Seawolf - Mission de la dernière chance (Michael Dimercurio)

Bonjour, aujourd'hui je tiens à vous parler d'un roman qui m'a intéressé, si vous aussi vous appréciez les techno-thrillers, vous devez connaitre les livres de Michael Dimercurio, ancien diplômé de l'académie navale d'Annapolis et ancien sous marinier.
Dans "Seawolf-Mission de la dernière chance", on a deux aspects intéressants, qui mérite l'analyse. De prime abord, l'aspect géopolitique: nous sommes dans un 2002 alternatif, Où après une fin de guerre froide mouvementée (incluant une quasi-guerre nucléaire entre les US et la Russie, l'effondrement et la division de la Chine, l'avénement du Japon (encore) comme puissance dominante du Pacifique) un nouvel acteur géopolitique la FIU (Fédération Islamique Unifié) apparait unifiant l'ensemble du monde musulman (du Maroc au Turkménistan) et bien entendu étant hostile à l'Occident et à ses voisins..très vite (trop vite pour être réaliste) ce IIIéme Reich Moyen-Orientale se lance dans une blitzkrieg contre ses voisins éthiopiens et indiens. Vous vous doutez comment ça se termine...par une intervention occidentale (principalement US), il est "étonnant" de constater que l'armée de la FIU est incapable de s'opposer aux assauts de la coalition,en particulier des débarquements sur les côtes marocaines et iraniennes. Ici donc on a une nation chimérique, très populaire chez les américains (mais aussi paradoxalement chez les fanatiques de Daech) avec le Grand Moyen Orient (cher à Georges W.Bush);à ce sujet l'auteur ne s'y trompe pas et nous montre que la figure charismatique de Mohammed al-Sihoud a bcp de mal à fédérer ces musulmans coalisés, nous montrant comment au sein même de l'équipage d'un sous marin de la FIU ces dissensions ethniques (l'aspect religieux n'est pas traité) peuvent nuire à l'intégrité de la mission (les officiers étant principalement iraniens ou azéris et les hommes de troupes étant eux plutôt libyens ou syriens). Perso je m'interroge si une telle structure même avec un tel chef aura survécu longtemps, certains feront le parallèle (un peu trop facile) entre la FIU et le tristement connu Califat de l'EI, mais la FIU se veut l'union de tout les musulmans (aucune allusion aux près de un demi milliard d'indonésiens) chiite comme sunnite...vous voyez où je veux en venir?
De plus aucun détail ne filtre sur les champs de bataille terrestre, l'armée terrestre de la FIU devrait concentrer des centaines de milliers d'hommes, équipés de façon différente avec disciplines et tactiques totalement différentes, comment la FIU aurait t'elle pu (en si peu de temps) organisé un appareil militaire efficace, capable de s'emparer de l'Éthiopie et de la corne de l'Afrique?
Du point de vue technologique, l'auteur semble se faire plaisir en nous montrant avec forces détails les "wunderwaffen" de la FIU incluant les sous marins semi-autonomes Destiny, chasseurs Firestar, et Missiles-"Bombes sales" Hiroshima (quel mauvais goût) toutes d'origine japonaise...ici d'ailleurs la comparaison avec le IIIéme Reich prend tout son sens puisque la FIU au bord du chaos utilise ses dernières armes dans des missions désespérées (comme balancer une arme de destruction massive sur Washington D.C en espérant que les occidentaux feront la paix).
D'autre part, si les caractéristiques techniques du roman sont très clairs et fort bien expliqués, si les caractères de personnages sont bien équilibrés..il y a bcp d'oublis et d'approximations au sujet de cette FIU, quid de la position d'Israel (qui n'aura pas manqué d'être impliqué dans ce conflit)? des armes nucléaires pakistanaises?..... Mais ne boudons pas notre plaisir.

Merci très cher Colonel pour cette découverte.

De ce que je peux lire, on a effectivement un livre qui a dû se trouver sur la table de chevet de Bush jr...

Pour en revenir à la comparaison EI/FIU, jamais le "Califat" n'aurait toléré des Chiites dans ses rangs. En revanche, il me semble qu'il n'y a aucune distinction ethnique dans cette organisation.

Bref l'inverse du livre.

Emile Ollivier a écrit:Merci très cher Colonel pour cette découverte.

