champ de bataille, et tous les soldats, attentifs au combat, en attendaient l'issue. (3) Les Gaulois avaient mêlé à leur cavalerie un petit nombre d'archers et de fantassins armés à la légère, tant pour la soutenir si elle pliait, que pour arrêter le choc de la nôtre. Plusieurs de nos cavaliers, surpris par ces fantassins, furent blessés et forcés de quitter la mêlée. (4) Les Gaulois, croyant que les leurs avaient le dessus, et que les nôtres étaient accablés par le nombre, se mirent, assiégés et auxiliaires, à pousser de toutes parts des cris et des hurlements pour encourager ceux de leur nation. (5) Comme l'action se passait sous les yeux des deux partis, nul trait de courage ou de lâcheté ne pouvait échapper aux regards, et l'on était de part et d'autre excité à se bien conduire, par le désir de la gloire et la crainte de la honte. (6) On avait combattu depuis midi jusqu'au coucher du soleil, et la victoire était encore incertaine, lorsque les Germains, réunis sur un seul point, en escadrons serrés, se précipitèrent sur l'ennemi et le repoussèrent. (7) Les archers, abandonnés dans cette déroute, furent enveloppés et taillés en pièces, et les fuyards poursuivis de tous côtés jusqu'à leur camp, sans qu'on leur donnât le temps de se rallier. ( Alors ceux qui étaient sortis d'Alésia, consternés et désespérant presque de la victoire, rentrèrent dans la place.Attaque infructueuse des lignes romaines
[7,81]
(1) Après un jour employé par les Gaulois à faire une grande quantité de claies, d'échelles et de harpons, ils sortent silencieusement de leur camp au milieu de la nuit et s'approchent de ceux de nos retranchements qui regardaient la plaine. (2) Tout à coup poussant des cris, signal qui devait avertir de leur approche ceux que nous tenions assiégés, ils jettent leurs claies, attaquent les gardes de nos remparts à coups de frondes, de flèches et de pierres, et font toutes les dispositions pour un assaut. (3) Dans le même temps, Vercingétorix, entendant les cris du dehors, donne le signal avec la trompette et fait sortir les siens de la place. (4) Nos soldats prennent sur le rempart les postes qui avaient été, les jours précédents, assignés à chacun d'eux, et épouvantent les ennemis par la quantité de frondes, de dards, de boulets de plomb, de pierres, qu'ils avaient amassés dans les retranchements, et dont ils les accablent. (5) Comme la nuit empêchait de se voir, il y eut de part et d'autre beaucoup de blessés ; (6) les machines faisaient pleuvoir les traits. Cependant les lieutenants M. Antonius et C. Trébonius, à qui était échue la défense des quartiers attaqués, tirèrent des forts plus éloignés quelques troupes pour secourir les légionnaires sur les points où ils les savaient pressés par l'ennemi.
[7,82]
(1) Tant que les Gaulois combattirent éloignés des retranchements, ils nous incommodèrent beaucoup par la grande quantité de leurs traits ; mais lorsqu'ils se furent avancés davantage, il arriva ou qu'ils se jetèrent sur les aiguillons qu'ils ne voyaient pas, ou qu'ils se percèrent eux-mêmes en tombant dans les fossés garnis de pieux, ou enfin qu'ils périrent sous les traits lancés du rempart et des tours. (2) Après avoir perdu beaucoup de monde, sans être parvenus à entamer les retranchements, voyant le jour approcher, et craignant d'être pris en flanc et enveloppés par les sorties qui se faisaient des camps situés sur les hauteurs, ils se replièrent sur les leurs. (3) Les assiégés, qui mettaient en usage les moyens préparés par Vercingétorix pour combler le premier fossé, (4) après beaucoup de temps employé à ce travail, s'aperçurent de la retraite de leurs compatriotes avant d'avoir pu approcher de nos retranchements. Abandonnant leur entreprise, ils rentrèrent dans la ville.La lutte défensive
[7,83]
(1) Repoussés deux fois avec de grandes pertes, les Gaulois tiennent conseil sur ce qui leur reste à faire. Ils ont recours à des gens qui connaissent le pays et se font instruire par eux du site de nos forts supérieurs et de la manière dont ils sont fortifiés. (2) Il y avait au nord une colline qu'on n'avait pu comprendre dans l'enceinte de nos retranchements, à cause de son trop grand circuit ; ce qui nous avait obligés d'établir notre camp sur un terrain à mi-côte et dans une position nécessairement peu favorable. (3) Là commandaient les lieutenants C. Antistius Réginus et C. Caninius Rébilus avec deux légions. (4) Ayant fait reconnaître les lieux par leurs éclaireurs, les chefs ennemis forment un corps de soixante mille hommes, choisis dans toute l'armée gauloise et surtout parmi les nations qui avaient la plus haute réputation de courage. (5) Ils arrêtent secrètement entre eux quand et comment ils doivent agir ; ils fixent l'attaque à l'heure de midi, et mettent à la tête de ces troupes l'Arverne Vercasivellaunos, parent de Vercingétorix, et l'un des quatre généraux gaulois. (7) II sort de son camp à la première veille ; et ayant achevé sa route un peu avant le point du jour, il se cache derrière la montagne, et fait reposer ses soldats des fatigues de la nuit. ( Vers midi, il marche vers cette partie da camp romain dont nous avons parlé plus haut. Dans le même temps la cavalerie ennemie s'approche des retranchements de la plaine, et le reste des troupes : gauloises commence à se déployer en bataille à la tête du camp.
[7,84]
(1) Du haut de la citadelle d'Alésia, Vercingétorix les aperçoit, et sort de la place, emportant du camp ses longues perches, ses galeries couvertes, ses faux et ce qu'il avait préparé, pour la sortie. (2) Le combat s'engage à la fois de toutes parts avec acharnement ; partout on fait les plus grands efforts. Un endroit paraît-il faible, on s'empresse d'y courir. (3) La trop grande étendue de leurs fortifications empêche les Romains d'en garder tous les points et de les défendre partout. (4) Les cris qui s'élevaient derrière nos soldats leur imprimaient d'autant plus de terreur, qu'ils songeaient que leur sûreté dépendait du courage d'autrui ; (5) car souvent le danger le plus éloigné est celui qui fait le plus d'impression sur les esprits.
[7,85]
(1) César, qui avait choisi un poste d'où il pouvait observer toute l'action, fait porter des secours partout où il en est besoin. (2) De part et d'autre on sent que ce jour est celui où il faut faire les derniers efforts. (3) Les Gaulois désespèrent entièrement de leur salut, s'ils ne forcent nos retranchements ; les Romains ne voient la fin de leurs fatigues que dans la victoire. (4) La plus vive action a lieu surtout aux forts supérieurs où nous avons vu que Vercasivellaunos avait été envoyé. L'étroite sommité qui dominait la pente était d'une grande importance. (5) Les uns nous lancent des traits, les autres, ayant formé la tortue, arrivent au pied du rempart : des troupes fraîches prennent la place de celles qui sont fatiguées. (6) La terre que les Gaulois jettent dans les retranchements les aide à les franchir, et comble les pièges que les Romains avaient cachés ; déjà les armes et les forces commencent à nous manquer.
[7,86]
(1) Dès qu'il en a connaissance, César envoie sur ce point Labiénus avec six cohortes ; (2) il lui ordonne, s'il ne peut tenir, de retirer les cohortes et de faire une sortie, mais seulement à la dernière extrémité. (3) II va lui-même exhorter les autres à ne pas céder à la fatigue ; il leur expose que le fruit de tous les combats précédents dépend de ce jour, de cette heure. (4) Les assiégés, désespérant de forcer les retranchements de la plaine, à cause de leur étendue, tentent d'escalader les hauteurs, et y dirigent tous leurs moyens d'attaque ; (4) ils chassent par une grêle de traits ceux qui combattaient du haut des tours ; ils comblent les fossés de terre et de fascines, et se fraient un chemin ; ils coupent avec des faux le rempart et le parapet.
[7,87]
(1) César y envoie d'abord le jeune Brutus avec six cohortes, ensuite le lieutenant C. Fabius avec sept autres ; (2) enfin, l'action devenant plus vive, il s'y porte lui-même avec un renfort de troupes fraîches. (3) Le combat rétabli et les ennemis repoussés, il se dirige vers le point où il avait envoyé Labiénus, (4) tire quatre cohortes du fort le plus voisin, ordonne à une partie de la cavalerie de le suivre, et à l'autre de faire le tour des lignes à l'extérieur et de prendre les ennemis à dos. (5) Labiénus, voyant que ni les remparts ni les fossés ne peuvent arrêter leur impétuosité, rassemble trente-neuf cohortes sorties des forts voisins et que le hasard lui présente, et dépêche à César des courriers qui l'informent de son dessein.
Les combats sont féroces et indécis, les deux camps sont acculés à la victoire, seule celle-ci peut les sauver. Il s'agit de la bataille décisive et tous en sont conscients. Les avantages apportés par le nombre des Gaulois sont compensés par les positions défensives, le relief et la meilleure qualité des troupes romaines.
César a écrit:Victoire de César
[7,88]
(1) César hâte sa marche pour assister à l'action. À son arrivée, on le reconnaît à la couleur du vêtement qu'il avait coutume de porter dans les batailles ; les ennemis, qui de la hauteur le voient sur la pente avec les escadrons et les cohortes dont il s'était fait suivre, engagent le combat. (2) Un cri s'élève de part et d'autre, et est répété sur le rempart et dans tous les retranchements. (3) Nos soldats, laissant de côté le javelot, tirent le glaive. Tout à coup, sur les derrières de l'ennemi, paraît notre cavalerie ; d'autres cohortes approchent ; les Gaulois prennent la fuite ; notre cavalerie barre le passage aux fuyards, et en fait un grand carnage. (4) Sédullus, chef et prince des Lémovices, est tué, et l'Arverne Vercasivellaunos pris vivant dans la déroute. Soixante-quatorze enseignes militaires sont rapportées à César ; d'un si grand nombre d'hommes, bien peu rentrent au camp sans blessure. (5) Les assiégés, apercevant du haut de leurs murs la fuite des leurs et le carnage qu'on en fait, désespèrent de leur salut, et retirent leurs troupes de l'attaque de nos retranchements. La nouvelle en arrive au camp des Gaulois, qui l'évacuent à l'instant. (6) Si les soldats n'eussent été harassés par d'aussi nombreux engagements et par les travaux de tout le jour, l'armée ennemie eût pu être détruite tout entière. (7) Au milieu de la nuit, la cavalerie, envoyée à la poursuite, atteint l'arrière-garde ; une grande partie est prise ou tuée ; le reste, échappé par la fuite, se réfugia dans les cités.Reddition de Vercingétorix
[7,89]
(1) Le lendemain Vercingétorix convoque l'assemblée, et dit : "Qu'il n'a pas entrepris cette guerre pour ses intérêts personnels, mais pour la défense de la liberté commune ; (2) que, puisqu'il fallait céder à la fortune, il s'offrait à ses compatriotes, leur laissant le choix d'apaiser les Romains par sa mort ou de le livrer vivant." On envoie à ce sujet des députés à César. (3) Il ordonne qu'on lui apporte les armes, qu'on lui amène les chefs. (4) Assis sur son tribunal, à la tête de son camp, il fait paraître devant lui les généraux ennemis. Vercingétorix est mis en son pouvoir ; les armes sont jetées à ses pieds. (5) À l'exception des Héduens et des Arvernes, dont il voulait se servir pour tâcher de regagner ces peuples, le reste des prisonniers fut distribué par tête à chaque soldat, à titre de butin.Soumission des Héduens et des Arvernes. Quartiers d'hiver
[7,90]
(1) Ces affaires terminées, il part pour le pays des Héduens, et reçoit leur soumission. (2) Là, des députés envoyés par les Arvernes viennent lui promettre de faire ce qu'il ordonnera. César exige un grand nombre d'otages. (3) Il met ses légions en quartiers d'hiver, et rend environ vingt mille captifs aux Héduens et aux Arvernes. (4) Il fait partir T. Labiénus avec deux légions et la cavalerie pour le pays des Séquanes ; il lui adjoint M. Sempronius Rutilius. (5) Il place C. Fabius et L. Minucius Basilus avec deux légions chez les Rèmes, pour les garantir contre toute attaque des Bellovaques, leurs voisins. (6) Il envoie T. Antistius Réginus chez les Ambivarètes, T. Sextius chez les Bituriges, C. Caninius Rébilus chez les Rutènes, chacun avec une légion. (7) II établit Q. Tullius Cicéron et P. Sulpicius dans les postes de Cabillon (Châlons) et de Matiscon (Mâcon), au pays des Héduens, sur la Saône, pour assurer les vivres. Lui-même résolut de passer l'hiver à Bibracte. ( Ces événements ayant été annoncés à Rome par les lettres de César, on ordonna vingt jours de prières publiques.
On a là un épisode célèbre et mal compris de la guerre des gaules : la reddition de Vercingétorix. On le décrit souvent arrivant en armes devant César... non, ce n'est pas ce qui est dit dans le De Bello Gallico. César dit que Vercingétorix arrive avec les armes de la garnison, et d'ailleurs Vercingétorix n'arrive pas seul, mais accompagné des autres chefs d'Alésia.
Uchronie ?
En fait, une multitude. Je ne veux absolument pas insulter César... o plutôt, les spécialistes de la poliorcétique qui ont établis le dispositif de retranchement des Romains. Celui-ci n'a d'ailleurs pas été inventé pour Alésia et des campagnes de fouilles dans les années 90 sur d'autres sites de sièges, ont permis de mettre à jour les vestiges identiques.
Toutefois, des fortifications ne valent que ce que valent les défenseurs. Les 60 000 romains et auxiliaires qui défendent les Circonvallations et les contrevallations font face à 240 000 hommes à l'extérieur et 80 000 à l'intérieur.
La victoire de César relève d'un certain nombre d'erreurs stratégiques et tactiques des Gaulois.
1°) Ils ont attaqué. Si l'armée assiégeante s'était contenté d'un siège passif, les Romains auraient probablement manqué de vivres avant les défenseurs d'Alésia.
2°) Le temps.... les Gaulois ont pris trop de temps pour réunir leur armée. S'ils avaient attaqué plus tôt, les Romains n'auraient pas complété le dispositif de siège et auraient été incapables de défendre le site. Vous remarquerez que César pointe du doigt cette erreur (DBG VII,75) : " les principaux de la Gaule, réunis en assemblée, avaient résolu, non d'appeler aux armes tous ceux qui étaient en état de les porter, comme le voulait Vercingétorix, mais d'exiger de chaque peuple un certain nombre d'hommes ; ils craignaient, dans la confusion d'une si grande multitude, de ne pouvoir ni la discipliner, ni se reconnaître, ni se nourrir." Si les Gaulois avaient attaqué de l'extérieur, même avec des effectifs inférieur à ceux des Romains, en coordination avec Vercingétorix - ce qui était possible tant que le double rempart n'était pas achevé - les Romains n'auraient jamais pu terminer les travaux d'investissement. Ce qui aurait permis de ravitailler Alésia. En fait César, n'aurait eu d'autre choix que de lever le siège avant l'arrivée du gros de l'armée de secours pour éviter de se faire écraser sur place.
3°) Le manque de coordination entre l'armée de secours et la garnison d'Alésia. S'ils avaient trouvé un moyen de communiquer pour attaquer simultanément les mêmes positions, les Romains n'auraient jamais réussi à triompher.
Il est à noter un élément troublant. Tout le long de la Guerre des Gaules, la chance est avec César. C'est particulièrement le cas à Alésia. Les historiens ont établis que l'affrontement crucial entre les deux forces aurait eu lieu dans la nuit du 26 septembre 52 avant J.C. Sauf que a) c'est la pleine lune... ce qui permet à César de repérer les mouvements ennemis et b) une éclipse de lune a lieu pendant les combats (entre 21h26 et 1h21) d'après l'historien Camille Julian, cette intervention "surnaturelle" aurait démoralisée les Gaulois et expliquerait en partie qu'ils auraient été défaits. Toutefois, pour d'autres historiens, la bataille aurait eu lieu plus tôt dans l'année, le 27 août. Encore une fois, que César ne mentionne pas une éclipse de lune ne veut rien dire. Après tout, son but est toujours de montrer comme César et César uniquement est responsable des victoires romaines contre les Gaulois.
Sic transit gloria mundi (ainsi va la gloire en ce monde)
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Re: Uchronies romaines
Nouvelles campagnes de César
La suite de la guerre est racontée le livre VIII de la Guerre des Gaules, le seul à ne pas avoir été écris par César mais par Hirtius, son secrétaire.
Après la victoire d'Alésia, César se lance dans plusieurs campagnes militaires, celle contre les Biturgites, puis celle contre les Carnutes ne méritent que le nom de ballade militaire. César prend ses ennemis non préparé à la guerre et massacre les hommes dans les champs ! Par contre, les Bellovaques réunissent des hommes de leur peuple et nouent des alliances. Les choses promettent donc d'être plus dures, d'autant que plusieurs ennemis de César - comme l'Atrébates Comnios- se sont joint au "soulèvement" ( et oui... les autochtones se "soulèvent"... comme si les Romains avaient un droit légitime sur les terres des Bellovaques, et que les habitants se "révoltaient" contre ceux qui sont des envahisseurs. ). Non seulement des Gaulois ( Ambiens, Aulerques, Bellovaques, Calètes, Véliocasses et Atrébates) mais aussi des Germains se sont réunis pour combattre les Romains.
La bataille qui s'annonce montre que les Gaulois ont mûris au contact des Romains. Ils ont laissé derrière eux des éclaireurs, se sont ménagés une voie de replis et ont choisis leur positions sur les hauteurs, à proximité de leur camp, pour qu'elles soient faciles à défendre ou pour se réfugier derrière les fortifications de bois (habitude elle aussi développée au contact des Romains); C'est donc une bataille "à la romaine" qui se prépare. Toutefois, César a une fois encore l'avantage d'avoir des troupes bien plus expérimentées. Même les "jeunes" de la onzième légion considérés comme des "bleus" par les Anciens des septièmes, huitièmes et neuvièmes légions ont déjà participé à huit campagnes de César.
Le plan de César porte sa marque, se fortifier, laisser venir à lui les ennemis, les rendre plus confiants pour les perdre. Toutefois, l'avantage numérique de l'ennemi est tel que César ne prend aucun risque. D'abord, il fait appel à trois légions dont la Treizième légion de S. Sextus laquelle hivernait cherz les Biturgites. Il lui demanda également dse lever un grand nombre de cavalier chez les Rèmes et les LingonsHirtius a écrit:[8,9]
(1) Quand les Gaulois, dont la détermination avait été annoncée à César comme certaine, virent tout à coup les légions marcher à eux en ordre de bataille et d'un pas assuré, soit crainte de combattre, soit simple étonnement de notre arrivée soudaine, ou pour attendre le parti que nous prendrions, ils rangèrent leurs troupes en avant de leur camp et ne quittèrent point la hauteur. (2) Quoiqu'il désirât de combattre, César, considérant cette multitude d'ennemis dont le séparait un vallon plus profond que large, se détermina à asseoir son camp en face du leur. (3) Il ordonne d'élever un rempart de douze pieds avec un parapet proportionné à cette hauteur ; de creuser en avant deux fossés de quinze pieds, dont chaque côté était coupé en ligne droite ; il fait dresser un grand nombre de tours à trois étages, jointes ensemble par des ponts et des galeries, dont le front était garni de mantelets d'osier, (4) de telle sorte que l'ennemi fût arrêté par un double fossé et par un double rang de combattants. Le premier rang sur les galeries, et conséquemment moins exposé, lançait ses traits avec plus d'assurance et de portée ; le second, placé sur le rempart même et plus près de l'ennemi, était protégé par la galerie contre la chute des traits. II plaça des portes et de plus hautes tours aux issues du camp.
[8,10]
(1) En se retranchant ainsi, il avait un double motif ; car d'une part il espérait que de si grands travaux, pris pour des marques de frayeur, augmenteraient la confiance des Barbares ; et comme, d'un autre côté, il fallait chercher au loin des fourrages et des vivres, on pouvait, à l'abri de ces retranchements, défendre le camp avec peu de troupes. (2) Cependant il se livrait souvent de petits combats entre les deux camps, séparés par un marais. Quelquefois c'étaient nos auxiliaires gaulois et germains qui passaient ce marais et poursuivaient vivement les ennemis ; quelquefois, à leur tour, c'étaient ceux-ci qui, franchissant le marais, nous repoussaient au loin. (3) II arrivait aussi, vu l'obligation où l'on était tous les jours de se diviser pour aller chercher des vivres dans des habitations éparses, que nos fourrageurs dispersés étaient enveloppés dans des lieux désavantageux ; (4) ce qui, bien que le dommage se réduisît à la perte d'un petit nombre de valets et de chevaux, ne laissait pas d'augmenter la folle présomption des Barbares. Ajoutez que Commios, lequel j'ai dit être parti en Germanie pour y chercher des secours, en était revenu avec des cavaliers. Leur nombre n'excédait pas cinq cents ; toutefois, leur arrivée avait rendu les Barbares plus arrogants.
Après plusieurs jours d'accrochages sanglants (et pas toujours gagnés par César), ce dernier remporte coup sur coup deux engagements mineurs ( en montant d'abord une embuscade puis en lançant sa cavalerie germaine).
Conscients de l'arrivée de renforts romains, les Bellovaques comprennent qu'ils n'échapperont pas à un siège et décident d'évacuer les non-combattants.
Hirtius a écrit:Les Bellovaques changent de position
[8,14]
(1) Après plusieurs jours passés dans leur camp, et à la nouvelle de l'approche des légions qu'amenait le lieutenant C. Trébonius, les chefs bellovaques, craignant un siège semblable à celui d'Alésia, firent partir de nuit avec le bagage ceux que l'âge, les infirmités ou le défaut d'armes rendaient inutiles. (2) Tandis qu'ils s'occupaient à mettre en ordre cette multitude remplie de trouble et de confusion (car les Gaulois, dans les moindres expéditions, se font toujours suivre d'un grand nombre de chariots), ils furent surpris par le jour, et rangèrent quelques troupes en bataille à la tête de leur camp, pour donner aux bagages le temps de s'éloigner, avant que les Romains pussent les atteindre. (3) De son côté, César ne jugeant convenable de les attaquer ni de front, ni dans la retraite, à cause de l'escarpement de la colline, résolut toutefois de faire assez avancer les légions pour que les barbares ne pussent se retirer sans péril en leur présence. (4) Mais comme le marais situé entre les deux camps pouvait retarder la poursuite, à cause de la difficulté du passage, et que de l'autre côté de l'eau, la hauteur touchait presque au camp ennemi, dont elle n'était séparée que par un petit vallon, il jeta des ponts de claies sur le marais, fit passer les légions, et gagna rapidement la hauteur dont la pente servait de rempart des deux côtés. (5) Les légions y montèrent en ordre de bataille, et, parvenues au sommet, s'y déployèrent dans une position d'où les traits lancés par nos machines pouvaient porter sur les rangs ennemis.
[8,15]
(1) Les Barbares, se fiant à l'avantage de leur position, continuaient de s'y tenir en bataille, prêts à combattre si les Romains venaient les attaquer sur la colline, mais n'osant faire défiler leurs troupes en détail, de peur d'être mis en désordre s'ils se divisaient. (2) César, connaissant leur ferme résolution, laissa vingt cohortes sous les armes, traça le camp en cet endroit et ordonna de le retrancher. (3) Les travaux finis, il rangea les légions en bataille à la tête de ses retranchements, et plaça aux avant-postes les cavaliers avec leurs chevaux tout bridés. (4) Les Bellovaques, voyant les Romains toujours prêts à les suivre, et sentant qu'ils ne pouvaient eux-mêmes, ni veiller toutes les nuits, ni séjourner plus longtemps sans vivres dans leur position, imaginèrent d'effectuer leur retraite par le moyen qui suit. (5) Comme les Gaulois, ainsi qu'il a été dit dans les livres précédents, ont coutume, quand ils restent en ligne, de s'asseoir sur des faisceaux de branches et de paille, ils en avaient une grande quantité qu'ils se passèrent de main en main et qu'ils placèrent à la tête de leur camp ; puis, à la fin du jour, et à un signal donné, ils y mirent le feu en même temps. (6) Cette vaste flamme nous déroba tout à coup la vue de leurs troupes, et les Barbares en profitèrent pour s'enfuir à toutes jambes.
[8,16]
(1) Bien que César ne pût apercevoir le départ des ennemis, à cause des flammes qu'il avait en face de lui, il ne laissa pas de soupçonner que cet incendie n'était qu'une ruse propre à cacher leur retraite. II fit alors avancer les légions et envoya des escadrons à la poursuite ; mais, dans la crainte de quelque embuscade, et de peur que l'ennemi, resté peut-être à la même place, ne cherchât à attirer nos soldats dans une mauvaise position, il ne s'avança lui-même que lentement. (2) Nos cavaliers n'osaient pénétrer à travers une flamme et une fumée très épaisses ; et si quelques-uns, plus hardis, essayaient de le faire, à peine voyaient-ils la tête de leurs chevaux. La crainte d'un piège fit qu'on laissa à l'ennemi tout le temps nécessaire pour opérer sa retraite. (3) C'est ainsi que par une ruse où la peur et l'adresse avaient eu également part, les Bellovaques franchirent sans la moindre perte un espace de dix milles, et assirent leur camp dans un lieu très avantageux. (4) De là leurs cavaliers et leurs fantassins incommodaient beaucoup nos fourrageurs par leurs fréquentes embuscades.Défaite et mort de Corréos
[8,17]
(1) Ces attaques se renouvelaient souvent, lorsque César apprit d'un prisonnier que Corréos, chef des Bellovaques, avait fait choix de six mille fantassins des plus braves et de mille cavaliers pour les placer en embuscade dans un lieu où l'abondance du blé et des fourrages lui faisait soupçonner que les Romains viendraient s'approvisionner. (2) Instruit de ce dessein, César fit sortir plus de légions que de coutume, et envoya en avant la cavalerie qu'il était dans l'usage de donner pour escorte aux fourrageurs. Il y mêla des fantassins armés à la légère, et lui-même s'avança avec les légions le plus qu'il lui fut possible.
[8,18]
(1) Les ennemis avaient fait choix, pour leur embuscade, d'une plaine qui, en tous sens, n'avait pas plus de mille pas d'étendue ; elle était entourée d'épaisses forêts et d'une rivière très profonde ; des pièges nous enveloppaient de tous côtés. (2) Nos cavaliers, instruits du projet de l'ennemi, ayant le coeur non moins préparé que leurs armes au combat, et appuyés d'ailleurs par les légions, auraient accepté tout genre d'engagement ; ils arrivèrent en escadrons. (3) Corréos, jugeant l'occasion favorable, se montra d'abord avec peu de monde, et chargea ceux de nos escadrons qui se trouvèrent le plus près de lui. (4) Les nôtres soutinrent le choc avec fermeté et sans se réunir en masse, manoeuvre ordinaire dans les combats de cavalerie, dans un moment d'alarme, mais qui devient nuisible par la confusion qu'elle produit.
[8,19]
(1) Tandis qu'on se bat par escadrons et en petites troupes, et qu'on manoeuvre de manière à ne pas se laisser prendre en flanc, le reste des ennemis, voyant Corréos dans la mêlée, sort tout à coup des forêts. (2) Un vif combat s'engage sur tous les points, et se soutient longtemps à armes égales, lorsque l'infanterie ennemie quitte le bois, s'avance en ordre de bataille, et force nos cavaliers de reculer. À leur secours arrive aussitôt l'infanterie légère que César, comme on l'a dit, avait envoyée en avant des légions ; elle se mêle aux escadrons et combat avec courage. (3) L'affaire resta quelque temps encore indécise ; mais ensuite, comme il devait arriver, ceux qui avaient soutenu le premier choc des ennemis embusqués, obtinrent la supériorité, par cela même qu'ils avaient échappé aux effets de la surprise. (4) Cependant les légions s'approchent de plus en plus, et de nombreux courriers annoncent, tant aux Romains qu'aux ennemis, la prochaine arrivée de César à la tête de ses troupes en bataille. (5) À cette nouvelle, les nôtres, sûrs de l'appui des cohortes, combattent avec plus d'ardeur, de peur de partager avec les légions l'honneur de la victoire. (6) Les ennemis perdent courage et cherchent à s'enfuir par divers chemins ; mais c'est en vain, car ils sont arrêtés par les obstacles même qu'ils avaient disposés pour enfermer les Romains. (7) Vaincus et repoussés, après avoir perdu la plus grande partie des leurs, ils fuient en désordre et au hasard, les uns vers les forêts, d'autres vers le fleuve ; ils sont massacrés par notre cavalerie qui les poursuit à toute bride. ( Cependant Corréos, que n'avait abattu aucune infortune ; qui n'avait voulu ni quitter le combat, ni gagner les forêts, ni se rendre, malgré nos pressantes invitations, se battit avec le plus grand courage et, par ses coups redoublés, força les vainqueurs irrités à le percer de leurs traits.Les Bellovaques demandent la paix
[8,20]
(1) Après ce succès, César, marchant environné des trophées de sa récente victoire, pensa bien que l'ennemi, abattu par la nouvelle d'un si grand revers, abandonnerait son camp situé à huit mille pas environ du lieu où s'était livrée la bataille. Aussi, et bien qu'il y eût une rivière à traverser, il n'hésita point à la faire passer à l'armée, et marcha en avant. (2) Mais, de leur côté, les Bellovaques et les autres états, instruits de la dernière défaite par le petit nombre de fuyards et de blessés qui avaient pu échapper au carnage à la faveur des bois, voyant que la fortune leur était en tout contraire, que Corréos avait été tué, qu'ils avaient perdu leur cavalerie et l'élite de leur infanterie, qu'enfin les Romains approchaient, convoquèrent aussitôt une assemblée au son de trompe, et s'écrièrent qu'il fallait envoyer à César des députés et des otages.
