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The Tragedy of Cambodian History – David P. Chandler

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The Tragedy of Cambodian History – David P. Chandler Empty The Tragedy of Cambodian History – David P. Chandler

Message par Thomas Sam 1 Avr - 11:43

Chronique de ma petite relecture hivernale, un petit clic pour les stats est bienvenue.

Résumé :
« L’histoire politique du Cambodge entre 1945 et 1979, qui a culminé avec les excès révolutionnaires dévastateurs du régime de Pol Pot, est marquée par les troubles et la misère. Ce livre de David P. Chandler est le premier à donner un compte rendu complet de cette période tumultueuse. S’appuyant sur son expérience en tant qu’agent du service extérieur à Phnom Penh, sur des entretiens et sur des documents d’archives, David P. Chandler examine les raisons pour lesquelles la révolution s’est produite ainsi que ses liens avec l’histoire antérieure du Cambodge et avec d’autres événements survenus en Asie du Sud-Est. Il décrit la brève période d’indépendance du Cambodge vis-à-vis du Japon après la fin de la Seconde Guerre mondiale ; le règne long et compliqué de Norodom Sihanouk, au cours duquel la guerre du Viêt Nam a progressivement débordé les frontières du Cambodge ; le coup d’État sans effusion de sang de 1970 qui a déposé Sihanouk et mis au pouvoir le faible gouvernement proaméricain de Lon Nol ; et la révolution de 1975 qui a inauguré les changements radicaux et les horreurs du régime communiste de Pol Pot. Chandler explique comment Pol Pot et ses collègues ont évacué les villes et les villages du Cambodge, transformé ses sept millions d’habitants en une main-d’œuvre non rémunérée, torturée et tué les membres du parti lorsque les quotas agricoles n’étaient pas atteints, et ont finalement été renversés lors d’une invasion militaire vietnamienne en 1979. Son livre est une analyse pénétrante et poignante de cette période révolutionnaire féroce et des événements du quart de siècle précédent qui l’ont rendue possible. »

Fiche technique :
Auteur : David P. Chandler
Éditeur : ‎ Yale University Press
Pagination : 414 pages

Comme toujours, quand je lis un essai, c’est sur les sujets qui m’intéressent et me passionnent : science, écologie, climat, militaire, histoire, géopolitique… Si ces sujets m’intéressent et me passionnent, c’est parce qu’ils me permettent de mieux comprendre le monde dans lequel on vit, qu’il me permette de mieux aborder et comprendre certains univers de fiction, mais aussi parce que de manière plus ou moins directe ils alimentent aussi les univers de fiction que je crée que ce soit sous forme illustrée ou écrite. Ainsi pour l’univers de « Au Bord de l’Abîme », j’avais besoin de lire un essai historique de référence sur l’histoire du Cambodge des années 1960 et 1970. C’est ainsi que je me suis mis en quête de « The Tragedy of Cambodian History » de David P. Chandler. À ma connaissance ce livre n’est pas disponible en VF. Pour ma part c’est donc un ouvrage d’occasion venu du Royaume-Uni que j’ai acquis. Vous pouvez accéder à ce livre sur certains sites universitaires, peut-être en bibliothèque université ou médiathèque en France.

Puisque je dis que « The Tragedy of Cambodian History » fait partie des ouvrages de référence, il faut que je vous parle de son auteur. David P. Chandler est un historien et universitaire américain considéré comme l’un des plus grands spécialistes occidentaux de l’histoire moderne du Cambodge. Il a été agent du Service extérieur des États-Unis (partie importante du corps diplomatique des États-Unis rattachée aux ambassades) de 1958 à 1966, en poste à Phnom Penh, Bogota, Santiago de Cali et Washington. Il a occupé des postes de professeur dans les universités de Monash, de Wisconsin-Madison, à Johns Hopkins et à Cornell. Il a été conseiller principal au Centre d’études khmères de Siem Reap, consultant de l’USAID (Agence des États-Unis pour le développement international) pour l’évaluation des programmes de démocratie et de gouvernance au Cambodge et consultant de la Fondation Asie pour l’évaluation des activités électorales à Phnom Penh. Il a également accompagné Amnesty International et le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés dans des missions de recherche et d’enquête sur le Cambodge, et a été chercheur dans les archives cambodgiennes pour le Bureau des affaires des prisonniers de guerre et des disparus au combat du ministère américain de la Défense. La totalité de sa biographie est constituée d’essai portant sur l’histoire et la politique cambodgienne : A History of Cambodia (1983), The Tragedy of Cambodian History (1991), Brother Number One (1992), Facing the Cambodian Past (1996), Voices from S-21: Terror and History in Pol Pot’s Secret Prison (1999). Bref, avec un tel CV vous comprendrez aisément pourquoi c’est l’un de ses livres que j’ai choisi.

