La mort de Pétain
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Thomas
DemetriosPoliorcète
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La mort de Pétain
La mort de Pétain
Ce texte se situe dans l'univers de "1923 : Hitler réussit son putsch"
Si l’on a coutume de faire aujourd’hui de la mort du Maréchal un point de bascule brutal entre le régime de 34 et le retour à la démocratie, les témoins de l’époque sont unanimes pour décrire l’atmosphère d’affaiblissement généralisé du pouvoir et d’effritement de son socle au cours des années précédentes, avant même les élections de 1944.
Usé, le vieux dirigeant parvenait de moins en moins à jouer son rôle d’arbitre entre les trois pôles du régime : droite réactionnaire, réformateurs technocratiques et partisans d’un régime fascisants, dont l’alliance de circonstance n’avait tenu que par le consensus autour de sa figure, une figure dont l’aura ne pouvait à présent cesser de pâlir toujours plus… L’opposition s’était structurée autour des réseaux de Pierre Brossolette, exilé à Londres depuis 1937, qui ne cessait de rassembler et diffuser au nez et à la barbe de la censure les preuves de fraude électorale et de la corruption massive du régime ; celui-ci s’étant construit sur le rejet de « la république des corrompus », l’effet ne pouvait qu’être dévastateur…
Exilé lui aussi à Londres, Charles de Gaulle, ancien proche du Maréchal, avait lui aussi largement contribué à saper la légitimité de la Révolution Nationale : sa critique aussi directe que documentée des choix du régime en termes d’équipements militaires ainsi que de sa désastreuse politique étrangère était de plus en plus écoutée dans les forces armées et dans les cercles dirigeants. Beaucoup n’appréciaient pas la « construction européenne » aux côtés de l’Italie fasciste et d’une Allemagne où le pouvoir central s’affirmait de nouveau…
Dans le monde ouvrier, les communistes pro-soviétiques rassemblés autour du PCF et de la CGT clandestine ainsi que de la Ligue communiste trotskyste avaient reconstitué leurs forces et multipliaient les grèves informelles, obtenant parfois des concessions tacites de la part du patronat, lequel se prenait parfois à regretter l’époque où l’on pouvait s’entretenir directement avec les syndicalistes…
En 1944, l’assassinat sauvage de l’ancien préfet Jean Moulin par la sécurité intérieure avait soulevé une vague d’indignation telle que le pouvoir avait dû reculer, renvoyer un certain nombre de responsable et même renoncer, pour les élections suivantes, à un certain nombre de fraudes, permettant l’élection d’un certain nombre de candidats indépendants. Le Parti de la Révolution Nationale et ses alliés ne conservaient qu’une courte majorité. Dans ce nouveau contexte, le socialistes et les radicaux commençaient à relever la tête : depuis longtemps décapités et réduits à l’état de marionnettes, les deux formations républicaines commençaient à nouveau à demander des réformes et un élargissement des libertés publiques. Dans ce contexte, le RNP, relais « de gauche » du pouvoir pétainiste, se voyait en faiseur de rois et commençait à critiquer ouvertement certaines décisions et certains choix de ministres du président du conseil.
Pour les durs du régime, c’était le moment de passer à l’action et de suivre l’exemple de Mussolini en abattant définitivement la gueuse et en fixant dans une nouvelle constitution un régime autoritaire. Mais Pétain n’en fit rien, sans doute encouragé en cela par l’amiral Darlan ; président de la République en titre et successeur officiel, celui-ci espérait s’appuyer sur l’aile gauche de l’Assemblée pour appuyer son pouvoir après la mort de son mentor et éliminer l’aile la plus à droite du PRN, imposant un retour à la normale dans lequel il tiendrait à son tour le rôle d’homme providentiel.
Lorsque le 6 mars 1947 le Maréchal, soumis à une pression constante, décède brutalement d’un arrêt cardiaque, les événements s’accélèrent et prennent un tour qu’aucun des acteurs n’avait prévu. Après avoir solennellement annoncé la mort du héros de Verdun et prévu des funérailles nationales, Darlan décide de ne pas perdre un instant et réunit la Chambre, proposant comme président du conseil le vieil et impopulaire Pierre Laval, destiné à occuper le siège jusqu’aux prochaines élections. Mais il rencontre une vive opposition de la part de la ligne dure du régime, qui lui opposent Raphaël Alibert. Le débat s’enlise, les différentes factions du PRN, privés de leur chef, se comportant exactement comme les partis politiques de l’ancienne gueuse honnie !