Après cette victoire, César disperse ses légions. Les troupes sous son commandement ravagent le pays des Éburons, patrie d'Ambiorix, ennemi de César que ce dernier détestait particulièrement. Hirtius le qualifie de' " ennemi fugitif et tremblant". Il est vrai qu'il est l'un des rares adversaires de César aà avoir réussis à vaincre les légions. Rappelez-vous, il en a détruit une trois ans plus tôt et échappé depuis à toute capture. En dépit de sa ruse le "Vercingétorix belge" ( comme on l'appelle parfois) mourra en exil chez les Germains.
Hirtius a écrit:Désespérant de réduire en son pouvoir cet ennemi fugitif et tremblant, il crut, dans l'intérêt de son honneur, devoir détruire si bien, dans les états de ce prince, les citoyens, les édifices, les bestiaux, que désormais en horreur à ceux qui échapperaient par hasard au massacre, Ambiorix ne pût jamais rentrer dans un pays sur lequel il aurait attiré tant de désastres.
Après n'avoir laissé que ruines et cendre chez les Éburons, César envoya Labiénus chez les Trévires pour réprimer leur "soulèvement".
Hirtius a écrit:Siège de Lémonum. Fabius vainqueur de Dumnacos
[8,26]
(1) Cependant le lieutenant C. Caninius, informé par Duratios qui était toujours resté attaché aux Romains, malgré la défection d'une partie de sa nation, qu'un grand nombre d'ennemis s'étaient rassemblés sur les frontières des Pictons, se dirigea vers la place de Lémonum. (2) Comme il en approchait, des prisonniers l'instruisirent que Duratios s'y trouvait assiégé par plusieurs milliers d'hommes sous la conduite de Dumnacos, chef des Andes. N'osant combattre avec si peu de légions, il campa dans une forte position. (3) Dumnacos, à la nouvelle de l'approche de Caninius, tourna toutes ses forces contre les légions ; et vint attaquer le camp des Romains. (4) Mais ayant perdu plusieurs jours et beaucoup de monde à cette attaque, sans avoir pu faire la moindre brèche à nos retranchements, il revint assiéger Lémonum.
[8,27]
(1) Dans le même temps, le lieutenant C. Fabius, occupé à recevoir les soumissions et les otages de diverses nations, apprit, par les lettres de Caninius, ce qui se passait chez les Pictons. À cette nouvelle, il partit au secours de Duratios. (2) Mais Dumnacos fut à peine instruit de son arrivée, que, désespérant de se sauver, s'il lui fallait à la fois résister à l'ennemi du dehors et avoir l'oeil sur les assiégés qui le tenaient en crainte, il se hâta de se retirer avec ses troupes, et ne se crut point en sûreté qu'il ne les eût conduites au-delà de la Loire, qu'il fallait passer sur un pont, à cause de la largeur du fleuve. (3) Quoique Fabius n'eût pas encore paru devant l'ennemi, ni joint Caninius, cependant, sur le rapport de ceux qui connaissaient la nature du pays, il conjectura que les ennemis, frappés de terreur, prendraient la route qui conduisait à ce pont. (4) Il s'y dirigea donc avec ses troupes, et ordonna à la cavalerie de devancer les légions, de manière pourtant à pouvoir, au besoin, se replier sur le camp sans fatiguer les chevaux. (5) Nos cavaliers, conformément à leurs ordres, s'avancent et joignent l'armée de Dumnacos ; ils attaquent, en route et sous leurs bagages, les ennemis qui fuient épouvantés, leur tuent beaucoup de monde, font un riche butin, et rentrent au camp, après ce beau succès.
[8,28]
(1) La nuit suivante, Fabius envoie la cavalerie en avant, avec ordre de harceler les ennemis et de retarder leur marche, tandis qu'il suivrait lui-même. (2) Dans ce dessein, Q. Atius Varus, préfet de la cavalerie, homme d'un courage égal à sa prudence, exhorte sa troupe, atteint l'ennemi, fait prendre de bonnes positions à une partie de ses escadrons, et, à la tête des autres, engage le combat. (3) La cavalerie ennemie résiste avec audace, appuyée qu'elle est par le corps entier des fantassins qui avaient fait halte pour lui porter secours. (4) L'action fut très vive ; car nos cavaliers, méprisant des ennemis qu'ils avaient vaincus la veille ; et sachant que les légions étaient à leur suite, se battaient contre les fantassins avec une extrême valeur ; ils étaient animés et par la honte de reculer et par le désir de recueillir seuls toute la gloire de cette affaire. (5) De leur côté, les ennemis, ne croyant pas avoir à combattre plus de troupes que la veille, pensaient avoir trouvé l'occasion de détruire notre cavalerie.
[8,29]
(1) Il y avait quelque temps que l'on combattait avec une égale opiniâtreté, lorsque Dumnacos mit son infanterie en bataille pour soutenir sa cavalerie. En ce moment paraissent tout à coup aux yeux des ennemis les légions en rangs serrés. (2) À cette vue, frappés d'une terreur bientôt suivie du plus grand désordre dans les bagages, les Barbares, tant cavaliers que fantassins, s'enfuient çà et là en jetant de grands cris. (3) Notre cavalerie, dont la valeur venait de triompher de la résistance des ennemis, transportée de joie à l'aspect du succès, et faisant partout entendre des cris de victoire, se jette sur les fuyards et en tue autant que les chevaux en peuvent poursuivre et que les bras en peuvent frapper. (4) Ainsi périrent plus de douze mille hommes, soit les armes à la main, soit après les avoir jetées ; tout le bagage tomba en notre pouvoir.
La situation des "rebelles" gaulois est à présent désespérée. Il émerge alors une nouvelle figure de chef en la personne de Drappès, un Sénon. Ce dernier est en lutte contre César depuis le début de la Guerre des Gaules. Recueillant les 5000 hommes qui ont survécu à cette bataille, il les amalgames à l'armée qui a levé... Preuve de la dureté des temps, une partie de ses troupes sont des esclaves libérés. Il n'y a plus assez d'hommes libres en vie pour constituer des armées ! Drappès c'est également allié à Luctérios, un autre chef de guerre refusant la soumission.
Cependant, pendant ce temps, C. Fabius soumet les Carnutes et les Armoricains. Il s'agit là d'un tournant de la Guerre des Gaules, car les Carnutes demandent la paix... et offrent des otages en gage. Ce qu'ils n'avaient pas fait jusque là. Les Armoricains se soumirent sans résister. Quant à Dunmacos, il ne put s'enfuir que seul et... erra ensuite dans les zones les plus reculées de la Gaule, perpétuellement en fuite.
La dernière grande bataille de la guerre des Gaules se prépare... le siège d'Uxellodunum, dont nous parleront au prochain épisode.
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Anaxagore- Messages : 2228
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Re: Uchronies romaines
Note
Vous l'aurez peut-être noté, Hirtius s'étend plus que César sur le rôle de ses lieutenants. On peut en déduire... et bien que les lieutenants de César ne sont pas devenus d'un seul coup plus indépendant et capables de conduire des batailles victorieuses... mais peut-être que César ne s'est pas étendu sur la chose autant qu'il l'aurait dû
Vous savez ce que l'on dit : " Il vaut mieux avoir un bon biographe qu'un grand général pour passer dans l'histoire".
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Anaxagore- Messages : 2228
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Re: Uchronies romaines
Uxellodunum
Le siège d'Uxellodunum est le fait du côté des assiégeants comme des assiégés de chef de guerre qui ont vécu la batailel d'Alésia et cherchent à éviter les erreurs faites de part et d'autre... enfin les gaulois firent nettement plus d'erreurs.
Hirtius a écrit:Caninius investit la place
[8,33]
(1) C. Caninius, s'y étant aussitôt porté, constata que la place était de tous côtés défendue par des rochers escarpés, qui en eussent rendu, même sans garnison, l'accès difficile à des hommes armés : mais sachant que les bagages des habitants étaient nombreux, et qu'on ne pouvait essayer de les faire sortir en secret, sans qu'ils fussent atteints par la cavalerie et même par les légions, il divisa les cohortes en trois parties, établit trois camps dans des positions très élevées, (2) et de là il commença peu à peu, autant que le permettait le nombre des troupes, à tirer une ligne de circonvallation autour de la place.Défaite de Luctérios, puis de Drappès
[8,34]
(1) À cette vue, les habitants, se rappelant tous les malheurs d'Alésia, redoutant un sort semblable, et avertis par Luctérios, qui avait assisté à ce désastre, de pourvoir surtout aux subsistances, arrêtent, d'un consentement unanime, qu'après avoir laissé dans la place une partie des troupes, les autres iront chercher des vivres. (2) Cette résolution prise, Drappès et Luctérios laissent dans la ville deux mille hommes de garnison, et sortent la nuit suivante avec le reste. (3) En peu de jours ils eurent ramassé une grande quantité de blé sur les terres des Cadurques, dont les uns le livrèrent de leur plein gré, et les autres le laissèrent prendre, ne pouvant s'y opposer. Cependant nos forts eurent à essuyer plusieurs fois des attaques nocturnes ; (4) circonstance qui engagea Caninius à suspendre la circonvallation, dans la crainte de ne pouvoir défendre la totalité de ses lignes, ou de n'avoir, sur plusieurs points, que des postes insuffisants.
[8,35]
(1) Après avoir fait leurs provisions de blé, Drappès et Luctérios vinrent camper à dix milles de la place, pour y faire entrer peu à peu leurs convois. (2) Ils se partagent les rôles : Drappès reste, avec une partie des troupes, à la garde du camp ; Luctérios escorte les transports. (3) Après avoir disposé des postes, il fait, vers la dixième heure de la nuit, avancer le convoi à travers les forêts et par d'étroits chemins. (4) Les sentinelles du camp ayant entendu du bruit, on dépêche des éclaireurs pour aller voir ce qui se passe. Sur leurs rapports, Caninius tire des forts les plus voisins les cohortes armées, et tombe au point du jour sur les fourrageurs. (5) Ceux-ci, effrayés d'une attaque aussi inopinée, s'enfuient vers leur escorte ; voyant alors qu'ils ont affaire à des ennemis en armes, les nôtres s'irritent, et ne veulent faire, dans cette multitude, aucun prisonnier. Échappé de là avec un petit nombre des siens, Luctérios ne put regagner son camp.
[8,36]
(1) Après ce succès, Caninius apprit par des prisonniers qu'une partie des troupes était restée au camp avec Drappès, à une distance qui n'excédait pas douze milles. Cet avis lui ayant été confirmé par plusieurs rapports, il pensa que, l'autre chef étant en lutte, il lui serait aisé d'accabler dans leur effroi le reste des ennemis. Il regardait comme un grand bonheur qu'aucun de ceux qui avaient échappé au carnage n'eût rejoint le camp de Drappès, pour lui porter la nouvelle de cette défaite. (2) Ne trouvant nul danger à faire une tentative, il envoie en avant et fait marcher contre le camp ennemi toute la cavalerie, ainsi que de l'infanterie germaine dont les hommes sont si agiles ; il laisse une légion à la garde des trois camps, et se met en marche à la tête de l'autre sans bagages. (3) Lorsqu'il fut à peu de distance des ennemis, les éclaireurs qu'il avait détachés lui rapportèrent que les Barbares, négligeant les hauteurs, selon leur usage, avaient placé leur camp sur le bord d'une rivière, que les Germains et les cavaliers étaient tombés sur eux tout à fait à l'improviste, et que le combat était engagé. (4) Sur cet avis, il fait avancer la légion sous les armes et en ordre de bataille. Puis il donne partout le signal, et s'empare des hauteurs. Cela fait, les Germains et la cavalerie, à la vue des enseignes de la légion, combattent avec la plus grande vigueur ; (5) aussitôt toutes les cohortes chargent sur tous les points ; tout est tué ou pris ; le butin est immense ; Drappès lui-même est fait prisonnier dans ce combat.
[8,37]
(1) Caninius, ayant terminé cette expédition heureusement, et presque sans perte, vint reprendre le siège ; (2) et comme il avait détruit l'ennemi extérieur, dont la présence l'avait jusque-là empêché d'augmenter ses postes et de travailler à ses lignes de circonvallation, il ordonna de continuer les ouvrages sur tous les points. Le jour suivant, C. Fabius arriva avec ses troupes, et se chargea d'assiéger l'un des côtés de la place.
Pendant ce temps César, informé des derniers événements, abandonne ses légions en Belgique et rejoint Uxellodunun à bride abattue avec ses seuls cavaliers. Il arrive si vite sur place qu'il précède la nouvelle de sa venue, surprenant ses deux lieutenants en charge du siège. Il faut dire que César arrive au bout due son mandat et sait qu'il ne sera pas renouvelé cette fois; Il a donc tout intérêt à museler très vite et définitivement l'insurrection gauloise.
Hirtius a écrit:César chez les Carnutes. Supplice de Gutuater
[8,38]
(1) Cependant César laisse le questeur M. Antonius chez les Bellovaques avec quinze cohortes, afin d'empêcher les Belges de former de nouveaux projets de révolte. (2) Il visite lui-même les autres états, demande un grand nombre d'otages, rassure tous les esprits par de consolantes paroles. (3) Arrivé chez les Carnutes, dont les conseils, ainsi que César l'a dit dans le livre précédent, avaient été la première cause de la guerre, et voyant que le souvenir de leur conduite leur causait de vives alarmes, il voulut dissiper sur-le-champ leurs craintes, et demanda pour le supplice Gutuater, instigateur de la dernière révolte et principal auteur de cette guerre. (4) Cet homme, bien qu'il n'eût confié à personne le lieu de sa retraite, fut cherché par la multitude avec tant de soin, qu'on l'eut bientôt amené au camp. (5) Ce fut contre son penchant que César se vit contraint d'accorder la mort de ce chef aux instances des soldats, qui lui rappelaient tous les périls, toutes les pertes qu'ils devaient à Gutuater. Celui-ci, après avoir été battu de verges jusqu'à la mort, eut la tête tranchée par la hache.
à noter : "Gutuater" n'est pas un nom... c'est un titre porté par un certain type de druides, les "invocateurs". On ne sait plus vraiment à quoi ils servaient, peut-être appelaient-ils les dieux au cours de cérémonies. En tout cas, le terme "gutuater" est un des rares mots gaulois passé directement dans le français (guttural = avoir une voix rauque).
On remarque encore une fois la tendance de César à effacer les individus ( comme Vercingétorix) pour les réduire à un titre sans signification.... d'autant plus que ce "Gutuater" n'a pas été évoqué avant On sait juste qu'il est " instigateur de la dernière révolte et principal auteur de la guerre". Encore une fois César nous laisse sur notre faim avec plus de question que de réponse. cependant, le but de la Guerre des Gaules n'est pas de raconter la résistance des gaulois... non, c'est de raconter César ( à lui tout seul ou presque) a maté la "révolte" des Gaulois. En dépossédant ses ennemis de leur nom et de leur histoire, il les dépouille de leur existence et les condamne à l'oubli.
Hirtius a écrit:Il prive d'eau les assiégés
[8,40]
(1) Lorsque César fut arrivé à Uxellodunum, où personne ne l'attendait, qu'il y vit la circonvallation achevée, ce qui ne permettait plus d'en abandonner le siège ; et qu'il eut, d'un autre côté, appris par des transfuges que les assiégés étaient abondamment pourvus de vivres, il essaya de les priver d'eau. (2) Une rivière traversait le vallon qui environnait presque en entier le rocher escarpé sur lequel était située la place d'Uxellodunum. (3) La nature du lieu s'opposait à ce qu'on détournât le cours de cette rivière ; car elle coulait au pied même de la montagne, et il était impossible de creuser nulle part des fossés pour en opérer la dérivation. (4) Mais les assiégés n'y descendaient que difficilement et par des chemins escarpés, et, si nos troupes leur coupaient le passage, ils ne pouvaient y arriver ni regagner la hauteur sans s'exposer à nos traits et sans risquer leur vie. (5) César, s'étant aperçu de leur embarras, plaça des archers et des frondeurs, disposa des machines de guerre vers les endroits où la descente était le plus facile, et par là interdit aux assiégés l'accès de la rivière.
[8,41]
(1) Toute la population n'eut dès lors plus d'autre ressource que l'eau d'une fontaine abondante, sortant du pied même des murs, dans cet espace, d'environ trois cents pieds, le seul que la rivière n'entourât pas. (2) On désirait pouvoir priver de cette eau les habitants ; César seul en vit le moyen. Il dressa des mantelets et éleva une terrasse vis-à-vis la fontaine, contre la montagne ; mais ce ne fut pas sans de grandes peines et de continuels combats. (3) En effet, les assiégés, accourant des hauteurs, combattaient de loin sans danger, et blessaient beaucoup des nôtres, à mesure qu'ils se présentaient. Rien ne put cependant les empêcher d'avancer à la faveur des mantelets, ni de vaincre par leur persévérance les difficultés du lieu. (4) En même temps, ils conduisaient des galeries souterraines, depuis la terrasse jusqu'à la source de la fontaine, genre de travail qu'ils pouvaient exécuter sans péril, et même sans que les ennemis s'en doutassent. (5) La terrasse s'éleva à la hauteur de neuf pieds ; on y plaça une tour de dix étages, non pour égaler la hauteur des murs, ce qui était absolument impossible, mais de manière à dominer la fontaine. (6) Les avenues se trouvaient ainsi exposées aux traits de nos machines ; et, comme les assiégés ne pouvaient plus y venir prendre de l'eau sans de grands risques, les bestiaux, les chevaux, les hommes même, en grand nombre, mouraient de soif.Reddition de la ville
[8,42]
(1) Effrayés de ce triste sort, les habitants remplissent des tonneaux de suif, de poix et de menu bois, et les roulent tout enflammés sur nos ouvrages. En même temps ils font une vive attaque, afin que les Romains, obligés de combattre pour leur défense, ne puissent porter remède à l'incendie. (2) Dans un instant tous nos ouvrages sont en feu. Ces tonneaux, qui roulaient sur la pente, arrêtés par les mantelets et la terrasse, embrasaient les matières même qui les retenaient. (3) Cependant nos soldats, malgré le péril de ce genre de combat, et la difficulté des lieux, déployaient le plus grand courage ; (4) car l'action se passait sur une hauteur et à la vue de notre armée. De part et d'autre on entendait de grands cris ; chacun cherchait à se signaler, et l'on bravait, pour faire preuve d'une valeur qui avait tant de témoins, les traits des ennemis et la flamme.
[8,43]
(1) César, voyant qu'il avait déjà beaucoup de blessés, ordonne aux soldats de gravir de toutes parts la montagne, en jetant de grands cris, comme s'ils eussent voulu escalader les murs. (2) Épouvantés par cette manoeuvre, et ne sachant ce qui se passait sur d'autres points, les habitants rappellent ceux de leurs combattants qui attaquaient nos ouvrages, et les placent sur leurs murailles. (3) Alors nos soldats, n'ayant plus d'adversaires à combattre, se rendent bientôt maîtres de l'incendie, soit en l'étouffant, soit en le coupant. (4) Les assiégés continuaient à se défendre opiniâtrement ; et, après avoir perdu déjà une grande partie des leurs par la soif, ils persévéraient dans leur résistance, lorsqu'enfin nos mines souterraines parvinrent à couper et à détourner les veines de la source. (5) La voyant tout à coup tarie, les assiégés désespérèrent de tout moyen de salut, et ils crurent reconnaître, non l'ouvrage des hommes, mais la volonté des dieux. Vaincus alors par la nécessité, ils se rendirent.
La fin de l'histoire est connue, je l'ai d'ailleurs déjà raconté. Lorsque les Gaulois se rendirent... César leur fit couper les deux mains...
Après cette défaite et le sort horrible des défenseurs, la rébellion s'éteint d'elle-même et la Gaule s’apaise. Au point qu' Hirtius doit s'excuser ne plus adopter le format " un livre par campagne" qui était celui de la Guerre des Gaules jusque là et de raconter les événements de l'années 50 en seul tome.
La guerre des Gaules s'achève sur ce dernier chapitre :
Hirtius a écrit:[8,55]
(1) Lorsqu'il y fut arrivé, il apprit que les deux légions qu'il avait livrées, et qui, d'après le sénatus-consulte, devaient être menées contre les Parthes, avaient été livrées par le consul C. Marcellus à Cn. Pompée, et qu'elles étaient retenues en Italie. (2) Quoiqu'une telle conduite ne laissât à personne le moindre doute sur les projets tramés contre César, il résolut cependant de tout souffrir, tant qu'il lui resterait quelque espoir de se soutenir par la force de son droit plutôt que par celle des armes. [etc.]
Chapitre qui prépare à la Guerre Civile contre Pompée.
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Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots. William Faulkner
Anaxagore- Messages : 2228
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Re: Uchronies romaines
Etrange raccourci, en faisant des recherches pour mon dossier " La guerre secrête du pétrole". j'ai trouvé ça - >
https://positivr.fr/concentration-richesses-effondrement-gaule-angle-eco/
Comme dit mon père : " L'histoire est un étonnant raccourci".
https://positivr.fr/concentration-richesses-effondrement-gaule-angle-eco/
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Anaxagore- Messages : 2228
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Re: Uchronies romaines
Épilogue de la Guerre des Gaules
Avant de clore le sujet, il me semble nécessaire de répondre à quelques questions.
Les Gaulois pouvaient-ils gagner ?
Oui, indubitablement. A part dans le domaine des machines de siège et de guerre, les Gaulois n'avaient pas un armement inférieur. Si leurs troupes étaient moins professionnelles c'était compensé par leur connaissance du terrain. Les Romains étaient plus disciplinés et avaient de meilleurs connaissances en ingénierie, mais leur avantage en ces domaines s'est réduit au cours des combats.
On ne peut pas non plus résumer la Guerre des Gaules au seul duel entre César et Vercingétorix, il y avait des chefs compétents des deux côtés.
Alésia ou la bataille du Sabis auraient pu être des désastres pour les Romains. Comme souvent ces affrontements furent décidés par d'infimes détails que ce soit des décisions qui se révéleront erronées ou même l'effet du seul hasard, ce qui est particulièrement vrai pour le vent qui tombe lors de la bataille navale du Morbihan ou de l'orage soudain qui permet à Labienus de traverser la Seine avant la bataille de Lutèce.
Napoléon disait : " Les soldats préfèrent les généraux chanceux au bons généraux, et ils ont raison".
La chance a été du côté de César tout au long de la Guerre des Gaules, sauf pendant son expédition en Bretagne et à Gergovie. Bien sûr, sa victoire ne se résume pas à un coup de chance. La chance ne profite qu'à ceux qui sont préparé à la saisir. "préparé" est un mot qui semble avoir été créé pour décrire César, car il prévoyait tout sans pourtant jamais s'enfermer dans sa propre préparation. Sa force fut de s'adapter sans cesse à l'ennemi et aux circonstances.
Pour résumer, César a été favorisé par le destin tout simplement parce que son esprit était en éveil, à la recherche du petit plus qui pourrait le favoriser. Pour le découvrir, il s'est servi d'espions, il a créé des séditions dans les rangs de l'ennemi et a manipulé l'information. Vercingétorix s'est essayé aux mêmes pratiques. On peut lui accorder qu'il a plutôt bien commandé son armée d'amateurs et qu'il fut un adversaire retors et capable. Toutefois, clairement, le maître était César.
Qu'aurait-il fallu pour que les Gaulois gagnent ?
On pourrait dire que cela dépend de la bataille, et que j'ai cherché à y répondre au cas par cas... mais de manière plus générale, les Gaulois n'ont pas livré la même guerre que les Romains. Pour ces derniers, le combat met en avant la manœuvre. Le plan émane du général et les lieutenants prennent des initiatives que si la situation devient trop fluide pour attendre les ordres. On attend des chefs de cohortes et de légions d'agir indépendamment de leurs voisins dans le cadre du plan d'ensemble. Un système ni trop souple, ni trop rigide.
Bien que l'image de barbares qui foncent sur l'ennemi en hurlant soit un lieu commun horripilante... elle grossit un fait réel. Les Gaulois sont d'abord des individualistes. Ils savent combattre en formation, ils ont modifié la phalange grecque pour leur besoin. Ils se battent en mélangeant différents types d'unités pour donner de la souplesse à leurs forces et que des bataillons aux talents divers s'épaulent mutuellement. Pourtant, les Gaulois sont divisés entre tribus, à l'intérieur des tribus... En fait, la recherche de gloire individuelle, les vieilles rivalités, les vielles fiertés, la chicanerie, le besoin de discuter interminablement et de se disputer avant d'arriver à un accord boiteux qui ne satisfait personne, tout cela a plus contribué à la victoire de césar que son génie militaire. Politiquement et militairement, les Gaulois étaient divisés. Même moins nombreux, les Romains les ont écrasé dans le détail... et souvent dans l'indifférence des autres tribus.
Comment unir les Gaulois ?
Alors là c'est très simple, il faut faire ce que Vercingétorix a fait : il pris des otages et a dit aux chefs Gaulois : " Soit vous faites ce que je dis, soit je tue vos enfants ". On peut bien entendu se récrier contre de telles méthodes... mais c'est oublié un peu vite que les otages capturés par Vercingétorix étaient ceux qui étaient détenus par César à Noviodunum.
En fait on peut imaginer un POD antérieur au début de la guerre des Gaules OTL. Un chef gaulois de Narbonaise, vétéran des campagnes de Rome décide de se tailler un royaume en gaule celtique. Ses hommes combattent "à la romaine" et défont rapidement les Gaulois. A Rome, le sénat s'inquiète et envoie César pour empêcher l'unification des Gaulois en un seul royaume.
Imaginez dès le début de la Guerre des Gaules, un chef de guerre qui conduit des troupes qui connaissent les formations romaines et ne sont pas terrifiés par les catapultes et les Scorpions ?
Une Uchronie : les chaises musicales
A Rome avant la Guerre des Gaules, le triumvirat ( Cassus, Pompée, César) est en place. Bien qu'étant "alliés", ces trois lascars sont d'accord uniquement sur le fait de se partager la gâteau. Ils se disputent cependant les parts qui ne sont ni aussi grosses ni avec la même garniture;
Imaginez, il y a trois campagnes militaires en préparation :
1°) Protégez la province de Narbonaise d'une invasion de Germain... C'est la plus petite part du gâteau. OTL elle est revenue à César et a conduit à la Guerre des Gaules... César ayant élargi ses attributions.
2°) Le roi Mythridate du Pont s'agite, c'est la part que Pompée reçoit OTL.
3°) La Parthyie, ce grand et puissant royaume qui menace la Syrie, c'est la part de Crassus OTL (la plus grosse et la plus juteuse, la plus convoitée aussi)... qui se termina en désastre à la bataille de Carrhes.
Jouons aux chaises musicales on a trois joueurs ( César, Pompée et Crassus) et trois chaises (la Gaule, le Pont, La Parthie) Note : je ne prends pas en compte les cas de figure où César obtiendrais la Gaule.
Combinaison 1 :
César - > La Parthie ; Pompée -> Le Pont (comme OTL) ; Crassus - > La Gaule.
César conquière la Parthie au terme d'une longue campagne, étend le futur empire romain vers l'Est. Pompée pacifie le Pont (temporairement) et Crassus se fait massacrer par les Germains.
Le résultat est intéressant, la Gaule demeurera plusieurs siècles hors d'atteinte des Romains. Pendant ce temps, le pays finira par s'unir en une seule contrée qui deviendra un rival de Rome.
Combinaison 2 :
César - > Le pont ; Pompée -> la Parthie ; Crassus -> La Gaule.
César gagne facilement contre le Pont et soumet complètement le pays (il ne sera pas nécessaire d'y revenir, contrairement à l'OTL). Pompée échoue contre la Parthie sans que ce soit un désastre. Crassus meurt en Gaule.
Le pire résultat pour les Romains, presque aucun gain de territoire et la perte de plusieurs légions.
Combinaison 3
César - > La Parthie ; Pompée -> La gaule ; Crassus - > Le pont.
César conquière difficilement la Parthie (après plusieurs années). Pompée se contente de la mission qui lui a été donné (repousser les germains) et aussi d'obliger les Helvète à contourner les territoires des alliés de Rome. Quant à Crassus, je le crois quand même capable de battre Mythridate.
La gaule reste tranquille plusieurs siècles et devient un grand état. A Rome, César prend le dessus sur Pompée et Crassus et devient empereur, toutefois, il s'intéresse plus à l'est qu'à l'ouest de la Méditerranée.
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Anaxagore- Messages : 2228
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Re: Uchronies romaines
La Guerre Civile
VS
César Pompée
La guerre civile de 49 à 45 avant J.C. est le résultat d'un long processus que j'ai déjà décris plusieurs fois. Pour résumer, les institutions de la République Romaine étaient excellentes tant qu'il s'agissait de diriger une citée-état habitée par des citoyens de plein droit. Toutefois, la domination de Rome sur la Méditerranée transforme les lois romaines en un imbroglio politique et pratique où se mélange les citoyens romains qui ne vivent pas à Rome, les non-citoyens qui y habitent, le statut de "droit latin" étendu à tous les métis romains et celui de citoyen qui est accordé à tous les hommes libres italiens. Ce dernier point, est la conclusion des Guerres Sociales. Si ces dernières se terminent par la victoire militaire de Rome ( à un coût comparable à celui de la Deuxième Guerre Punique), cela reste une victoire politique des anciens états alliés.
A cette instabilité politique romaine, se joint un autre facteur, l'émergence des grands généraux.
