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Après la victoire

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Message par DemetriosPoliorcète Ven 11 Aoû - 7:56

Préhistorique a écrit:
DemetriosPoliorcète a écrit:
Chapitre 5 : après-guerre

Après la victoire - Page 2 France_1941_Pr%C3%A9fectures_r%C3%A9gionales_Etat_fran%C3%A7ais

Les nouvelles préfectures régionales de la République française
Séparer la Moselle de la Lorraine ça fait un peu trop : trace de l'Alsace Lorraine annexée par l'Allemagne (surtout après un guerre contre l'Allemagne). Je pense donc que la préfecture de Lorraine engloberait les quatre départements lorrains.

Il faudrait aussi que la couleur de la Provence ne soit pas la même que celle de la Corse, on pourrait croire à une même région. le côté insulaire de la Corse la mettra toujours à part dans les découpages administratifs.

Il s'agit de la carte des préfectures régionales telles qu'elles ont été créées sous Vichy. Ici, les administrateurs sont les mêmes et restent en poste, il me semble donc très probable que ce soit ce découpage qui s'impose.

Mais oui, tu as raison pour la Moselle, cette différence a sans doute un lien OTL avec l'annexion de fait qui n'aurait pas lieu d'être ici.
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Message par DemetriosPoliorcète Ven 11 Aoû - 21:28

Chapitre 8 : Azad Hind !

Après la victoire - Page 2 Langfr-1920px-Flag_of_the_Indian_Legion.svg


Le 1er janvier 1950, le conflit entre dans une nouvelle phase : l’Armée Nationale Indienne lance une série d’attaques dans les grandes villes du pays, s’en prenant aux symboles du pouvoir britannique et aux familles de colons et d’administrateurs. Lord Mountbatten est assassiné, de même que plusieurs députés pro-britanniques ; le Parti du Congrès, taxé de collaborationnisme, est également pris pour cible. Le choc produit par l’assassinat de civils provoque, comme prévu, une réaction disproportionnée et un retour à l’autoritarisme de l’administration coloniale. Le Parti du Congrès réagit en appelant à une grève générale et à la désobeissance civile, mais ses militants l’abandonnent en masse pour rejoindre l’Azad Hind, comme le font aussi de nombreux soldats et officiers des troupes coloniales. Anthony Eden promet immédiatement des négociations et une évolution vers l’indépendance dans le cadre du Commonwealth, mais dépêche des renforts venant de tout l’Empire, y compris des engagés métropolitains. Les conservateurs sont de toute façon sévèrement battus aux élections de 1950, face à des travaillistes qui paraissent plus à même de mener les négociations d’indépendance.

Attlee, nouveau premier ministre, affirme dès son entrée en fonction sa volonté de négocier « avec toutes les parties du conflit », incluant donc Chandra Bose dans le processus, mais se heurte à l’intransigeance de celui-ci. La Grande-Bretagne continue la guerre, dans l’idée d’infliger suffisamment de pertes à l’ Armée Nationale pour l’amener à la table des négociations, mais aucun succès majeur ne peut être obtenue face à des indépendantistes désormais nombreux et bien encadrés. Malgré les instructions strictes du gouvernement Attlee, certaines unités contribuent à l’impopularité de l’armée coloniale par de nouvelles violences contre les populations, sinon par de véritables actes de barbarie. En septembre, L’Aurore et le Washington Post révèlent les massacres systématiques commis par les soldats d’un jeune officier Ougandais, Idi Amin Dada, sur les populations civiles du Bihar. La nouvelle renforce la haine de la population envers les Britanniques.

A ce stade, Londres ne cherche plus qu’à s’extirper du bourbier, quitte à renoncer à tout lien avec l’Inde d’après l’indépendance. Dans une ultime tentative, Jawaharlal Nehru est nommé vice-roi, et entame des négociations avec Londres et l’Armée Nationale. Mais le refus total de toute partition du pays par les partisans de Chandra Bose, condamne le processus à l’échec. Après un mois et deux semaines, Nehru est remplacé par le Maharajah de Jaipur Man Singh II, et passe à la clandestinité. Le Parti du Congrès cherche à concurrencer l’Azad Hind en créant sa propre branche armée, l’Armée Républicaine Indienne, qui table sur les insurrections urbaines plutôt que sur la guérilla. Le 6 décembre, ses partisans cherchent à prendre le contrôle de Delhi et New Delhi, mais sont défaits par les troupes coloniales après une semaine de combats. A Lahore, une « République Islamique de l’Inde occidentale » est proclamée par les anciens partisans de Jinnah, rajoutant encore de la confusion.

Après la victoire - Page 2 Man_Singh_II_and_Gayatri_Devi

Man Singh II et son épouse Gayatri Devi

La fin de l’année 1951 voit l’Armée Nationale enchainer les succès. Le commandement britannique reconnaît en décembre que « d’un point de vue strictement territorial, la majeure partie du pays est aux mains de l’Azad Hind, et nous n’avons pas les moyens militaires de la faire reculer ». C’est en effet bientôt l’armée britanniques qui doit s’accrocher à ses positions. En février 1952, la ville de Pune, lieu d’une défaite majeure des Marâthes face à l’EIC, est encerclée et prise d’assaut par des dizaines de milliers de soldats indépendantistes, tandis qu’aucun effort britannique ne parvient à la dégager. Après trois semaines de combats, la ville tombe aux mains des partisans de Chandra Bose, qui y installe son gouvernement provisoire. Les photographies de parachutistes britanniques capturés font le tour du monde.

Acculée, Londres saisit la proposition de médiation des Etats-Unis pour se tirer de cette catastrophe : la conférence de Los Angeles voit les Britanniques reconnaître un Etat indien comprenant le Bengale, l’ouest musulman et Ceylan, et s’engager à retirer leurs troupes en deux mois. Les clauses obligeant Chandre Bose et ses partisans à reconnaître le pluripartisme et une structure fédérale devant laisser le champ libre à de possibles indépendances sont bien sûr là pour la forme uniquement, ce dont tout le monde est bien conscient : dans l’ouest, séparatistes et unitaires s’affrontent déjà militairement, tandis que les indépendantistes cinghalais n’attendent pas le départ des britanniques pour s’armer, Tamouls et musulmans, partisans de l’unité, faisant de même.

L’armée républicaine joue sa dernière carte en prenant le contrôle de plusieurs métropoles côtières avant l’arrivée des troupes nationalistes. A Calcutta, Nehru appelle toutes les forces favorables à la démocratie à se rassembler pour empêcher la mise en place d’un pouvoir personnel. Mais la majeure partie des militants du Parti du Congrès, qui n’ont pas de divergence idéologique fondamentale avec leurs adversaires, préfère se rallier. Les séparatistes sont, à l’inverse, bien plus déterminés, et il faudra plusieurs années pour pacifier l’ouest. Le nouveau pouvoir trouve néanmoins des auxiliaires précieux en les tribus pashtounes des zones frontalières, déjà ménagées par les britanniques : jaloux de leur indépendance mais dépendant, pour maintenir leur système clientéliste, d’un apport permanent d’argent, les chefs pashtounes acceptent avec enthousiasme de voir l’ancien contrat avec les Britanniques renouvelé, avec une autonomie élargie et une augmentation des subsides.

A Ceylan, le nouveau pouvoir dépêche en urgence des dizaines de milliers de soldats de l’Armée Nationale pour soutenir ses alliés. Désorganisée, forcée de vivre sur le pays, cette force commet un grand nombre d’exactions, d’abord spontanées, qui se transforment en une action systématique contre les populations bouddhistes. Alors que Colombo et Jaffna, où s’entassent les réfugiés, sont sur le point de tomber, la SDN obtient un cessez-le-feu le temps d’évacuer les populations civiles. Des centaines de milliers de cinghalais s’exilent aux Etats-Unis ou en Europe. La France relogera plusieurs milliers d’entre eux en Guyane.

Des dizaines de milliers d’Indiens, partisans des Britanniques, de Man Singh ou de Nehru, fuient également le sous-continent. Si les élites rejoignent rapidement la Grande-Bretagne, beaucoup passeront des années dans des camps de transit disséminés dans l’Empire britannique.
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Message par Collectionneur Sam 12 Aoû - 8:17

Idi Amin Dada ? Il était nommé dans la précédente version ?
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Message par LFC/Emile Ollivier Dim 13 Aoû - 6:59

DemetriosPoliorcète a écrit:En septembre, L’Aurore et le Washington Post révèlent les massacres systématiques commis par les soldats d’un jeune officier Ougandais, Idi Amin Dada, sur les populations civiles du Bihar. La nouvelle renforce la haine de la population envers les Britanniques.

Ouh, c'est magnifique uchroniquement parlant ! Bien joué !

Tu me donnes envie d'améliorer ce conflit dans LFC Guerre froide en tout cas Smile
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Message par DemetriosPoliorcète Mar 15 Aoû - 10:59

Collectionneur a écrit:Idi Amin Dada ? Il était nommé dans la précédente version ?

Alors non, c'est une idée que j'ai eue entre temps.
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Message par DemetriosPoliorcète Mar 15 Aoû - 11:07

Chapitre 9 : Chefs

Si le règne des hommes forts commencé dans l’entre-deux-guerres semble aller sur sa fin en Europe, il triomphe en Asie avec l’apparition en Inde et en Chine de deux régimes qui marqueront le siècle de leur empreinte : celui de Mao Zedong en Chine et celui de Chandra Bose en Inde.