L’ouvrage se découpe en huit parties dont je vais vous traduire les titres en français : En quête d’indépendance (1945-1950), Guerre politique (1950-1962), Sihanouk sans opposition (1955-1962), Le Cambodge se couvre de nuages (1963-1966), Changer les règles (1967-1969), Le glissement vers le chaos (1970-1975), Révolution au Cambodge (1975-1979), Au cœur de la tempête : témoignage.

Dans « En quête d’indépendance (1945-1950) » on retrouve le Cambodge au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le Japon vient de lui offrir l’indépendance, mais le pays est repris en main par la France.

Dans les chapitres allant de 1950 à 1960 on suit ce que j’appelle « Le Cambodge de Sihanouk » puisque le Prince-Roi-Chef en fait sa chose. Bien décidé à « faire l’Histoire » Norodom Sihanouk cumule le trône et le poste de chef du gouvernement jusqu’en 1954. Il abandonne son trône et y place son père Norodom Suramarit jusqu’à la mort de ce dernier. Suit alors une régence de sa mère Sisowath Kosamak et son grand-père Sisowath Monireth pendant moins d’un an. Ensuite, Sihanouk remonte sur le trône, abandonne le rôle de chef du gouvernement, mais fait du roi le Chef de l’État et s’implique dans la totalité de la vie politique de son pays, dominé par la partie « Sangkum ».

Durant cette période, Sihanouk s’attribue tout le mérite de l’indépendance du Cambodge obtenue en 1953, principalement par le travail de ses opposants. Ces derniers ne peuvent pas jouer leur rôle politique et sont contraints au maquis ou à l’exil. Les opposants politiques et la presse sont systématiquement menacés. Les autres sont constamment manipulés ou des complices plus ou moins volontaires. Sihanouk tente de maintenir la neutralité de son pays dans le conflit qui ravage le Vietnam voisin en gardant ses distances avec les États-Unis, mais aussi en acceptant la présence de troupes nord-vietnamiennes sur le territoire cambodgien, notamment des portions de la célèbre piste Hô Chi Minh. Sihanouk prétendra tout du long lutter pour le peuple cambodgien et surtout les paysans, et lutter contre la corruption. Dans la pratique, toutes les personnes qui s’opposent à lui sont traitées comme un ennemi de la nation, c’est dans son cercle d’alliés et dans une partie de la famille royale que la corruption est la plus présente. Quant aux paysans ils sont si pauvres, si peu éduqués et si peu intéressés par la politique que s’ils votent pour Sihanouk (et les membres de sa clique) c’est par « respect pour la fonction royale », non pour un programme que la plupart d’entre eux ne peuvent pas lire. D’ailleurs, Sihanouk ne fera pas grande chose en faveur des paysans durant son temps au pouvoir.

En parallèle, une partie de la population urbaine se politise de plus en plus et n’est pas insensible aux idées socialistes, certaines figures importantes de l’histoire du Cambodge telles que le futur Pol Pot et d’autres membres de son ignoble bande de Khmères rouges ont notamment étudié à Paris dans les 1950-60. Et si Sihanouk joue beaucoup au « socialiste », en réalité les Cambodgiens socialistes ou communistes vont vite être déçus et prendre le maquis, aidés par le Vietnam communiste. Cette période de l’histoire du Cambodge et la biographie de Sihanouk sont totalement intriquées et indissociables, il suffit de lire la page Wikipédia consacrée à Norodom Sihanouk pour s’en rendre compte. Le roi-politicien est un fin manipulateur, mais un piètre homme d’État. En prétendant « faire l’Histoire », il ne joue que pour lui, pour sa gloire, son pouvoir, sa place dans l’Histoire. Aucune de ses décisions n’améliore le sort de son peuple et de son pays.