Rome a toujours été friande de gloire militaire. Les rôles de politicien et de général se sont toujours confondus. D'ailleurs, César est le prototype même du politicien a avoir cherché la gloire militaire comme un moyen de viser les plus hauts fonctions au sénat. En ce sens, pour César, la Guerre des Gaules n'a jamais été qu'un marchepied vers Rome. Cicéron ou Crassus furent d'autres hommes politiques à avoir cherché la gloire militaire... et dans le cas du second à n'y avoir rencontré que la mort.
Pompée, à l'inverse, est un général qui a acquis du pouvoir politique en capitalisant sur ses victoires... comme Marius, ce qui est assez ironique, vu que Pompée était un des lieutenant de Sylla (l'ennemi juré de Marius au cours de la précédente guerre civile).
On doit à la réforme de Marius d'avoir transformé les légions romaines en "armée personnelle des généraux".
Pendant des siècles la loyauté des romains à Rome fut totale. Pour trouver un Romain trahissant Rome, il n'y avait que l' exemple de Coriolan https://fr.wikipedia.org/wiki/Coriolan ... un personnage mythique.
Toutefois, le dernier siècle de la république fut plein de petites et de grandes trahisons. Tout avait commencé avec Sylla lui-même qui utilisa les armées levées pour attaquer le pont pour chasser Marius de Rome. A l'époque, nombre d'officiers refusèrent de participer à cela. Cependant, par la suite, des chefs de guerre de Marius - chassé de Rome par ceux de Sylla- trouvèrent refuge au royaume du Pont et n'hésitèrent pas à se mettre au service du roi Mithridate pour combattre... Rome !
La guerre civile était-elle évitable ?
Non, autre question ?
Daccord, la réponse est un peu rapide. Mais la réponse longue ne le sera guère plus. Le Triumvirat César-Pompée-Crassus était pour ces trois là un moyen de gagner du pouvoir en s'entraidant. Seulement... cela a toujours était un pis-aller pour ces trois là. A l'origine César n'avait été rajouté à ce complot que pour éviter que Crassus (le super riche) et Pompée (le grand général) ne se retrouve seuls... il faut dire que c'est Pompée qui a vaincu Spartakus mais que c'est Crassus qui triompha pour avoir écrasé les survivants et les avoir crucifié le long des routes. Le genre de coup de poignard dans le dos qui ne vous transforme pas en grand admirateur de celui qui vous l'a infligé... n'est-ce pas ?
Pour Crassus, qui a cherché à jouer les grands généraux - jaloux des victoires de César en Gaule - tout se termine par un désastre militaire et sa propre mort. Il ne reste plus que Pompée et César, face à face. Une Rome deux prétendants... choisissez vos armes.
Alea jacta est
Ces mots furent prononcés par César lorsqu'il franchit le Rubicon. Le Rubicon formait la frontière nord du territoire de la cité-état de Rome. Je vous ai déjà expliqué ce qu'était l'Imperium, le territoire dominé par Rome. Celui-ci est distinct de celui de la cité-état de Rome, placé sous l'autorité directe du sénat. Une armée romaine ne pouvait y entrer... En franchissant le Rubicond avec ses légions de vétérans de la Guerre des Gaules, César a commis un sacrilège et est entré en état de rébellion.
La suite ?
Au prochain épisode.
Dernière édition par Anaxagore le Mar 28 Aoû - 14:30, édité 1 fois
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Anaxagore- Messages : 2228
Date d'inscription : 18/10/2015
Age : 50
Re: Uchronies romaines
Il y avait des liens de mariage entre les deux Hommes. Je ne me souviens plus de qui exactement mais il me semble que Pompé était marié à une parente de César. Cependant au début de la guerre ils n'existent plus, Pompé est veuf ou un truc du genre.
le roi louis- Messages : 98
Date d'inscription : 19/07/2016
Re: Uchronies romaines
exact : Julia, fille de jules César https://fr.wikipedia.org/wiki/Julia_(fille_de_Jules_C%C3%A9sar)
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Anaxagore- Messages : 2228
Date d'inscription : 18/10/2015
Age : 50
Re: Uchronies romaines
Julia fille de César, épouse de Pompée
Je lis vos réponses et la remarque du roi Louis sur la fille de César, épouse de Pompée, m'a fait réfléchir.
OTL,Tout commence par un mariage de raison. Pour renforcer ses liens avec Pompée, César lui propose d'épouser sa fille Julia, ce qui finit par ce faire. On ne pourrait difficilement trouver d'époux plus différents. D'abord Julia a 23 ans de moins que son mari, ensuite - bien qu'aristocrate- elle a été élevée dans le milieu social du parti populaire. Au contraire, Pompée est un membre du parti aristocratique. Plus que des partis politiques, il s'agit de deux groupes de gens qui ne se fréquentent qu'au sénat - pour s'y insulter - et ont des modes de vie très différents.
Pourtant, les textes anciens décrivent Pompée comme très attachés à sa nouvelle épouse. L'âge venant, le général préfère passer du temps avec elle plutôt qu'au sénat. Ce qui est vu avec consternation par ses alliés politiques, comme Caton, mais aussi par Cicéron. Il n'y a là rien d'étonnant, bien que l'histoire de Rome soit une histoire d'hommes (des vrais, des durs qui rasent des villes et massacrent leurs adversaires politiques) Julia se voit quand même décerner quelques lignes ici ou là, en guise d’aumône. Elle y dépeinte comme belle et une parfaite incarnation des vertus de la femme romaine ( vous savez discrète, réservée, soumise à son maris... vous voyez le genre).
Bref, La cause de la mort de Julia est une fausse couche, deux en fait. Seulement, la première n'a pas une origine tout à fait naturelle.
Tout commence alors que Pompée se rendait au sénat. Une émeute se déclenche. On l'interpelle, on l’agresse. Face à la situation explosive, ses licteurs - qui sont des gardes du corps - s'interposent. La hache du licteur a un rôle pratique, elle sert à décapiter ceux qui agressent un magistrat romain, tandis que les verges servent à flageller ceux qui lui manquent de respect. Dans l'affrontement qui suit, Pompée se trouve éclaboussé de sang ! Il confie sa toge à un serviteur et l'envoie chez lui pour qu'il rassure son épouse et lui ramène un vêtement propre... ben oui, il ne va pas aller au sénat couvert de sang.
Mauvaise pioche, le serviteur en question avait sans doute une raison de détester Pompée. Arrivé devant une Julia, enceinte et anxieuse - déjà au courant de l'émeute, mais pas de son issue - il lui présente la toge souillé de sang en lui disant que son mari est mort. Julia fait sa première fausse couche. Elle ne s'en remettra pas pleinement. Lorsque Julia retombe enceinte, sa faiblesse la conduira à une seconde fausse-couche et à la mort. Aucun des deux enfants ne survivra.
Jules César apprend la mort de sa fille alors qu'il combattait en Bretagne, et ce ne fut probablement pas étranger à son abandon de la campagne en cours.
Et si Julia survivait ?
Voilà un POD simple, l'émeute éclate avant ou après le moment où elle a eut lieu OTL. Pompée n'est donc pas impliqué. Pas de toge tâché de sang, pas de fausse couche ! César pourra jouer les Papy-gâteau pour le fils de Pompée... (non, je n'arrive pas à imaginer la scène... et pourtant je suis TRÈS imaginatif). Bref, comme disait Pépin, toute la question est de savoir si des circonstances personnelles pourraient changer le cours de l'Histoire.
OTL, César n'a jamais détesté Pompée. Bien au contraire, même après la mort de sa fille, il a continué à voir dans son rival un membre de sa propre famille. C'est l'erreur de Ptolémée XIII qui fit assassiner Pompée, pensant plaire à César... et qui se trouva face à un homme furieux et bien décidé à venger son gendre.
L'inverse est tout autant vrai, César perd la bataille de Dyrrhacium contre Pompée... mais se dernier ne poursuit pas son rival. Bien embarrassé, César admet dans le de bello civilii qu'il ne doit d'avoir éviter un désastre qu'à cette inexplicable erreur stratégique. Inexplicable, certes, militairement... mais on peut supposer que Pompée ait eu d'autres raisons, non militaires de se comporter ainsi.
Difficile de s'avancer trop loin dans une spéculation sur la survie de Julia et son impact.
Aurait-elle pu empêcher la guerre civile ?
Peu probable, bien que Pompée et César en soient les acteurs majeurs, une neutralisation de Pompée n'empêcherait pas celle-ci d’éclater. Il ne manque pas d'autres chefs capables, charismatique comme Caton, ou bon stratège, comme Labienus. Le rôle le plus utile de Pompée n'est cependant pas celui de "chef" ou "général", mais celui de fédérateur. Il est une grande figure, ne l’appelle-t-on pas " Pompée le Grand" ? Victorieux de nombreux peuples. Il fut aussi le lieutenant de Sylla, le chef des "Aristocrates" (Optimates) au cours de la précédente guerre civile. Ce qui lui confère une certaine envergue pour combattre César apparenté à Marius et à Cinna (les chefs des " Populaires" dans la précédente guerre civile).
Pompée devenu neutre, le camp des Optimates aurait été affaibli par rapport aux Populares.
Dernière édition par Anaxagore le Mer 29 Aoû - 10:25, édité 1 fois
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Anaxagore- Messages : 2228
Date d'inscription : 18/10/2015
Age : 50
Re: Uchronies romaines
Je me souvenais que Ptolémée avait l'erreur assassiné Pompé et que César l'avait TRES mal pris, entre autre parce que c'était son gendre mais j'ignorai l''épisode de la retraite après Dyrrhacium. La guerre civile César/Pompé promet un beau "match".
le roi louis- Messages : 98
Date d'inscription : 19/07/2016
Re: Uchronies romaines
En fait, j'ai longtemps cru que César n'avait été battu qu'une seule fois, à Gergovie. Certes, j'avais étudié le De bello civilii, en V.O. d'ailleurs, mais au collège et je dois dire que tout ce dont je me souvenais c'était des distributions de pain que César faisait envoyer aux troupes de Pompée..; en les expédiant par-dessus les murailles... à la fronde !
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Anaxagore- Messages : 2228
Date d'inscription : 18/10/2015
Age : 50
Re: Uchronies romaines
En fait, c'est probablement ce qu'il à de plus impressionnant avec César: même quand on le battait ça semble n'avoir réussi qu'à le rendre encore plus dangereux par la suite. Gergovie et Dyrrhacium ont fini par mené à Alesia et Pharsalus.
phil03- Messages : 164
Date d'inscription : 16/07/2016
Re: Uchronies romaines
Pompée a-t-il cherché à éviter la Guerre Civile ?
Oui, très clairement.
Rappelons les raisons originelles de la Guerre : tout commence par une décision du sénat d'ôter deux légions à Jules César pour les donner à Cnaeus Pompée.
Jules César accepte et les envoie, mais deamnde à pouvoir garder les autres sous ses ordres, arguant qu'il pourrait en avoir besoin si Pompée l'attaque.
Ouvrons une grosse parenthèse (
Petit rappel du droit romain : Les légions sont la propriété du " sénat et du peuple romain" ( S.P.Q.R.) qui est libre de les confier à un général, de les retirer quant il le veut... enfin en théorie. Depuis la réforme de Marius, les pouvoirs du général sur l'armée ont été renforcés. En particulier, il décide quel sera l'armement de la légion. A première vue, que le général décide de quel type de casque et de quel type de bouclier sera utilisé peut sembler anodin... Bien que, vous vous en doutez, il devait prendre des commissions auprès des fabricants. Vu que Rome a vu naître les premières usines, les fabricae, le " complexe militaro-industriel " existait déjà;vous savez, l'industrie qui a besoin de la guerre pour faire tourner l'économie. Cependant, l'armement est payé par le légionnaire, ses armes lui appartiennent en propre. C'est son bouclier, ses pilae, son gladius etc... Le général décide aussi de la solde y compris des avances sur solde ( en d'autre terme la somme remise au moment de l'engagement... qui sert justement à acheter l’équipement que le général demande de chaque légionnaire).
Là, je vous imagine en train de froncer les sourcils : " Mais où Anaxagore nous conduit-il encore en nous assommant de petits détails de la vie romaine ?" Pas très loin, en fait... Vous savez ce que c'est qu’une dette ? Un légionnaire juste engagé est fidèle à son général... parce qu'il est endetté jusqu'au cou auprès de son chef !
Je vous ai déjà expliqué le clientélisme à la romaine, avec les gens ces grandes familles riches et puissantes ( comme la gens Julia, celle de Jules César) qui ont des membres de familles inférieures qui dépendent d'eux, les clients. Lesquels leur servent souvent de gros bras pour boxer leurs adversaires politiques... ah la démocratie à Rome... elle arrive même à être plus pourrie que la notre et certainement plus violente. La subtilité politiques des Romains, sans doute.
Et bien Marius a transformé les soldats romains en clients de leur général... dans son idée, c'était pour qu'ils votent pour lui. Sans presse pour mener une campagne électorale, les grands corps, comme les Légions, sont essentiels pour le fonctionnement du bouche à oreille. De plus, les légionnaires sont des votants captifs... leur destin, être des héros honorés ou des traîtres, sans même parler du statut de cadavre dépend de la victoire ou de la défaite de leur général. Il ne vont donc pas voter pour quelqu'un d'autre. Sachez aussi que la solde d'un légionnaire est de quatre as par jour... oui, je m'en doute, vous ne savez pas ce que vaut l'unité monétaire appelée "as". Avec un as, vous pouvez vous payer un repas. Donc un jour de nourriture doit valoir entre deux et trois as. C'est donc juste assez pour ne pas mourir de faim.
L'armement complet d'un légionnaire représente donc plusieurs mois de solde !
Or les casques romains de l'époque sont en bronze, un alliage coûteux ! Rassurez-vous, vous, l'engagement minimum dans la légion c'est... vingt ans ! Ils ont le temps de rembourser !
Tout ça c'était voulu par Marius, dans son intérêt propre. Toutefois, lorsque Sylla a retourné contre lui les légions qu'il commandait... tout le monde a compris que les généraux étaient à présent hors de contrôle. La main mise des chefs sur leurs hommes ne se limitait plus à les faire voter pour eux lors des élections, au besoin ils pouvaient les utiliser pour des coups d'états.
On entend Cicéron gémir d'ici : Cedant armae togae (que les armes cèdent à la toge) cependant plus personne n'écoutait plus ce raseur.
Voilà, vous avez compris le contexte ?
Fermons la parenthèse )
Revenons à présent aux derniers jours avant le début de la Guerre Civile. César cherche à conserver ses légions.
Mais que veux exactement César :
1°) des électeurs qu'il est assuré de voir voter pour lui
2°)de quoi se défendre s'il est attaqué ( la suite montrera que Pompée n'était absolument pas prêt à se battre contre César).
A Rome le sénat semble incapable d'arbitrer le différent. De plus, les partisans de Pompée dominent le débat ( logique, Pompée est aux portes de Rome il a l'avantage de la proximité... et de la menace - imaginaire ? - que fait peser son armée). Seul M. Calidius essaie d'éviter le conflit. Il propose que Pompée parte en province avec ses troupes et que le sénat lève une armée afin que le sénat pût librement et sans crainte ordonner ce qui lui plairait (Guerre civile 1.2). Toutefois, le consul en place (L. Lentulus) le rabroua et refusa que sa proposition soit mise aux voix. Finalement, il est ordonné que César licencie ses armées. Sauf que les tribuns du peuple apposent leur veto à cette décision. Selon le droit romain, cela devrait normalement rendre la proposition caduque... mais au sénat le débat tourne à l'émeute. Finalement, au soir, aucune décision n'a été prise. par contre, les sénateurs se sont copieusement insultés.
Au soir, Pompée réunit tous les sénateurs en assemblée (il ne s'agit pas d'une cession, juste d'une réunion). d'après césar (encore une fois ma source sur les événements) Pompée pousse le sénat dans son sens et rameute tous les légionnaires disponible, y compris les vétérans.
César, mis au courant (dès le lendemain, il est en Gaule Cisalpine et les courriers à cheval se déplacent très vite) de la fuite des tribuns du peuple sous les hués des partisans de pompée fait un discours au légionnaires de la XIIème légion où il rappelle le rôle sacré des tribuns. Discours dans lequel il compare Pompée à Sylla et rappelle qu'à chaque fois que l'on a chassé les tribuns du peuple du sénat cela n'a conduit qu'au passage de lois désastreuses.
César continue vers Arminium où il rejoint les tribuns du peuple en fuie et où se concentrent les légionnaires qu'il a commandé en Gaule. C'est alors qu'un jeune homme appelé L; César apparaît dans le camp de son homonyme. Il porte une lettre de Pompée :
" (...) Pompée désire justifier sa conduite aux yeux de César, afin que ce qu'il a fait pour le bien de la république ne lui soit pas imputé à crime; qu'il a toujours préféré l'intérêt public à ses affections particulières; que c'est aussi un devoir pour César de sacrifier ses passions et ses ressentiments au bien de l'état, de peur qu'en voulant, dans sa colère, frapper ses ennemis, il n'atteigne la république." (Guerre civile 1.
Cette lettre personnelle est suivi d'uen ambassade plus officielle menée par le prêteur Roscius
Voici la réponse de César :
"Lui aussi, il avait toujours considéré avant tout la gloire de la république, qui lui était plus chère que la vie: il avait vu avec douleur que ses ennemis voulussent lui arracher, par un affront, la faveur du peuple romain, lui ôter les six derniers mois de son gouvernement et le forcer de retourner à Rome, quoique le peuple eût autorisé son absence des prochains comices: (3) toutefois, dans l'intérêt de la république, il avait souffert patiemment ce tort fait à sa gloire: il avait écrit au sénat pour demander que toutes les armées fussent licenciées, et n'avait pu l'obtenir; (4) on faisait des levées dans toute l'Italie; on retenait deux légions qu'on lui avait retirées sous prétexte d'une guerre contre les Parthes: toute la ville était sous les armes. Tous ces mouvements avaient-ils d'autre but que sa perte? (5) Cependant il était prêt à consentir à tous les sacrifices, à tout souffrir pour l'amour de la république. Que Pompée se rende dans son gouvernement; que tous deux licencient leurs troupes; que chacun pose les armes en Italie; que Rome soit délivrée de ses craintes; que les comices soient libres, et les affaires publiques remises au sénat et au peuple romain. (6) Enfin, pour aplanir ces difficultés, pour arrêter les conditions d'un accord, et les sanctionner par un serment, que Pompée s'approche ou qu'il se laisse approcher par César: une entrevue pourra terminer leurs différends." (Guerre civile 1.9)
La proposition de Pompée agrée au sénat qui accepte donc que César retourne en Gaule et Pompée se rende en Espagne et que jusqu'à ce que ce soit fait, César pouvait conserver ses légions.
Cependant
César a écrit:[1,11] (1) Il était injuste de demander que César sortît d'Ariminium et retournât dans son gouvernement, tandis que Pompée retiendrait des provinces et des légions qui n'étaient pas à lui; que César licenciât son armée pendant qu'on faisait des levées; (2) que Pompée promît de se rendre dans son gouvernement, et de ne pas fixer le délai dans lequel il partirait: de sorte que si, à la fin du consulat de César, Pompée n'était pas parti, on ne pourrait l'accuser d'avoir faussé son serment. (3) D'ailleurs, ne marquer aucun temps pour une entrevue, ne pas s'engager à se rapprocher de César, c'était ôter tout espoir d'accommodement. (4) En conséquence, César fait partir M. Antoine d'Ariminium, et l'envoie à Arrétium avec cinq cohortes: pour lui, il reste à Ariminium avec deux légions, et y ordonne des levées. Il occupe Pisaurum, Fanum, Ancône, en mettant une cohorte dans chacune de ces places.
Si je comprends bien ce passage, César a peur qu'une fois qu'il ait regagné la gaule et dissous ses légions, Pompée qui avait gardé les siennes ne vienne à l'attaquer.
La guerre commence
L'avance de César (qui a franchi le Rubicon) provoque une véritable panique. Les ordres de mises en défense des villes ne sont pas suivi... certaines garnisons se débandent d'autres je joignent à César. A Rome même, le sénat..; fuit. Le trésorier laisse même les coffres grand ouverts dans sa hâte de s'enfuir ! Cela serait comique si ce n'était pas si tragique.
Corfinium est cependant défendue par cinq cohortes qui rompent le pont de la ville avant l'arrivée de césar et se retranchent derrière ses murs disposant des machines de guerre sur les remparts. il s'agit de la première bataille de la Seconde Guerre Civile... toutefois, il n'y a pas d'assaut les Marses, la peuplade locale (qui n'aiment guère les Romains) sont d'abord prêts à défendre la ville. Toutefois, lorsqu'ils apprennent que le général Dominitius veut s'échapper pour rejoindre Pompée, ils le font lier et ouvrent les portes à César. Lintulus Spinther qui commande les troupes en l'absence de Dominitius et qui est aussi un ancien amis de César (qu'il avait soutenu pour son premier consulat et son poste de proconsul en Espagne) offre la reddition de la garnison en échange de sa vie et de sa liberté.
La ville tombée, César réunit tous les sénateurs, et leurs proches (dont Spinther) et les renvoya chez eux, après s'être brièvement plaint de leur ingratitude.
Lorsque césar arrive à Bindes (elle aussi tenue par les partisans de Pompée), il entreprend d'en faire le siège. c'est là qu'il apprend la fuite du sénat qui est partis à Dyrrachium, (l’actuelle Durres, sur la côte dalmate). Alors que César entreprends la réduction de la cité en faisant creuser un digue, Pompée - lâché de toute part- n'a d'autre choix que de suivre le sénat sur la côte dalmate.
Le refus de Pompée de combattre en Italie a pour premier résultat de pousser les édiles de Bindes à ouvrir leurs portes à César.
En fait César est déjà maître de l'Italie. Les troupes de Dominitius (ralliées à césar après la chute de Corfinium ont prit la Sicile sans résistance). Les armées envoyées en Corse et en Sardaigne les ont trouvées sans commandement.
César arrive à Rome réunit "le sénat" (comprendre les membres qui n'on pas fuit et qui sont donc ses partisans) et :
César a écrit:Il n'a, dit-il, sollicité aucune faveur extraordinaire; il a attendu le temps prescrit pour briguer le consulat, se contentant de prendre les voies qui sont ouvertes à tous les citoyens; (3) et il a été soutenu par les dix tribuns du peuple, qui, malgré ses ennemis et la résistance de Caton, accoutumé à perdre le temps en vains discours, ont ordonné que justice lui fût rendue en son absence, sous le consulat même de Pompée. Si ce dernier n'approuvait pas le décret, pourquoi l'a-t-il laissé rendre? S'il l'approuvait, pourquoi empêcher César de profiter de la bienveillance du peuple romain? (4) César parla de sa modération: il avait demandé de son propre mouvement qu'on licenciât les armées, quelque tort que cela dût faire à sa considération et à son honneur. (5) Il montra l'acharnement de ses ennemis, qui exigeaient de lui une chose à laquelle ils ne voulaient pas se soumettre, et qui aimaient mieux voir tout bouleverser que de renoncer au commandement des troupes et au pouvoir. (6) Il représenta l'injustice avec laquelle on lui avait ôté deux légions, la cruauté et l'insolence avec laquelle on avait poursuivi les tribuns du peuple, les offres qu'il avait faites, les entrevues demandées par lui, et refusées. (7) En conséquence, il priait et conjurait les sénateurs de prendre en main la république et de la gouverner avec lui. Si la crainte les en détournait, il ne leur serait pas à charge et gouvernerait seul la république. ( Il faut députer vers Pompée pour traiter d'un accommodement. II n'a pas les préventions que Pompée a exprimées naguère dans le sénat, en disant que députer vers un homme c'est reconnaître son autorité ou témoigner qu'on le craint. (9) De tels sentiments sont, à ses yeux, d'une âme petite et faible; et pour lui, comme il s'est appliqué à se distinguer par ses exploits, il veut aussi surpasser les autres en droiture et en équité."
(Guerre civile 1.32)
L'Italie entière est aux mains de César, mais dans les Balkans, à Marseille et en Espagne, les partisans de Pompée sont majoritaires. La guerre ne fait que commencer.
Pourquoi un effondrement aussi rapide de l'Italie ?
Il faut bien le dire, il n'y a eu aucune véritable résistance. César l'explique bien d'ailleurs
César a écrit:À la nouvelle de l'arrivée de César, les décurions d'Auximum se rendent en grand nombre vers Attius Varus. Ils lui disent "qu'ils n'ont pas à juger la querelle présente, mais que ni eux-mêmes, ni leurs concitoyens ne peuvent souffrir que C. César, après avoir si bien mérité de la république par tant de belles actions, soit exclu de la ville et des murs: qu'ainsi il songe à son nom dans l'avenir, et pourvoie à sa sûreté." (2) Effrayé par ces paroles, Attius Varus retire la garnison qu'il avait amenée, et s'enfuit.
(Guerre civile 1.13)
Pour résumer, les habitants des anciennes cités "alliées" de Rome devenu des Romains à part entière moins de cinquante ans plus tôt, n'ont pas envie de se faire tuer ou de voir leurs villes rasées pour une "querelle" entre César et Pompée. L'un ou l'autre pour eux c'est pareil !
Certains autres passages parlent d'accueil enthousiaste mais... bon c'est de la propagande. Je trouve mon extrait au-dessus, ou la réaction des Marses de Corfinium, plus réalistes.
Alea jacta est
"Le sort (littéralement, les dés) en est jeté" mots que César prononça en franchissant le Rubicon, frontière nord de la "cité-état" de Rome, que nulle armée de Rome ne pouvait franchir sans ordre du sénat.
Ce qui est frappant dans le récit de la Guerre Civile, c'est la désintégration immédiate du sénat. Au moment où la république a le plus besoin de son corps de magistrats, chacun ne songe plus qu'à sa fuite personnelle. La république était mourante depuis des décennies, César a soufflé sur elle et elle s'est disloquée. A partir de ce moment (et jusqu'aux réformes de Dioclétien, au IIIème siècle de notre ère !) Rome ne sera plus dirigée que par une seule chose, la force des armes. Les empereurs (Imperator veux dire "général en chef") ne régneront que tant qu'ils auront le soutien de l'armée... et périront sous le glaive d'autres généraux qui prendront à leur tour la toge pourpre.
Uchronie ?
Non, là je passe. La république romaine s'est effondrée moins sous les coups de César que sous le poids de son obsolescence. Le peuple ne s'est pas battu pour la défendre... parce que cela ne le concernait pas. Le sénat non plus car ses membres jugeaient leurs vies comme plus importante.Comme le disait Rousseau, tout système de gouvernement est un contrat social passé entre le peuple et ses dirigeants. Personne n'a défendu la république, elle ne signifiait plus rien depuis longtemps. Le peuple ne se sentait plus écouté par ses dirigeants. Les dirigeants ne voyaient plus dans l'état qu'un moyen de satisfaire leurs ambitions personnelles.
Comme la maison de paille des trois petits cochons, César a soufflé...
Ce que je trouve le plus triste et le plus terrifiant dans cette description, c'est qu’elle pourrait très bien s'attacher à une autre république, bien plus proche de nous, où l'assemblée nationale se réunit à cinquante ou soixante députés pour passer des lois qui ulcèrent 90 % des citoyens. Lesquels ne votent plus, ne protestent plus... définitivement dégoûtés de la vie politique de leurs propre pays.
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Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots. William Faulkner
Anaxagore- Messages : 2228
Date d'inscription : 18/10/2015
Age : 50
Re: Uchronies romaines
A propos des monnaies romaines, lisez cet article de Wikipédia - > https://fr.wikipedia.org/wiki/Monnaie_romaine
Vous comprendrez mieux pourquoi je dis que les légionnaires étaient mal payés.
Vous comprendrez mieux pourquoi je dis que les légionnaires étaient mal payés.
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Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots. William Faulkner
Anaxagore- Messages : 2228
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Re: Uchronies romaines
La guerre civile s'exporte
Tandis que le sénat romain siège à présent à Dyrrachium, Pompée réunis des forces en Espagne tout en poussant les Marseillais à rejoindre la lutte à ses côtés. Ces derniers sont bien ennuyés. Ils sont des vieux amis de Rome, et - à l'époque- encore indépendants. Toutefois, ils sont à présent complètement enclavés dans la province romaine de Narbonnaise. Ce plus, ils considèrent Pompée et César comme leurs "patrons". Tout deux ayant été très généreux pour cette vielle république alliée. En effet, on raconte que les Marseillais avaient aidé Rome à se remettre de l'invasion gauloise plus ou moins mythique qui avait ravagé la ville à l'origine de son histoire. Ultérieurement, Marseille avait été alliée à Rome au cours des trois guerres puniques.
Reste que la cité phocéenne a une attitude particulièrement ambiguë. Elle accepte la présence de troupes pompéiennes dans ses murs, appelle ses alliés Gaulois à son aide, remplis ses greniers de grains et de vivres diverses. La ville se prépare à un siège ! Cependant, lorsque César convoque quinze membres de l'assemblée locale pour cerner les intentions de Marseille, ces derniers lui répondent qu'ils n'ont pas à intervenir dans les affaires intérieures de la puissante Rome. De plus, de leur point vue César et Pompée sont deux grands hommes qui ont été très généreux avec Marseille, ils ne voudraient pas manquer de reconnaissance envers un seul d'entre eux en prenant parti pour l'autre.
Discours flatteur, et affirmation de neutralité qu'il est tout de même un peu difficile à faire concilier avec la présence de Dominitius (un partisan de Pompée) à la tête des forces de Marseille ainsi que la mise en défense de la ville.
Le siège de Marseille
L'arme secrète de Marseille : l'hoplite greco-celte !