L’Orient est rouge

Après la victoire - Page 2 Mao_Proclaiming_New_China

Mao Zedong proclame la République Populaire de Chine

Au Nouvel an chinois 1946, les soldats Japonais avaient officiellement terminé leur évacuation et la Chine, à défaut d’avoir remporté le conflit, avait conservé son indépendance. De nombreuses questions restaient néanmoins en suspend, à commencer par celle de la place des communistes dans le pays. Mao avait eu l’intelligence de ne pas empêcher l’exécution des accords de San Francisco tout en ne reconnaissant pas leurs clauses les plus impopulaires. Le peu d’engagement des communistes pendant l’opération Ichi-go, puis leurs succès dans les derniers mois de la guerre, leur avaient garanti de parvenir à la paix avec une popularité élevée et une armée en mesure de s’opposer frontalement au Kuomintang.

Dès le cessez-le-feu, la guerre civile en Chine avait été le pari des Japonais, qui espéraient bien pouvoir annuler les futures conférences prévues sur le Mandchoukouo et Formose. Les Etats-Unis pouvaient quant à eux difficilement se poser en médiateurs des affaires intérieures chinoises. Ce fut Staline, qui espérait un parti communiste puissant dans une Chine nationaliste alignée sur l’URSS, qui tenta à plusieurs reprises une médiation entre les deux grands chefs militaires chinois, mais ne parvint qu’à retarder l’inévitable, d’autant plus que ses relations personnelles avec Mao étaient exécrables. Ce fut finalement dès 1947 que les affrontements reprirent, avec des bombardements nationalistes sur les positions communistes, suivis d’une offensive générale de ces derniers. Très vite, l’essentiel du nord de la Chine est tenu par l’Armée Populaire de Libération, qui installe son quartier général dans l’ancienne capitale impériale de Xi’an. Tchang Kaï-Tchek ne peut empêcher la prise de Pékin que grâce à l’aide massive, officielle, des Occidentaux et celle, discrète, des Japonais.

Si elle résiste aux offensives conventionnelles, l’armée nationaliste ne peut pas empêcher les foyers de guérillas de se multiplier dans un pays où le Kuomintang est détesté pour sa corruption et sa brutalité. Fin 1948, la situation devient intenable et Tchang annonce l’abandon de Pékin en le repli sur la Chine du sud, abandonnant l’essentiel du nord du Yangzi aux communistes. Après un siège de plusieurs mois, Chongqing, la capitale nationaliste pendant la guerre sino-japonaise, tombe, le gouvernement de Tchang ne tient plus que les provinces côtières entre Shanghai et Canton. Aux frontières du Mengjiang et du Mandchoukouo, Mao a l’intelligence de ne pas affronter les troupes d’interposition internationales. Il faut encore attendre deux ans pour que l’Armée révolutionnaire nationaliste ne s’effondre complètement et que les communistes ne puissent prendre le contrôle de tout le pays. Vaincu, Tchang Kaï-Tchek finira sa vie aux Etats-Unis.

En principe collégial, le nouveau régime ne tarde pas à être dominé par la personnalité de Mao Zedong, vu par tous comme le grand vainqueur du conflit. La collectivisation de l’économie sur le modèle soviétique est mise en place, bien qu’avec étonnamment une certaine prudence. La reprise en main du Xinjiang, avec l’accord des soviétiques, puis l’invasion du Tibet en 1955, renforcent la légitimité du PCC comme principal défenseur des intérêts nationaux, les autres territoires irrédents étant pour l’instant hors de portée.

L’Inde nouvelle de Netaji Subhas Chandra Bose

Après la victoire - Page 2 2560px-1931_Flag_of_India.svg

En 1952, les nationalistes savourent une victoire totale : l’Inde est toute entière entre leurs mains, y compris les territoires musulmans à l’ouest et Ceylan au sud. Avec la fin des combats et le départ de centaines de milliers d’opposants, sur lequel le pouvoir ferme les yeux, le pays retrouve pour un temps la paix, mais plonge dans une période d’incertitude.

Totalitaire, le régime ne repose néanmoins pas sur un parti unique mais sur une coalition unique : au Parti National Indien fondé par Chandra Bose à l’indépendance s’adjoignent les Chemises rouges, parti musulman unioniste qui n’a plus grand-chose à voir avec le mouvement pacifiste de l’avant-guerre et cherche à mobiliser en faveur du régime les populations musulmanes. Le régime proclame vouloir abolir toute inégalité fondée sur la religion, la caste, le sexe, l’ethnie et permet de véritables avancées dans ces domaines (sauf pour les ethnies jugées complices des Britanniques, qui sont impitoyablement discriminées et poussées à la fuite), mais il met également en place un système de répression particulièrement violent qui n’a rien à envier à celui des régimes communistes. Ainsi, des millions d’Indiens sont déplacés à plusieurs titres, de l’exil intérieur à l’enfermement dans les colonies pénitentiaires au pied de l’Himalaya, dont peu reviennent… La constitution de janvier 1952 transforme le pays en un Etat National Indien, qui ne cache pas son influence fasciste : une chambre basse nommée Assemblée du peuple est flanquée d’une Chambre des Provinces et des Corporations.

La volonté d’extirper l’Inde de tout héritage britannique passe par la fin de la langue anglaise comme langue administrative à l’échelle nationale. Après une brève tentative d’imposer une forme modernisée de sanscrit, le régime se tourne vers un bilinguisme entre hindi et télougou, avec très vite un net avantage pour le premier, parlé au nord, là où se trouvent les centres de pouvoir.

Sur le plan économique, le régime se veut une synthèse du communisme et du fascisme, mais c’est le deuxième modèle qui s’impose dans l’industrie : en 1953, toutes les industries mises en place sous le Raj britannique sont nationalisées. Les villes côtières, trop marquées par l’héritage colonial, sont délaissées au profit du développement de l’intérieur du pays. Cette politique est un échec complet et voit la production industrielle s’effondrer ; elle ne bénéficie en fin de compte qu’aux entreprises italiennes et japonaises, qui investissent cet immense marché à la fin de la décennie. L’explosion du chômage urbain qui s’en suit conduit à l’adoption, en 1957, d’un certificat de résidence semblable à celui mis en place en Chine, qui garantit aux ruraux le droit à la terre mais leur interdit de s’installer en ville, limitant ainsi la croissance de l’habitat taudifié au prix d’un contrôle social accru.

La politique économique remporte davantage de succès dans les campagnes, où la collectivisation forcée est repoussée au profit de l’encouragement aux coopératives et de la réforme agraire permettant l’accès à une large majorité des Indiens à la propriété d’usage. La production alimentaire ne grossit néanmoins pas aussi vite que la population, ce qui conduit Chandra Bose, après plusieurs épisodes de famine, à lancer des politiques de stérilisation à grande échelle.
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Message par LFC/Emile Ollivier Mar 15 Aoû - 16:56

(sauf pour les ethnies jugées complices des Britanniques, qui sont impitoyablement discriminées et poussées à la fuite)

Tu as des exemples ? Smile
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Message par DemetriosPoliorcète Mer 16 Aoû - 10:36

LFC/Emile Ollivier a écrit:(sauf pour les ethnies jugées complices des Britanniques, qui sont impitoyablement discriminées et poussées à la fuite)

Tu as des exemples ? Smile

Les Parsis, qui ont prospéré sous la colonisation britannique. J'imagine que les minorités chrétiennes ne sont pas non plus en odeur de sainteté chez les nationalistes les plus durs...
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Message par LFC/Emile Ollivier Mer 16 Aoû - 10:42

Merci de ton retour !
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Message par LFC/Emile Ollivier Mer 16 Aoû - 10:45

Pour les Parsis, je me souviens que tu avais parlé de la fuite des Tata en Iran. Non ?
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Message par DemetriosPoliorcète Mer 16 Aoû - 10:52

Chapitre 10 : Empires

Les conséquences de la guerre de libération indienne furent immédiatement mondiales. Alors que l’idée impériale avait atteint son apogée dans l’immédiat après-guerre, elle était brutalement sévèrement remise en cause, dans les possession britanniques mais aussi dans celles des autres nations européennes.

Un empire où le Soleil finit par se coucher

Dès avant la fin de la guerre en Inde, le gouvernement travailliste de Clement Attlee avait décidé un retrait progressif du Royaume-Uni des autres théâtres coloniaux. A Zanzibar, qui bénéficiait, comme le Sarawak, d’une monarchie bien établie, l’indépendance fut proclamée dès 1951. Sur les territoires continentaux, l’administration coloniale accorde des réformes demandées depuis longtemps par les populations, comme la fin des monopoles économiques pour les Anglo-indiens. La Fédération malaisienne et la Birmanie voient aussi leur autonomie prendre de l’ampleur, dans l’optique d’une indépendance prochaine ; la rébellion communiste malaisienne, impopulaire et limitée à la communauté chinoise, est rapidement circonscrite et vaincue.