Les chapitres couvrants 1970 à 1979 continueront de vous en convaincre. En 1970, alors à l’étranger, Sihanouk est renversé par Lon Nol l’un de ses plus proches alliés, qui instaure une République. L’histoire n’en devient que plus tragique et Sihanouk plus détestable. Il se réfugie en Chine et crée un gouvernement en exil allié au parti CPK (les Khmers rouges). Sous la coupe de Lon Nol, le pays sombre définitivement dans la guerre civile, assaillie par le CPK et les Nord-Vietnamiens, les paysans sont toujours plus pauvres, l’économie continue de se dégrader, la corruption continue de s’étendre. Le pays lutte pour sa survie et tous ceux en position de le défendre, s’occupent surtout de s’en mettre plein les poches. La République s’effondre et les Khmers rouges prennent le pouvoir. Le pays devient un enfer à ciel ouvert. Les intellectuels sont éliminés, la majorité de la classe politique aussi, tout comme une bonne partie des membres de la famille royale. Les villes sont vidées de leurs habitants, envoyés cultiver dans les campagnes pour tenter d’atteindre le cota des « 3 tonnes de riz par hectare ». Si dans certains cas le cota est éventuellement atteint, beaucoup se retrouvent à cultiver et mourir de faim dans des régions peu fertiles, la nourriture n’est pas redistribuée puisque majoritairement exportée vers la Chine pour payer les dettes des Khmers rouges. Plus les années passent et moins les Cambodgiens ont de quoi se nourrir. Le CPK connait ses purges internes, car comme à l’époque de Sihanouk, ceux qui s’opposent à Pol Pot ou sont perçus comme une menace par lui disparaissent.

La tragédie prend-elle fin lorsque les Khmers rouges sont chassés du pouvoir par les Nord-Vietnamiens ? Non. Les dégâts causés au pays et à sa population sont tellement profonds que le pays ne s’en est jamais remis. En quelques décennies, un pays où la population était pauvre et peu éduquée, mais « relativement heureuse » s’est transformé en champ de bataille puis en champs de la mort. Principalement à cause de deux hommes voulant faire l’Histoire.

Le livre est écrit dans un anglais relativement accessible, mais utilise beaucoup d’acronymes. Ces derniers sont listés en début d’ouvrage s’il faut se rafraichir le mémoire. Deux choses peuvent rendre le livre compliqué à suivre. D’abord sa densité de l’ouvrage qui est lu dans une langue étrangère. Ensuite et surtout, le fait qu’il couvre de manière assez détaillée l’histoire du Cambodge. Cela induit donc un grand nombre d’intervenants de toute sorte. En réalité, si ma lecture a été longue, c’est surtout parce que j’ai pris énormément de notes (28 pages). Le livre est très détaillé, surtout il l’est autant que l’histoire compliquée du Cambodge le permet. Que ce soit durant l’époque de Sihanouk, de Lon Nol ou de Pol Pot beaucoup de personnes ont disparu sans laisser de trace, beaucoup de documents ont été détruits et souvent de manière pas du tout accidentelle. Il faut comprendre que dans leurs tentatives respectives d’incarner totalement le Pouvoir et l’Histoire, Sihanouk et Pol Pot ont massivement manipulé l’historiographie et seuls des témoignages et des recoupements permettent de contredire ce qu’ils ont établi, de deviner la vérité de manière plus ou moins claire.

Ce livre est une mine d’or pour tous ceux qui voudraient s’intéresser à cette période de l’histoire du Cambodge. Je comprends pourquoi tant d’années après sa sortie il reste considéré comme l’une des meilleures références sur le sujet. On comprend comment l’histoire du Cambodge des années 1960-70 est inextricable du destin de deux hommes : Sihanouk et Pol Pot. On comprend à quel point ses personnages ont nui à leur peuple et à leur pays. À la lecture de ce livre, on comprend aussi à quel point le titre choisi par David P. Chandler est juste : l’Histoire du Cambodge a tout d’une terrible tragédie.

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