Imaginez... Lorsque les grecs de Fos s'installèrent au sud de la Gaule, ils rencontrèrent des Celtes. Ce sont les commerçants Marseillais qui enseignèrent aux Gaulois à boire le vin... et à combattre en formation. Toutefois, dans le sud de la Gaule, l'influence des grecs fut encore plus importante : maison de pierres taillées, rues pavées... Les villes gauloises jouissent d'une urbanisation qui n'est pas sans rappeler celle des grecs eux-mêmes. Hélas, vers 100 avant J.C. les Romains déferlent sur la région et l'archéologie a retrouvé les cités en ruine, avec des traces de dévastation par le feu et un abandon des cités soit de manière définitive... soit une reconstruction à la Romaine dans une province de Narbonnaise soumis à la république.
Toutefois, les Marseillais n'avaient pas que des ennemis parmi les Gaulois, et leurs principaux alliés, les "sauvages" albiques furent épargnés par les conquérants. Lorsque Marseille demanda leur aide, ils descendirent de leurs collines, armés et en ordre de bataille. Et quelle armée ! Marseille avait appris à ses alliés toute les subtilités de la phalange hoplitique, les dotant de bouclier de bronze et de longues lances.
Les Albiques sont mon coup de cœur parmi les peuples Gaulois. Ils possèdent probablement la meilleure infanterie possible, organisée sur le modèle de la Grèce classique (certes démodé à l'époque) mais avec la force, et la sauvagerie des Gaulois ! Enfin une armée capable de tenir tête aux légions de César.
Hélas, comme toujours, César réagis avec une célérité stupéfiante. Trois légions placées sous le commandement de D;Brutus encerclent Marseille, commençant immédiatement à construire des mantelets et des tours de siège (sous la direction de Trebonius). Pire, le général commande 12 galères pour le blocus de la ville. Il ne s'écoule pas trente jours entre le départ des bûcherons venus couper des troncs pour la charpente et l'arrivée des galères devant Marseille.
Mais la ville va résister pendant des mois derrière ses remparts..
La première campagne d'Espagne
De son côté, Fabius ( lieutenant de César) a quitté Rome pour débarquer en Espagne, avertis que les Pompéiens rassemblaient des forces importantes sous le commandement de L .Vibullius Rufus.
Le conflit se concentre en Espagne, Fabius s'empare des cols et des passages des pyrénées pour garder le contact avec la Narbonaise (ralliées à César) puis marche contre les forces du pompéien L. Afranus. Le rapport de force est défavorable à César qui n'a que trois légions en Espagne 3000 cavaliers et 5000 auxiliaires (tous vétérans de la Guerre des Gaules), contre cinq légions pour les Pompéiens qui ont en outre 80 cohortes d’auxiliaires et 5000 cavaliers.
Fabius a la sagesse d'adopter une attitude défensive. alors que les combats, jusque là s'étaient résumaient en escarmouches peu décisives, les Césariens franchissent le Sicoris... or, le fleuve gonflé par des pluies incessantes rompt le pont alors que la moitié de l'armée est encore de l'autre côté ! En dépit de la situation catastrophique, Fabius soutien plusieurs attaques des légions pompéiennes jusqu'à ce que le pont soit rétablis. C'est alors que César arrive enfin en Espagne et rejoint Fabius à la tête de 900 cavaliers... les seuls renforts qu'il ait !
Bataille d'Ilerda (Lerida)
Appeler Ilerda une bataille serait une insulte. César a pressé les Pompéiens, ils ont reculé... puis il les a encerclé... ils ont déposé les armes. C'est ainsi que 50 000 hommes se sont rendus sans combattre devant une force de 37 000 hommes. Pourquoi ? La nuit venue, César envoyait ses légionnaires fraterniser avec ceux du camps d'en face. On imagine sans peine la conversation. Césarien : " Dis-moi, légionnaire pourquoi te bats-tu ?" Pompéien : " Pour Rome, la république et le peuple romain". Césarien : " Rome a ouvert les portes à César, c'est Pompée qui a fuit l'Italie et c'est Pompée qui a déclenché cette guerre. La république ? Laquelle ? Celle du peuple romain ? Mais c'est nous les Populares, le peuple romain. Tu veux vraiment te battre pour les sénateurs Optimates qui ont fuit Rome dès que César a été annoncé ? Des gens qui te méprisent au point de chasser les tribuns du peuple sous les insultes ? ". Pompéien : " ben... vu comme ça".
De manière intéressante, la version donnée dans la guerre civile est valeureuse, épique avec une "situation difficile"..; sauf qu'il a d'autres historiens pour raconter l'affrontement. Et oui contrairement à la Guerre des gaules, il y a des témoins qui racontent le conflit et ils ne sont pas tous favorables à César. Note : cela met en perspective la Guerre des Gaules et vous comprenez à présent pourquoi je vous ai toujours dis de prendre les textes de César avec des pincettes.
En tout cas, César - qui ne désire pas s'encombrer de légionnaires qui désirent si peu se battre - dissous les légions ex-pompéiens et marche vers le sud de l'Espagne.
Bataille navale au large de Marseille.
Pendant ce temps, les Marseillais ont construit dix-sept galères et font une sortie pour rompre le blocus. Ils affrontent Decimus Junius Brutus (le vainqueur des Vénètes) et ce dernier remporte une nouvelle victoire navale. Le comble, c'est à qu'à part quelques officiers et barreurs qui avaient faits la guerre des gaules, les équipages des navires césariens, étaient des montagnards ignorant jusqu'aux termes de marine ! Il est plus qu’humiliant qu'une telle telle flotte en infériorité numérique ( 12 galères césariennes avec un équipage "normal" contre 17 galères pompéiennes "remplies d'archers"). Pourquoi ? Alors que les Marseillais manœuvraient et criblaient de flèches les vaisseaux césariens, Brutus à donner un ordre que même ses pseudo-marins comprirent parfaitement : " à l'abordage"... et face aux légionnaires en cotte de maille, les archers grecs torse nus (de manière méprisante César les appelles "pâtres" dans le texte de la Guerre Civile) furent facilement taillés en pièces.
Poursuite du siège
En dépit de la victoire navale, la résistance des Marseillais st féroce, ils ont un grand nombre de balistes et des quantités phénoménales de traits "des perches de douze pieds de long armés de fer par le bout" envoyées avec une telle puissance qu’elles peuvent traverser trois claies d’osier (utilisés comme pare-flèches par les sapeurs) et s'enfoncer profondément dans le sol.
Ammien Marcellin a écrit:La baliste : On ajuste une grande pièce de fer solide allongée à la manière d’une longue règle, entre deux petites traverses. De sa gouttière arrondie, que dispose en son centre une technique raffinée, se détache assez longuement une tige de section carrée, creusée en ligne droite d’une étroite rainure, et reliée à cette corde de multiple torons en boyaux qui se tordent. Deux cabestans en bois lui sont très exactement adaptés ; près de l’un d’eux se tient un servant pointeur, qui maintient dans la rainure du timon une flèche de bois armée d’une grosse pointe. Ceci fait, de part et d’autre, de jeunes soldats robustes font tourner énergiquement la manivelle du treuil. Quand le bout de la pointe est parvenue au point extrême de tension des cordes, la flèche est décochée par un déclenchement interne de la machine s’envole hors de la vue de la baliste. Il arrive que son échauffement extrême lui fasse lancer des étincelles et que, bien souvent, avant d’avoir aperçu le projectile, on en sente douloureusement la mortelle atteinte.
Quant au scorpion, appelé maintenant « onagre », en voici la structure. On taille deux pièces de chêne ou d’yeuse, on les incurve légèrement pour qu’elles présentent une saillie pareille à une bosse, on les assemble comme pour fabriquer une scie à châssis, et l’on y creuse de chaque côté de très larges trous ; on attache entre ces barres, en les faisant passer par leurs orifices, des cordes solides qui maintiennent ce bâti pour l’empêcher de se disloquer brutalement. Du milieu de ces câbles, une tige de bois se dresse en biais, levée tout droit à la manière d’un timon d’attelage, on l’assujettit étroitement par des boyaux noueux, mais de telle sorte qui l’on puisse la relever et l’abaisser, et l’on adapte à son extrémité des crochets en fer auxquels est suspendue une fronde en courroie tressées ou en fer. Devant cette armature de bois, on étend par terre une énorme banquette : un sac en poil de chèvre, bourrée de menue paille, puissamment amarré et reposant sur des mottes de gazon entassées ou des remblais en briques. Car si l’on dispose une énorme machine de guerre de ce genre sur un mur de pierre, elle est capable de disloquer tout ce qu’elle rencontre sous elle, non point par son poids, mais par la violence du choc. Quand le moment de l’engagement est donc venu, on pose un boulet de pierre sur la fronde, quatre jeunes soldats, de chaque côté, tendent vers l’arrière les barres dans lesquelles sont engagées les cordes, et incline ainsi la tige, presque jusqu’à la coucher au sol. C’est seulement à ce moment que l’officier qui se tient en haut, près de l’engin, déclenche d’un coup de mailloche la gâchette qui tient bandée toute la machine : par suite, la tige, libérée brutalement par ce coup, amortit sa course sur le sac en poil de chèvre qu’elle vient heurter, et projette le boulet de pierre avec une force qui lui fera broyer tout ce qu’elle rencontrera. On appelle cette machine tormentum, du fait que toute sa détente s’opère par torsion ; et scorpion, parce qu’elle a un aiguillon dressé au dessus d’elle ; le nom d’onagre, que tout récemment on lui a aussi donné, vient de ce que les ânes sauvages, quand on les chasse à courre, projettent au loin, par leurs ruades, des pierres derrière eux, jusqu’à transpercer la poitrine de leurs poursuivants, ou même à leur faire éclater la crâne en leur broyant les os. » (Ammien Marcellin, Hist. XXIII, IV, 1-7)
Note : la description date de 363 et on ne sait que peu de choses sur l'évolution du scorpion (la baliste romaine)
Vitruve a écrit:Les lanceurs de traits (oxybèles en grec) sont des catapultes dont le terme générique est scorpion.
Les lanceurs de boulets (lithoboles en grec) sont regroupés sous le terme générique de baliste
Note : Vitruve est un contemporain de César mais... ses descriptions sont courtes.
La difficulté du siège vient en premier lieu que la ville est pratiquement entourée d'eau sur trois côtés. Et que les architectes de la défense ont pourvue la partie connectée à la terre d'une imposante muraille et de défenses tout aussi impressionnante, dont une acropole fortifiée.
Comme toujours cela n'empêche pas les Romains de se livrer à... un travail de romains. deux tours de sièges ont été construites, les fossés ont été comblés de fascines et... une agger (une terrasse de siège, comme à Avaricum)
Seconde bataille navale
L. Nassidius, envoyé par C. Pompée, arrive en renfort avec dix-sept galères pour briser le siège. Mis au courant de la manœuvre, apparaissent les huit galères a avoir survécu à la précédente bataille, plus d'autres tirés de leurs arsenaux ainsi que des machines de guerre, et même des barques de pêcheurs remplis de soldats et s'intercalant entre les grands navires pour les protéger de tout nouvel abordage ! Sortie à son tour du port de Marseille, cette force cingle donc vers Brutus qui se trouve attaqué des deux côtés.
Dans la ville et autour de celle-ci tous s'arrêtent de combattre. Les femmes et les enfants montent sur les remparts pour assister au combat. Tous savent que le moment critique du siège vient d'arriver. Les deux camps réunis face à la mer acclament leur flotte.
César a écrit:Seconde bataille navale (2,4-7)
[2,4) (1) Les Marseillais, depuis leur premier échec, avaient remplacé les vaisseaux perdus par un même nombre de vieilles galères, tirées de leur arsenal, radoubées et armées avec beaucoup de soin; ni les rameurs ni les pilotes ne leur manquaient. (2) Ils y avaient ajouté des barques de pêcheurs, qu'ils avaient couvertes pour que les rameurs fussent à l'abri du trait, et remplies d'archers et de machines. (3) Leur flotte ainsi équipée, encouragés par les prières et les larmes des vieillards, des mères de famille, des jeunes filles, qui les conjurent de sauver leur patrie dans cette extrémité, ils montent sur les vaisseaux avec la même résolution et la même assurance qu'ils avaient montrées dans le combat précédent. (4) Car telle est la faiblesse humaine, que les choses que nous n'avons jamais vues, qui nous sont nouvelles, inconnues, nous inspirent ou plus de confiance ou plus d'effroi; c'est ce qui eut lieu alors. L'arrivée de L. Nasidius avait rempli les esprits d'espérance et de bonne volonté. (5) Secondés par un vent favorable, ils sortent du port et joignent Nasidius à Tauroentum, château qui appartient aux Marseillais. Là ils disposent leurs vaisseaux, se concertent ensemble, et se confirment dans la résolution de combattre. L'aile droite est donnée aux Marseillais, la gauche à Nasidius.
[2,5] (1) Brutus va à leur rencontre avec sa flotte augmentée de plusieurs vaisseaux; car aux galères construites à Arles d'après l'ordre de César, il en avait ajouté six prises sur les Marseillais. Il avait employé les jours précédents à les remettre en état et à les équiper. (2) Ayant donc exhorté les siens à mépriser, après sa défaite, un ennemi qu'ils avaient vaincu lorsqu'il avait toutes ses forces, il marche contre eux plein d'espoir et de résolution. (3) Il était facile, du camp de Trébonius et de toutes les hauteurs, de voir, dans la ville, toute la jeunesse qui était restée, les vieillards, les femmes, les enfants, les gardes de la cité, lever leurs mains au ciel du haut des murailles, ou courir aux temples des dieux, et, prosternés devant leurs images, leur demander la victoire: (4) car personne, parmi eux ne doutait que ce jour-là ne dût décider de leur sort. (5) Les jeunes gens les plus distingués et les personnages les plus considérables, sans distinction d'âge, avaient été sommés et conjurés chacun nommément de monter sur les vaisseaux. Ainsi, en cas de revers, ils se trouvaient sans ressources; vainqueurs, ils comptaient sauver la ville tant par leurs propres forces que par les secours qui leur viendraient du dehors.
[2,6] (1) Le combat engagé, les Marseillais déployèrent la plus grande valeur. Le souvenir des exhortations qu'ils venaient d'entendre les animaient tellement au combat qu'à les voir on les eût crus persuadés qu'ils n'avaient plus que ce moment pour leur défense, et que ceux qui périraient dans l'action ne précéderaient que de peu d'instants le reste de leurs concitoyens qui devaient subir le même sort, si la ville était prise. (2) Nos vaisseaux s'étant peu à peu séparés, l'ennemi put mettre à profit l'habileté de ses pilotes et l'agilité de ses navires; si parfois nous trouvions le moyen d'en saisir un avec les mains de fer, tous les autres accouraient à son secours. (3) Réunis aux Albiques, ils se battaient de près volontiers et ne le cédaient pas de beaucoup aux nôtres en valeur; en même temps, de leurs moindres vaisseaux ils nous lançaient sans cesse une grêle de traits par lesquels nos soldats inattentifs ou occupés ailleurs, étaient surpris et blessés. (4) Deux de leurs trirèmes, apercevant celle que montait D. Brutus, qu'il était aisé de reconnaître à son pavillon, s'élancèrent de deux côtés sur elle; mais les ayant remarquées, Brutus fit marcher son vaisseau avec tant de rapidité qu'en un clin d'œil il eut pris les devants. (5) Ces deux galères se heurtèrent si violemment qu'elles en furent très endommagées; l'une d'elles brisa son éperon et fut toute fracassée. Alors quelques vaisseaux de la flotte de Brutus, qui n'étaient pas loin de là, s'apercevant de leur désastre, courent sur elles et les ont bientôt coulées à fond.
[2,7] (1) Quant aux vaisseaux de Nasidius, ils ne furent d'aucun secours et ne tardèrent pas à se retirer du combat. Ni la vue de la patrie, ni les instances de leurs proches n'animaient ces hommes à braver le péril et la mort; (2) aussi aucun de leurs vaisseaux ne périt. Pour les Marseillais, ils eurent cinq galères coulées à fond; quatre furent prises; une s'enfuit avec les vaisseaux de Nasidius et gagna avec eux l'Espagne citérieure. (3) Une de celles qui restaient aux vaincus fut dépêchée à Marseille pour y porter la nouvelle du désastre. Comme elle approchait de la ville, les habitants se précipitèrent en foule à sa rencontre pour savoir ce qui s'était passé: quand ils surent l'événement, ils furent saisis d'une telle douleur qu'on eût dit que la ville était déjà prise. Toutefois les Marseillais n'en mirent pas moins d'ardeur à tout préparer pour la défense.
Poursuite du siège
Les Césariens construisent une tour de brique contre une partie du mur plus basse que ses voisines et qui constitue un point faible des remparts. Ils édifient ensuite une galerie couverte pour attaquer la base des remparts. Les Marseillais lèvent grâce à un ensemble de poulies d'énorme quartiers de rocs qu'ils font retomber sur l'ouvrage qui... résiste ! Finalement, il leur faut une sortie ( que César qualifie de "traîtrise" ! ( 1) ) pour incendier l'ouvrage.
Capitulation de l'Espagne et de Marseille
Après cette succession de désastres militaires, les Pompéiens ne peuvent que déposer les armes. Varron en Espagne est à présent largement dépassé en nombre par les armées de César (2), tandis qu'à Marseille, le siège s'est révélé impossible à lever. Les défaites consommées en Espagne et à Marseille, César tourne son intérêt vers l'Afrique (Tunisie actuelle) où Caton d'Utique lève une armée Pompéienne.
Uchronie ?
Voyons voir... les légionnaires d'Espagne décident soudain qu'ils veulent se battre pour Pompée et Aristocrates... m'ouais, c'est crédible ? Non, et je doute qu'un légionnaire bourré à mort soit capable d'affronter les vétérans de César.
(1)
César a écrit:Mais nos ennemis perfides, méditant une trahison, ne cherchaient que le temps et l'occasion de l'accomplir. Après un intervalle de quelques jours, les esprits étant calmes et sans défiance, tout à coup, sur le midi, tandis que les uns s'étaient éloignés, que les autres, fatigués du travail, dormaient dans les ouvrages, et que toutes les armes étaient posées et couvertes, ils font une sortie, et, à la faveur d'un vent violent, mettent le feu à nos travaux. (2) Le vent pousse la flamme à tel point, qu'en un instant la terrasse, les mantelets, la tortue, la tour, les machines sont embrasés: tout fut consumé avant qu'on en pût savoir la cause. (3) Les nôtres, frappés d'un malheur si subit, prennent les armes qui leur tombent sous la main; plusieurs sortent du camp; ils courent sur l'ennemi; mais les traits lancés du haut des murs, les empêchent de poursuivre les fuyards. (4) Ceux-ci se retirent donc sous les murailles, et de là ils brûlent à loisir et la galerie et la tour de brique. Ainsi, par la trahison des assiégés et par la violence du vent, nous vîmes périr en un instant le travail de plusieurs mois.
Il faudra m'expliquer où il y a "perfidie" et "trahison" dans une sortie d'assiégés ? On dirait le commandant Sylvestre du journal des Guignols " Quoi les Irakiens ripostent ? Mais c'est pas du jeu, c'est nous qui devons gagné, c'est dans le scénario du film qui est déjà en tournage à Hollywwod" Mais César est très mesquin quant il s'agit des Marseillais. Les Albiques sont des "sauvages", les Grecs des "pâtres". Visiblement César ne leur pardonne pas d'avoir plaidé la neutralité devant lui tout en mettant la ville à défense avec l'aide de Pompée.
(2) Aussi parce qu’une légion entière a "déserté" en bon ordre, emmenant même ses enseignes pour s'établir dans une ville neutre où les habitants leur ont ouvert leurs propres maison et de bonne grâce pour loger tous les légionnaires. Il y en a vraiment qui ont envie de se battre pour Pompée ! Dans la Guerre Civile, César vante sans cesse "l'amour" que lui portent les Italiens, les Espagnols qui ouvrent les portes des villes, refusent de combattre pour Pompée mais... quand on lit entre les lignes on s'aperçoit que les légionnaires qui refusent de se battre pour Pompée ne courent pas non plus rejoindre César. Encore une fois, ce qui domine, c'est le manque d'enthousiasme pour la Guerre Civile. Il faut dire qu'entre la Guerre sociale, la première guerre civile et le révolte de Spartacus (qui est en fait la quatrième guerre servile !), Rome vient de passer près de cinquante ans en état de guerre civile.
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Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots. William Faulkner
Anaxagore- Messages : 2228
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Re: Uchronies romaines
Y'a du boulot. Bravo....
Berold- Messages : 136
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Re: Uchronies romaines
Les Sources du Nil.
En 60 de notre ère, dans sa folie des grandeurs Néron l’Empereur de toute l’Europe Occidentale veut conquérir l’Afrique Orientale. Pour ce faire il convoque Burus, le chef de ses Prétoriens, et Sénèque son précepteur et confident. Les trois hommes évoquent la possibilité de relancer l’économie impériale par une nouvelle extension de la sphère de prospérité romaine.
Là où Alexandre, Cambise et César ont échoué, Néron lui veut réussir à prendre possession de l’Ethiopie où se trouve la source du grand fleuve : le Nil. Néron veut à tout prix prendre possession de l’Afrique Orientale car en dominant cette partie du monde l’Empire Romain aura une porte d’accès directe pour commercer par la mer avec l’Inde et la lointaine Asie, sans passer par l’intermédiaire des tribus nomades Arabes qui convoient les marchandises à prix d’or à travers le Moyen-Orient. La voie de la conquête passe par le cours du Nil qui reste le chemin privilégié pour s’enfoncer en pays hostile. En 3000 ans les Rois d’Égypte n’ont jamais pu conquérir l’Éthiopie, et ni Hérodote ou Ératosthène n’ont pu expliquer les causes et les raisons des crues du Nil. On pense alors que c’est la chaleur du soleil qui fait monter les eaux, ou que se sont les vents du Nord qui font déborder le fleuve.
Burus demande des volontaires pour partir à l’aventure en terre sauvage. Un Prétorien, le Centurion Caïus, décide de monter l’expédition qui doit mener aux sources du Nil. Il rassemble cartes et témoignages pour mettre en œuvre son plan d’action. Néron lui alloue une cohorte de Prétoriens composées de 400 fantassins et de 100 cavaliers. En dehors de la perspective d’une grande conquête, la motivation première de Caïus est de quitter Rome où les complots et les tueries qui tournent autour de la personne de l’Empereur pourrissent l’atmosphère de la capitale du Monde Méditerranéen.
C’est donc en Egypte en Mai 61, à Alexandrie le second port commercial de la Méditerranée où l’on parle le Grec, que débarquent les troupes du Centurion Caïus. La cohorte caserne dans le camp de la vingt-deuxième légion romaine. Dans la grande cité Égyptienne le Centurion retrouve un de ses vieux amis qui a pignon sur rue : Marcus Papyrus Rufus. C’est un ancien légionnaire qui est devenu détaillant en vins et s’est installé en terre conquise. Rufus trafique un peu dans tous les ports, et on le connait dans les tavernes sous le nom de Pyrrhos-le-Roux. Caïus expose son plan d’expédition à son ami de jeunesse.
Rufus décide de se joindre à la cohorte avec une compagnie de mercenaires à sa solde. Il y voit l’opportunité d’ouvrir le premier de nouvelles routes commerciales. Officiellement il servira de guide aux romains. Il va être aidé en cela par son esclave borgne du nom de Cyclope. Ce dernier est né en amont de l’île de Méroé, là où ni les grecs ni les romains ne sont jamais allés. Il sait qu’il y six cataractes à passer, et il connait les dangers du désert. Mais après pour lui c’est l’inconnu et le pays des hommes noirs.
Rufus, lui, a appris par rumeur de taverne qu’il y aurait deux mois de navigation en hautes eaux sur le Nil depuis Alexandrie, après personne ne sait rien.
Le quinzième jour avant les calendes du mois d’août (18 juillet) l’expédition prend le départ. Hommes et chevaux embarquent dans des bateaux à fond plat. En plus des soldats un Tribun représentant officiellement l’Empire, des géographes et plusieurs porteurs accompagnent la troupe. La navigation sur le fleuve est paisible et une semaine après son départ la cohorte arrive à Syène où grondent les eaux tumultueuses de la première cataracte. Il faut douze jours d’effort aux Romains pour franchir le 10 Kms de rapides en halant leurs 8 navires des deux côtés de la rive. Ceux-ci sont tirer et poussés sur la terre ferme.
Les romains découvrent ainsi le site d’Abou-Simbel, le temple édifié par Ramsès II. A Ouadi-Halfa la troupe de Caïus doit passer les redoutables chutes d’eau de la deuxième cataracte.
A partir de là commence le désert et il y a encore 20 Kms de rapides à franchir sous une chaleur écrasante.
Après la deuxième passe franchi dans les mêmes conditions que la première les romains reprennent leur navigation. Ils sont alors attaqués par des nomades depuis les bords du fleuve. Les Bédouins les harcèlent de flèches. Les pillards du désert sont repoussés avec difficulté lors de débarquement qu’imposent les haltes pour refaire les provisions en eau en “pays hostile“. Pour ce faire les Romains se mettent en ordre de bataille, comme pour une attaque classique, et chargent au pas de course leurs adversaires.
Les Bédouins très mobiles sur leurs chevaux arabes leurs échappent toujours sans engager le combat. Pour faire face à la menace qui devient quasi permanente Caïus décide de ne garder que deux bateaux : les quatre centuries et tous les cavaliers longeront dorénavant le fleuve pour maintenir la sécurité des vivres contenus dans les embarcations. Bien qu’ils soient en plein soleil les hommes ne souffrent pas de la chaleur : le fleuve leurs apporte toute l’eau voulue.
Sur les rives du Nil beaucoup de soldats meurent à cause des morsures de serpents (Dipsade) qui pullulent, et lors des embuscades tendues par les nomades. Pour remédier à cela Rufus prend le commandement d’un groupe de soldats et avec une poignée de cavaliers il part à la poursuite des pillards du désert. Mais dans cette immensité de sable où trouver l’ennemi ? L’opération sans grand résultat militaire a néanmoins pour effet d’éloigner les Bédouins, et sur le Nil la navigation continue paisiblement.
Les romains passent la troisième cataracte sans plus de problème et à la quatrième chute d’eau ils parviennent à la ville de Tergedus à 80 milles en amont du site de Napata. 1 Mille romain est égal à 1472 m. La ville est un poste frontière où Egyptiens, marchands Grecs et romains commercent avec les caravaniers bédouins et Soudanais les denrées rares qui viennent du cœur de l’Afrique Noire.
Rufus et son groupe de cavaliers, sans déserter ouvertement, quitte alors les rives du Nil. Le commerçant a fait miroiter aux soldats que s’ils trouvent un, ou le campement des bédouins ils pourront s’emparer de leurs richesses. C’est donc sous le couvert d’opérations de “représailles-pillage“ lucratives contre les nomades que les cavaliers partent à l’aventure en plein désert.
Caïus reprend sa marche le long du fleuve pourvu de provisions. La troupe est reposée et repart à la conquête de l’Afrique. Toujours selon le même principe : les soldats marchent sur les rives couvrant ainsi la navigation des bateau sur le fleuve. Cependant aucune attaque n’a lieu de la part des nomades.
Le groupe des cavaliers de Rufus le tiendrait il à distance ? Au coude du Nil à Abou-hamed, à 587 milles de Syène, les géographes romains déchiffrent des hiéroglyphes : “Tout Nubien qui viole cette frontière aura la tête coupée. Son bétail périra, il mourra sans enfant“.
Pour Caïus c’est la preuve que des Egyptiens sont venus en des temps reculés jusqu’ici. Au détour d’un méandre les éclaireurs romains découvrent un village. Le chef parle Grec. Son grand-père était romain. Il était venu ici avec les troupes de Pétronius, le Préfet de l’Egypte lors de l’expédition de Rome contre l’Éthiopie en 24 avant J-C. selon le chef du village le fleuve est trop bas pour que les romains poursuivent leur périple par la voie de s eaux. Mais le Tribun et Préfet de l’expédition qui accompagne Caïus en décide autrement. Il est vrai que lui descend le fleuve sur l’un des bateaux avec tout le confort possible du à son rang. Les romains repartent de plus bel vers l’inconnu.
A la cinquième cataracte, comme l’avait prévu le chef du village, arrive une catastrophe : les bateaux naviguant sur les eaux du fleuve trop basses sont pris par surprise au détour d’un coude dans les rapides en furie. Les embarcations brayées par les flots coulent à pic avec les vivres qu’elles contenaient.
Le Préfet s’en sort indemne. La colonne reprend alors sa route vers le Sud sous un soleil de plomb affamée et le ventre creux. Quoi qu’il en coûte pour Caïus l’expédition doit se poursuivre le long du fleuve au beau milieu du désert pour la grandeur de Rome.
Les efforts de la troupe sont bientôt récompensés : les rives du Nil commencent à se couvrir de broussailles puis de hautes herbes. Les Romains sortent du désert et se mettent à chasser tout se qu’ils trouvent. La cohorte tout en suivant le cours du Nil s’enfonce dans la savane et découvre l’Afrique, son exotisme et ses dangers : les éléphants et les lions. Le fleuve commence alors à s’élargir et une terre se dessine au milieu de ses eaux : c’est l’île de Méroé. La colonne impériale, qui se déplace dans la brousse ne passe pas inaperçu. Des guetteurs africains vont faire leur rapport à leurs maîtres qui ne voient pas d’un bon œil leur terre ainsi “envahie“. Les Romains se mettent en charge de trouver du bois pour construire des bateaux pour atteindre l’île.
Une armée Éthiopienne venue à la rencontre des Romains leur barre la route. L’élite des soldats de Rome ne se fait pas prier, et même affaiblie, engage aussitôt le combat à la surprise de leurs adversaires. Les Romains se forment en position de combat et manœuvrent les Éthiopiens. Il en résulte que les Africains sont taillés en pièces au cours d’un combat sanglant.