Après la victoire - Page 2 2560px-Flag_of_the_Sultanate_of_Zanzibar.svg

Drapeau du Sultanat de Zanzibar

L’indépendance indienne met pourtant le pouvoir de Londres face à une nouvelle série de problèmes, à commencer par la crise des réfugiés la plus grave du XXe siècle. L’intervention indienne à Ceylan et l’évacuation des partisans de Man Singh et de Nehru avaient déjà entrainé la mobilisation d’importantes ressources de la part des Britanniques (avec l’aide logistique de la France et du Portugal via leurs possessions indiennes), mais elle est suivie du déplacement de centaines de milliers des Musulmans séparatistes. Un accord signé avec le jeune Shah Mohammad Reza permet le transit par le Baloutchistan iranien et le Golfe persique. Les Parsis indiens, considérés en bloc comme des collaborateurs par New Delhi, sont quant à eux généreusement accueillis avec leurs savoirs faire et leurs capitaux. A l’est, avec la Birmanie d’Aung Sang, la situation est toute autre : le gouvernement autonome menace Londres d’une indépendance unilatérale et de la saisie des bien anglais si les réfugiés Bengalis ne sont pas immédiatement pris en charge, sans qu’ « aucun Birman n’ait à dépenser un penny ». Rangoon en profitera pour expulser des populations Rohingyas présentes depuis des générations, mais considérées comme bengalies.

Rapidement, une noria de navires transporte les réfugiés indiens vers divers points de l’Empire britannique, où des camps de transit ont été installés en urgence, ce qui n’est pas sans créer de nombreuses tensions. A Kampala, où des émeutes hostiles à l’emprise des Indiens sur l’économie avaient déjà eu lieu en 1949, l’arrivée de premiers réfugiés déchaine les violences ; ces émeutes aboutissent à un renforcement de l’autonomie des différents royaumes, à commencer par celui du Bouganda, dans lequel le roi cesse de jouer un rôle symbolique et commence à exercer un véritable pouvoir de chef d’Etat. Des événements similaires se déroulent au Kenya, au Tanganyika et au Nigéria. Une partie des réfugiés indiens sera ensuite autorisée à embarquer pour le Royaume-Uni, où leur arrivée soudaine accentuera le rejet de l’héritage impérial et le soutien à l’Union Movement d’Oswald Mosley.

Les protectorats français vers l’indépendance

Si les évolutions introduites par la création de la Fédération avaient soulevé une vague d’enthousiasme, le mécontentement demeure dans l’ancien Empire colonial français, d’autant que le retour d’une chambre sans majorité claire en 1950 semble remettre à plus tard la perspective de nouvelles avancées. C’est particulièrement dans les protectorats que se fait sentir le mécontentement, d’autant plus que le nouvelle de la défaite anglaise en Inde rebat les cartes, une victoire militaire contre la métropole semblant devenir une possibilité concrète.

En mai 1951, de gigantesques manifestations sont organisées par les leaders indépendantistes derrière le slogan « autonomie immédiate, indépendance programmée ». L’administration coloniale réagit brutalement, certains élus vietnamiens sont molestés et interpelés. C’est un choc pour tous ceux qui espéraient une indépendance graduelle et pacifique. ace aux mesures d’urgences, beaucoup se tournent vers la clandestinité. Le prince indépendantiste Phetsarath fonde au Laos le Lao Issara, organisation clandestine dont les membres, souvent plus radicaux que leur chef, ne renient pas la filiation idéologique avec l’Azad Hind. Mais les nationalistes de droite sont vite dépassés par les organisations marxisantes : le Viet Minh au Vietnam, le Pathet Lao au Laos, le Parti Démocratique Khmer au Cambodge. Les guérillas montent rapidement en puissance et agissent sur l’ensemble du territoire, le général Raoul Salan, officier de la vieille école, se montrant incapable de les combattre efficacement. Les échos d’Indochine inquiètent rapidement la Chambre, qui contemple dans le même temps la catastrophe que subit le voisin anglais. S’ajoute l’ascendant pris par les guérillas communistes : un rapport de décembre 1951 note ainsi que « le danger réside moins dans les destructions que les rebelles peuvent nous infliger que dans le fait que toute la population rurale d’Indochine peut se retrouver exposée régulièrement à la propagande marxiste-léniniste ». Max Hymans, en accord avec les principaux dirigeants du FRS, favorables au désengagement colonial, nomme en avril 1952 un nouveau commandant en chef, le général de Hautecloque, qui proclame dès son arrivée « être ici pour consolide l’autonomie des peuples indochinois et leur marche vers l’indépendance, non pour l’empêcher ».

L’autonomie interne est proclamée dans les trois pays, revenant ainsi à un protectorat au sens strict. Alors que les troupes des trois monarchies sont renforcées, l’armée français vise désormais à infliger les pertes les plus lourdes possibles aux guérillas pour arriver en force à la table des négociations.

C’est au cours de cette guerre d’Indochine que l’armée française expérimente pour la première fois sur le terrain la contre guérilla et les opérations commando, non sans un certain succès. En janvier 1953, dans une localité vietnamienne nommée Dien Bien Phu, le chef politique du Viet Minh, Ho-Chi Minh, est éliminé par les parachutistes. Au Laos voisin, le combat prend une tournure littéralement fratricide, le Lao Issara, le Pathet Lao et le gouvernement royal étant dirigés par trois frères, Souvanna Phouma, Phetsarath et Souphanouvong. Le référendum d’autodétermination des trois pays est fixé à avril 1954, l’indépendance complète l’emportant largement sur l’intégration à la Fédération, mais le refus de négocier des guérillas communistes, largement alimentées part la Chine de Mao Zedong, entraîne le maintien de troupes françaises pour encore deux ans.

Au Maghreb, l’annonce de l’autonomie interne des Etats indochinois entraîne une nouvelle vague de contestations. Tandis que des émeutes enflamment Tunis, deux légionnaires trouvent la mort dans le sud du pays face à des combattants indépendantistes. Le bey Mohammed el-Amine tient tête à l’administration coloniale, ce qui fait encore monter les tensions et conduit Paris à céder. Les deux monarchies obtiennent l’autonomie interne, prélude à l’indépendance trois ans plus tard. Le bey de Tunis troque à cette occasion son titre pour celui de roi (malik).

La guerre d’Indonésie

Alors que les Pays-Bas étaient envahis par l’Allemagne, la reine Wilhelmine avait exprimé la nécessité de remettre à plus tard les débats en cours sur la création d’un gouvernement autonome dans les Indes Orientales Néerlandaises. A la fin de la guerre, elle avait déclaré que « les Indes orientales et le Suriname ont le droit à une existence nationale propre » et qu’il était nécessaire de « redéfinir les rapports entre les Pays-Bas et les Outre-mers ». Néanmoins, sur le terrain, la définition de cette nouvelle relation avait trainée en longueur.

Le Volksraad, assemblée du peuple indonésienne, dominée par les nationalistes laïques, avait dû partager la représentation des Indonésiens dans les négociations avec une assemblée de notables constituée des souverains locaux, des chefs coutumiers et de représentants des minorités religieuses. Finalement, la formule retenue fut celle d’une Union indonésienne autonome où le gouvernement établi à Batavia partageait ses compétences avec des gouvernements locaux, soulevant les protestations des nationalistes qui boycottèrent les premières élections, avant de revenir dans le jeu politique.

La décennie suivant fut néanmoins paisible : les effets des investissements néerlandais dans le cadre de la « politique éthique » poursuivie depuis l’entre-deux-guerres, la croissance économique, le remplacement progressif des fonctionnaires coloniaux par des membres de l’élite javanaise, contribuent à calmer les tensions. S’ajoute le fait qu’il existe une véritable vie politique nationale dans laquelle aucun parti n’a une majorité absolue. Le Parti national Indonésie de Soekarno et Hatta, nationaliste laïque, cohabite à l’Assemblée du peuple avec le Sarekat Islam, religieux, le Parti communiste indonésien et le Gerindo, parti paysan démocrate et antifasciste.

L’indépendance indienne rebat pourtant, là aussi, les cartes, convainquant de nombreux militants nationalistes que l’intransigeance et la lutte armée sont le seul moyen d’accéder à une indépendance rapide et totale. Soekarno, associé depuis plusieurs années au gouvernement, hésite et semble préférer la voie d’une indépendance progressive, mais les événements précipitent l’affrontement avec la métropole : après plusieurs tentatives d’insurrections urbaines, sous la direction du communiste dissident Tan Malaka, réprimées à Batavia, c’est une rébellion des troupes coloniales dans l’est de Java qui donne le signal de l’insurrection. Son inspirateur, Soeharto, jusqu’ici peu investi en politique, semble avoir saisi l’occasion de se tirer d’un mauvais pas personnel, l’implication dans un réseau de contrebande lui faisant risquer la radiation de l’armée et la prison. Ne voulant pas connaitre le sort d’un Nehru, Soekarno prend la tête de la rébellion et fait proclamer par les députés de son parti un Etat unitaire Indonésie. L’essentiel des forces armées et de police locales rejoignent le mouvement, aux côtés des milices organisées par le Parti communiste, forçant bientôt les Néerlandais à abandonner Java. Grâce à la médiation du président américain Adlai Stevenson, un cessez-le-feu est signé en février 1953. Les négociations s’enlisent néanmoins, les Néerlandais estimant que le gouvernement provisoire ne peut que représenter Java et Sumatra, qu’il contrôle partiellement, et non l’ensemble de l’Indonésie.