De ce que je peux lire, on a effectivement un livre qui a dû se trouver sur la table de chevet de Bush jr...

Pour en revenir à la comparaison EI/FIU, jamais le "Califat" n'aurait toléré des Chiites dans ses rangs. En revanche, il me semble qu'il n'y a aucune distinction ethnique dans cette organisation.

Bref l'inverse du livre.

l'ironie de la situation que le livre a été retrouvée sur le livre de chevet de Saddam Hussein....https://web.archive.org/web/20081202113405/http://www.military.com/opinion/0,15202,113310,00.html

"I ran into this phenomenon of fiction writers being out front myself. One of my novels, written before the 1993 World Trade Center bombing, described a cruise missile with a nuclear “dirty bomb” as its warhead launched by a submarine belonging to a uniting dictator of a pan-Islamic West-hating organization called the United Islamic Front of God. The Islamic dictator was called “The Sword of Islam” and carried a dagger in the belt of his robes. Just like our pal Osama later did. The target of the dirty bomb was Washington, D.C.

It was chilling to get an email from a U.S. Army soldier stating that this novel was found in one of Saddam Hussein's palaces. It was apparently well-read and dog-eared."

Saddam, c'était du panarabisme mais je pense que la FIU devait lui faire envie.

Deux points contre la FIU ou toute autre organisation fictive du même genre:
-Les Chiites et Sunnites mains dans la main: impossible.
-Produire des chasseurs, sous-marin et autre: en 2002 aucun pays arabe n'est autonome sur des assets stratégique. La Turquie et l'Iran sont entre seulement récemment dans le groupes des nations "arabes" capable de produire ce genre d'engin. Et encore, grâce à des transfert de technologies.

Sur le plan stratégique et tactique, il faut rappeler que la plupart des leaders militaires de ces pays ont étudié dans les écoles militaires étrangères avec des doctrines différentes. Compliqué de faire fonctionner tout ça.

Di Mercurio est intéressant car il fait partie (avec des auteurs comme Patrick Robinson ou Gordon Kent) de la seconde vague du techno-thriller, celle des auteurs des années 90 (Tom Clancy, Stephen Coonts, Larry Bond, W.E.B. Griffin ou Dale Brown, pour ne citer que les plus célèbres, ayant commencé plus tôt, dès les années 80, et constituant la première vague à mon sens). 

Ces auteurs ont du faire face à un événement majeur, la chute du mur, et ont donc du faire le choix entre des histoires "du passé", encore dans la guerre froide, ou des récits liés à une nouvelle géopolitique. 

Si Gordon Kent à choisi de s'encrer sur le terrain du monde réel (l'auteur est en fait un couple père/fils d'officiers de l'US Navy impliqués notamment dans la guerre du golfe) avec des missions en Afrique ou dans les îles indonésiennes, et si d'autres ont opté pour un monde s'éloignant progressivement du notre dans une réalité alternative (Tom Clancy publie en 1991 "La somme de toutes les peurs", avec ses premiers changements géopolitiques majeurs liés au plan de paix Ryan pour le proche-orient, qui sera pratiquement supprimé du Ryanverse à partir de 2003 et de la "war on terror"), DiMercurio a lui fait le même choix que Joe Buff 8 ans plus tard, celui d'un monde immédiatement très différent sur le plan géopolitique et scientifique : le redécoupage de l'Asie et le FIS pour l'un, le nouvel Axe Afrique du Sud afrikaner - Allemagne néo fasciste pour l'autre.

Le problème de DiMercurio est que lorsqu'il rédige ce roman, en 1992/1993 (soit près de 10 ans avant sa sortie française, qui remonte à 2002, juste après le 11 septembre, après un hiatus de 5 ans dans la traduction de ses romans) la guerre du golfe à montré que les puissances arabes sont en carton, il lui faut donc un super ennemi : le FIS est la seule solution puisqu'il a brisé la Chine dans son précédent roman et que la Russie ne fait plus peur (sauf pour des romans de type "rogue nuke" comme le film "le pacificateur" sortit en 1997, mais ce n'est pas le style de DiMercurio). 