Caïus fait poursuivre les ennemis, découvre plusieurs villages et s’en empare. Quelques jours plus tard l’émissaire de la Reine Candace de Méroé qui parle Latin vient négocier la paix. Escortés par les soldats Éthiopiens la cohorte fait une entrée remarquée dans la capitale de l’Afrique Orientale. Une troupe de soldats blancs vient à la rencontre des Romains : Ô surprise, Rufus et ses hommes les accueillent au milieu des indigènes.
Les deux chefs Romains sont conviés par la Reine Candace dans son palais. Caïus soupçonne son “ami“ d’avoir voulu mener sa propre expédition pour son seul profit. Le centurion rend les hommages à la Reine et un Concile a lieu avec les géographes, le Préfet et les conseillers de la Reine où les Romains expliquent le but de leur venue : ouvrir des comptoirs pour commercer avec l’Inde.
En ce sens l’Éthiopie pourrait devenir un état client de Rome. En soirée un somptueux banquet est donné en l’honneur de la cohorte où Caïus et Rufus se réconcilient. Rufus explique à son compagnon que lui et sa troupe ont poursuivi les pillards dans le désert, qu’ils s’y sont égarés, et qu’ils ont erré ainsi plusieurs jours jusqu’aux limites de la jungle. S’y enfonçant ils sont arrivé jusqu’ici et se sont fait passés pour un méhari de commerçants.
La Reine de Méroé ne tient pas à entrer en conflit avec Rome, et recherche même à se concilier le Centurion Caïus. Elle fournit donc à la cohorte une escorte militaire pour conquérir les terres de ses ennemis au confluent du “Nil Blanc“ et du “Bahr-El-Ghazal“ : une terre d’immenses marais dont personne ne connait l’issue, où la végétation se transforme en jungle insondable et où les sangsues pullulent. L’expédition pénètre donc dans ce labyrinthe forestier. Les géographes notent en détail tout le chemin parcouru.
La moiteur et la terre spongieuse rendent la progression difficile. Cyclope, l’esclave de Rufus, en profite pour s’éclipser et “rejoindre“ les siens. Les Romains vont toujours plus loin vers le Sud et traversent de nombreux villages où ils se ravitaillent et où les Ethiopiens affirment leur autorité. Dans les marécages la troupe finit par s’égarer : les hommes meurent de dysenterie, de morsures de serpents et de l’infection des plaies mal soignées. Pour l’anecdote le Préfet accompagnant les soldats meure tué par un hippopotame qui charge la troupe.
Caïus décide de continuer toujours plus loin pour trouver la source du Nil et surtout une sortie à ce méandre de liane et de sables mouvants. Après plusieurs semaines passés dans les marais les Légionnaires trempés, dévorés par les insectes, sans vivres et à bout de force commencent à gronder. Rufus conseille à son ami de faire demi-tour afin d’éviter une mutinerie. Par chance, entre deux rochers, un éclaireur trouve une source. Ce n’est pas le Nil, mais les Romains s’en contenteront. Caïus décide que c’est la “Source“ tant convoitée et après en avoir pris toute les coordonnées cartographiques le Centurion annonce à la troupe que leur mission est accomplie. Les hommes de troupe sont de nouveau motivés, et grâce à la discipline de fer qu’instaure Rufus les Romains refont sans encombre le chemin inverse.
En repassant par un village hostile la cohorte délivre plusieurs prisonniers dont le pauvre Cyclope que ses congénères avaient emprisonné en vue de le mettre à mort : après tant d’années d’absence il était à leurs yeux devenu un étranger.
Au printemps 63, une centaine de Soldats Romains font leur entrée dans Alexandrie. C’est tout ce qu’il reste de l’expédition Romaine qui, sur son retour, a du de nouveau combattre les nomades du désert, et supporter la faim et la chaleur. Caïus rentre à Rome un mois plus tard pour faire son rapport à l’Empereur. Il l’informe qu’il faudrait au moins 10 légions (60 000 hommes), soit la moitié de l’Armée Romaine, pour conquérir l’Éthiopie et sécuriser durablement le désert. Néron est vexé : il pensait conquérir l’Afrique avec une poignée de soldats. Ses rêves de débouchés sur la Mer Rouge Méridionale s’effondrent. Caïus est chassé de la cour. Il finira par rejoindre son ami Rufus. Sénèque consignera par écrits l’histoire de l’expédition pour en garder une trace.
Les Sources du Nil captiveront encore longtemps les Européens, et pendant 18 siècles aucun explorateur Occidental ne pénètrera plus loin au Sud que les troupes de Néron. Le 21 avril 1618 le Père Paez, un missionnaire, croit avoir trouvé les Sources du Nil dans la même région que Caïus. Son erreur est démontrée en 1839 par une expédition Égyptienne commandée par Selim Ibrahim qui atteint le village de Bor sur le Nil Blanc, après avoir passé le “Sudd“ (les marais) où s’était perdue la cohorte Romaine.
En 1856, les Anglais Burton et Speke tentent à leur tour de trouver les Sources du Nil. Partis de l’île de Zanzibar ils atteignent le Tanganyika. L’île de Zanzibar et le Tanganyika forment aujourd’hui la Tanzanie. Speke est convaincu que le Lac Victoria est la source du Nil. Francis Burton est mandaté par la Reine pour trouver les origines du grand fleuve. Il recrute des porteurs en Afrique et la colonne des deux Anglais s’enfonce dans la savane puis la jungle. Burton tombe malade, et les porteurs désertent tous peu à peu l’expédition qui les conduit en terre inconnue. Speke continue seul son périple en terre hostile. Le 3 août 1858 il parvient au lac après avoir descendu le Nil. Il lui reste à prouver son hypothèse.
En 1862, Speke accompagné de l’explorateur Grant, son “copain“ sur le terrain comme à la ville, entreprend de démontrer ses dires en suivant le cours du fleuve qui sort depuis le Nord du Lac Victoria, pendant que Samuel et Florence Baker, un couple d’explorateurs, remontent le Nil vers le Sud. Leur rencontre a lieu le 15 février 1863 à Gondokoro. La preuve est faite. Il aura fallu 20 siècles pour résoudre l’énigme des Sources du Nil.
Et si l'empereur romain s'était lancé dans l"aventure africaine ? Un chemin terrestre ou maritime aurait-il vu le jour avec l'Inde ? la Chine ? Quelles relations seraient établies entre ces empires ? Les romains auraient-ils continué à descendre vers le Sud ? Auraint-ils rencontré les zoulous ?
En 60 de notre ère, dans sa folie des grandeurs Néron l’Empereur de toute l’Europe Occidentale veut conquérir l’Afrique Orientale. Pour ce faire il convoque Burus, le chef de ses Prétoriens, et Sénèque son précepteur et confident. Les trois hommes évoquent la possibilité de relancer l’économie impériale par une nouvelle extension de la sphère de prospérité romaine.
Là où Alexandre, Cambise et César ont échoué, Néron lui veut réussir à prendre possession de l’Ethiopie où se trouve la source du grand fleuve : le Nil. Néron veut à tout prix prendre possession de l’Afrique Orientale car en dominant cette partie du monde l’Empire Romain aura une porte d’accès directe pour commercer par la mer avec l’Inde et la lointaine Asie, sans passer par l’intermédiaire des tribus nomades Arabes qui convoient les marchandises à prix d’or à travers le Moyen-Orient. La voie de la conquête passe par le cours du Nil qui reste le chemin privilégié pour s’enfoncer en pays hostile. En 3000 ans les Rois d’Égypte n’ont jamais pu conquérir l’Éthiopie, et ni Hérodote ou Ératosthène n’ont pu expliquer les causes et les raisons des crues du Nil. On pense alors que c’est la chaleur du soleil qui fait monter les eaux, ou que se sont les vents du Nord qui font déborder le fleuve.
Burus demande des volontaires pour partir à l’aventure en terre sauvage. Un Prétorien, le Centurion Caïus, décide de monter l’expédition qui doit mener aux sources du Nil. Il rassemble cartes et témoignages pour mettre en œuvre son plan d’action. Néron lui alloue une cohorte de Prétoriens composées de 400 fantassins et de 100 cavaliers. En dehors de la perspective d’une grande conquête, la motivation première de Caïus est de quitter Rome où les complots et les tueries qui tournent autour de la personne de l’Empereur pourrissent l’atmosphère de la capitale du Monde Méditerranéen.
C’est donc en Egypte en Mai 61, à Alexandrie le second port commercial de la Méditerranée où l’on parle le Grec, que débarquent les troupes du Centurion Caïus. La cohorte caserne dans le camp de la vingt-deuxième légion romaine. Dans la grande cité Égyptienne le Centurion retrouve un de ses vieux amis qui a pignon sur rue : Marcus Papyrus Rufus. C’est un ancien légionnaire qui est devenu détaillant en vins et s’est installé en terre conquise. Rufus trafique un peu dans tous les ports, et on le connait dans les tavernes sous le nom de Pyrrhos-le-Roux. Caïus expose son plan d’expédition à son ami de jeunesse.
Rufus décide de se joindre à la cohorte avec une compagnie de mercenaires à sa solde. Il y voit l’opportunité d’ouvrir le premier de nouvelles routes commerciales. Officiellement il servira de guide aux romains. Il va être aidé en cela par son esclave borgne du nom de Cyclope. Ce dernier est né en amont de l’île de Méroé, là où ni les grecs ni les romains ne sont jamais allés. Il sait qu’il y six cataractes à passer, et il connait les dangers du désert. Mais après pour lui c’est l’inconnu et le pays des hommes noirs.
Rufus, lui, a appris par rumeur de taverne qu’il y aurait deux mois de navigation en hautes eaux sur le Nil depuis Alexandrie, après personne ne sait rien.
Le quinzième jour avant les calendes du mois d’août (18 juillet) l’expédition prend le départ. Hommes et chevaux embarquent dans des bateaux à fond plat. En plus des soldats un Tribun représentant officiellement l’Empire, des géographes et plusieurs porteurs accompagnent la troupe. La navigation sur le fleuve est paisible et une semaine après son départ la cohorte arrive à Syène où grondent les eaux tumultueuses de la première cataracte. Il faut douze jours d’effort aux Romains pour franchir le 10 Kms de rapides en halant leurs 8 navires des deux côtés de la rive. Ceux-ci sont tirer et poussés sur la terre ferme.
Les romains découvrent ainsi le site d’Abou-Simbel, le temple édifié par Ramsès II. A Ouadi-Halfa la troupe de Caïus doit passer les redoutables chutes d’eau de la deuxième cataracte.
A partir de là commence le désert et il y a encore 20 Kms de rapides à franchir sous une chaleur écrasante.
Après la deuxième passe franchi dans les mêmes conditions que la première les romains reprennent leur navigation. Ils sont alors attaqués par des nomades depuis les bords du fleuve. Les Bédouins les harcèlent de flèches. Les pillards du désert sont repoussés avec difficulté lors de débarquement qu’imposent les haltes pour refaire les provisions en eau en “pays hostile“. Pour ce faire les Romains se mettent en ordre de bataille, comme pour une attaque classique, et chargent au pas de course leurs adversaires.
Les Bédouins très mobiles sur leurs chevaux arabes leurs échappent toujours sans engager le combat. Pour faire face à la menace qui devient quasi permanente Caïus décide de ne garder que deux bateaux : les quatre centuries et tous les cavaliers longeront dorénavant le fleuve pour maintenir la sécurité des vivres contenus dans les embarcations. Bien qu’ils soient en plein soleil les hommes ne souffrent pas de la chaleur : le fleuve leurs apporte toute l’eau voulue.
Sur les rives du Nil beaucoup de soldats meurent à cause des morsures de serpents (Dipsade) qui pullulent, et lors des embuscades tendues par les nomades. Pour remédier à cela Rufus prend le commandement d’un groupe de soldats et avec une poignée de cavaliers il part à la poursuite des pillards du désert. Mais dans cette immensité de sable où trouver l’ennemi ? L’opération sans grand résultat militaire a néanmoins pour effet d’éloigner les Bédouins, et sur le Nil la navigation continue paisiblement.
Les romains passent la troisième cataracte sans plus de problème et à la quatrième chute d’eau ils parviennent à la ville de Tergedus à 80 milles en amont du site de Napata. 1 Mille romain est égal à 1472 m. La ville est un poste frontière où Egyptiens, marchands Grecs et romains commercent avec les caravaniers bédouins et Soudanais les denrées rares qui viennent du cœur de l’Afrique Noire.
Rufus et son groupe de cavaliers, sans déserter ouvertement, quitte alors les rives du Nil. Le commerçant a fait miroiter aux soldats que s’ils trouvent un, ou le campement des bédouins ils pourront s’emparer de leurs richesses. C’est donc sous le couvert d’opérations de “représailles-pillage“ lucratives contre les nomades que les cavaliers partent à l’aventure en plein désert.
Caïus reprend sa marche le long du fleuve pourvu de provisions. La troupe est reposée et repart à la conquête de l’Afrique. Toujours selon le même principe : les soldats marchent sur les rives couvrant ainsi la navigation des bateau sur le fleuve. Cependant aucune attaque n’a lieu de la part des nomades.
Le groupe des cavaliers de Rufus le tiendrait il à distance ? Au coude du Nil à Abou-hamed, à 587 milles de Syène, les géographes romains déchiffrent des hiéroglyphes : “Tout Nubien qui viole cette frontière aura la tête coupée. Son bétail périra, il mourra sans enfant“.
Pour Caïus c’est la preuve que des Egyptiens sont venus en des temps reculés jusqu’ici. Au détour d’un méandre les éclaireurs romains découvrent un village. Le chef parle Grec. Son grand-père était romain. Il était venu ici avec les troupes de Pétronius, le Préfet de l’Egypte lors de l’expédition de Rome contre l’Éthiopie en 24 avant J-C. selon le chef du village le fleuve est trop bas pour que les romains poursuivent leur périple par la voie de s eaux. Mais le Tribun et Préfet de l’expédition qui accompagne Caïus en décide autrement. Il est vrai que lui descend le fleuve sur l’un des bateaux avec tout le confort possible du à son rang. Les romains repartent de plus bel vers l’inconnu.
A la cinquième cataracte, comme l’avait prévu le chef du village, arrive une catastrophe : les bateaux naviguant sur les eaux du fleuve trop basses sont pris par surprise au détour d’un coude dans les rapides en furie. Les embarcations brayées par les flots coulent à pic avec les vivres qu’elles contenaient.
Le Préfet s’en sort indemne. La colonne reprend alors sa route vers le Sud sous un soleil de plomb affamée et le ventre creux. Quoi qu’il en coûte pour Caïus l’expédition doit se poursuivre le long du fleuve au beau milieu du désert pour la grandeur de Rome.
Les efforts de la troupe sont bientôt récompensés : les rives du Nil commencent à se couvrir de broussailles puis de hautes herbes. Les Romains sortent du désert et se mettent à chasser tout se qu’ils trouvent. La cohorte tout en suivant le cours du Nil s’enfonce dans la savane et découvre l’Afrique, son exotisme et ses dangers : les éléphants et les lions. Le fleuve commence alors à s’élargir et une terre se dessine au milieu de ses eaux : c’est l’île de Méroé. La colonne impériale, qui se déplace dans la brousse ne passe pas inaperçu. Des guetteurs africains vont faire leur rapport à leurs maîtres qui ne voient pas d’un bon œil leur terre ainsi “envahie“. Les Romains se mettent en charge de trouver du bois pour construire des bateaux pour atteindre l’île.
Une armée Éthiopienne venue à la rencontre des Romains leur barre la route. L’élite des soldats de Rome ne se fait pas prier, et même affaiblie, engage aussitôt le combat à la surprise de leurs adversaires. Les Romains se forment en position de combat et manœuvrent les Éthiopiens. Il en résulte que les Africains sont taillés en pièces au cours d’un combat sanglant.
Caïus fait poursuivre les ennemis, découvre plusieurs villages et s’en empare. Quelques jours plus tard l’émissaire de la Reine Candace de Méroé qui parle Latin vient négocier la paix. Escortés par les soldats Éthiopiens la cohorte fait une entrée remarquée dans la capitale de l’Afrique Orientale. Une troupe de soldats blancs vient à la rencontre des Romains : Ô surprise, Rufus et ses hommes les accueillent au milieu des indigènes.
Les deux chefs Romains sont conviés par la Reine Candace dans son palais. Caïus soupçonne son “ami“ d’avoir voulu mener sa propre expédition pour son seul profit. Le centurion rend les hommages à la Reine et un Concile a lieu avec les géographes, le Préfet et les conseillers de la Reine où les Romains expliquent le but de leur venue : ouvrir des comptoirs pour commercer avec l’Inde.
En ce sens l’Éthiopie pourrait devenir un état client de Rome. En soirée un somptueux banquet est donné en l’honneur de la cohorte où Caïus et Rufus se réconcilient. Rufus explique à son compagnon que lui et sa troupe ont poursuivi les pillards dans le désert, qu’ils s’y sont égarés, et qu’ils ont erré ainsi plusieurs jours jusqu’aux limites de la jungle. S’y enfonçant ils sont arrivé jusqu’ici et se sont fait passés pour un méhari de commerçants.
La Reine de Méroé ne tient pas à entrer en conflit avec Rome, et recherche même à se concilier le Centurion Caïus. Elle fournit donc à la cohorte une escorte militaire pour conquérir les terres de ses ennemis au confluent du “Nil Blanc“ et du “Bahr-El-Ghazal“ : une terre d’immenses marais dont personne ne connait l’issue, où la végétation se transforme en jungle insondable et où les sangsues pullulent. L’expédition pénètre donc dans ce labyrinthe forestier. Les géographes notent en détail tout le chemin parcouru.
La moiteur et la terre spongieuse rendent la progression difficile. Cyclope, l’esclave de Rufus, en profite pour s’éclipser et “rejoindre“ les siens. Les Romains vont toujours plus loin vers le Sud et traversent de nombreux villages où ils se ravitaillent et où les Ethiopiens affirment leur autorité. Dans les marécages la troupe finit par s’égarer : les hommes meurent de dysenterie, de morsures de serpents et de l’infection des plaies mal soignées. Pour l’anecdote le Préfet accompagnant les soldats meure tué par un hippopotame qui charge la troupe.
Caïus décide de continuer toujours plus loin pour trouver la source du Nil et surtout une sortie à ce méandre de liane et de sables mouvants. Après plusieurs semaines passés dans les marais les Légionnaires trempés, dévorés par les insectes, sans vivres et à bout de force commencent à gronder. Rufus conseille à son ami de faire demi-tour afin d’éviter une mutinerie. Par chance, entre deux rochers, un éclaireur trouve une source. Ce n’est pas le Nil, mais les Romains s’en contenteront. Caïus décide que c’est la “Source“ tant convoitée et après en avoir pris toute les coordonnées cartographiques le Centurion annonce à la troupe que leur mission est accomplie. Les hommes de troupe sont de nouveau motivés, et grâce à la discipline de fer qu’instaure Rufus les Romains refont sans encombre le chemin inverse.
En repassant par un village hostile la cohorte délivre plusieurs prisonniers dont le pauvre Cyclope que ses congénères avaient emprisonné en vue de le mettre à mort : après tant d’années d’absence il était à leurs yeux devenu un étranger.
Au printemps 63, une centaine de Soldats Romains font leur entrée dans Alexandrie. C’est tout ce qu’il reste de l’expédition Romaine qui, sur son retour, a du de nouveau combattre les nomades du désert, et supporter la faim et la chaleur. Caïus rentre à Rome un mois plus tard pour faire son rapport à l’Empereur. Il l’informe qu’il faudrait au moins 10 légions (60 000 hommes), soit la moitié de l’Armée Romaine, pour conquérir l’Éthiopie et sécuriser durablement le désert. Néron est vexé : il pensait conquérir l’Afrique avec une poignée de soldats. Ses rêves de débouchés sur la Mer Rouge Méridionale s’effondrent. Caïus est chassé de la cour. Il finira par rejoindre son ami Rufus. Sénèque consignera par écrits l’histoire de l’expédition pour en garder une trace.
Les Sources du Nil captiveront encore longtemps les Européens, et pendant 18 siècles aucun explorateur Occidental ne pénètrera plus loin au Sud que les troupes de Néron. Le 21 avril 1618 le Père Paez, un missionnaire, croit avoir trouvé les Sources du Nil dans la même région que Caïus. Son erreur est démontrée en 1839 par une expédition Égyptienne commandée par Selim Ibrahim qui atteint le village de Bor sur le Nil Blanc, après avoir passé le “Sudd“ (les marais) où s’était perdue la cohorte Romaine.
En 1856, les Anglais Burton et Speke tentent à leur tour de trouver les Sources du Nil. Partis de l’île de Zanzibar ils atteignent le Tanganyika. L’île de Zanzibar et le Tanganyika forment aujourd’hui la Tanzanie. Speke est convaincu que le Lac Victoria est la source du Nil. Francis Burton est mandaté par la Reine pour trouver les origines du grand fleuve. Il recrute des porteurs en Afrique et la colonne des deux Anglais s’enfonce dans la savane puis la jungle. Burton tombe malade, et les porteurs désertent tous peu à peu l’expédition qui les conduit en terre inconnue. Speke continue seul son périple en terre hostile. Le 3 août 1858 il parvient au lac après avoir descendu le Nil. Il lui reste à prouver son hypothèse.
En 1862, Speke accompagné de l’explorateur Grant, son “copain“ sur le terrain comme à la ville, entreprend de démontrer ses dires en suivant le cours du fleuve qui sort depuis le Nord du Lac Victoria, pendant que Samuel et Florence Baker, un couple d’explorateurs, remontent le Nil vers le Sud. Leur rencontre a lieu le 15 février 1863 à Gondokoro. La preuve est faite. Il aura fallu 20 siècles pour résoudre l’énigme des Sources du Nil.
Et si l'empereur romain s'était lancé dans l"aventure africaine ? Un chemin terrestre ou maritime aurait-il vu le jour avec l'Inde ? la Chine ? Quelles relations seraient établies entre ces empires ? Les romains auraient-ils continué à descendre vers le Sud ? Auraint-ils rencontré les zoulous ?
Berold- Messages : 136
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Re: Uchronies romaines
Berold a écrit:Y'a du boulot. Bravo....
Une vie littéralement. Le salaire des légionnaires, par exemple est une question que j'ai posée à mon prof de latin... en quatrième. Il y a trente ans de ça.
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Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots. William Faulkner
Anaxagore- Messages : 2228
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Re: Uchronies romaines
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Re: Uchronies romaines
Curion en Afrique
Alors que César regagne Rome après sa victoire en Espagne, un de ses légats, appelé Caïus Scribonius Curion, débarque dans la province d'Afrique. Celle-ci correspond plus ou moins à la Tunisie Actuelle et est gouvernée depuis Utique. Bien qu'il n'ait que deux légions ( d'après César) , il se sent sûr de sa victoire car il méprise Varus - le chef Pompéien- et le roi numide Juba Il faut dire que Curion est un personnage à part... Pompéien de la première heure , ce démagogue charmant et orateur aimé du peuple réussit à ce faire élire tribun de la plèbe où il prend des mesures populaires... en faveur de César car ce dernier a remboursé ses dettes. Lorsque Marc Antoine lui succède à son poste de tribun de la Plèbe, il rejoint César en Gaule et l'accompagnera ensuite fidèlement. Le regard des historiens modernes sur Curion est sans nuance : sympathique, brillant, capable de s'attirer par sa verve de nombreux soutien... c'est en fait un homme amoral et sans scrupule qui depuis des années veut que Rome annexe la Numidie. de plus, il est viscéralement incapable de monter des plans à long terme... et oui, tous les lieutenants de César ne sont pas digne de lui. Cela dit, les modernes oublient étrangement la victoire militaire de Curion à Inguvium et sa conquête de la Sicile.
Pourquoi cette attaque de la province d'Afrique ? La raison est double. D'une part, César veut s'emparer du blé de cette province, nécessaire pour éviter des émeutes. De l'autre, les ports d’Afrique sont bien placés pour attaquer tous les navires de commerce qui se rendraient à Rome. Or, le premier fournisseur de blé de Rome... est le royaume des Ptolémée en Egypte (neutre) et ils ravitaillent Rome par mer... Ce qui nous ramène au problème précédent. Les Pompéiens par ces deux facteurs, exercent un quasi-contrôle de l'opinion publique à Rome.
Les forces de Varus sont théoriquement égales à celles de Curion : deux légions . Toutefois, elles sont dans une position défensive. L'une est à Utique, l'autre à Hadrumète. Deux cités fortifiés que Varus a renforcé par des travaux. Il dispose aussi d'une dizaine de galères à Clupea. A cette force, il faut rajouter les troupes de Juba qui ont été estimées à l'équivalent de deux légions, avec une élite de deux mille mercenaires espagnols et gaulois, ainsi que 60 éléphants, et une cavalerie nombreuse au talent reconnu. Son infanterie se montrera par la suite tout à la fois bien équipée, disciplinée et courageuses, tout à fait capable d'affronter victorieusement les Romains.
Il s'agit donc là de forces considérables et l'arrogance de Curion, qui méprise Varus et qui tient Juba 1er pour quantité négligeable, est fort malvenue. Surtout qu'au temps où il était tribun de la plèbe, Curion avait proposé d'annexer le royaume des Numides, s'attirant une haine féroce de la part du roi. Ce dernier a également été humilié en public par César qui lui a tiré la barbe devant le sénat romain en - 67.
Reste la population locale. Que pensaient les habitants de César et de Pompée ? Dans le de bello civilii, César prétends (bien sûr) qu’elle lui est favorable. Toutefois, Appiens - au contraire- indique que les habitants d'Utique auraient empoissonnées les puits du Castra Cornellia (fort romain construit par Scipion Emillien pendant la Troisième Guerre Punique et qui surplombait Utique, Varus avait choisi de l'abandonner pour ne pas diviser ses forces).
Toutes ces raisons font que l'on ne peut douter de l'arrogance de Curion (César la souligne lui-même dans le De bello civilli ) qui attaque avec désinvolture une force par deux fois supérieure et occupant d'excellentes positions défensives !
La bataille de Bagradas
Sur le site d’une célèbre bataille de la guerre des mercenaires et d'une victoire d'Hamilcar Barca quelques deux cent ans plus tôt, Curion affronte pour la première fois Varus et Juba 1er.
César a écrit:[2,24] (1) Curion envoie Marcius à Utique avec les vaisseaux, et le suit en même temps par terre avec l'armée; et, après deux jours de marche, il arrive à la rivière de Bagrada (2) où il laisse le lieutenant C. Caninius Rébilus avec ses légions. Pour lui il prend les devants avec la cavalerie afin d'aller reconnaître le camp Cornélius, parce que l'on disait ce poste très avantageux. (3) C'est un promontoire qui domine la mer, rude et escarpé des deux côtés, mais ayant cependant une pente un peu plus douce du côté d'Utique. (4) En droite ligne, il n'est éloigné d'Utique que d'un peu plus de mille pas; mais dans ce chemin est une source qui communique à la mer et rend cet endroit fort marécageux. Si l'on veut l'éviter, il faut prendre un détour de six milles pour arriver à la ville.
[2,25] (1) Après avoir reconnu ce poste, C. Curion observa le camp de Varus, placé sous les murs de la ville vers la porte appelée Bélica, dans une position très forte. D'un côté il était défendu par la ville même d'Utique; de l'autre, par un théâtre bâti devant la ville, et d'une vaste étendue; en sorte que l'accès du camp était difficile et étroit. (2) Il vit en même temps tous les chemins couverts d'une foule d'hommes qui dans leur frayeur transportaient de la campagne à la ville tout ce qu'ils avaient. (3) Il détacha sa cavalerie pour enlever ce butin. Au même instant, Varus envoie de la ville à leur secours six cents chevaux numides et quatre cents fantassins que le roi Juba avait envoyés depuis peu de jours à Utique. (4) (...) (5) Les deux corps de cavalerie courent l'un sur l'autre; mais les Numides ne peuvent soutenir notre premier choc, et, après avoir perdu environ cent vingt hommes, ils se retirent dans leur camp, sous le mur de la ville. (6) Sur ces entrefaites, les galères étant arrivées, Curion fait annoncer à environ deux cents vaisseaux de charge qui se trouvaient en station à Utique, qu'il traitera en ennemis tous ceux qui ne se rendront pas aussitôt au camp Cornélius. (7) À cette menace, tous lèvent l'ancre à l'instant même, abandonnent Utique, et se rendent au lieu désigné: ce qui met l'abondance dans son armée.
[2,26] (1) Cela fait, Curion se retira dans son camp de Bagrada, où toute son armée le salua par acclamation imperator. Le lendemain il conduit ses troupes à Utique, et pose son camp près de la ville. (2) Ses retranchements ne sont pas encore achevés, que la cavalerie de garde vient l'avertir qu'un renfort considérable de fantassins et de chevaux envoyés par Juba s'avance vers Utique; en effet on apercevait déjà un gros nuage de poussière, et aussitôt après parut l'avant-garde. (3) Curion, étonné, envoie sa cavalerie en avant pour soutenir leur premier choc et arrêter leur marche; tandis qu'il se hâte lui-même de rappeler ses légions occupées aux travaux du camp et les range en bataille. (4) Les cavaliers engagent le combat; et avant que les légions eussent pu se déployer et se mettre leur poste, toutes ces troupes du roi, embarrassées et en désordre parce qu'elles marchaient sans défiance, prennent la fuite. La cavalerie échappa presque tout entière, parce qu'elle gagna promptement la ville en suivant le rivage; mais on tua un grand nombre de fantassins.