Après la victoire - Page 2 1024px-Presiden_Sukarno

Soekarno, leader indépendantiste de l'Indonésie

Finalement, menacés d’un blocus économique, les nationalistes acceptent d’intégrer aux négociations les gouvernements locaux et d’obtenir l’indépendance sous une forme fédérale. Immédiatement après la proclamation des Etats-Unis d’Indonésie, la volonté centralisatrice de Java entraîne la sécession de Bornéo et de l’Indonésie orientale. L’intervention néerlando-américaine met en échec la tentative de reconquête par le gouvernement central. Grâce au soutien du Parti communiste, devenu le plus important au monde en dehors des régimes marxistes-léninistes, Soekarno peut empêcher une tentative de coup d’Etat du désormais général Soeharto mais, en manque de crédibilité, il doit quitter le pouvoir. Tan Malaka, qui a réunifié le Parti communiste, devient premier ministre et transforme progressivement le pays en un Etat socialiste.
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Message par DemetriosPoliorcète Mer 16 Aoû - 10:53

LFC/Emile Ollivier a écrit:Pour les Parsis, je me souviens que tu avais parlé de la fuite des Tata en Iran. Non ?

Oui, je le développerai d'ici quelques chapitres. L'Iran va connaître lui aussi un destin très différent.
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Message par DemetriosPoliorcète Jeu 17 Aoû - 11:20

Chapitre 11 : Réveil

Les années qui suivent le retrait Britannique d’Inde voient aussi d’importants bouleversements dans le monde arabe, où reculent les influences aussi bien anglaise que française. Certains parlent ainsi pour la période de « réveil arabe »

La « deuxième indépendance » et la Grande Syrie

L’indépendance de la Syrie et 1946 n’empêchait pas un maintien de l’influence française, à travers la présence économique et la concession de plusieurs bases militaires, navales et aériennes. Cette influence se ressentait aussi à travers le système parlementaire calqué sur celui de la IIIe République qui, dans un pays nouvellement indépendant, avait rapidement conduit à une instabilité politique chronique. Dès 1947, une révolte druze n’avait pu être réglée, malgré une violence particulièrement prononcée des troupes gouvernementale, que par l’intervention de l’aviation française. L’année suivante, c’était également la France qui avait empêché un coup d’Etat de militaires nationalistes. Les Syriens dépités par la faiblesse de leur Etat nouvellement indépendant, se tournaient vers des solutions radicales : les partisans d’une fusion avec l’Irak voisin, un temps populaires, furent distancés par deux forces qui ne cachaient pas leurs influences fascisantes, et masquaient à peine les fonds italiens auxquels elles étaient massivement nourries. Il s’agissait des panarabistes du Parti Baas de Michel Aflak et des Sociaux-Nationalistes du Libanais Antoun Saadeh, leader particulièrement charismatique.

En 1949, l’expulsion de celui-ci du Liban, où il est accusé de préparer un coup d’Etat, et son arrivée en Syrie provoquent une grave crise politique. Après de longues hésitations, le gouvernement ordonne son arrestation, dans l’optique d’une négociation avec le Liban. La nouvelle provoque une mobilisation populaire massive en sa faveur, le PSNS se transformant presque instantanément en parti de masse. Relâché, Saadeh appelle ses partisans à poursuivre la mobilisation jusqu’au changement de régime et à la fin de l’influence française. Dos au mur, le monde politique syrien cède et Saadeh devient premier ministre et fait accepter une nouvelle loi électorale qui lui est particulièrement favorable. Les élections de 1950 lui donnent une majorité absolue et une légitimité incontestable, lui permettant de se faire voter immédiatement des pouvoirs exceptionnels pour réformer l’Etat. Les Français sont contraints au départ : c’est la « deuxième indépendance » syrienne. Mais le nationalisme à fondement géographique du PSNS ne pouvait se limiter au pouvoir dans les frontières de la Syrie, son objectif premier était l’extension.

Dès l’arrivée au pouvoir de Saadeh à Damas, la vie politique libanaise, dont l’équilibre était déjà bien fragile, avait pris un tour conflictuel, puis violent. Le PSNS n’avait pas atteint l’ampleur qu’il avait en Syrie, mais s’était érigé en force dominante dans la coalition des partis progressistes et des partis musulmans. Fin 1950, la crise politique avait viré à la guerre civile entre les milices de la droite chrétienne et les groupes de gauche. Le 29 septembre, les dirigeants et les députés de la coalition de gauche appelaient officiellement la Syrie à intervenir et reconnaissaient à Saadeh le titre de président à titre provisoire ; le pacte national était d’ailleurs respecté, Saadeh étant chrétien maronite. L’armée libanaise ne montra que peu de résistance, la plupart des unités se ralliant ou déposant les armes, mais les Phalanges chrétiennes livrèrent une résistance opiniâtre durant plusieurs semaines. Qu’importe : alors que les combats ne sont pas terminés, Saadeh se rend à Beyrouth et proclame le rattachement de son pays natal à la Syrie.

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Drapeau du PSNS puis de la Syrie

La réussite rapide du projet irrédentiste syrien inquiéta aussi bien la France que les voisins. Rien dans la nouvelle constitution ni dans les discours de Saadeh ne laissait entendre que le mouvement allait s’arrêter. Dans l’attente d’une hypothétique insurrection en Transjordanie, des forces libanaises se massaient à la frontière. Mais c’était au nord que la tension allait soudainement monter.

La « Grande Syrie » des sociaux-nationalistes comprenait non-seulement le sandjak d’Alexandrette, revendiqué par la Syrie dès l’indépendance, mais aussi l’ensemble de la Cilicie et du Kurdistan turc. Dès l’arrivée au pouvoir de Saadeh, la Turquie du dictateur Ismet Inönü avait envisagé une intervention. En février 1952, alors que Damas a toujours les yeux rivés sur la Transjordanie, le gouvernement syrien reçoit un ultimatum d’Ankara qui demande une renonciation officielle aux territoires revendiqués au nord de la Syrie. Le Premier ministre syrien repousse avec hauteur la demande, ainsi qu’une proposition de médiation de son alliés italien. La réaction turque ne se fait pas attendre : alors que les troupes syriennes sont toujours en majeure partie au sud, l’offensive turque balaie les défenses frontalières et occupe le Kurdistan syrien. Passé en quelques jours de la toute-puissance au désaveu, Saadeh est acculé à la démission et à l’exil. Dans le chaos politique qui s’ensuit, le Baas et d’autres formations panarabes cherchent à réunir une légion internationale de volontaires arabes pour repousser « la nouvelle invasion des Barbares ottomans ». Mais, très vite, le gouvernement provisoire signe un cessez-le-feu avec les Turcs, lesquels restent maitres du Rojava. La Légion arabe est néanmoins rapidement appelée à combattre, plus au sud.

La guerre de Palestine

La deuxième priorité du gouvernement Attlee après l’Inde avait été le règlement de la question de Palestine, dernier territoire sous mandat au Proche-Orient et véritable casse-tête pour les gouvernements de Londres. Alors que l’Irak, la Transjordanie, la Syrie et le Liban avaient obtenu l’indépendance, celle-ci avait sans arrêt été repoussée en Palestine, devant le conflit latent entre les populations juives et arabes. L’arrivée après 1942 de milliers de Juifs polonais, libérés des ghettos nazis mais souvent victimes de violences dans le chaos qui avait suivi le redécoupage frontalier, avait encore envenimé la situation. Le sionisme avait par ailleurs vu son prestige international faiblir avec l’assassinat par les dissidents du groupe Nakam du Premier ministre Churchill, jugé hostile au foyer national.

Dès son retour au pouvoir, Eden, qui n’avait aucune sympathie pour les assassins de son mentor, prépara le retrait britannique de Palestine, sans états d’âmes concernant les violences qui allaient nécessairement suivre. La Fédération de Palestine, Etat sensé refléter un compromis entre les deux populations, n’eut que quelques heures d’existence, David Ben Gourion proclamant immédiatement l’indépendance de la partie juive sous le nom d’Etat d’Israël. Les premiers combats opposent les différentes organisations sionistes aux milices Arabes et tournent à l’avantage des premiers, qui ne parviennent néanmoins pas à occuper l’intégralité de Jérusalem. Une seconde phase voit l’intervention des armées des pays voisins : la Transjordanie et ses troupes de formation britannique à l’est, une armée syrienne commandée par le général Chichakli et épaulée par les volontaires arabes au nord et l’armée égyptienne au sud. Après plusieurs semaines sur la défensive, Tsahal, armée créée par la fusion des différentes organisations juives, ne peut empêcher les Transjordaniens de l’expulser de Jérusalem puis d’atteindre la mer, coupant ainsi les forces sionistes en deux. Ben Gourion n’a d’autre choix, pour empêcher un massacre, que d’accepter des négociations. Alors que l’Egypte annexe Gaza, le roi Abdallah al-Husseini s’autoproclame « roi de Palestine et de Jordanie » ; si de nombreux Juifs choisissent de quitter le pays, ceux qui désirent rester obtiennent un territoire autonome et discontinu au sein du royaume.