Mais, alors que le Palais Bourbon se déchire, les différentes forces de l’opposition passent à l’action. Alors que dès le 11 mars, des manifestations et des grèves éclatent de façon spontanée, le 12, un appel signé par Brossolette, De Gaulle et plusieurs leaders républicains et dirigeants syndicalistes, est diffusé dans tout le pays. Le 13, PCF et Ligue Communiste mettent de côté leur lutte meurtrière pour appeler à la grève générale. Darlan, furieux, s’emporte contre la mollesse des forces de police et de l’armée qui, effectivement, semblent ralentie par des freinages internes. Le 15, alors que les manifestations virent à l’affrontement, la grande muette déclare officiellement sa neutralité dans le conflit politique en cours ; Darlan apprend également que plusieurs figures de l’opposition en exil semblent se déplacer sans contrainte sur le territoire national… Le lendemain, il est contraint de s’enfuir en Italie.
Sans la figure du Maréchal et les fidélités personnelles qui lui étaient encore acquises, le régime ne pouvait que s’effondrer. Le talent des réseaux gaullistes, qui avaient convaincu de nombreux hommes-clés dans l’armée et la haute fonction publique, et la discipline des organisations clandestines, avaient permis que sa chute se fasse en quelques jours, sans affrontements majeurs et sans courir le risque d’une guerre civile. « Français, vous avez accompli la plus résolue et la plus pacifique de toutes nos révolutions ! » déclare Brossolette au micro de Radio-Paris, quelques heures seulement après la fuite de Darlan.
Le 18 mars, un gouvernement provisoire est installé, dirigé par Pierre Brossolette, avec Charles De Gaulle en tant que ministre des armées. Conscient qu’il n’est ni possible ni souhaitable de proposer un simple retour à la situation d’avant 1934, il déclare bientôt l’élection à venir d’une assemblée constituante, qui allait aboutir à la mise en place de la IVe République.
Ce texte se situe dans l'univers de "1923 : Hitler réussit son putsch"
Si l’on a coutume de faire aujourd’hui de la mort du Maréchal un point de bascule brutal entre le régime de 34 et le retour à la démocratie, les témoins de l’époque sont unanimes pour décrire l’atmosphère d’affaiblissement généralisé du pouvoir et d’effritement de son socle au cours des années précédentes, avant même les élections de 1944.
Usé, le vieux dirigeant parvenait de moins en moins à jouer son rôle d’arbitre entre les trois pôles du régime : droite réactionnaire, réformateurs technocratiques et partisans d’un régime fascisants, dont l’alliance de circonstance n’avait tenu que par le consensus autour de sa figure, une figure dont l’aura ne pouvait à présent cesser de pâlir toujours plus… L’opposition s’était structurée autour des réseaux de Pierre Brossolette, exilé à Londres depuis 1937, qui ne cessait de rassembler et diffuser au nez et à la barbe de la censure les preuves de fraude électorale et de la corruption massive du régime ; celui-ci s’étant construit sur le rejet de « la république des corrompus », l’effet ne pouvait qu’être dévastateur…
Exilé lui aussi à Londres, Charles de Gaulle, ancien proche du Maréchal, avait lui aussi largement contribué à saper la légitimité de la Révolution Nationale : sa critique aussi directe que documentée des choix du régime en termes d’équipements militaires ainsi que de sa désastreuse politique étrangère était de plus en plus écoutée dans les forces armées et dans les cercles dirigeants. Beaucoup n’appréciaient pas la « construction européenne » aux côtés de l’Italie fasciste et d’une Allemagne où le pouvoir central s’affirmait de nouveau…
Dans le monde ouvrier, les communistes pro-soviétiques rassemblés autour du PCF et de la CGT clandestine ainsi que de la Ligue communiste trotskyste avaient reconstitué leurs forces et multipliaient les grèves informelles, obtenant parfois des concessions tacites de la part du patronat, lequel se prenait parfois à regretter l’époque où l’on pouvait s’entretenir directement avec les syndicalistes…
En 1944, l’assassinat sauvage de l’ancien préfet Jean Moulin par la sécurité intérieure avait soulevé une vague d’indignation telle que le pouvoir avait dû reculer, renvoyer un certain nombre de responsable et même renoncer, pour les élections suivantes, à un certain nombre de fraudes, permettant l’élection d’un certain nombre de candidats indépendants. Le Parti de la Révolution Nationale et ses alliés ne conservaient qu’une courte majorité. Dans ce nouveau contexte, le socialistes et les radicaux commençaient à relever la tête : depuis longtemps décapités et réduits à l’état de marionnettes, les deux formations républicaines commençaient à nouveau à demander des réformes et un élargissement des libertés publiques. Dans ce contexte, le RNP, relais « de gauche » du pouvoir pétainiste, se voyait en faiseur de rois et commençait à critiquer ouvertement certaines décisions et certains choix de ministres du président du conseil.