De bello Civilii
Devenu "imperator" c'est à dire " général en chef" ou plus littéralement " général victorieux" Curion est à présent certain de son propre génie stratégique
Après une tentative des Pompéiens pour pousser les Césariens (appartenant à des troupes ex-pompéienne) à déserter pour les rejoindre - tentative qui échoue- des rumeurs terrifiantes se propagent parmi les troupes romaines. lesquelles ? Ben... j'en sais rien... parce que le passage est endommagé dans tous les exemplaires a être parvenu jusqu'à nous. En tout cas, les deux dernières lignes du passage indiquent que ces rumeurs n'arrivent à être jugulés et que les légionnaires se mirent à en inventer d'autres.
En tout cas ,la situation de Curion est devenu précaire (ce qui rend rageant ce passage manquant, puisque l'on ne sait même pas pourquoi). Le légat réunis ses officiers pour arrêter une ligne de conduite et on est frappé par leur pessimisme. certains veulent se replier sur le camp Cornélius, qui est position forte et facilement défendable. D'autres veulent attaquer immédiatement (avant que le moral ne se dégrade davantage), l'un allant même jusqu'à dire qu'il vaut mieux mourir dans la bataille plutôt que de mourir après de longues tortures ! Chouette l'ambiance chez les Césariens...
Heureusement, s'il est un piètre tacticien, Curion est un brillant orateur, il harangue ses troupes et les convainc que César les aime car c'est en suivant leur exemple ( leur défection à Corfinium) que toutes les villes d’Italie se sont ralliés à lui. Pour cette même raison, peu importe ce que les Pompéiens promettent, ils les haïssent et les tiennent pour la cause principale de toutes leurs défaites. Pour cette même raison, ils n'ont que des coups à attendre des partisans de Pompée.
Émus, les Légionnaires acclament leur général... la crise est passée.
César a écrit:[2,34] (1) Entre les deux armées était, comme on l'a dit, un vallon de médiocre étendue, et d'une pente raide et difficile. Chacun attendait que l'ennemi le traversât, afin de pouvoir attaquer avec avantage. (2) On vit bientôt toute la cavalerie de l'aile gauche de Varus, entremêlée d'infanterie légère, descendre le vallon. (3) Curion envoya contre eux sa cavalerie, avec deux cohortes de Marrucins: les cavaliers ennemis ne purent en soutenir le choc et s'enfuirent à toute bride vers les leurs; ainsi délaissée, l'infanterie légère était enveloppée et taillée en pièces par les nôtres. Toute l'armée de Varus, les yeux tournés sur les siens, voyait leur fuite et leur massacre. (4) Alors Rébilus, lieutenant de César, et que Curion avait amené avec lui de Sicile parce qu'il le savait consommé dans l'art militaire: Curion, dit-il, tu vois l'ennemi étonné; que tardes-tu à profiter de l'occasion? (5) Curion ne dit qu'un mot aux soldats pour leur rappeler ce qu'ils lui ont promis la veille, leur commande de le suivre, et s'élance à leur tête. La pente du vallon était si raide que les premiers ne pouvaient guère le monter sans être soutenus. (6) Mais les soldats de Varus, préoccupés, intimidés par la fuite et le massacre des leurs, ne songeaient pas à se défendre et se croyaient déjà enveloppés par notre cavalerie. Ainsi, sans attendre que les nôtres fussent à la portée du trait, ou qu'ils eussent approché davantage, toute cette armée tourna le dos et se retira dans son camp.
[2,35] (1) Pendant cette déroute, un certain Fabius, Pélignien, simple soldat dans l'armée de Curion, ayant atteint la tête des fuyards, cherchait Varus en l'appelant à haute voix par son nom, comme s'il eût été un de ses soldats et qu'il eût voulu lui donner quelque avis. (2) Celui-ci, s'entendant nommer plusieurs fois, regarde, s'arrête, et lui demande qui il est et ce qu'il veut; sur quoi le soldat lui porte un coup d'épée sur l'épaule, qui était découverte, et il l'aurait tué si Varus n'eût paré le coup avec son bouclier. Fabius fut enveloppé et tué par des soldats qui étaient proches. (3) La foule immense des fuyards obstrue les portes du camp et encombre le passage; ils s'y étouffent, et il en périt là un plus grand nombre que dans le combat ou dans la fuite. Peu s'en fallut qu'on ne les chassât aussi du camp, et même plusieurs, sans s'arrêter, coururent droit à Utique. (4) Mais comme la position naturelle du camp et les fortifications qui l'entouraient en défendaient l'entrée, et que nos troupes, qui n'étaient armées que pour le combat, manquaient de tout ce qui est nécessaire à l'attaque d'un camp, (5) Curion se détermina à les ramener sans avoir fait d'autre perte que celle de Fabius. Les ennemis eurent environ six cents morts et mille blessés, lesquels, avec plusieurs autres qui feignaient de l'avoir été, profitant du départ de Curion, quittèrent le camp où ils étaient peu rassurés, et se retirèrent dans la ville. (6) Varus, témoin de ce fait et de la terreur qui s'était emparé de son armée, laissa dans le camp un trompette et quelques tentes pour tromper l'ennemi, et vers la troisième veille il fit rentrer sans bruit ses troupes dans la place.
La mort de Curion
Hélas pour les Césariens, alors que Curion commence le siège d'Utique, le gros de l'armée de Juba 1er est signalé. Curion a la sagesse de lever le siège pour ne pas se retrouver pris entre les troupes de Fabius qui la défendent et leurs alliés. Il se retira dans le camp Cornelius et se dit que sa situation n'était pas si mauvaise. Il était ravitaillé par mer depuis la Sicile, disposait de bois en abondance pour renforcer ses défenses et ne vit donc aucune raison de se replier, d'autant plus que la nouvelle de la victoire de César en Espagne lui faisait miroiter la perspective de recevoir promptement des renforts.
Jusque là, son raisonnement se tenait parfaitement.
Sauf que....
César a écrit:[2,38] (1) Tout était ainsi réglé et convenu, lorsque des transfuges de la ville vinrent dire à Curion que Juba, retenu par la guerre qu'il avait contre quelques peuples voisins et par les différends des habitants de Leptis, n'était pas sorti de ses états; mais que Saburra, son lieutenant, s'avançait vers Utique avec des forces peu considérables. (2) Se fiant témérairement à ces rapports, Curion change d'avis et se décide à livrer bataille. Tout l'invite à prendre ce parti, l'ardeur de sa jeunesse, la grandeur de son courage, ses succès précédents et l'espérance de la victoire. (3) Entraîné par ces divers motifs, il envoie, dès l'entrée de la nuit, toute sa cavalerie vers la rivière de Bagrada, au camp ennemi que commandait Saburra, dont nous avons parlé. Mais le roi suivait son lieutenant avec toutes ses troupes, et n'était éloigné de lui que de six mille pas. (4) Les cavaliers de Curion, ayant marché toute la nuit, arrivent à l'ennemi et l'attaquent au dépourvu; car les Numides, selon la coutume des Barbares, campent dispersés et sans ordre. (5) Surpris en cet état, et au milieu du sommeil, un grand nombre est tué; un plus grand nombre, effrayé, prend la fuite. Nos cavaliers reviennent vers Curion, emmenant avec eux leurs prisonniers.
[2,39] (1) Curion, avec toutes ses troupes, était parti dès la quatrième veille, laissant cinq cohortes à la garde du camp. À la distance de six mille pas, il rencontre sa cavalerie, qui lui apprend ce qui vient de se passer; il demande aux prisonniers qui commande au camp de Sagrada. Ils répondent Saburra. (2) Là-dessus, négligeant les autres informations, pressé qu'il est d'achever sa route, et se tournant vers les plus proches enseignes: "Soldats, dit-il, voyez-vous comme le rapport des prisonniers s'accorde avec celui des transfuges? Le roi n'est pas avec son armée, et il faut qu'il ait envoyé bien peu de troupes, puisqu'elles n'ont pu tenir contre quelques cavaliers. (3) Hâtez-vous donc; courez au butin, à la gloire; et nous ne penserons plus qu'à récompenser vos services et à vous témoigner notre reconnaissance." (4) Ce qu'avaient fait nos cavaliers était beau sans doute, surtout à comparer leur petit nombre à la multitude des Numides; mais, avec le penchant qu'ont tous les hommes à se louer, ils exagéraient encore cet avantage. (5) Ils étalaient en outre de nombreuses dépouilles, montraient les hommes, les chevaux qu'ils avaient pris; en sorte que chaque instant de délai semblait retarder d'autant la victoire. (6) Ainsi l'ardeur des troupes secondait les espérances de Curion. Il ordonne à sa cavalerie de le suivre, et hâte sa marche pour surprendre l'ennemi encore effrayé et fuyant. Les cavaliers, harassés d'avoir marché toute la nuit, ne pouvaient suivre, et beaucoup, restaient en chemin. Rien de tout cela ne diminuait la confiance de Curion.
[2,40] (1) Juba, instruit par Saburra de ce combat de nuit, lui envoie deux mille cavaliers espagnols et gaulois qu'il avait coutume de tenir près de sa personne, et la partie de son infanterie sur laquelle il comptait le plus; lui-même il suit plus lentement avec le reste de ses troupes et soixante éléphants, (2) se doutant bien que Curion, après avoir envoyé devant sa cavalerie, allait lui-même se montrer. Saburra range toute son armée en bataille, cavaliers et fantassins, en leur commandant de céder et de reculer peu à peu comme s'ils avaient peur; il leur donnera le signal du combat quand il en sera temps, et les ordres nécessaires, selon les circonstances. (3) À cette vue, Curion sent croître son espoir; s'imaginant que l'ennemi prend la fuite, il quitte les hauteurs et descend dans la plaine.[2,41] (1) Il s'avance encore à quelque distance; et comme, après une marche de seize milles, ses troupes étaient épuisées de fatigue, il s'arrête. Saburra donne le signal, range son armée, parcourt les rangs et encourage les soldats; mais il tient son infanterie en réserve, et fait marcher la cavalerie seule. (3) Curion, de son côté, ne demeure pas inactif, et exhorte les siens à mettre tout leur espoir dans leur courage; et certes, bien que l'infanterie fût harassée et la cavalerie épuisée de fatigue, et peu nombreuse, elles ne manquaient ni d'ardeur ni de courage pour se battre; mais nos cavaliers n'étaient plus que deux cents; le reste n'avait pu suivre. (4) Partout où ils donnaient, ils forçaient l'ennemi à plier; mais ils ne pouvaient ni poursuivre les fuyards, ni pousser leurs chevaux plus vivement. (5) Cependant la cavalerie ennemis commence à envelopper notre ligne par les deux ailes et à écraser nos soldats qu'elle prend à revers. (6) Quand nos cohortes se détachaient, les Numides, qui étaient frais, évitaient leur choc par la fuite, puis, revenant les envelopper dans leur mouvement de retraite, les empêchaient de rejoindre l'armée. Ainsi elles ne pouvaient, sans péril, ni garder leur poste et leur rang, ni se porter en avant et tenter les hasards. (7) L'armée ennemie, à laquelle le roi ne cessait d'envoyer des renforts, grossissait à tout moment; les nôtres tombaient de lassitude; les blessés ne pouvaient no se retirer du combat, ni être transportés en lieu sûr, à cause de la cavalerie numide qui nous enveloppait de toutes parts. ( Aussi, comme il arrive en ces extrémités, on les voyait, désespérant de leur salut, se plaindre d'une mort si misérable, et recommander leurs familles à ceux que la fortune pourrait sauver du désastre. Toute l'armée était dans la consternation et dans le deuil.
[2,42] (1) Curion, au milieu de l'alarme générale, voyant qu'on n'écoute plus ni ses exhortations ni ses prières, prend le seul parti qu'il croit lui rester dans ces malheureuses circonstances: il commande à ses troupes de se saisir des hauteurs voisines et d'y porter leurs enseignes. La cavalerie de Saburra les prévient et s'en empare. (2) Alors les nôtres perdent tout espoir; les uns veulent fuir et sont massacrés parla cavalerie, les autres succombent avant d'avoir fait aucun effort. (3) Cn. Domitius, préfet de la cavalerie, qui entourait Curion avec quelques cavaliers, l'engage à chercher son salut dans la fuite et à regagner le camp, lui promettant de ne pas l'abandonner. (4) Curion lui répond que jamais, après la perte de l'armée que César lui avait confiée, il ne se présentera devant lui, et se fait tuer en combattant. (5) Quelques cavaliers échappèrent. Ceux qui étaient restés en arrière pour laisser reposer leurs chevaux, voyant de loin la déroute de l'armée, retournèrent au camp sans péril. Tous les fantassins périrent jusqu'au dernier.
[2,43] (1) À la nouvelle de ce combat, le questeur Marcius Rufus, que Curion avait laissé à la garde du camp, s'efforce de ranimer sa troupe. Tous le prient et le conjurent de les ramener par mer en Sicile. Il y consent, et ordonne aux pilotes de tenir, vers le soir, leurs chaloupes près du rivage. (2) Cependant telle était l'épouvante, que les uns croyaient déjà voir Juba avec ses troupes; d'autres Varus et la poussière que levait la marche de ses légions; d'autres, enfin s'imaginaient que la flotte ennemie allait arriver dans un moment; et rien de cela n'était vrai. Dans l'épouvante générale, chacun ne songeait qu'à soi. (3) Ceux qui étaient sur la flotte se hâtaient de partir; leur fuite engageait les pilotes des vaisseaux de transport à les suivre; bien peu de chaloupes obéirent à l'ordre qui leur avait été donné. (4) Mais tel était l'empressement de la foule qui couvrait le rivage, que plusieurs de ces chaloupes coulèrent à fond par trop de charge, et que les autres, craignant un malheur semblable, n'osaient approcher.
[2,44] (1) Il arriva de là qu'il n'y eut qu'un petit nombre de soldats qui, soit faveur, soit pitié, soit qu'ils eussent gagné les vaisseaux à la nage, purent s'y faire recevoir et parvenir sains et saufs en Sicile: le reste des troupes envoya cette nuit même des centurions comme députés à Varus, et se rendit à lui. (2) Le lendemain Juba, apercevant ces cohortes campées sous les murs de la ville, prétendit que ces soldats étaient ses prisonniers, et en fit tuer une grande partie; seulement il en choisit quelques-uns qu'il envoya dans son royaume. Tandis que Varus se plaignait qu'on violât ainsi sa parole, sans oser s'y opposer, (3) Juba fit son entrée dans Utique, à cheval, suivi d'une foule de sénateurs, au nombre desquels se trouvaient Ser. Sulpicius et Licinius Damasippus. Il y resta quelques jours pour donner ses ordres; après quoi, il reprit, avec toutes ses troupes, le chemin de ses états.
On peut remarquer l’habileté tactique du roi Juba 1er qui prépare un traquenard connu en Chine sous le nom de " la fosse pour piéger le tigre" elle consiste à attirer l'ennemi en lui donnant une "chèvre" c'est à dire l'occasion d’une victoire facile. Sauf que la bataille engagée, une force ennemie plus importante se révèle et attaque.
A l'inverse, Curion commet deux erreurs tactiques très graves, incapable de se créer un réseau de renseignement efficace il se fie aux rumeurs pour établir sa stratégie. Il se fait intoxiquer par Juba. Pire, pressé de remporter la bataille, il engage le combat avec des troupes épuisées par une longue marche, et ne disposant pas de toutes ses forces parce qu'une partie de ses hommes sont encore en chemin.
Conséquences :
La défaite de Bagradas aboutit a la destruction totale de deux légions et à la mort de leur général. Pire encore, ces légions de Pompéiens ralliés étaient devenues un symbole pour les deux camps... pour des raisons diamétralement opposées. La victoire Pompéienne se double donc d'un succès de propagande. Géographiquement, la défaite de Curion fait basculer complètement la province d'Afrique dans le camp de Pompée.
Uchronie ?
Et si Curion n'était pas sortie de ses retranchements pour affronter les Numides ?
Il est probable que César lui aurait envoyé des renforts, ou même (plus probablement) qu'il serait venu en personne en Afrique pour prendre le commandement des opérations. Varus et Juba n'auraient pas fait un pli contre lui...
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Re: Uchronies romaines
César à Rome
Après sa victoire en Espagne, César revient à Rome. Il est nommé dictateur et organise immédiatement des élections consulaires qu'il remporte (en même temps... il y avait plus vraiment d'opposition). La première dictature de César aura durée exactement onze jours.
César reste à Rome le temps de passer quelques lois, dont une réforme sur les dettes qui n'est pas précisément anodine, vu l'endettement de tous les hauts-responsables romains ( rappel : les partis politiques sont financés par ses membres, les postes de la république ne sont pas payés et les campagnes électorales peuvent ruiner ceux qui cherchent à obtenir des postes. A tel point que la prévarication est considérée comme "normale" dans toutes les fonctions de la République... et après on s'étonne que le système ait fini par s'effondrer).
César déclare également Juba de Numidie, ennemi de l'état, ce qui est plus une conséquence de la reconnaissance de ce dernier comme roi de Numidie par le sénat Pompéien de Dyrrachium (1) que de sa victoire contre Curion.
(1) Juba était un roi impopulaire qui fit face à une succession de révoltes dés son arrivée sur le trône. Il existait deux autres prétendants et si Pompée avait installé Juba 1er à la tête de la Numidie, il n'avait jamais été officiellement reconnu comme roi par le sénat romain.
La campagne de Dyrrachium
Une fois ceci terminé, César part pour le port de Bindes où il a fait réunir pas moins de douze légions ! Toutefois, il y a si peu de navires disponible qu'il ne peut embarquer que 15 000 fantassins et 500 cavaliers. Et césar d’accuser la manque de disponibilité de navire du fait qu'il n'ait pas triomphé immédiatement de Pompée ! Excuse réaliste ou pas... César en est là, l'une de ses rares défaites se trouve devant lui et il va passer les prochaines pages à expliquer que ce n'est pas de sa faute.
En face Pompée a des forces considérables la Grèce, l'Asie et l'Egypte lui ont envoyé des hommes et des navires de guerre. Pendant que César se battait, Pompée le Grand a entraîné ses forces, les a équipés.
César a écrit:Forces de Pompée (3,3-5)
[3,3] (1) Pompée avait eu, pour faire ses préparatifs, une année entière, pendant laquelle il n'avait eu ni guerre à soutenir ni ennemi à craindre. Aussi avait-il rassemblé une flotte considérable tirée de l'Asie, des îles Cyclades, de Corcyre, d'Athènes, du Pont, de Bithynie, de Syrie, de Cilicie, de Phénicie, d'Égypte. Il avait eu soin de faire construire partout un grand nombre de vaisseaux; (2) de fortes contributions avaient été levées en Asie, en Syrie, et imposées à tous les rois, à tous les princes, à tous les tétrarques, à tous les peuples libres de l'Achaïe; de grosses sommes lui avaient été également fournies par les compagnies des provinces dont il était le maître.
[3,4] (1) Il avait neuf légions composées de citoyens romains: cinq qu'il avait amenées avec lui d'Italie; une de vétérans de Sicile, qu'il appelait "la géminée", parce qu'elle était formée de deux autres; une de Crète et de Macédoine, composée de vétérans qui, licenciés par les généraux précédents, s'étaient établis dans ces provinces; et deux que Lentulus avait levées en Asie. (2) De plus, de nombreuses recrues tirées de la Thessalie, de la Béotie, de l'Achaïe, de l'Épire, avaient été, à titre de supplément, incorporées dans les légions. Il y avait joint les soldats qui restaient de l'armée d'Antoine . (3) Il attendait encore deux légions que Scipion fui amenait de Syrie; il avait trois mille archers de Crète, de Sparte, du Pont, de la Syrie, et d'autres pays; deux cohortes de frondeurs, de six cents hommes chacune; sept mille chevaux, dont six cents lui avaient été amenés de la Gaule par Déjotarus, cinq cents de la Cappadoce par Ariobarzane, et autant de la Thrace, envoyés par Cotys et commandés par son fils Sadala. (4) Deux cents lui étaient venus de Macédoine sous les ordres de Rhascypolis, homme d'un rare courage. Pompée, le fils, avait amené, avec la flotte, cinq cents cavaliers gaulois et Germains, que Gabinius avait laissés à Alexandrie pour la garde de Ptolémée, et huit cents levés parmi ses esclaves et ses pâtres. (5) Tarcondarius Castor et Domnilaus en avaient fourni trois cents de la Gallo-Grèce: le premier vint lui-même avec ses troupes, l'autre envoya son fils. Deux cents furent envoyés de la Syrie par Antiochus de Commagène, qui avait de grandes obligations à Pompée; la plupart étaient des archers à cheval. (6) Il avait en outre des Dardaniens, des Besses, partie soudoyés, partie volontaires; des Macédoniens, des Thessaliens, et des gens des autres pays. Le tout formait le nombre que nous avons marqué ci-dessus.
[3,5] (1) Il avait tiré une grande quantité de vivres de la Thessalie, de l'Asie, de l'Égypte, de Crète, du pays de Cyrène et d'autres contrées. (2) Son dessein était de passer l'hiver à Dyrrachium, à Apollonie, et dans toutes les autres villes maritimes, afin de fermer le passage de la mer à César; et, dans ce but, il avait disposé sa flotte sur toute la côte. (3) Pompée, le fils, commandait les vaisseaux égyptiens; D. Lélius et C. Triarius, ceux de l'Asie; C. Cassius, ceux de Syrie; C. Marcellus et C. Coponius, ceux de Rhodes; Scribonius Libon et M. Octavius, ceux de Liburnie et d'Achaïe. (4) Mais M. Bibulus avait le commandement général de la flotte: les autres chefs ne pouvaient agir que d'après ses ordres.
En dépit de la disproportion des forces navales ( César n'a que 18 galères) il réussit à débarquer et à renvoyer sa flotte à Bindes avant que les Pompéiens n'apprennent sa présence. ce coup d'éclat est tout de même dangereux. Il se trouve à présent en terre ennemie et... avec l'Adriatique (contrôlé par Pompée) derrière lui. César harangue donc ses soldats "puisqu'ils touchaient au terme de leurs travaux et de leurs dangers, il ne devait point leur en coûter de laisser en Italie leurs esclaves et leur bagage; qu'ils s'embarqueraient avec moins d'embarras et en plus grand nombre; qu'ils pouvaient tout attendre de la victoire et de sa libéralité."
Il leur faudra vaincre ou périr.
Siège de Salone et campagne en Épire.
La ville de Salone prend le parti de César est assiégé par Octvius. mais les habitants de la ville, en particulier les citoyens romains (anciens légionnaires) réussissent à repousser quatre assauts sur les remparts. Comme l'hiver est déjà là Octavius abandonne son entreprise.
Sur ses entrefaites, César ouvre de nouvelle négociation avec les Pompéiens. Il propose que tout deux licencient l'intégralité de leurs troupes d'ici trois jours et placent leur différent entre les mains du " sénat et du peuple de Rome".
Toutefois, le prochain acte de guerre surviendra avant la réponse.
Acte de guerre , j'exagère... A Oricium, César arrive devant la ville défendue par une garnison de mercenaire parthes (un comble) le chef Pompéien demande aux habitants de prendre les armes pour défendre leur ville. Les Grecs répondent " qu'ils en voulaient pas combattre le peuple romain et recevraient César"... enfin ça c'est ce que dit César, mais je soupçonne qu'ils ont plutôt dit qu'il s n'avaient aucune raison de combattre les Romains par "amour" de Pompée..; ce n'était pas leur affaire. La garnison de Pompéiens file sans combattre.
A Apollonie la situation est identique. cette fois les Grecs sont plus clairs: " Ils n'ont pas pour ambition de réformer tout ce que l'Italie et le peuple romain ont décidé" en langage clair, c'est pas leurs oignons. En fait, toutes les autres cités de l'Illyrie ouvrent leur porte à César. Une fois encore, le général y voit (est-il vraiment dupe ?) la preuve de l'amour que les gens de la région lui portent... mais le De Bello Civilii est un livre de propagande. Après tout, lorsque les Pompéiens sont arrivés, les habitants leur ont également ouvert les portes.
Affolé par l'effondrement complet de la résistance, Pompée part à marche forcée - de jour comme de nuit- pour gagner Dyrrachium.
Pendant ce temps, un des lieutenant de César resté en Italie essaie de faire traverser l'Adriatique au reste de son armée... mais une lettre de César rappelle les navires dans leur port. la seule galère a tenter le passage est intercepté, équipage, passager, y compris les femmes et les enfants, même les esclaves, tout le monde est massacré (enfin César le dit... mais c'est peut-être de la propagande).
Une trêve est cependant noué entre l'armée de César et deux amiraux de Pompée. Il faut dire qu'avec la perte des villes où étaient stationnés leur flotte, ils ne sont plus ravitaillé. L'accord est simple, en échange de l'abandon de toute action offensive de leur flottes, ils recevront vivres et eau. Toutefois, cet accord ne porte pas très loin.
Pompée - qui a entre-temps reçu la proposition de négociation- réponds en privé "Qu'ai-je besoin, dit-il, de Rome ou de la vie, s'il faut que je paraisse en être redevable à la générosité de César? N'aurais-je pas l'air en effet, après avoir quitté l'Italie, d'y être ramené comme par grâce?"
César n'apprendra toutefois cette réponse de Pompée qu'après la fin de la guerre, de ceux qui l'ont entendu, Pompée ne faisant pas de déclaration officielle. Ce sera donc la guerre.
Les troupes des deux généraux qui se trouvent à présent plus séparée que par le cours de l'Apsus, restent l'arme au pied, il n'y a même pas d'échange de traits. les deux armées attendent que leur généraux trouvent une solution pacifique. Alors qu'un des lieutenants de César harangue les Pompéiens, leur parlant des "douceurs de la paix" il est interrompu par une volée de pilae que vient de lui faire envoyer Labienus; Il n'y a que quelques blessés mais... ceux qui viennent ainsi de briser le statut quo ne sont autres que les hommes des deux légions que César avait envoyé à Pompée avant le début de la Guerre Civile, des vétérans de la Gaule qui - sous les ordres de Labienus, alors le meilleur lieutenant de César- remportèrent la bataille de Lutèce ! Pire, on leur crie de l'autre rive : "Cessez, dit alors Labiénus, de parler d'accommodement; car pour nous il ne peut y avoir de paix que quand on nous apportera la tête de César."
On en est donc là.
Grâce à une victoire navale de Marc Antoine contre le Pompéien Libon, César reçoit enfin renfort et ravitaillement. Toutefois, les flottes de Pompée sont dispersés par une tempête, car le ciel favorise une nouvelle fois César. La seule réussite pompéienne résulte dans une attaque de petites barques contre un navire qu'ils forcent à s'échouer près d'une ville déjà aux mains de césar et dont la garnison les sauvera.
Face aux armes de césar ainsi renforcées se trouve un général que César méprise, Metellus Scipion :
César a écrit:Agissements de Scipion (3,31-33)
[3,31] (1) À cette époque, Scipion, pour prix de quelques échecs essuyés vers le mont Amanus, s'était adjugé le titre d'imperator. (2) Après cela, il tira de grandes sommes des villes et des tyrans de ces contrées; il exigea des receveurs publics le paiement de deux années qui étaient échues, les obligea à lui avancer le revenu de l'année suivante, par forme d'emprunt, et leva de la cavalerie dans toute la province. (3) Lorsqu'elle fut rassemblée, laissant derrière lui les Parthes, ses plus proches ennemis, qui venaient de tuer le général M. Crassus et d'assiéger M. Bibulus, il quitta la Syrie avec sa cavalerie et ses légions, (4) et il entra dans la province où l'on redoutait une irruption des Parthes; et comme les soldats disaient assez hautement qu'ils marcheraient contre l'ennemi si on les y menait, mais qu'ils ne porteraient point les armes contre un citoyen romain et un consul, Scipion, pour s'attacher les troupes, les mit en quartiers d'hiver à Pergame et dans les villes les plus riches, leur fit de grandes largesses, et leur accorda le pillage de plusieurs cités.
[3,32] (1) Cependant les sommes auxquelles il avait imposé la province étaient exigées partout avec la dernière rigueur; il imaginait toutes sortes de moyens pour assouvir son avarice. (2) Un jour il mettait une taxe sur les esclaves et sur les hommes libres; le lendemain il commandait qu'on lui fournît du blé, des soldats, des rameurs, des armes, des machines, des chariots; enfin, tout ce qui avait un nom lui servait de prétexte pour arracher de l'argent. (3) Il établit des gouverneurs, non seulement dans les villes, mais dans presque tous les villages et les châteaux; et le plus inhumain, le plus cruel d'entre eux passait pour l'homme le plus digne et le meilleur citoyen. (4) La province était remplie de licteurs, d'agents, d'exacteurs de toute espèce, qui, outre les sommes imposées, en exigeaient encore d'autres pour leur propre compte: ils disaient que, chassés de leurs maisons et de leur patrie, ils étaient dénués de tout, et couvraient ainsi d'un prétexte honnête l'infamie de leur conduite. (5) Ajoutez à cela l'énormité des usures, malheur assez commun en temps de guerre, à cause du grand nombre des impôts: on en était venu là qu'un délai d'un jour était considéré comme une faveur. Aussi, les dettes de la province s'accrurent singulièrement dans ces deux années. (6) Des contributions arbitraires n'en furent pas moins levées, non pas seulement sur les citoyens romains qui habitaient cette province, mais sur chaque corps, sur chaque ville: on disait que c'était un emprunt ordonné par le sénat. On força les receveurs publics, comme on avait fait en Syrie, d'avancer le revenu de l'année suivante.
[3,33] (1) En outre, Scipion donna l'ordre qu'on enlevât les trésors déposés depuis tant d'années dans le temple de Diane, à Éphèse, ainsi que toutes les statues de la déesse. Il s'était déjà rendu dans le temple, accompagné de plusieurs sénateurs qu'il avait appelés, lorsqu'on lui remit des lettres de Pompée, qui l'avertissait que César avait passé la mer avec ses légions, et qui lui prescrivait de tout laisser et de venir le joindre au plus tôt avec les troupes. Sur cette nouvelle, il renvoya ceux qu'il avait convoqués, fit ses préparatifs pour passer en Macédoine, et partit peu de jours après. Cet incident sauva le trésor d'Éphèse.