En Syrie, Adib Chichakli profite de la victoire pour renverser le gouvernement provisoire et remettre au pouvoir le PSNS ; entre temps, Saadeh a été assassiné par un sympathisant baasiste à Rio de Janeiro, où il s’était réfugié. Sans son leader, le parti se modère, parlant de conservation de l’intégrité territoriale et de la fusion entre Syrie et Liban, mais plus de nouvelles annexions. Sunnite comme la majorité des Syriens, et Kurde, maintenant un lien avec les régions occupées, Chichakli se rend populaire et apparaît comme le garant de la stabilité. En 1955, sous l’égide de l’Italie, des négociations sont menées à Bari entre Syriens et Turcs. Elles aboutissent au retrait des troupes turques et à la reprise des relations entre les deux pays, même si la question du Sandjak d’Alexandrette reste en suspend.

La crise irakienne de 1953

Soulagé par la survie et le renforcement de la monarchie hachémite d’Amman, son plus fidèle allié dans la région, le Royaume-Uni est néanmoins confronté à deux nouvelles crises, en Egypte et en Irak.

Alors qu’au Caire, le parti Wafd nationaliste occupe solidement le pouvoir, des unités d’irréguliers menées par des officiers de l’armée égyptienne opportunément en congé mènent une guerre de harcèlement contre les troupes britanniques stationnées autour du canal de Suez. En 1952, des négociations permettent le départ avec les honneurs des soldats anglais en une baisse de tension entre les deux pays, mais la question du Soudan, sous co-souveraineté entre les deux pays, n’est toujours pas réglée.

Plus grave est la question irakienne. En parallèle des crises du Levant, le pays avait vu se renforcer une dictature antibritannique autour de Rachid Ali al-Gillani, chef du Parti de la Fraternité Nationale. Figure politique majeure depuis la décennie 1930, plusieurs fois premier ministre, al-Gillani était parvenu à obtenir des pouvoirs exceptionnels puis avait interdit tout autre parti que le PFN en 1951. L’année suivante, il avait évincé Abdelillah ben Ali en tant que régent du jeune roi Fayçal II, concentrant l’ensemble des pouvoirs ; toujours officiellement chef de l’Etat, Fayçal était devenu un quasi prisonnier politique, se voyant refuser jusqu’aux apparitions publiques.

Rachid Ali avait désormais les mains libres pour supprimer l’influence britannique dans son pays. Malgré l’inspiration explicitement mussolinienne de son régime, il n’hésite pas à se rapprocher de l’URSS de Staline à qui il achète d’importantes quantités de matériels militaires. Fin 1952, la tension atteint son paroxysme avec la volonté d’al-Gillani de nationaliser le pétrole irakien, alors que le Royaume-Uni est confronté en métropole à des difficultés économiques et sociales, et que des négociations serrées avec Reza Shah puis avec son fils ont déjà réduit les revenus de l’Anglo-Iranian Oil Company. En janvier 1953, l’Irak masse des troupes à la frontière du Koweït. Le calcul est simple : obliger Londres à choisir entre céder sur la nationalisation ou de négocier le retour de l’émirat dans le giron irakien.

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Rachid Ali al-Gillani

Si à Londres beaucoup voyaient dans cet épisode une potentielle nouvelle humiliation nationale, Anthony Eden considérait au contraire que c’était là l’occasion de montrer au monde que l’Empire britannique était toujours capable d’imposer sa puissance. Après avoir rassemblé sous divers prétexte des forces armées dans la région (notamment la gestion du flux de réfugiés indiens), il lance en mai l’opération Hornet : l’aviation britannique détruit au sol la majeure partie des appareils irakiens, tandis que les troupes au sol mènent un raid dans la profondeur. L’objectif est de décrédibiliser le gouvernement de Rachid Ali et de provoquer sa chute.

Si la partie aérienne de l’opération prend de cours Bagdad et remplit parfaitement ses objectifs, les troupes au sol buttent sur les chars soviétiques récemment livrés et doivent revenir sur la défensive. Al-Gillani se déclare prêt à une longue guerre d’attrition, tout en proclamant définitivement la nationalisation du pétrole. C’est finalement la menace par le jeune Mohammad Reza Shah de revenir sur les traités entre Iran et Irak et d’intervenir militairement qui force le gouvernement irakien à signer un cessez le feu. Le 10 juillet, une alliance de circonstance entre la cour et certains militaires renverse le gouvernement al-Gillani, déclare le roi majeur, proclame la dissolution du PFN et le retour du pluripartisme. Mais les premières annonces du nouveau gouvernement royal sont une douche froide pour Londres : l’Irak souhaite la paix et le rapprochement avec l’Occident mais ne remet en cause ni nationalisation du pétrole ni revendication irrédentiste sur le Koweït.

Il faut encore de longues négociations pour que Londres accepte le principe de nationalisation du pétrole, dont l’exploitation est confiée à un consortium où l’AIOC possède 51% des parts. Le Koweït reste sous contrôle international, les troupes britanniques étant remplacées par des troupes italiennes et saoudiennes. Après le départ des Italiens en 1962, le pays deviendra dans les faits un protectorat saoudien.
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Message par Collectionneur Jeu 17 Aoû - 12:20

Une relecture rapide au chapitre 10, une lettre oubliée sur le paragraphe concernant l'Indochine :

C’est un choc pour tous ceux qui espéraient une indépendance graduelle et pacifique. ...ace aux mesures d’urgences, beaucoup se tournent vers la clandestinité.
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Message par DemetriosPoliorcète Mer 30 Aoû - 11:29

Chapitre 12 : Atome

En mars 1953, la France fait exploser dans le désert algérien sa première bombe atomique, deux semaines après l’annonce par les Etats-Unis du premier test réussi d’une bombe A au nouveau Mexique, survenu le mois précédent.  La France devenait ainsi le second pays à entrer dans l’ère atomique.

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A cette occasion, le ministre de l’économie nationale, Jean Bichelonne, prend publiquement la parole à la radio d’Etat, célébrant aussi bien une réussite française que ce qu’il voit comme un moyen sûr de garantir la paix : « les guerres de l’Antiquité et du Moyen âge pouvaient durer des décennies sinon des siècles, les guerres révolutionnaires et napoléoniennes ont ensanglanté l’Europe pendant vingt ans. Mais toujours, le progrès en a réduit la durée. Notre dernière guerre, pour destructrice qu’elle fut, a duré moins de deux ans, et encore les combats les plus intenses furent-ils circonscrits sur quelques mois. Les guerres de ces dernières années au Moyen Orient se sont réduits à des offensives fulgurantes où la décision a été emportée en quelques semaines. Avec l’atome, c’est la perspective de la guerre elle-même qui semble s’éloigner. Oui, mes chers concitoyens, nous avons aujourd’hui bon espoir de ne plus jamais avoir à revivre la guerre. ».

Face à ce plaidoyer d’une certaine naïveté, d’autres voix expriment leur inquiétude quant à la possibilité nouvelle de raser une ville en quelques minutes, tels que les écrivains François Mauriac et Albert Camus. Les opinions publiques, des deux côtés de l’Atlantique, ne saisissent quant à elles pas immédiatement le potentiel destructeur des nouvelles armes ni ne comprennent les effets des radiations ; l’atome devient simplement synonyme de puissance, servant d’inspiration pour nommer aussi bien des magazines de science-fiction que des maillots de bain.

Les conséquences internationales des premiers essais nucléaires français et américains sont indéniables, mais difficiles à mesurer. Il semble que l’armement nucléaire français ait dissuadé le régime de Delhi de s’emparer des cinq établissements français en Inde par la force, et ait provoqué l’ouverture d’un long cycle de négociations. Au Royaume-Uni, le fait d’être dépassé par Washington et Paris accentue l’impression d’une « décennie perdue » dans les luttes coloniales et une désaffection croissante vis-à-vis de l’Empire. Eden augmente les moyens dédiés au programme nucléaire britannique, avant d’être battu aux élections anticipées et d’être remplacé par Hugh Gaitskell, lequel poursuit la politique de son prédécesseur dans ce domaine.

Deux jours avant sa mort, survenue le 5 mars 1953, Joseph Staline s’était également inquiété du premier essai américain, dont l’avaient prévenu ses services de renseignement, et avait renforcé les attributions de Lavrenti Beria, chargé du programme nucléaire soviétique, ce qui aurait donné un avantage supplémentaire à celui-ci dans la lutte pour la succession du tyran rouge. Mais c’est sans doute à Tokyo que l’inquiétude est la plus grande. L’armée japonaise lance immédiatement un programme nucléaire destiné à rattraper le retard accumulé, et obtiendra rapidement des succès inattendu.

L’URSS de Beria fera ainsi exploser sa première bombe A en 1955, année où elle enverra également le premier satellite en orbite ; le Royaume-Uni réussira son premier essai la même année tandis que le Japon attendra 1957. Les espoirs de paix universelle permise par l’arme atomique seront vites déçus et remplacés par la peur d’une destruction globale, possibilité de plus en plus comprise par les Etats et leur population, d’autant plus que les rapports sur les effets des radiations ne cessent de se préciser.