Pour les durs du régime, c’était le moment de passer à l’action et de suivre l’exemple de Mussolini en abattant définitivement la gueuse et en fixant dans une nouvelle constitution un régime autoritaire. Mais Pétain n’en fit rien, sans doute encouragé en cela par l’amiral Darlan ; président de la République en titre et successeur officiel, celui-ci espérait s’appuyer sur l’aile gauche de l’Assemblée pour appuyer son pouvoir après la mort de son mentor et éliminer l’aile la plus à droite du PRN, imposant un retour à la normale dans lequel il tiendrait à son tour le rôle d’homme providentiel.
Lorsque le 6 mars 1947 le Maréchal, soumis à une pression constante, décède brutalement d’un arrêt cardiaque, les événements s’accélèrent et prennent un tour qu’aucun des acteurs n’avait prévu. Après avoir solennellement annoncé la mort du héros de Verdun et prévu des funérailles nationales, Darlan décide de ne pas perdre un instant et réunit la Chambre, proposant comme président du conseil le vieil et impopulaire Pierre Laval, destiné à occuper le siège jusqu’aux prochaines élections. Mais il rencontre une vive opposition de la part de la ligne dure du régime, qui lui opposent Raphaël Alibert. Le débat s’enlise, les différentes factions du PRN, privés de leur chef, se comportant exactement comme les partis politiques de l’ancienne gueuse honnie !
Mais, alors que le Palais Bourbon se déchire, les différentes forces de l’opposition passent à l’action. Alors que dès le 11 mars, des manifestations et des grèves éclatent de façon spontanée, le 12, un appel signé par Brossolette, De Gaulle et plusieurs leaders républicains et dirigeants syndicalistes, est diffusé dans tout le pays. Le 13, PCF et Ligue Communiste mettent de côté leur lutte meurtrière pour appeler à la grève générale. Darlan, furieux, s’emporte contre la mollesse des forces de police et de l’armée qui, effectivement, semblent ralentie par des freinages internes. Le 15, alors que les manifestations virent à l’affrontement, la grande muette déclare officiellement sa neutralité dans le conflit politique en cours ; Darlan apprend également que plusieurs figures de l’opposition en exil semblent se déplacer sans contrainte sur le territoire national… Le lendemain, il est contraint de s’enfuir en Italie.
Sans la figure du Maréchal et les fidélités personnelles qui lui étaient encore acquises, le régime ne pouvait que s’effondrer. Le talent des réseaux gaullistes, qui avaient convaincu de nombreux hommes-clés dans l’armée et la haute fonction publique, et la discipline des organisations clandestines, avaient permis que sa chute se fasse en quelques jours, sans affrontements majeurs et sans courir le risque d’une guerre civile. « Français, vous avez accompli la plus résolue et la plus pacifique de toutes nos révolutions ! » déclare Brossolette au micro de Radio-Paris, quelques heures seulement après la fuite de Darlan.
Le 18 mars, un gouvernement provisoire est installé, dirigé par Pierre Brossolette, avec Charles De Gaulle en tant que ministre des armées. Conscient qu’il n’est ni possible ni souhaitable de proposer un simple retour à la situation d’avant 1934, il déclare bientôt l’élection à venir d’une assemblée constituante, qui allait aboutir à la mise en place de la IVe République.