César et Marc Antoine prennent le contrôle de l'Etolie et entrent en Thessalie et en Macédoine. Une fois encore, le schéma se répète. Les villes ouvrent leurs portes sans combat, les Pompéiens fuient... Scipion qui refusa de combattre Domitius, le lieutenant de César qui se trouvait face à lui finit par fuir de manière déshonorante. feignant de manquer de vivres pour trouver une excuse. Domitius réussit toutefois à lui tendre une embuscade que Scipion démasque en partie, réussissant à échapper au piège au prix de la perte de deux escadrons de cavalerie.
Toutefois, cette suite de victoire connait un arrêt soudain lorsque Cneus (?) Pompée attaque la flotte césarienne stationnée à Oricum
César a écrit:Attaque et destruction de la flotte césarienne d'Oricum par Cn. Pompée (3,39-40)
[3,39] (1) César ayant retiré ses garnisons de la côte, comme on l'a dit plus, haut, ne laissa que trois cohortes à Oricum, tant pour la garde de la ville que pour celle des galères qu'il avait amenées d'Italie. Il avait confié ce double soin à Caninus, son lieutenant. (2) Celui-ci retira les galères dans le fond du port derrière la ville, et les attacha à terre; puis, faisant couler bas à l'entrée du port un vaisseau de charge, il y en joignit un autre, sur lequel il éleva une tour qui devait fermer l'entrée du port, et la remplit de soldats pour la défendre contre toute attaque imprévue.
[3,40] (1) Informé de ce qui se passait, Cn. Pompée le fils, qui commandait la flotte d'Égypte, vint à Oricum, releva à la remorque le vaisseau enfoncé, et attaqua l'autre avec des vaisseaux sur lesquels il avait fait dresser de hautes tours; de la sorte, il combattait d'un endroit plus élevé, envoyait sans cesse des troupes fraîches pour relever celles qui étaient fatiguées, et attaquait à la fois la ville par terre avec des échelles, et par mer avec sa flotte, afin de partager nos forces. Accablés de fatigue et vaincus par une grêle de traits, les nôtres furent tous obligés de se retirer dans leurs chaloupes. Pompée se rendit ainsi maître du vaisseau. (2) En même temps il se saisit d'une hauteur naturelle qui s'élevait de l'autre côté de la ville, où elle formait une espèce d'île, et, à l'aide de rouleaux et de leviers, il fit glisser quatre galères à deux rangs jusqu'au fond du port. (3) Il attaqua ainsi des deux côtés nos galères vides et à terre, en prit quatre et brûla le reste. (4) Cela fait, il laissa D. Lélius, qu'il avait tiré de la flotte d'Asie, avec ordre d'empêcher que les convois venant de Byllis et d'Amantia n'entrassent dans la ville; (5) et pour lui, il se rendit à Lissus, attaqua dans le port trente vaisseaux de charge que M. Antoine y avait laissés, et les brûla tous. Il voulut aussi assiéger la ville; mais les citoyens romains qui en composaient le conseil, la défendirent de concert avec la garnison de César, et au bout de trois jours, n'ayant pu réussir, il se retira non sans quelque perte.
Note : il semble y avoir une erreur dans ce passage du texte, ce n'est pas Cneus Pompée le père, mais Gnaus Pompée (ou Pompée le jeune) dit plus haut "amiral des flottes d’Égypte" qui lance cet assaut. Le texte des chapitres suivants situent d'ailleurs Pompée le Grand à Asparagium à ce moment.
Il n'est plus temps de tergiverser. Avec la destruction de sa flotte, César est coupé de l'Italie et son armée n'est plus ravitaillée. Le général marche sur Dyrrachium - la "capitale" Pompéienne- pour force son rival à accepter une bataille décisive.
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Re: Uchronies romaines
Un habile stratagème
César se dirige vers Dyrrachium, mais va d'abord en éloigner Pompée.
César a écrit:ésar offre la bataille à Pompée; il se dirige vers Dyrrachium (3,41)
[3,41] (1) César ayant appris que Pompée était près d'Asparagium y marcha avec son armée, prit en chemin la ville des Parthini où Pompée avait mis garnison, arriva le troisième jour en Macédoine vers Pompée, et campa près de lui. Le surlendemain il fit sortir toutes ses troupes, les rangea, et présenta la bataille à Pompée. (2) Le voyant rester dans son camp, il fit rentrer ses légions, et jugea à propos de prendre d'autres mesures. (3) En conséquence, le lendemain, il partit avec l'armée pour Dyrrachium, par un grand détour et par un chemin étroit et difficile, dans l'espérance, soit d'y attirer Pompée, soit de couper ses communications avec cette place, où il avait fait porter ses vivres et toutes ses munitions de guerre; c'est ce qui arriva. (4) En effet, Pompée, ne pénétrant pas d'abord son dessein, parce qu'il lui avait vu prendre un chemin qui ne menait pas à cette ville, s'imagina que le manque de vivres avait déterminé sa retraite; mais bientôt mieux instruit par ses coureurs, il leva son camp le lendemain, avec l'espoir de le prévenir en prenant un chemin plus court. (5) César, qui s'en douta, exhorta les troupes à supporter la fatigue avec courage, ne s'arrêta que quelques heures pendant la nuit, arriva le matin devant Dyrrachium au moment où l'on apercevait les premières troupes de Pompée, et là il assit son camp.
Pompée se fortifie dans le voisinage de Dyrrachium. Dispositions de César (3,42)
[3,42] (1) Pompée, ainsi séparé de Dyrrachium et ne pouvant plus exécuter son premier projet, changea de résolution: il alla camper sur une hauteur nommée Pétra, qui formait une petite anse où les vaisseaux étaient abrités contre certains vents; (2) il y fit venir une partie de ses galères et apporter du blé et des vivres, tant de l'Asie que des autres pays qui étaient dans sa dépendance. (3) César, comprenant que la guerre allait traîner en longueur, et ne comptant plus sur ses convois d'Italie, parce que la flotte de Pompée gardait soigneusement toute la côte, et que les vaisseaux qu'il avait fait construire pendant l'hiver, en Sicile, en Gaule et en Italie, n'arrivaient point, envoya en Épire Q. Tillius et L. Canuléius, son lieutenant, pour avoir des vivres; et, comme ce pays était assez éloigné, il établit des magasins en différents lieux, ordonna aux villes voisines de lui fournir des chariots de transport, (4) et fit rechercher tout le blé qui pouvait être à Lissus, chez les Parthini, et dans tous les châteaux. (5) Il s'en trouva fort peu, parce que le pays étant sec et montueux on n'y consomme d'ordinaire que du blé importé; et d'ailleurs Pompée y avait pourvu les jours précédents, en livrant le pays des Parthini au pillage; ses troupes avaient fouillé les maisons en tous sens, en avaient retiré tout le blé qu'elles recelaient, et la cavalerie l'avait emporté.
Toutefois, les troupes de César ont faim... alors que celles de Pompée sont abondement pourvues et ravitaillées par mer, quel étrange prémisse pour un siège !
Le siège
César a écrit:César entreprend d'investir Pompée (3,43)
[3,43] (1) Instruit de ces choses, César règle ses dispositions d'après la nature des lieux. Des collines hautes et escarpées environnaient le camp de Pompée: il commence par s'en saisir et y place des gardes et des forts. (2) Après avoir fait la même chose de coteau en coteau, autant que le terrain le permettait, il joint tous ces forts par des lignes de communication, et commence à investir Pompée. (3) Plusieurs motifs l'engageaient à agir ainsi: d'abord, comme il était fort pressé de vivres, et que l'ennemi avait une cavalerie beaucoup plus nombreuse, il voulait par là pouvoir faire venir de tous côtés, avec moins de risques, le blé et les convois nécessaires à l'entretien de son armée; ensuite il comptait empêcher l'ennemi d'aller au fourrage, et rendre, par ce moyen, sa cavalerie inutile; enfin, en troisième lieu, il se proposait de diminuer ainsi le crédit dont Pompée jouissait auprès des nations étrangères, en montrant au monde que César le tenait assiégé sans qu'il osât combattre.
On s'en doute cependant, la situation n'est pas favorable à César et plus le temps passera et pire ce sera. En fait, ce grand général n'a pas le choix. Une fois encore, il doit triompher vite s(il ne veut pas que son ennemi l'emporte.
César a écrit:Pompée oblige César à étendre sa ligne (3,44)
[3,44] (1) Pompée ne voulait s'éloigner ni de la mer ni de Dyrrachium où il avait rassemblé toutes ses munitions de guerre, les traits, les armes, les machines, et d'où sa flotte apportait des vivres à son armée; mais il ne pouvait empêcher les travaux de César qu'en lui livrant bataille, ce à quoi il n'était pas encore résolu. (2) Il lui restait pour dernière ressource d'étendre ses troupes sur le plus de collines et le plus d'espace qu'il pourrait, afin de diviser les forces de César: et il fit ainsi. (3) Il éleva vingt-quatre forts, qui embrassaient un terrain de quinze mille pas de circuit; cette enceinte, couverte de champs ensemencés, fournissait à ses chevaux d'abondants pâturages. (4) Et, comme nos troupes avaient établi une ligne de communication non interrompue en liant un fort à l'autre, afin que l'ennemi ne pût pénétrer par aucun point et nous attaquer par derrière, de même les soldats de Pompée travaillaient à l'intérieur à des lignes continues, afin de nous empêcher d'entrer dans leur camp et de les prendre par derrière. (5) Mais ils avaient sur nous ce double avantage, qu'ils étaient plus nombreux et que leur enceinte était moins étendue. (6) Lorsque César voulait s'emparer de quelque position, Pompée, sans en venir à une action générale, qu'il s'était promis d'éviter, envoyait sur des postes avantageux une foule d'archers et de frondeurs (5) qui nous blessaient beaucoup de monde. Aussi nos soldats redoutaient-ils beaucoup leurs flèches, et la plupart s'étaient fait des tuniques de cuir ou de pièces de diverses étoffes, pour se garantir de ses traits.
On est frappé par la pusillanimité de Pompée, toutefois, elle se comprend. Comme je l'ai dit plus haut, Pompée a tout intérêt à jouer la montre.
L'autre point intéressant est les tuniques de cuir ou d'étoffes servant d'armures improvisés pour les combattants césariens. N'oubliez pas que seuls les légionnaires ont des cottes de maille, archers et frondeurs n'ont souvent aucune armure si ce n'est un petit boucliers pour les seconds. Les auxiliaires n'ont pas non plus forcément d'armure, d'où l'intérêt d'en confectionner avec les moyens du bord.
Les affrontements continuent ainsi un moment, archers, machines de guerre et frondeurs des deux camps se combattent à distance tandis que les Césariens creusent des ouvrages que la cavalerie et l'infanterie légère Pompéienne harcèlent. Ces escarmouches sont indécises, toutefois la situation générale évolue en faveur des Pompéiens... car la disette sévit dans le camp de César.
César a écrit:Réflexions sur la situation. Disette des Césariens (3,47-48)
[3,47] (1) C'était une manière inusitée et toute nouvelle de faire la guerre, soit à cause du grand nombre de forts qu'on occupait, soit à cause de la largeur de l'enceinte, soit pour le système général d'attaque et de défense, soit pour tout le reste. (2) En effet, d'ordinaire, quand une armée en assiège une autre, c'est que celle-ci est affaiblie par la perte d'une bataille, ou qu'elle a essuyé quelque échec, et que la première lui est supérieure en forces: alors, en l'investissant, on a pour but de lui couper les vivres. (3) Ici César, avec des troupes moins nombreuses, enfermait une armée encore intacte, abondamment pourvue de tout; car une foule de vaisseaux lui apportait chaque jour des subsistances de toutes parts, et, quelque fût le vent, il y avait toujours des vaisseaux auxquels il était favorable. (4) César, au contraire, avait consommé tout le blé qu'il avait pu trouver dans les contrées voisines, et il était réduit à une extrême disette. (5) Mais les soldats supportaient ces maux avec une rare patience: ils se souvenaient que l'année précédente, en Espagne, ils avaient enduré une pareille détresse, et que cependant ils avaient, par leur fermeté et leur constance, terminé une grande guerre; ils se rappelaient avoir enduré, à Alésia, une disette aussi cruelle, une autre à Avaricum plus cruelle encore, et qu'ils n'en avaient pas moins vaincu les plus puissants peuples. (6) Ils recevaient donc sans murmure l'orge et les légumes qu'on leur donnait, et le bétail que l'on tirait en assez grande quantité de l'Épire était leur mets le plus précieux.
[3,48] (1) Il y a aussi une espèce de racine, qui fut trouvée par des soldats des troupes auxiliaires, et que l'on appelle "chara", qui, mêlée avec du lait, leur était d'un grand secours. Ils en faisaient une sorte de pain. (2) Cette plante était fort commune. Dans les entretiens qu'ils avaient avec les soldats de Pompée, quand ceux-ci les raillaient sur la disette où nous étions, les nôtres s'amusaient à leur jeter de ces pains pour rabattre leur espoir.
Ce passage m'a marqué à l'époque où je faisais latin... des décennies après, je m'en souvenais encore. quant au terme "Chara" d'après mon dictionnaire français-latin = > Chara-ae nf tubercule (au goût amer). on comprend pourquoi les Césariens faisaient un pain de chara au lait et non à l'eau si ce tubercule est amer.
Toutefois, les Pompéiens ont aussi de graves difficultés. Contrairement aux armées de César habitués depuis longtemps aux lourds travaux, creuser des retranchements les épuisent. De plus, l'herbe vient à manquer pour les chevaux. Et si les Césariens reçoivent de leurs pillages du bétail, les hommes de Pompée n'ont pas de viande. Pire encore, César a fait combler le lit des cours d'eau passant dans le secteur tenu par Pompée. Ses troupes assoiffées - on est en plein été - sont obligés de creuser des puits... loin de leurs camps et la chaleur a tôt fait de les assécher. Bientôt toutes les bêtes de traits ou de bats ont trouvé la mort par manque d'eau et leurs carcasses pourrissantes propagent des maladies parmi les assiégés.
Le passage suivant est endommagé dans tous les textes parvenus jusqu'à nous... ce qui est triste car il commence par la description des attaques nocturnes des Pompéiens (qui tirent des flèches vers les feux de camp) et la ruse des Césariens qui entretiennent des feux loin de leurs positions pour dérouter les sagittaires adverses. La suite du passage indique qu'une nuit les Pompéiens firent une sortir massive et que César du rallier des troupes en toute hâte pour arrêter un assaut mené par Pompée lui-même.
Ces affrontements se terminent la défaveur de Pompée qui perd deux mille hommes et six enseignes, ainsi qu'un de ses lieutenants (l'ancien prêteur L. Valerius Flaccus). Les combats furent cependant violents.
César a écrit:Lorsque les soldats voulurent prouver à César les travaux et les périls par où ils avaient passé, ils lui présentèrent près de trente mille flèches ramassées dans le fort, et on lui montra le bouclier du centurion Scéva, qui était percé de cent vingt coups. (5) César, pour le récompenser, tant en son nom qu'au nom de la république, lui fit présent de douze cents sesterces, et du huitième rang l'éleva au premier; car, de l'aveu de tous, c'était à lui qu'on devait en grande partie la conservation du fort. Quant aux soldats de la cohorte, César leur donna double paie, double ration de blé et de nombreuses récompenses militaires.
Dans les jours qui suivent, César et Pompée mènent un ballet des plus étranges ! César met ses troupes en ordre de bataille... Pompée fait de même... et la bataille n'a pas lieu. Si César n'attaque pas, c'est que son rival positionne à chaque fois ses troupes près de ses positions défensives d'où les tours de guets pourraient intervenir, couvrant Pompée de ses traits. Bien que le passage suggère cela comme une lâcheté de Pompée... le fait demeure que c'est à chaque fois César qui recule.
Alors que les troupes Césariennes se battent également en Achaïe et que Scipion (un lieutenant de Pompée) continué à hésiter à quitter la Macédoine pour venir en aide à son chef, Pompée fit embarquer sa cavalerie par manque de fourrage. Sa situation s'aggrave...
C'est à ce moment... qu'une partie de la cavalerie allobroge commença à protester de la manière dont leur chef les traitait..; et je parle des chefs gaulois rallié à César. Mis à l'amende par César pour avoir mal traité leurs propres hommes, les frères Roussilius et Ecus désertent et gagnent le camp de Pompée. Non seulement, c'est un rude coup pour César qui les considérait comme des proches et de bons chefs, mais en plus ils connaissent tout le détail des fortifications des Césariens, les positions des garnisons, les itinéraires des patrouilles.
César a écrit:Pompée fait des préparatifs d'attaque (3,62)
[3,62] (1) Instruit de ces choses, et déjà résolu à tenter une sortie, ainsi qu'on l'a dit plus haut, Pompée ordonna à ses troupes de couvrir leurs casques avec de l'osier et de se pourvoir de fascines. (2) Cela fait, il embarque de nuit, sur des chaloupes et sur de petites embarcations, un corps nombreux d'infanterie légère et d'archers, ainsi que toutes ces fascines, et vers minuit, ayant tiré soixante cohortes de son grand camp et de ses forts, il les mène vers cette partie des retranchements de César qui était la plus proche de la mer, et la plus éloignée de son grand camp. (3) Il envoie au même lieu les chaloupes qu'il avait remplies, comme on l'a vu, d'infanterie et d'archers, avec les galères qu'il avait à Dyrrachium, et donne à chacun ses ordres. (4) César avait établi dans ce poste, le questeur Lentulus Marcellinus, avec la neuvième légion; et, à cause du mauvais état de sa santé, il lui avait donné pour second Fulvius Postumus.
État du secteur que Pompée attaque. Surprise des Césariens (3,63)
[3,63] (1) Ce poste était défendu par un fossé de quinze pieds, et du côté de l'ennemi par un rempart qui avait dix pieds de haut et autant de large. À six cents pas de là et du côté opposé était un autre rempart de moindre hauteur. (2) Quelques jours auparavant, César, craignant que nos troupes ne fussent enveloppées par la flotte ennemie, avait fait élever ce double rempart, afin qu'on pût mieux se défendre si le combat devenait douteux. (3) Mais l'étendue de cet ouvrage, qui embrassait un circuit de dix-huit mille pas, jointe aux travaux continus de chaque jour ne permettait point qu'on l'achevât: (4) ainsi la ligne de communication qui devait joindre ces deux retranchements et se prolonger le long de la mer, n'était pas encore finie. (5) Pompée en fut instruit par les transfuges Allobroges, et cette trahison nous valut un cruel échec. (6) En effet, tandis que nos cohortes de la neuvième légion étaient campées près de la mer, l'armée de Pompée arriva à la pointe du jour et se montra tout à coup: celles de ces troupes qui étaient venues par mer lançaient leurs traits sur le rempart extérieur et comblaient le fossé de fascines; en même temps les légionnaires tâchaient d'escalader le rempart intérieur, et intimidaient les nôtres avec des machines de toute sorte; cependant une multitude d'archers faisait pleuvoir sur nous des deux côtés une grêle de flèches. (7) Nous n'avions pour armes que des pierres; et les tissus d'osier dont ils avaient recouvert leurs casques les en garantissait presque entièrement. ( Ainsi nos soldats étaient accablés et ne se défendaient qu'avec peine, lorsque les ennemis, ayant remarqué le défaut de fortification dont nous avons parlé, débarquèrent entre les deux retranchements, là où les ouvrages n'étaient pas terminés, prirent nos soldats en queue, et, après les avoir rejetés hors des remparts, les forcèrent à tourner le dos.
Impuissance des renforts à arrêter la panique (3,64)
[3,64] (1) Averti de ce désordre, Marcellinus envoie quelques cohortes à leur secours; mais celles-ci ayant aperçu les fuyards ne purent ni les retenir par leur présence, ni soutenir seules le choc de l'ennemi. (2) En un mot, toutes les troupes qu'on envoyait, entraînées elles-mêmes dans la déroute, ne servaient qu'à augmenter l'épouvante et le danger, et ce grand nombre d'hommes ne faisait qu'embarrasser la retraite. (3) Dans ce combat, le porte aigle, blessé à mort et sentant ses forces défaillir, se tourne vers nos cavaliers: "Tant que j'ai vécu, dit-il, j'ai pendant plusieurs années soigneusement défendu cette aigle; et à présent que je meurs, je la remets avec la même fidélité à César. Ne souffrez pas, je vous en conjure, que l'honneur de nos armes reçoive un affront inconnu jusqu'ici dans son armée et remettez-la intacte entre ses mains." (4) C'est ainsi que l'aigle fut sauvée; mais tous les centurions de la première cohorte périrent, hormis le premier.
Antoine contient l'ennemi. César constate que Pompée a percé (3,65)
[3,65] (1) Déjà les soldats de Pompée, après avoir fait un grand carnage des nôtres, approchaient du camp de Marcellinus et répandaient l'épouvante parmi le reste de nos troupes, lorsqu'on vit M. Antoine, qui commandait le poste le plus voisin, descendre d'une hauteur avec douze cohortes. Son arrivée arrêta l'ennemi, ranima les nôtres, et les fit revenir de leur extrême frayeur. (2) Peu de temps après, César, averti selon l'usage par la fumée des feux qu'on alluma aussitôt dans tous les forts, se rendit lui-même sur ce point avec quelques cohortes qu'il avait tirées des postes voisins. (3) Après avoir reconnu le dommage, il s'aperçut que Pompée était sorti de ses retranchements et avait établi son camp le long de la mer, tant pour avoir le fourrage libre, qu'afin de pouvoir communiquer avec sa flotte; changeant alors de dessein, son premier plan ayant manqué, il alla se retrancher près de Pompée.
Une légion de Pompée occupe un ancien camp (3,66)
[3,66] (1) Les retranchements de ce camp achevés, les espions de César lui rapportèrent qu'un certain nombre de cohortes pouvant former une légion étaient derrière le bois, et qu'on les menait dans l'ancien camp. (2) Voici quelle était la position des deux armées. Les jours précédents, la neuvième légion de César s'étant opposée aux troupes de Pompée, et retranchée, comme on l'a dit, sur une hauteur voisine, y avait établi son camp. (3) Ce camp touchait à un bois et n'était éloigné de la mer que de quatre cents pas. (4) Ensuite, ayant changé d'avis pour plusieurs raisons, César porta son camp un peu plus avant. Peu de jours après, Pompée vint occuper ce même camp; et comme il voulait y mettre plusieurs légions sans détruire le retranchement intérieur, il en fit faire un plus grand à l'entour. (5) Ainsi ce petit camp, enfermé dans un autre plus étendu, lui tenait lieu de fort et de citadelle. (6) En outre, il fit tirer une ligne d'environ quatre cents pas, depuis la gauche de son camp jusqu'au fleuve, afin que les soldats pussent aller à l'eau librement et sans danger. (7) Mais lui aussi, ayant changé d'avis, pour des motifs qu'il est inutile de rapporter, il quitta bientôt ce poste. Ainsi ce camp était resté vide plusieurs jours, mais les fortifications n'en avaient été nullement endommagées.
César attaque ce camp (3,67-68)
[3,67] (1) Une légion s'y étant portée, les espions de César vinrent l'en avertir. Leur rapport fut confirmé par ceux qui étaient placés dans les forts construits sur les hauteurs. Ce lieu se trouvait à cinq cents pas de distance du nouveau camp de Pompée. (2) César, dans l'espoir d'accabler cette légion, et de réparer l'échec de la journée, laissa deux cohortes dans ses retranchements pour les garnir; (3) il partit par un chemin détourné, le plus secrètement possible, avec trente-trois autres cohortes, parmi lesquelles se trouvait la neuvième légion, qui avait perdu beaucoup de centurions et de soldats, et il marcha sur deux lignes vers le petit camp où s'était portée la légion de Pompée. (4) Il ne fut vas trompé dans son attente; car il arriva avant que Pompée s'en fût aperçu; et, quoique les fortifications fussent très élevées, l'aile gauche qu'il commandait, ayant attaqué vivement l'ennemi, le chassa du retranchement. (5) Les portes étaient protégées par une herse. On y fut retenu quelque temps, malgré les efforts des nôtres, par la vigoureuse défense des ennemis, entre lesquels se distingua ce même Titus Puléion qui, comme on l'a dit, avait trahi l'armée de C. Antoine. (6) Mais enfin la valeur des nôtres l'emporta; ils coupèrent la herse, entrèrent d'abord dans le grand camp, ensuite dans le fort qui y était enfermé, et, comme la légion ennemie s'y était réfugiée, ils y tuèrent quelques soldats qui essayaient de se défendre.
[3,68] (1) Mais la fortune, qui a tant de pouvoir en toutes choses. et principalement à la guerre, opère souvent en un moment de grandes révolutions, comme il arriva alors. (2) Les cohortes de l'aile droite de César, qui ne connaissaient pas le terrain, suivaient le retranchement qui s'étendait, comme on l'a dit plus haut, depuis le camp jusqu'au fleuve, croyant que c'était celui du camp dont elles cherchaient la porte. (3) Mais, ayant vu qu'il touchait au fleuve et qu'il était sans défense, elle le renversèrent, le franchirent, et toute notre cavalerie suivit ces cohortes.
Pompée envoie des renforts. Panique des Césariens (3,69-70)
[3,69] (1) Cependant, après un assez long temps, Pompée, averti de ce qui se passait, rappela des travaux sa cinquième légion, et la conduisit au secours des siens: en même temps il fit avancer sa cavalerie contre la nôtre. Nos soldats, maîtres du camp, virent l'armée ennemie marcher contre eux en bataille, et soudain tout changea. (2) En effet, la légion de Pompée, rassurée par l'espoir d'un prompt secours, s'efforça de résister de la porte décumane, et vint même nous attaquer vivement. La cavalerie de César, qui ne pouvait monter au retranchement que par un chemin des plus étroits, craignant pour sa retraite, commençait à fuir. (3) L'aile droite, séparée de la gauche, ayant remarqué cette épouvante de la cavalerie, se mit aussi à faire retraite par le même endroit par où elle avait pénétré, afin de n'être pas accablée dans les retranchements; la plupart, de peur de s'engager dans un défilé, se jetaient dans des fossés de dix pieds, où les premiers, étant écrasés, aidaient la fuite des autres qui passaient par-dessus leurs corps. (4) L'aile gauche, qui du retranchement voyait Pompée arriver et les nôtres s'enfuir, craignant d'être enveloppée dans ce défilé étroit où elle aurait eu l'ennemi au dedans et au dehors, tâcha de se retirer par où elle était venue. Partout régnaient l'effroi, le désordre, la fuite: en vain César arrachait les enseignes aux mains des fuyards et leur ordonnait de faire face; les uns abandonnaient leurs chevaux et couraient à toutes jambes; les autres jetaient de peur leurs enseignes, et pas un ne s'arrêtait.
[3,70] (1) Dans en si grand malheur, deux choses empêchèrent que l'armée ne fût entièrement détruite: d'abord Pompée, qui sans doute ne s'attendait pas à ce succès alors qu'il venait de voir ses troupes chassées de leur camp, craignit quelque embuscade, et hésita à s'approcher des retranchements. Ensuite sa cavalerie fut retardée par le passage étroit des portes qu'occupaient les soldats de César. (2) Ainsi les circonstances les plus frivoles eurent des deux parts des conséquences importantes. Le retranchement tiré du camp au fleuve empêcha l'entière et prompte victoire de César; et ce même retranchement, en retardant la poursuite de l'ennemi, sauva notre armée.
Les pertes. Attitudes de Pompée et de Labiénus (3,71)
[3,71] (1) Dans ces deux combats donnés le même jour, César perdit neuf cent soixante hommes, plusieurs chevaliers romains de distinction, Tuticanus Gallus, fils de sénateur; C. Fléginas, de Plaisance; A. Granius, de Pouzzoles; M. Sacrativir, de Capoue, et trente-deux tribuns militaires ou centurions; (2) mais la plupart périrent sans aucune blessure, écrasés dans le fossé, sur les retranchements, ou sur le bord du fleuve, par leurs compagnons qui fuyaient effrayés. Nous perdîmes aussi trente-deux enseignes. (3) Cette action valut à Pompée le titre d'imperator. Il le conserva, et souffrit désormais qu'on le saluât de ce nom; mais cependant il n'entoura de lauriers ni ses lettres ni ses faisceaux. (4) Labiénus, ayant obtenu qu'il lui remît les prisonniers, il les promena à la tête du camp, cela sans doute pour mériter la confiance du parti qu'il venait d'embrasser; et les appelant ses camarades, et leur demandant avec insulte si les vétérans avaient coutume de fuir, il les fit égorger publiquement.
Coup sur coup César subit deux revers, tandis que Pompée échoue à annihiler son ennemi. Voilà des idées de POD :
Et si les frères Roussilius et Ecus n'avaient pas déserté ?
Les deux Allobroges ont porté un coup très dur à César quel était leur raison ? Le De bello civilii raconte qu'ils avaient détourné les soldes de leur cavalerie à leur propre usage... Tout le passage est tendancieux, César y est dépeint comme bon et prenant les deux frères pour des amis. Lesquels sont dépeins comme des barbares arrogants qui doivent tout à César mais se retournent contre lui à la première brimade... brimade résultant de leur propre (mauvais) comportement, bien sûr. C'est vraiment très lourd... rappelons tout de même que les Allobroges sont des Gaulois et qu'ils ont peut-être quelques raisons remontant à la Guerre des Gaules de ne pas aimer les Romains.