S’il était en retard dans la course à l’atome, le pays de Constantin Tsiolkovski avait maintenu des investissements suivis dans la recherche sur les fusées et engins balistiques, là où les démocraties occidentales avaient vu leur intérêt baisser après la guerre. Le seul pays capable de concurrencer l’URSS avant guerre, l’Allemagne, était parvenu à conserver les recherches de ses savants après sa défaite, sans pour autant avoir les moyens de les poursuivre au même rythme et de les faire fructifier. Le lancement de Sputnik, premier satellite envoyé en orbite, en 1956, fut une profonde surprise pour le monde et une source d’inquiétude. Il entraîna la création par les Etats-Unis de l’agence nationale de l’aérospatiale, la NASA, et le rapprochement franco-britannique autour du programme Brocéliande. Le Japon impérial lance quant à lui le programme Kamikaze, « vent divin », en référence à la tempête qui avait opportunément frappé les envahisseurs mongols ; elle s’offre pour l’occasion les services de Werner von Braun, le plus grand spécialiste de la question en dehors du monde communiste.

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L’URSS conserve cependant pour longtemps son avance en la matière, en prévoyant un premier vol habité pour 1961 (finalement reporté en raison de la situation politique) et un voyage vers la lune pour la fin de la décennie 1960.
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Message par DemetriosPoliorcète Mer 30 Aoû - 13:54

Chapitre 13 : normalisation

Une décennie après la fin de la guerre de Danzig, les régimes autoritaire hérités de l‘entre-deux-guerres commencent à évoluer vers une normalisation de leurs relations avec les démocraties occidentales et une libéralisation interne. Cette évolution est particulièrement visible dans les deux pays qui ont donné le ton idéologique au début du siècle : l’Italie fasciste et l’URSS communiste.

L’Italie de Dino Grandi


Après avoir échoué à entraîner l’Italie dans une guerre victorieuse, Mussolini avait réussi le dernier grand coup de sa carrière en menant tambour battant la réforme agraire, qui lui avait apporté une immense popularité dans l’Italie rurale, plus que jamais soutien inébranlable du régime. Une ère de difficultés nouvelles allait pourtant s’ouvrir le 28 décembre 1947, avec la mort du roi Victor-Emmanuel III et l’avènement de son fils, Humbert II. Le Duce attendait depuis longtemps la mort du vieux souverain, qu’il voyait comme une occasion d’en finir pour de bon avec la monarchie des Savoie, mais les choses ne se passèrent pas comme prévu : la dégradation de l’état de santé du souverain a été caché au Duce et au Grand conseil, permettant au Prince héritier Humbert d’agir le premier et de se faire reconnaître comme roi par l’armée, l’Eglise, ainsi que par Farinacci, le vieux rival de Mussolini au sein du mouvement fasciste, devenu défenseur de la dynastie. Réunissant le lendemain le Grand Conseil du fascisme, Mussolini rappelle que c’est cet organe qui a légalement le pouvoir de proclamer le roi, et envisage la fin de la monarchie ou les remplacement d’Humbert par le duc d’Aoste. L’essentiel des membres s’y opposent, arguant que le renversement de la monarchie risquait de provoquer une guerre civile et de ruiner toute l’œuvre accomplie jusque-là. Mussolini finit par céder et par proclamer le nouveau souverain dans un discours radiodiffusé, avant d’être reçu par lui le lendemain.

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Humbert II de Savoie, roi d'Italie

Un duel feutré va se poursuivre entre le jeune roi et le vieux dictateur au cours des années suivantes, prenant d’abord la forme de querelles protocolaires continuelles, Humbert ignorant à plusieurs reprises les usages introduits sous le fascisme. Ses voyages en Albanie, en Libye et en Ethiopie, où il reçoit directement ses différentes couronnes, lui permettent également de marquer son indépendance, alors que le Duce, dont la santé est déclinante, se déplace de moins en moins. Sur le plan diplomatique, Humbert montre également des velléités d’indépendance dans ses contacts avec les dirigeants étrangers et les souhaits qu’il formule en privé sur l’avenir de la politique étrangère italienne.

Peu intéressée par les querelles de pouvoir et d’ego entre ses deux dirigeants, la société italienne vit une période d’embellie économique et de développement des loisirs. La censure exercée sur la création culturelle est néanmoins une ombre au tableau, et de nombreux auteurs sont contraints d’écrire sous pseudonyme, tandis que des acteurs et actrices qui commencent leur carrière à Cinecitta sont ensuite tentés d’aller la poursuivre de l’autre côté des Alpes, où les rôles sont souvent plus intéressants que dans les productions calibrées du régime fasciste. Cherchant à donner un nouveau souffle à l’industrie, le régime fait produire pour le centenaire du printemps des peuples le film 1848, qui ne manque pas au passage de portraiturer Charles-Albert en roi pusillanime et lâche, et Garibaldi en précurseur du Duce…

En 1950, la santé de Mussolini se dégrade, et les paris sont ouverts pour sa succession. C’est alors qu’Humbert II choisit de rencontrer le roi de Yougoslavie, alors même que le régime lance de nouvelles campagnes de déstabilisation au Kosovo… Réunissant un nouveau Grand conseil, le Duce, ulcéré, met de nouveau sur la table la destitution de la monarchie, « la nouvelle étape de la révolution fasciste ». Mais, devant la gêne de ses lieutenants, il s’emporte et donne sa démission, qu’il présente au roi dans les heures qui suivent. Poussé par certains de ses conseillers à abattre le régime, Humbert se montre prudent, sachant que la popularité du fascisme, ou du moins de ses dirigeants, reste très élevée. Les institutions restent dans un premier temps inchangées, et c’est un hiérarque fasciste, Dino Grandi, qui est choisi pour succéder à Mussolini en tant que président du Conseil. Prudent, il accepte le titre de Maréchal de l’Empire et l’utilise pour se faire désigner ordinairement, mais ne cherche pas à se faire proclamer Duce, titre qui reste l’apanage du seul Mussolini.

C’est la mort du Duce, plus que sa démission, qui marque le véritable début des hostilités pour sa succession. Mussolini ne peut désormais plus apparaître comme une autorité morale ou un possible arbitre pour les hiérarques du PNF. Si ces derniers affichent une unité de façade pour la célébration grandiose des trente ans du fascisme en octobre 1952, les affrontements se font de plus en plus violents en coulisse. Tandis que Farinacci cherche sans succès à retrouver la faveur du roi, la jeune garde fasciste autour d’Alessandro Pavolini place ses pions parmi la milice et les organisations de jeunesse et tente de faire revivre l’esprit squadriste, sans trop de succès. Parmi les modérés, Ciano, le gendre de Mussolini, cherche à manœuvrer pour remplacer Grandi à la tête du gouvernement, ce qui lui vaut un exil diplomatique à Tokyo. Au terme de plusieurs mois d’incertitude, Grandi consolide son pouvoir, avec l’accord d’Humbert II. Il existe dès lors un accord tacite entre les deux hommes sur la nécessité de réformer les institutions du pays, bien que les modalités et le calendrier diffèrent.

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Dino Grandi

Le cadre politique n’évolue pourtant pas au cours des premières années, bien qu’un léger désserrement de l’emprise du parti se fasse sentir dès 1953, avec le relâchement de la censure qui permet l’apparition d’œuvres culturelles indirectement critiques. Le monde intellectuelle se libère également progressivement, avec l’accord du ministre de l’enseignement Giuseppe Bottai, qui prend sa retraite en 1955 et participe à la création de plusieurs revues dans lesquelles l’avenir politique de l’Italie est librement discuté.

Les objectifs de la politique étrangère italienne tels que définis depuis la fin de la guerre restent pour autant inchangés, l’Italie cherchant toujours à se poser en cheffe de file des régimes autoritaires. La victoire de l’Azad Hind face aux Britanniques et le triomphe d’un régime d’inspiration clairement fasciste sont salués comme un immense succès à Rome, et l’Italie obtient un partenaire militaire et économique majeur ; les entreprises italiennes sont longtemps les seules entreprises étrangères à prospérer sous le régime de Chandra Bose. Mais, autour de la Méditerranée, la situation italienne se complique : Grandi ne parvient pas à empêcher un conflit entre ses alliés turcs en syriens en 1952, tandis que les régimes amis s’éloignent du modèle fasciste : le pouvoir autoritaire en Grèce a été renversé dès 1950, tandis qu’en Hongrie, le corégent Iztvan Horthy, fils du régent, assume progressivement la réalité du pouvoir et prépare la restauration monarchique, effective en 1956. En Turquie, Inönu et le CSP ne se maintiennent que difficilement.

A partir de 1955, Grandi se résout à entamer une politique de désengagement des conquêtes mussoliniennes : l’Albanie obtient l’autonomie interne et les pouvoirs du résident italien sont considérablement réduits. En 1958, l’Empire d’Abyssinie se voit doté d’une constitution lui garantissant une indépendance théorique ; l’administration coloniale est remplacée par un appareil d’Etat que dominent les colons installés sur place et membres ralliés de l’ancienne élite aristocratique.

En Italie, la libération de la parole après 1955 conduit l’année suivante à l’autorisation du pluripartisme. Celui-ci reste encadré : les lois fascistissimes restant en vigueur, il est impossible pour les nouvelles formations d’accéder au pouvoir, en dehors des échelons locaux. Les partis communistes et socialistes, constituant « une menace pour la sûreté de l’Etat » restent interdits, mais leurs sympathisants rejoignent en masse le Parti libéral et le Parti populaire italien (chrétien-démocrate), gauchisant leurs lignes. Alessandro Pavolini rompt à cette occasion avec le PNF et créé le Parti Fasciste Républicain, rapidement interdit. Ayant prévu cette manœuvre, Pavolini tente un coup d’Etat appuyé par ses soutiens au sein de la Milice et l’action violente des jeunes partisans dans les grandes villes du nord. Sans soutien dans l’armée ou les pouvoirs locaux, Pavolini ne peut que constater son échec et s’enfuir en Syrie.