Dernière édition par DemetriosPoliorcète le Dim 31 Juil - 15:52, édité 1 fois
DemetriosPoliorcète- Messages : 1484
Date d'inscription : 05/03/2016
Thomas, LFC/Emile Ollivier, Collectionneur, Rayan du Griffoul, Amon luxinferis et ezaski aiment ce message
Re: La mort de Pétain
Chouette. J'espère que tu vas continuer à étendre et explorer cet univers uchronique.
_________________
« Ce n’est que devant l’épreuve, la vraie, celle qui met en jeu l’existence même, que les hommes cessent de se mentir et révèlent vraiment ce qu’ils sont. »
Alexandre Lang.
Au Bord de l'Abîme et au-delà
DemetriosPoliorcète, LFC/Emile Ollivier et Amon luxinferis aiment ce message
Re: La mort de Pétain
Thomas a écrit:Chouette. J'espère que tu vas continuer à étendre et explorer cet univers uchronique.
J'ai eu de bons retours, alors oui, je vais continuer à explorer ces différentes pistes
DemetriosPoliorcète- Messages : 1484
Date d'inscription : 05/03/2016
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Re: La mort de Pétain
excellent
Amon luxinferis- Messages : 551
Date d'inscription : 17/08/2020
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Re: La mort de Pétain
Une gaffe, Pétain s'est il étouffé en mangeant du poisson ?
Lorsque le 6 mars 1947 le Maréchal, soumis à une pression constante, décède brutalement d’un arrête cardiaque,
Lorsque le 6 mars 1947 le Maréchal, soumis à une pression constante, décède brutalement d’un arrête cardiaque,
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Re: La mort de Pétain
Excellent DemetriosPoliorcète !
_________________
1940 : Mandel continue la guerre depuis l'exil.
https://forumuchronies.frenchboard.com/t751-la-france-exilee-tome-1-1940-la-roue-du-destin
https://forumuchronies.frenchboard.com/t826-la-france-exilee-tome-2-1942-la-roue-tourne
https://forumuchronies.frenchboard.com/t968-la-france-exilee-tome-3-1944-la-fin-d-un-cycle
https://forumuchronies.frenchboard.com/t1036-lfc-guerre-froide
LFC/Emile Ollivier- Messages : 2721
Date d'inscription : 26/03/2016
Age : 35
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Re: La mort de Pétain
Quelle est la place de De la Rocque dans ce Régime ?
_________________
1940 : Mandel continue la guerre depuis l'exil.
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LFC/Emile Ollivier- Messages : 2721
Date d'inscription : 26/03/2016
Age : 35
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Re: La mort de Pétain
LFC/Emile Ollivier a écrit:Quelle est la place de De la Rocque dans ce Régime ?
Je me pose toujours la question à vrai dire.
Soit soutien de Pétain dans un premier temps, soit mort avant le 6 février, ce qui a permis la participation de ses Croix de Feu à l'assaut contre la Chambre.
DemetriosPoliorcète- Messages : 1484
Date d'inscription : 05/03/2016
LFC/Emile Ollivier et Collectionneur aiment ce message
Re: La mort de Pétain
a tu une idée du sort de l'empire coloniale français, vue que le prestige de la France n'a pas était affaiblie par la seconde guerre mondiale la France a plus de chance de faire une décolonisation plus douce voire même d'en garder certaine partie (bien que j'ai des doutes sur l'Algérie)
Amon luxinferis- Messages : 551
Date d'inscription : 17/08/2020
LFC/Emile Ollivier aime ce message
Re: La mort de Pétain
Amon luxinferis a écrit:a tu une idée du sort de l'empire coloniale français, vue que le prestige de la France n'a pas était affaiblie par la seconde guerre mondiale la France a plus de chance de faire une décolonisation plus douce voire même d'en garder certaine partie (bien que j'ai des doutes sur l'Algérie)
J'y réfléchis. Il y aura sans doute un statu quo complet sous Pétain puis l'amorce d'une décolonisation lente ensuite.
Je pense aussi que l'indépendance algérienne se serait faite à un moment où un autre.
DemetriosPoliorcète- Messages : 1484
Date d'inscription : 05/03/2016
LFC/Emile Ollivier, Collectionneur et Amon luxinferis aiment ce message
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