Ce n'est qu'après le 9/11 que l'arabe (ou l'iranien) terroriste redevient à la mode et se voit équiper d'armes toujours plus puissantes, culminant avec des romans comme le Hunter Killer de Patrick Robinson (2006) qui y ajoute la France comme nation ennemie des intérêts US (c'est l'époque des Freedom Fries...) et fournisseur principal des terroristes, ce que l'on retrouve aussi dans le roman de SF Illium et Olympos de Dan Simmons ( dans cette série publiée en 2003 et 2005 les créatures héritières des arabes/musulmans veulent utiliser un SSBN français pour détruire les derniers juifs du monde...)

(si certains veulent creuser plus en profondeur le sujet des techno-thrillers je leur propose humblement de lire mon article sur le sujet : https://www.academia.edu/6629465/Aint_no_Techno-Thriller_in_Here_Sir_ , par ailleurs je travaille actuellement sur une nouvelle communication pour un colloque à Dublin en décembre, j'y parlerais de l'évolution du techno thriller à l'ère de Trump...)

Mais dis donc, ils sont vraiment très visionnaires ces auteurs

Je retourne sur ABA moi

Merci Eumène, cette analyse était passionnante...je soulignerais que Clancy et DiMercurio ont un point commun: leur désignation du Japon comme ennemi à plus ou moins long terme des US (un héritage des années 80?) .

Bref, à côté de la plaque

Je me remets toujours pas de la France armant les terroristes...

Emile Ollivier a écrit:Bref, à côté de la plaque

Je me remets toujours pas de la France armant les terroristes...

French-bashing primaire, ça vend bien aux USA. Mais il ne faut pas se tromper, il y a proportionnellement 10 fois plus d'anti-américains primaires en France que de gens détestant les Français aux USA. Un sondage aux USA permet de mieux comprendre. parmi les Américains qui ont une vague connaissance de la France, la plupart ont une vision neutre voire positive, seule une minorité ont un avis négatif. Toutefois, la majorité des Américains n'ont aucune connaissance des USA à part quelques souvenirs de la guerre d'Indépendance (Lafayette) et le débarquement en Normandie...

Uranium Colonel a écrit:Merci Eumène, cette analyse était passionnante...je soulignerais que Clancy et DiMercurio ont un point commun: leur désignation du Japon comme ennemi à plus ou moins long terme des US (un héritage des années 80?) .

Oui je pense que c'est un facteur, d'ailleurs dans Dette d'Honneur de Clancy (1994) la source du conflit est clairement exacerbée par le côté économique, avec le crash de la voiture et le problème de qualité du réservoir qui prend feu. C'est aussi la période de Rising Sun (Soleil Levant) de Crichton (1992 pour le livre, 1993 pour le film avec Sean Connery et Wesley Snipe), donc il y a clairement une forme de Nippon Bashing aux USA à cette date. Ne pas oublier non plus les relations économiques tendues entre les deux pays après l'éclatement de la bulle spéculative japonaise en 1990, qui a fait perdre beaucoup d'argent...

A noter aussi que c'est une nation avec une très importante force sous-marine et une aviation équipée d'appareils high-tech et à ce titre un des rares adversaires "crédibles" des USA à cette époque où la Chine n'a pas encore atteint son haut-niveau de technologie actuel, la Corée est moins avancée qu'aujourd'hui et le nord n'offre qu'un ennemi certes nombreux mais sans challenge technologique aux yeux des auteurs

Emile Ollivier a écrit:Bref, à côté de la plaque

Je me remets toujours pas de la France armant les terroristes...

On est dans le contexte de Villepin à l'ONU refusant de s'engager dans la seconde guerre du Golfe, les Français sont des traitres absolus... et surtout très pratiques : en effet ils sont une des rares nations exportant des équipements avancés (sous-marins, avions, ...) partout dans le monde à une époque où la Russie n'est plus perçu comme un exportateur viable de ce genre d'outils, et en plus cela change des sous-marin de classe Kilo que tout les romanciers utilisent depuis une décennie...

Après il est intéressant de voir que dans la "Dernière Torpille" le Royaume Uni se retrouve presque confronté militairement à l'US Navy dans l'Océan Indien et Diplomatiquement à l'UE (qui s'est au demeurant procuré un régime présidentiel) au sujet du soutien à la "république Hindoue" (une violente dictature militariste et riche en pétrole) face à la RPC (ou du moins ce qu'il en reste après un second conflit contre la "Chine Blanche "dans "Piranha" ).

Sacré Boris Johnson...

La Division de la Russie en deux états me laisse songeur...