Grandi peut désormais considérer son pouvoir établi et ses adversaires éliminés. Mais, dès 1956, il se trouve confronté à une montée en puissance de la contestation. Alors qu’il espérait, selon la ligne qu’il défendait depuis les premières années du PNF, s’appuyer sur la puissance des syndicats fascistes, il constate un retour en force du syndicalisme de gauche, qui mène des grèves très dures dans le Nord de l’Italie. Dans le même temps les partis d’opposition « officiels » échappent au contrôle du gouvernement fasciste et grossissent jusqu’à devenir des partis de masse. Cette aspiration au changement trouve son centre névralgique à Turin, la capitale piémontaise étant à la fois une ville ouvrière peu fascisée et un haut lieu de l’héritage monarchique et du Risorgimento ; l’effervescence politique de 1957 et 1958 sera ainsi désigné comme les « deux années turinoises ». Le Maréchal de l’Empire et les dignitaires du fascisme doivent se rendre à l’évidence : si les Italiens ont pu soutenir les politiques menées par les fascistes, et même idolâtrer Mussolini, leur adhésion à l’ensemble du corpus idéologique a toujours été bien mince.

Devant la perte de contrôle par le PNF, Humbert II peut agir directement. Face à Grandi qui lui répète que son gouvernement reste populaire et que l’opposition est le fait d’une minorité, le roi répond : « si les Italiens vous soutiennent, alors faites-les voter ! ». Grandi annonce en février 1958 avoir été chargé de rédiger, avec l’aide du Grand Conseil Fasciste et l’approbation du roi, une nouvelle constitution. Cela n’empêche pas son remplacement à la tête du Conseil des ministres par le prince Junio Borghese. L’ascension de cette personnalité, plus nationaliste que fasciste, est un nouveau signe du changement en cours.

La constitution finalement soumise à l’approbation des Italiens conserve un exécutif fort et la centralisation administrative, ainsi que des références théoriques à l’organisation corporative de l’économie, mais consacre la retour du bicamérisme, avec une chambre basse, la Chambre du peuple, et une chambre haute, le Sénat. 74% des Italiens l’approuvent en novembre 1958, malgré l’opposition conjointe des durs du fascisme et celle de la gauche, qui dénonçait une pérennisation de certaines thématiques fascistes.


Beria et la fin du marxisme-léninisme

Les transformations de l’URSS au cours de la même décennie ne furent pas moins spectaculaire. Rien ne semblait pourtant, vu de l’extérieur, disposer Lavrenti Pavlovitch Beria, compatriote et exécuteur des basses œuvres de Staline, à transformer radicalement l’héritage de son prédécesseur.

Après la victoire - Page 2 Lavrentiy-beria

Lavrenti Beria

L’homme était pourtant un pragmatique fondamental, et si son ambition et sa prudence lui avaient fait accepter toutes les décisions du maître du Kremlin, il avait lui-même constaté l’inefficacité économique du système du Goulag de même que les sérieuses limites du système de planification. Celui-ci, s’il avait permis au prix de nombreuses victimes l’industrialisation du pays et le rattrapage économique vis-à-vis du monde capitaliste n’en montrait pas moins de nets signes d’essoufflement au début de la décennie 1950. Après la priorité absolue à l’industrie lourde et au réarmement après les purges de 1936, les plans s’étaient orientés à partir de 1945 vers des réalisations de prestige (les métros et les bâtiments monumentaux des grandes villes de l’Union en témoignaient) ainsi que vers l’équipement routier le logement, mais les biens de consommation restaient le parent pauvre de la production soviétique. Une fois les urgences du rattrapage surmontées, la production lourde montrait également d’importantes difficultés, incapable de se diversifier ou de se mettre au service d’objectifs concrets de développement. Pour Beria, une réforme d’envergure s’imposait.

Le 5 mars 1953, la mort du dictateur laissait ses lieutenants en lice pour une guerre de succession sans merci, derrière l’unité de façade affichée lors des funérailles. Doté de pouvoir élargis par Staline dans les derniers jours de celui-ci, Beria bénéficiait en outre de l’appui de Georgui Malenkov, le successeur officiel de Staline à la tête du Parti. Dès les premières semaines, le duo marqua les premières mesures en rupture avec l’héritage stalinien, avec le retrait des portraits des dirigeants des célébrations officielles et la libération d’un million de détenus du Goulag. Beria pousse ses pions, en se créant notamment une clientèle parmi les cadres des républiques non-russes de l’Union. Le 29 juin 1953, il fait arrêter et emprisonner son principal rival l’ukrainien Nikita Khrouchtchev, ainsi que Boulganine et Kaganovitch. Molotov, principal tenant de la ligne stalinienne, s’enfuit en Chine. Une « purge anticorruption » à l’échelle de l’Union permis d’éliminer plusieurs dizaines de milliers d’opposants aux échelons inférieurs du Parti et de l’administration. La terreur d’Etat allait se relâcher pour les Soviétiques ordinaires, mais pas pour les classes dirigeantes qui devaient rester sur leurs gardes et montrer une fidélité absolue.

Les premières réformes économiques sont introduites dès la mort de Staline, avec l’agrandissement de la surface autorisée des lopins individuels et un relâchement de la surveillance des marchés kholkhoziens. Les responsabilités économiques du MVD furent liquidées, et les grands projets sensés être accomplis par les prisonniers abandonnés. Après l’élimination de l’opposition, les réformes s’accélérèrent avec une autonomie accrue des entreprises et des kholkhozes. Dans les Républiques populaires baltes, sous contrôle direct de Moscou, la collectivisation fut rapidement démantelée ; ces trois Etats seraient, tout au long du règne de Beria, le laboratoire des politiques économiques soviétiques.

Lors du XXe congrès, en 1956, Beria peut mettre en avant de bons résultats économiques, notamment dans le domaine de l’agriculture : le choix de privilégier l’intensification à la conquête de nouvelles terres, les investissements dans la mécanisation et, surtout, la liberté retrouvée des agriculteurs avaient amené à une nette hausse de la production. Devant un auditoire médusé mais qui n’aurait pas osé émettre de critique franche, Beria déclara que la planification stalinienne avait atteint ses objectifs avec brio mais que, une fois la construction du socialisme accomplie, il était désormais nécessaire de revenir à des politiques proches de la NEP léniniste. L’idée était de pérenniser le socialisme en URSS en attendant que le monde capitaliste ne s’effondre victime de ses contradictions. En vérité, c’était bien vers la reprise de relations économiques normales avec le reste du monde que Beria souhaitait amener l’URSS.

Le succès de ces politiques ne se démentit pas, avec une croissance économique particulièrement soutenue entre 1953 et 1960. Cependant, la structure du pouvoir soviétique n’évolua pratiquement pas. Le culte de la personnalité de Staline et les excès de son système répressif avaient certes été critiqués, mais sa personne n’avait pas été condamnée, pas plus que la suprématie du Parti par rapport à l’Etat. Tout au plus mit on fin au credo jdanovien dans la culture, laissant s’exprimer davantage écrivains et artistes.
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Message par Rayan du Griffoul Mer 30 Aoû - 14:55

Bon retour
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Message par Wardog1 Mer 30 Aoû - 15:01

Cependant ce qu'ignorent les USA et L'URSS  c'est qu'une petite nation d'Europe de l'est, la Syldavie a réussi en secret et à l'insu de tous à envoyer une fusée et son équipage qui se sont posé sur la lune en 1954...
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Message par vigilae Mer 30 Aoû - 16:30

. très très bien, un détail : la fin de la guerre de Danzig, de Dantzig.
. Par rapport à au commentaire ci-dessus : dans cette dystopie, le pays voisin s'appelle Bordurie, pas Urss.
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Message par Thomas Mer 30 Aoû - 17:29

L’armée japonaise lance immédiatement un programme nucléaire destiné à rattraper le retard accumulé, et obtiendra rapidement des succès inattendu.
Mon avis sur ce point. OTL le Japon à deux programmes nucléaire, démarré respectivement en 1942 et 1943. Je ne vois pas pour quelle raison ITTL le Japon n'aurais pas commencé le programme aux mêmes dates.

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Message par LFC/Emile Ollivier Mer 30 Aoû - 17:32

Thomas,

Pas de guerre du Pacifique. Ca peut expliquer.
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Message par Thomas Mer 30 Aoû - 18:38

Ce n'est pas la guerre du pacifique qui a motivé le projet de bombe nucléaire japonais.
L'idée date de 1934, émise par Hikosaka Tadayoshi de l'université de Tohoku. Il pare alors aussi bien des applications civiles que militaires.
Yoshio Nishina, le "père du programme nucléaire" japonais, changeait avec Niels Bohr et Albert Einstein. Nishina reconnait le potentiel militaire de l'atome en 1939. Il commence à discuter d'un programme nucléaire militaire en 1939 et ce qui deviendra le programme commence à se mettre en place en 1940.
En 1941, les Japonais émettent même l'idée d'utiliser des réacteurs nucléaire pour la propulsion de navires de guerre.
En 1942, l'IJA lance son propre programme d'arme atomique. L'IJN l'imite l'année suivante.
En fait, sans guerre du pacifique, le Japon aurait probablement testé ses premières armes nucléaires à la fin des années 1940 ou au tout début des années 1950.