Soit que César les ait fait démettre pour leurs crimes (réels ou imaginaires) et que d'autres chefs les remplacent, soit au contraire que César se conduise de manière à ce qu'ils ne se sentent pas "brimés" et lui restent fidèles, qu'en aurait-il résulté ? Et bien, Pompée aurait perdu à Dyrrachium... ce qui aurait considérablement raccourci la Guerre Civile.
Et si les troupes de César ne s'étaient pas égarés lors de leur attaque (chapitre 3,67-68) ?
Il est probable que l'assaut aurait été remporté par César et que la bataille aurait alors tourné en sa faveur. Là aussi, la guerre civile aurait été raccourcie.
Et si Pompée avait poussé ses troupes à attaquer lors de la retraite de César ?
L'ironie - soulignée par César- fut que la palissade qui avait égaré ses troupes et leur avait fait perdre l'affrontement les ait également sauvé de l'anéantissement. Toutefois, la prudence de Pompée - craignant qu'il s'agisse d'une feinte - a aussi beaucoup joué. Si Pompée avait pressé ses troupes à ce moment plutôt que de les retenir... il aurait transformé la retraite en désastre militaire.
En tout cas, en OTL, César se replie et Pompée le suit. Toutefois, une fois encore, les Césariens sont plus rapides et leur armée étrillée fait jonction avec celle de Domiitius. La situation de César est cependant des plus mauvaise, surtout que la défaite - qu'il minimise dans le De bello civilii- lui a retourné certaines amitiés. Ainsi la ville grecque de Gomphi lui ferme ses portes. César est obligé de l'assiéger et de la prendre. L'effet psychologique de ce siège mené avec la rapidité habituelle de César terrifie les opposants, rallie les indécis, fait réfléchir les partisans de Pompée. Effet immédiat deux villes proches envoient émissaires et vivres aux Césariens.
Pendant ce temps, Pompée a fait jonction avec Scipion. Il a l'avantage, le sait... et se prépare à la bataille. Elle aura lieu à Pharsale.
Dernière édition par Anaxagore le Mar 9 Oct - 13:58, édité 1 fois
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Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots. William Faulkner
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Re: Uchronies romaines
César, l'écrivain, est-il neutre lorsqu'il raconte les guerres de César, le général ?
Dit comme ça, c'est presque une blague. Personne n'a un jugement neutre de soi-même. Pire, la "Guerre des Gaules" ou la "Guerre Civile" sont des ouvrages de propagande destinés à promouvoir Jules César auprès de ses partisans, des neutres, des tourneurs de casaques notoires et des indécis divers. Toutefois, en disant cela je donne surtout mon opinion personnelle, étayée, certes ,par ma connaissance de César, celle de son époque et par l'interprétation que je fais de certains passages. Je n'ai toutefois pas la tête si enflée de ma propre importance que je vous demande de me croire sur parole.
Néanmoins, à entendre sans cesse César l'écrivain, vanter la prudence, la magnanimité, la bonté, le talent de César (le général) et voir en même temps tous ses ennemis ravalés au rang de brutes sans cœur, de lâches, de pillards, de fuyards sans honneur, commandant d'autres lâches, des "pâtres" ou des "barbares", on peut légitimement se demander si les choses étaient réelement aussi tranchées.
Plutarque, philosophe, scientifique et politicien grec, écrivis près de cent cinquante ans après les faits une vie de Jules César qui nous est parvenue. On ignore quelles ont été ses sources, mais il ne s'est pas contenté de recopier servilement le bréviaire du parfait béni-oui-oui césarien... Dans les grandes lignes, César est présenté comme un législateur, un grand général, un grand conquérant. Mais Plutarque peut occasionnellement le brocarder. Ainsi :
Plutarque a écrit:César, pour s’assurer de plus en plus la puissance de Pompée, lui fiança sa fille Julie, déjà fiancée à Servilius Cépion ; et il promit à Servilius de lui donner la fille de Pompée, qui elle-même n’était pas libre, ayant été promise à Faustus, fils de Sylla. Peu de temps après, César épousa Calpurnia, fille de Pison, et fit désigner celui-ci consul pour l’année suivante. Caton ne cessait de se récrier, et de protester en plein Sénat contre l’impudence avec laquelle on prostituait l’empire par des mariages ; contre ce trafic de femmes par lequel on gagnait qui des 553 gouvernements de provinces, qui des commandements d’armées et des charges publiques. Bibulus, le collègue de César, convaincu de l’inutilité de ses efforts pour empêcher ces lois, et ayant même souvent couru le risque, ainsi que Caton, de périr dans le Forum, passa le reste de son consulat renfermé dans sa maison. Pompée, aussitôt après son mariage, remplit d’armes le Forum, et fit ratifier ces lois par le peuple. César obtint, pour cinq ans, le gouvernement des deux Gaules cisalpine et transalpine, auquel on ajouta l’Illyrie, avec quatre légions.Caton essaya de s’opposer à ces décrets : César le fit conduire en prison, dans la pensée que Caton en appellerait de cet ordre aux tribuns ; mais Caton se laissa emmener sans rien dire ; et César, voyant non-seulement les principaux citoyens révoltés de cette indignité, mais le peuple lui-même qui, par respect pour la vertu de Caton, le suivait dans un morne silence, fit prier sous main un des tribuns d’enlever Caton aux licteurs. De tous les sénateurs, il n’y en eut qu’«un très-petit nombre qui suivissent César au Sénat ; la plupart se retirèrent, offensés de sa conduite. Un certain Considius, sénateur fort âgé, lui dit qu’ils n’étaient pas venus, parce qu’ils avaient craint ses armes et ses soldats. « Pourquoi donc, reprit César, la même crainte ne te fait-elle pas rester chez toi ? — Ma vieillesse, repartit Considius, m’empêche d’avoir peur ; le peu de vie qui me reste n’exige pas une bien grande précaution. » Mais, de tous les actes de son consulat, le plus honteux, ce fut d’avoir nommé tribun du peuple ce même Clodius qui avait déshonoré sa femme, et violé les veilles mystérieuses des dames romaines. Ce choix avait pour motif la ruine de Cicéron ; et César ne partit pour son gouvernement qu’après avoir brouillé Cicéron avec Clodius, et l’avoir fait bannir d’Italie.
Vie des hommes illustres : Jules César
Plutarque oppose ici Caton, un défenseur de la légalité et de la république, à César qui utilise le mariage pour obtenir de l'influence, promulguer des lois qui l'arrange (ce que fait aussi Pompée). En même temps lorsque Plutarque parle de César, le chef de guerre, il en dit ceci :
Plutarque a écrit:les exploits de César le mettent au-dessus de tous ces capitaines. Il a surpassé l’un par la difficulté des lieux où il a fait la guerre ; l’autre, par l’étendue des pays qu’il a subjugués ; celui-ci, par le nombre et la forée des ennemis qu’il a vaincus ; celui-là, par la férocité et la perfidie des nations qu’il a soumises ; cet autre par sa douceur et sa clémence envers les prisonniers ; cet autre encore, par les présents et les bienfaits dont il a comblé ses troupes ; enfin, il leur a été supérieur à tous parle nombre des batailles qu’il a livrées, et par la multitude d’ennemis qu’il a fait périr. En effet, en moins de dix ans que dura la guerre des Gaules, il prit d’assaut plus de huit cents villes, soumit trois cents nations, combattit, en plusieurs batailles rangées, contre trois millions d’ennemis, en tua un million, et fit autant de prisonniers.
Plutarque vante l'homme et aussi vante les hommes qu'il commande. On ne peut nier le dévouement des soldats et des officiers pour leur général. Son comportement dans la vie de tous les jours est tout aussi digne d'éloges.
Plutarque a écrit:Surpris dans un de ses voyages par un orage violent, il fut obligé de chercher une retraite dans la chaumière d’un pauvre homme, où il ne trouva qu’une petite chambre, à peine suffisante pour une seule personne. « Il faut, dit-il à ses amis, céder aux grands les lieux les plus honorables ; mais les plus nécessaires, il faut les laisser aux plus malades. » Et il fit coucher Oppius dans la chambre. Pour lui, il passa la nuit avec les autres sous l’auvent du toit, devant la porte.
Vous vous rappelez que je n'ai pas raconté l'expédition de César en Germanie au cours de la Guerre des Gaules, la raison vient des commentaires de Plutarque, justement :
Plutarque a écrit:De cette multitude de Barbares qui avaient passé le Rhin, quatre cent mille furent taillés en pièces : il ne s’en sauva qu’un petit nombre, qui furent recueillis par les Sicambres, nation germanique. César saisit ce prétexte de satisfaire 564 sa passion pour la gloire : jaloux d’être le premier général qui eût fait passer le Rhin à une armée, il construisit un pont sur ce fleuve, qui est fort large, et qui étend fort loin ses eaux des deux côtés. A l’endroit que César avait choisi, le courant rapide entraînait avec violence les troncs d’arbres et les pièces de bois, qui venaient heurter et rompre les pieux qui soutenaient le pont. Pour amortir la roideur des coups, il fit enfoncer, au milieu du fleuve, au-dessus du pont, de grosses poutres de bois qui brisaient la violence du courant, et protégeaient le pont ; enfin il donna aux yeux un spectacle qui dépassait toute croyance : ce pont entièrement achevé en dix jours. Il fit passer son armée, sans que personne osât s’y opposer ; les Suèves mêmes, les plus belliqueux des Germains, s’étaient retirés dans des vallées profondes et couvertes de bois. César brûla leur pays, ranima la confiance des peuples dévoués de tout temps au parti des Romains, et repassa dans la Gaule, n’ayant demeuré que dix-huit jours dans la Germanie.
L'expédition de César est un magnifique ouvrage d’ingénierie et une rodomontade ( premier général Romain à franchir le Rhin)... elle n'a aucun objectif militaire, aucun intérêt du point de vue de l'histoire de la guerre, et ne changera rien au fait que la Germanie (pays celte autant que la Gaule) ne sera jamais soumise. Plutarque juge de manière identique l'expédition de César en Bretagne :
Plutarque a écrit:il fit plus de mal aux ennemis qu’il ne procura d’avantages à ses troupes : on ne put rien tirer de ces peuples, qui menaient une vie pauvre et misérable. L’expédition n’eut pas tout le succès qu’il 565 eût désiré ; seulement il reçut des otages du roi, lui imposa un tribut, et repassa en Gaule.
Pour Plutarque surtout, toutes les allégations comme quoi César voulait éviter la guerre contre Pompée sont vaines. Voilà ce qu'il raconte dans la Vie des hommes illustres :
Plutarque a écrit:César avait résolu depuis longtemps de détruire Pompée, comme aussi de son côté Pompée de détruire César. Crassus, le seul adversaire qui eût pu prendre la place du vaincu, avait péri chez les Parthes : il ne restait à César, pour s’élever au premier rang, qu’à renverser 570 celui qui l’occupait, et à Pompée, pour prévenir sa propre perte, qu’à se défaire de celui qu’il craignait. Mais il n’y avait pas longtemps que Pompée avait commencé à s’inquiéter pour sa puissance : il regardait jusque-là César comme peu redoutable, persuadé qu’il ne lui serait pas difficile de perdre celui dont l’agrandissement était son ouvrage. César, déterminé de tout temps à détruire tous ses rivaux, était allé, comme un athlète, se préparer loin de l’arène : il s’était exercé lui-même dans les guerres des Gaules, il avait aguerri ses troupes, augmenté sa gloire par ses exploits, et égalé les hauts faits de Pompée. Il n’attendait que des prétextes pour éclater ; prétextes que lui fournirent et Pompée lui-même, et les conjonctures, enfin les vices du gouvernement. On voyait, à Rome, ceux qui briguaient les charges dresser en public des tables de banque, et acheter sans honte les suffrages de la multitude ; et les citoyens, gagnés à prix d’argent, descendaient à l’assemblée, non pour donner simplement leurs voix à celui qui les avait achetées, mais pour soutenir sa brigue à coups de traits, d’épées et de frondes. Plus d’une fois ils ne sortirent de l’assemblée qu’après avoir souillé la tribune de sang et de meurtre ; et la ville restait en proie à l’anarchie, semblable à un vaisseau sans gouvernail, emporté à la dérive. Aussi les gens sensés eussent-ils regardé comme un grand bonheur que cet état violent de démence et d’agitation n’amenât pas de pire mal que la monarchie. Plusieurs mêmes osaient dire ouvertement que l’unique remède aux maux de la république, c’était la puissance d’un seul, et que, ce remède, il fallait l’endurer de la main du médecin le plus doux ; ce qui désignait clairement Pompée. Pompée affectait, dans ses discours, de refuser le pouvoir absolu ; mais toutes ses actions tendaient à se faire nommer dictateur. Caton pénétra son dessein, et conseilla au Sénat de le nommer 571 seul consul, afin que, satisfait d’une monarchie plus conforme aux lois, il n’enlevât pas de force la dictature. Le Sénat prit ce parti ; et en même temps il lui continua les deux gouvernements dont il était pourvu, l’Espagne et l’Afrique : il les administrait par des lieutenants, et y entretenait des armées payées par le trésor public, et dont la dépense montait à mille talents chaque année (33).César s’empressa, à cette nouvelle, d’envoyer demander le consulat, et une pareille prolongation pour ses gouvernements. Pompée d’abord garda le silence ; mais Marcellus et Lentulus, qui d’ailleurs haïssaient César, proposèrent de rejeter ses demandes ; et, à une démarche nécessaire ils en ajoutèrent, pour ravaler César, d’autres qui ne l’étaient pas. Ils privèrent du droit de cité les habitants de Néocome (34), que César avait établis depuis peu dans la Gaule. Marcellus, étant consul, fit battre de verges un des sénateurs de cette ville, qui était venu à Rome, et lui dit qu’il lui imprimait ces marques d’ignominie, pour le faire souvenir qu’il n’était pas Romain, et qu’il n’avait qu’à les aller montrer à César. Après le consulat de Marcellus, César laissa puiser abondamment dans les trésors qu’il avait amassés en Gaule tous ceux qui avaient quelque part au gouvernement. Il acquitta les dettes du tribun Curion, qui étaient considérables, et donna quinze cents talents (35) au consul Paulus, qui les employa à bâtir cette fameuse basilique qui a remplacé celle de Fulvius. Pompée alors s’effraya de ces menées : il se décida à agir ouvertement, soit par lui-même, soit par ses amis, pour faire nommer un successeur à César ; et il lui envoya redemander les deux légions qu’il 572 lui avait prêtées pour la guerre des Gaules. César les lui renvoya sur-le-champ, après avoir donné à chaque soldat deux cent cinquante drachmes (36).Les officiers qui les ramenèrent à Pompée répandirent parmi le peuple des bruits défavorables à César, et corrompirent Pompée par de vaines espérances, en l'assurant que l’armée de César désirait l’avoir pour chef ; que si, à Rome, l’opposition de ses envieux et les vices du gouvernement mettaient des obstacles à ses desseins, l’armée des Gaules lui était toute acquise ; qu’à peine elle aurait repassé les monts, elle se rangerait à l’instant sous sa loi : « Tant, disaient-ils, César leur est devenu odieux par ses campagnes sans cesse répétées ! tant il s’est rendu suspect par la crainte qu’on a de le voir aspirer à la monarchie ! » Ces propos enflèrent si bien le cœur de Pompée, qu’il négligea de faire des levées, croyant n’avoir rien à craindre, et se bornant à combattre les demandes de César par des discours et des opinions ; ce dont César s’embarrassait fort peu. On assure qu’un de ses centurions, qu’il avait dépêché à Rome, et qui se tenait à la porte du conseil, ayant entendu dire que le Sénat refusait à César la continuation de ses gouvernements : « Voici qui la lui donnera, » dit-il, en frappant de la main la garde de son épée.Cependant la demande faite au nom de César avait une noble apparence de justice : il offrait de poser les armes, pourvu que Pompée en fit autant. Devenus ainsi l’un et l’autre simples particuliers, ils attendraient les honneurs que leurs concitoyens voudraient leur décerner ; mais lui ôter son armée et laisser à Pompée la sienne, c’était, en accusant l’un d’aspirer à la tyrannie, donner à l’autre les moyens d’y parvenir. Ces offres, que Curion faisait au nom de César, furent accueillies parle peuple avec d’una- 573 nimes applaudissements : il y en eut même qui jetèrent à Curion des couronnes de fleurs, comme à un athlète victorieux. Antoine, l’un des tribuns du peuple, apporta dans l’assemblée une lettre de César relative à ces difficultés, et la fit lire, malgré les consuls. Scipion, beau-père de Pompée, proposa que si, à un jour fixé, César ne posait pas les armes, il fût traité en ennemi public. Les consuls demandent si l’on est d’avis que Pompée renvoie ses troupes ; puis, si on veut que César licencie les siennes : il y eut à peine quelques voix pour le premier avis ; mais presque toutes appuyèrent le second. Antoine proposa de nouveau qu’ils déposassent tous deux le commandement, et cet avis fut unanimement adopté ; mais les violences de Scipion et les clameurs du consul Lentulus, lequel criait que contre un brigand il fallait des armes et non pas des décrets, obligèrent les sénateurs d’abandonner la délibération ; et les citoyens, effrayés de ce désaccord, prirent des habits de deuil.
Comparez les descriptions tirées du De bello civilii que j'ai posté pour la même période. Plutarque et moi partageons le même avis, quoi que César le propagandiste raconte, César le général n'était pas plus aimé du peuple que Pompée. Les gens voulaient juste éviter que la guerre s'invite sur leur perron et voyaient avec une grande crainte l'hostilité entre les deux hommes forts de Rome. Quant aux offres de paix de César, elles n'ont d'autres buts de lui donner "une noble apparence de justice". Pour Plutarque - et je partage cet avis- César n'a jamais souhaité redevenir un "simple particulier", il voulait le pouvoir suprême à Rome. Avec la mort de Crassus face aux Parthes, il n'a plus qu'un seul rival, et il veut l'éliminer.
D'après Plutarque, une paix de compromis aurait été possible pour Pompée, mais César n'attendait qu'un prétexte pour déclencher la guerre :
Plutarque a écrit:Pompée fléchissait, et se rendait à cette proposition ; mais le consul Lentulus n’y voulut point accéder : il traita avec outrage Antoine et Curion, et les chassa honteusement du Sénat. C’était donner à César le plus spécieux de tous les prétextes ; et il s’en servit avec succès 574 pour irriter ses soldats, leur montrant des hommes distingués, des magistrats romains obligés de s’enfuir en habits d’esclaves, dans des voitures de louage ; car c’est sous ce déguisement qu’ils étaient sortis de Rome, dans la crainte d’être reconnus.
Dans la description que Plutarque fait de la guerre en Italie, on est loin de l'image d’Épinal des villes qui ouvrent spontanément leurs portes à César par "amour de lui"... comme le général le prétends dans le De bello civilii (appelons-le DBC, la répétition de ce nom commence à me fatiguer). Au contraire pour Plutarque :
Plutarque a écrit:Ce n’étaient pas seulement, comme dans les autres guerres, des hommes et des femmes qu’on voyait courir éperdus à travers l’Italie ; on eut dit que les villes elles-mêmes se levaient de leur place pour prendre la fuite, et se transportaient d’un lieu dans un autre. Rome se trouva comme inondée d’un déluge de peuples qui s’y réfugiaient de tous les environs ; et, dans cette agitation, dans cette tempête violente, il n’était plus possible à aucun magistrat de la contenir par la raison ni par l’autorité : peu s’en fallut qu’elle ne se détruisit par ses propres mains. Ce n’étaient partout que passions contraires et mouvements convul- 576 sifs ; ceux mêmes qui voyaient avec joie l’entreprise de César ne se pouvaient tenir tranquilles : comme ils rencontraient à chaque pas, dans cette grande ville, des gens affligés et inquiets, il les insultaient avec fierté, et les menaçaient de l’avenir.
Plus, à contrario du DBC qui décris toujours les "gentils" césariens nobles et valeureux, bon et compatissants, voilà que Plutarque montre les partisans de César en train de se moquer d’une foule de réfugiés (constitué de citoyens romains !) qui fuient devant l'avance de leur chef ! D'ailleurs, beaucoup craignent César malgré la réputation qu'il se fait (dans ses propres œuvres) d'homme charitable et généreux. Lorsqu'il demande parmi les sénateurs neutres que certains se rendent en ambassade auprès de Pompée, aucun n'accepte la charge. Certains craignent d'être tués par Pompée s'ils acceptent... mais d'autres ont plus peur que l'offre de négociation ne soit là qu'un beau discours pour la bienséance.
Lorsque César arrive à Rome, sa première préoccupation est de s'emparer du trésor !
Plutarque a écrit:Le tribun Métellus voulut l’empêcher de prendre de l’argent dans le trésor public, et allégua des lois qui le défendaient. « Le temps des armes, lui dit César, n’est pas celui des lois ; si tu n’approuves pas ce que je veux faire, retire-toi : la guerre n’a que faire de cette liberté de paroles. Quand l’accommodement sera fait. et que j’aurai posé les armes, tu pourras alors haranguer à ta fantaisie. Au reste, ajouta-t-il, quand je te parle ainsi, je n’use pas de tous mes droits ; car vous m’appartenez par le droit de la guerre, toi et tous ceux qui vous êtes déclarés contre moi, et qui êtes tombés entre mes mains. » Après cette leçon adressée à Métellus, il s’avança vers les portes du trésor ; et, comme on ne trouvait pas les clefs, il envoya chercher des serruriers, et leur ordonna d’enfoncer les portes. Métellus voulut encore s’y opposer ; et plusieurs personnes le 579 louaient de sa fermeté. César alors prit un ton plus haut, et menaça de le tuer s’il ne cessait ses importunités : « Et tu n’ignores pas, jeune homme, ajouta-t-il, qu’il m’était plus difficile de le dire que de le faire. » Métellus se retira, effrayé de ces dernières paroles ; et l’on s’empressa de fournir à César, sans plus de difficulté, tout l’argent dont il avait besoin pour la guerre.
Revenons à présent au point où nous sommes arrivés dans la chronologie de l'OTL. César assiège Pompée près de Dyrrachium et Pompée le vainc. Voilà ce qu'en dit la Vie des Hommes illustres :
Plutarque a écrit:Pompée avait attaqué avec vigueur : aucun des corps de César ne tint ferme ; ils prirent tous la fuite ; les tranchées furent remplies de morts ; et ils furent poursuivis jusque dans leurs lignes et leurs retranchements. César court au-devant des fuyards, et tâche de les ramener au combat ; mais tous ses efforts sont inutiles : il veut saisir les enseignes, mais ceux qui les portaient les jettent à terre, et trente-deux tombent au pouvoir de l’ennemi. César lui-même manqua de périr : il avait voulu retenir un soldat grand et robuste, qui fuyait comme les autres, et l’obliger de faire face à l’ennemi : cet homme, troublé par le danger, et hors de lui-même, leva l’épée pour le frapper ; mais l’écuyer de César le prévint, et d’un coup 583 d’épée lui abattit l’épaule. César croyait déjà tout perdu ; mais Pompée, ou par un excès de précaution, ou par un caprice de la Fortune, ne conduisit pas à son terme un si heureux commencement : satisfait d’avoir forcé les fuyards à se renfermer dans leur camp, il se retira. Aussi César, en s’en retournant, dit à ses amis : « La victoire était aujourd’hui aux ennemis, s’ils avaient eu un chef qui sût vaincre. » Rentré dans sa tente, il se coucha, et il passa la nuit dans la plus cruelle inquiétude, et en proie à une affreuse perplexité : il se reprochait la faute qu’il avait faite, lorsque, ayant devant lui un pays abondant et les villes opulentes de la Macédoine et de la Thessalie, au lieu d’attirer la guerre de ce côté, il était venu camper sur les bords de la mer, sans avoir rien à opposer à la flotte des ennemis, et bien plus assiégé par la disette qu’il n’assiégeait Pompée par les armes.Déchiré par ces réflexions, affligé de la nécessité qui le pressait et de la situation fâcheuse où il était réduit, il lève son camp, résolu d’aller dans la Macédoine combattre Scipion : il espérait ou attirer Pompée sur ses pas, et l’obliger de combattre dans un pays qui ne lui donnerait plus la facilité de tirer ses provisions par mer, ou venir aisément à bout de Scipion, si Pompée l’abandonnait. La retraite de César enfla le courage des soldats et des officiers de Pompée : ils voulaient qu’on le poursuivît sur-le-champ, comme un homme déjà vaincu et mis en fuite. Mais Pompée était trop prudent pour mettre de si grands intérêts au hasard d’une bataille : abondamment pourvu de tout ce qui lui était nécessaire pour attendre le bénéfice du temps, il croyait plus sage de tirer la guerre en longueur, et de laisser se flétrir le peu de vigueur qui restait encore aux ennemis. Les plus aguerris des soldats de César montraient dans les combats beaucoup d’expérience et d’audace ; mais, dès qu’il leur fallait faire des marches et des campements, assiéger les 584 places fortes et passer les nuits sous les armes, leur vieillesse les faisait bientôt succomber à ces fatigues : ils étaient trop pesants pour des travaux si pénibles ; et leur courage cédait à la faiblesse de leur corps. On disait d’ailleurs qu’il régnait dans leur armée une maladie contagieuse, dont la mauvaise nourriture avait été la première cause ; et, ce qui était encore plus fâcheux pour César, il n’avait ni argent ni vivres, et il semblait inévitable qu’il se consumât lui-même en peu de temps.
Si César ne comprend rien à la tactique de Pompée, c'est que se dernier craint les vétérans de César et ne veux pas les combattre de front. Toutefois, César reste perplexe car jouer la montre a empêché Pompée d'obtenir une victoire totale. Encore une fois, on ne peut rire de l'ironie de la situation... la prudence de Pompée lui a permis de vaincre César... mais cette même prudence l'a empêché de l'écraser. Toutefois, à Pharsale, Pompée va abandonner la prudence parce qu'il a à présent une large supériorité numérique... quel mauvais timing ! Et n'allez pas en faire reproche à Pompée. Ses lieutenants lui ont sans doute montré qu'il avait été trop pusillanime à Dyrrachium... il était donc normal qu'il cherche à se montrer plus assuré sauf que... et bien ce ne fut pas une bonne idée.
Notez que Plutarque a aussi écris une vie de Pompée qui nous raconte les mêmes événements vu depuis l'autre camp. Je ne vais pas vous ennuyer à vous narrer (une troisième fois !) la Guerre Civile mais, pour résumer, Pompée s'est retrouvé à commander un camp qui n'était pas vraiment le sien. Ses "lieutenants" regroupaient des gens aussi différents que Caton, Tidius Sextilius et Cicéron ( de vrais républicains) ou des gens comme Brutus (aucun rapport avec le fils adoptif de César) fils d'un homme tué par Pompée et qui refusait même de le saluer. Sans compter des hommes avides de leur propre gloire, comme Labienus, lequel fort en gueule brandissait l'épée dans les conseils de guerre, poussant les autres à combattre "jusqu'à la mort" et s'opposant aux consignes de Pompée, nettement plus réalistes.
Hors des situation proprement guerrière voilà cette galaxie de particuliers qui se tirent mutuellement dans les pattes qui se querellent pour les postes qu'ils auront au sénat lorsqu'ils auront gagné ( il ne faut pas vendre la peau de César avant de l'avoir tué !) critiquent la moindre décision de Pompée, lorsqu'ils ne l'accusent pas tout simplement d'être un ennemi de la république voulant se proclamer roi !
En situation de combat, nombre de "lieutenants" de Pompée, Labienus en tête, sont partisans d'attaquer César à outrance :
Plutarque a écrit:Quand on le vit ainsi poursuivre tranquillement les ennemis, on se plaignit hautement de lui, on l'accusa de faire la guerre, non à César, mais à sa patrie et au sénat, afin de se perpétuer dans le commandement et d'avoir toujours auprès de lui pour satellites et pour gardes ceux qui devaient commander à l'univers entier. Domitius Enobarbus, en ne l'appelant jamais qu'Agamemnon et roi des rois, excitait contre lui l'envie. Favonius le blessait autant par ses plaisanteries que les autres par une trop grande liberté. « Mes amis, criait-il à tout moment, vous ne mangerez pas cette année des figues de Tusculum. » Lucius Afranius, celui qui avait perdu les troupes d'Espagne et qui était accusé de trahison, voyant Pompée éviter le combat, s'étonnait que ses accusateurs n'osassent pas se présenter, pour attaquer un homme qui trafiquait des provinces. Pompée, trop sensible à ces propos, dominé d'ailleurs par l'amour de la gloire et par une honte ridicule, qui le soumettait aux désirs de ses amis se laissa entraîner par leurs espérances, et renonça aux vues sages qu'il avait suivies jusqu'alors : faiblesse qui eût été inexcusable dans un simple pilote, à plus forte raison dans un général qui commandait à tant de nations et à de si grandes armées. Il louait ces médecins qui n'accordent jamais rien aux désirs déréglés de leurs malades ; et lui-même cédait à la partie la moins saine de ses partisans, par la crainte de leur déplaire dans une occasion où il s'agissait de leur vie. Peut-on regarder en effet comme des esprits sains des hommes, dont les uns, en se promenant dans le camp, songeaient à briguer les consulats et les prétures, dont les autres, tels que Spinther, Domitius et Scipion, disputaient entre eux avec chaleur, et cabalaient pour la charge de souverain pontife, dont César était revêtu ? On eût dit qu'ils n'avaient à combattre que contre un Tigrane, roi d'Arménie, ou un roi des Nabatéens, et non pas contre ce César et contre cette armée qui avaient pris d'assaut un millier de villes, dompté plus de trois cents nations, gagné contre les Germains et les Gaulois, sans jamais avoir été vaincus, des batailles innombrables, fait un million de prisonniers, et tué un pareil nombre d'ennemis en bataille rangée.
Vie de Pompée (p 239 et 240)
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