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Message par DemetriosPoliorcète Mer 30 Aoû - 19:20

Merci pour toutes ces précisions Thomas!

Le Japon impérial était donc plus avancé dans la course que ce que je pensais.
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Message par Thomas Mer 30 Aoû - 20:00

De rien.

Selon les TL avec l'accès aux matières fissiles, des pays comme l'Allemagne, le Japon ou la France pourrait avoir l'arme atomique avant la fin des années 1940.

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Message par DemetriosPoliorcète Sam 2 Sep - 19:39

Chapitre 14 : Cultures

Loin des bouleversements de la politique internationale, les citoyens des pays occidentaux voient au cours des années 1950 leurs modes de vie et les habitudes culturelles évoluer à un rythme modéré mais constant, à l’image de la croissance économique.

Les Etats-Unis vers la culture de masse

Après les huit ans de lère Dewey, marquée par une croissance économique constante et un conservatisme qui ne mettait pas en cause les principaux acquis du New Deal, les Etats-Unis avaient pansé les plaies de la Grande dépression. Sans retrouver l’euphorie économique des roaring twenties, la société américaine avait retrouvé l’optimisme et l’American way of life s’affirmait comme le modèle incontestable pour tout le pays. Objet emblématique de la décennie, la télévision faisait désormais partie du quotidien de l’Américain moyen, après une progression constante depuis son invention dans les années 1930. Le média, qui s’inspirait bien davantage de la radio que du cinéma, diffusait le mythe collectif de la conquête de l’ouest, à travers les premières séries télévisées, ainsi que le modèle de la vie pavillonnaire et de la consommation de masse qui lui était associée. Lors de l’élection de 1952, le candidat démocrate, Adlai Stevenson, avait accepté à contre-cœur d’utiliser des clips télévisés, conçus pour casser l’image d’homme efféminé diffusée par ses adversaires, tandis que son rival Taft s’y était refusé. Ce choix contribua à la nette victoire du  ticket démocrate Stevenson-Sparkman et au début d’une ère véritablement sociale démocrate pour les Etats-Unis.

Le retour d’une présidence ancrée à gauche n’infléchit pas les évolutions en cours, comme certains l’avaient prédit, mais les amplifia. La loi de 1953 sur le financement des études supérieures facilita grandement l’accès à des bourses d’Etat et permit une massification de l’enseignement universitaire sans commune mesure avec les pays européens [1]. Le Social Security Act, renforçant l’accès au soin pour les plus défavorisés, s’inscrivait également dans cette politique volontariste de réduction des inégalités et d’accès pour tous à un mode de vie de classe moyenne.

La hausse du niveau de vie ne doit néanmoins pas faire oublier la persistance de la pauvreté, dans les régions rurales qui ne s’étaient pas complètement remises de la crise de 1929 et se trouvaient confrontées à l’exil de leurs populations jeunes, dans les villes ouvrières du nord et, bien entendu, parmi les Afro-américains, toujours citoyens de seconde zone. Stevenson, dans la lignée de son prédécesseur, s’attacha à lutter contre les lois de ségrégation, mais il était bloqué dans cette tâche par les démocrates du sud, dont été issu son vice-président.

L’événement le plus médiatisé de la décennie fut sans conteste l’assassinat de Stevenson, à Dallas en 1958, par un fanatique ancien membre du Ku Klux Klan visiblement isolé, à moins que celui-ci n’ait été manipulé par les réseaux du dictateur cubain Batista, au prise avec la guérilla castriste et qui trouvait le président américain trop mesuré dans son soutien. Le dixiecrat Sparkman assura la présidence pendant deux ans. Aux primaires démocrates, un second mandat fut clairement écarté au profit de la candidature de Joe Kennedy Jr., qui entendait représenter une Amérique en phase avec son époque.

Dans le même temps, avec Elvis Presley, le rock’n’roll avait quitté les ghettos noirs pour conquérir aussi bien la classe ouvrière blanche que la classe moyenne. Subversive dans un premier temps, cette musique avait finalement, grâce à son exposition médiatique, été pleinement acceptée jusqu’à s’identifier avec l’American way of life. Il en serait différemment des contre-cultures comme le mouvement beatnik ou, plus tard, le mouvement hippie, qui resteraient cantonnés dans les marges.

Après la victoire - Page 2 Elvis_Presley_first_national_television_appearance_1956

Elvis Presley

Hollywood vivait encore son âge d’or, continu depuis les années 1930. En dépit de la censure toujours en cours avec le code Hayes, réalisateurs et scénaristes pouvaient faire passer des messages forts, tel Dalton Trumbo avec son Spartacus de 1953, réalisé par David Lean. Toujours une valeur sûre du cinéma américain, Charlie Chaplin continuait à remplir les salles. Dans un Hollywood considéré par beaucoup comme un repère de communistes (et surveillé pour cela de près par les service d’Edgar Hoover), des productions conservatrices se distinguaient, au premier rang desquelles les films de John Wayne. Cicéron, en 1957, était la réponse anticommuniste à Spartacus, mettant en scène un groupe de politiciens conservateurs au prise avec la violence démagogique.

En Europe

De l’autre côté de l’Atlantique, il devenait difficile de ne pas inscrire la production culturelle soit dans l’imitation, soit dans la confrontation avec les industries américaines du divertissement.

L’Italie fasciste, qui ne lésinait jamais sur les moyens, possédait le plus puissant cinéma d’Europe, et inondait de ses productions l’Europe centrale et orientale. Alors que le Duce vieillissait, puis d’éloignait du pouvoir, le grand spectacle ne paraissait plus redondant par rapport aux discours officiels, et Cinecitta put renvoyer la balle aux Etats-Unis lors du retour du peplum, signant la fi de la période des téléphones blancs. Hannibal, en 1954, fut à cette date le film européen le plus cher de l’histoire. Néanmoins, la censure et le conformisme à l’œuvre en Italie convainquit de nombreux artistes, réalisateurs comme acteurs, de tourner occasionnellement des films de l’autre côté des Alpes, voire de s’y installer définitivement. Il faudra attendre la décennie suivante pour que de grands noms comme Fellini ou Pasolini ne retournent filmer dans leur patrie.

En France, la politique de financement des grosses productions héritées des années de guerre avait fait place à une nouvelle politique culturelle, avec notamment la loi de 1955 qui instaurait une taxe sur les places de cinéma servant à financer le Centre National de la Cinématographie ; en d’autres termes, aller voir des films étrangers finançait indirectement le cinéma national. Si le cinéma art et essai prospéra avec le CNC, on peut citer quelques grosses productions, notamment Guillaume le Bâtard, en 1958, qui s’offre la star américaine Kirk Douglas [2] dans le rôle titre. La télévision française, sur le modèle de la radio, avait la particularité de voir cohabiter une chaine publique, la RTF, avec une chaine privée, TV Monde. L’équipement en postes de télévision étant bien moindre qu’aux Etats-Unis, les deux concurrentes s’adressaient d’abord à une élite intellectuelle, ce qui se ressentait dans leurs programmes. Le protectionnisme culturel passait aussi par le choix du standard de télévision à 819 bandes, que le pays était le seul, avec la Belgique, à adopter.

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Kirk Douglas dans Guillaume le Bâtard

Dans le monde germanophone, Vienne était redevenue, avec le retour de Stefan Zweig et d’autres exilés, un centre intellectuel, mais parut rapidement désuète. A Berlin, l’espoir de voir la floraison culturelle d’avant le nazisme réapparaître fut vite déçu : les bombes du Werwolf dissuadèrent de nombreuses initiatives et ni Hannah Arendt, ni Berthold Brecht ne vinrent se réinstaller définitivement. La plupart des exilés poursuivirent leurs carrières aux Etats-Unis ou à Paris. Le développement de la télévision fut plus rapide en Allemagne qu’outre-Rhin, mais fut marqué par les tensions politiques : à un modèle qui devait associer une chaine publique à l’échelle du Reich avec des chaînes dépendante des Länder, on finit par préférer un modèle à deux chaînes, l’une sous influence de la coalition de Weimar, l’autre proche de l’Union conservatrice.

Au Royaume-Uni, la volonté d’oublier les tensions politiques et la « décennie perdue » dans les guerres de décolonisation débouche sur un affichage de l’insouciance et de la décontraction. C’est l’âge d’or de l’humour anglais, mais aussi celui des contre-cultures, dont le pays se fait rapidement une spécialité : Teddy boys arborant des vêtements édouardiens, modernists amateurs de Modern jazz et bien sûr culture rock’n’roll importée des Etats-Unis. Le souci de démocratisation culturelle, très marqué, permit l’apparition d’une nouvelle génération d’artistes issus de milieux populaire, ainsi que l’âge d’or de la BBC, la chaine publique britannique, le pays faisant pendant plusieurs décennies le choix d’un monopole sur la télévision (tout en veillant à maintenir son indépendance vis-à-vis des politiques gouvernementales).

[1] Equivalent du GI Bill de notre réalité. La massification de l’enseignement supérieur est ici plus tardive.
[2] Francophone OTL à l’époque
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