1923 : Hitler réussit son putsch [récit achevé]
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1923 : Hitler réussit son putsch [récit achevé]
L'objectif des conjurés était d'une part de prendre au piège les principaux responsables bavarois dans la brasserie Bürgerbraukeller et, en s'aidant de l'éloquence d'Hitler et du prestige de Ludendorff, de les faire se rallier au coup d'Etat devant le public présent, et d'autre part de s'emparer des points stratégiques de la ville de Munich.
Si la première partie du plan a bien fonctionnée, la suite a bien montré l'impréparation et le manque d'organisation des nationalistes, qui ne se sont pas emparés des stations radios et ont échoué à investir les casernes. Ludendorff a même...laissé partir les dirigeants bavarois, qui ont immédiatement désavoué le putsch et rallié l'armée et la police.
Imaginons que, malgré l'amateurisme de ces premiers nazis, Ludendorff ait la présence d'esprit de mettre sous bonne garde les dirigeants bavarois et que, en l'absence d'ordres, l'armée et la police de Bavière se rallient au nouveau gouvernement du Reich, laissant Hitler maitre du Land.
Quelle suite? Dans quelle mesure les partisans de Weimar auraient-ils pu espérer se défendre, sachant que les groupes révolutionnaires communistes ont été bien éprouvés par les répressions successives depuis 1919?
Quelle aurait été l'attitude de la France, qui vient de laisser des plumes dans la crise de la Ruhr, par rapport à un pouvoir insurrectionnel allemand qui entend ouvertement dénoncer le traité de Versailles, cesser de payer les réparations et remilitariser l'ensemble de son territoire?
Intervention militaire? Protection d'un gouvernement réfugié en Rhénanie occupée? Nouvelle occupation de la Ruhr?
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Re: 1923 : Hitler réussit son putsch [récit achevé]
Le soir du 9 novembre 1923, l’essentiel des forces armées et de la police bavaroise était ralliée au putsch organisé par Hitler et Ludendorff. Malgré l’évidente impréparation des miliciens nationalistes et de nombreux ratés dans la prise de contrôle des points-clés, le ralliement contraint et forcé de Kahr, Seisser et von Lossow, laissés ensuite sous bonne garde à la Bürgerbraukeller, avait convaincu l’essentiel de la droite nationaliste du Land, très bien implanté dans les forces de l’ordre.
A Berlin, Stresemann et le gouvernement de la République condamnent vivement le putsch et appellent à la grève pour faire tomber le gouvernement rebelle, qui prétend étendre son autorité sur l’ensemble du Reich. Mais l’onde de choc du coup de force réussi par « le Maréchal et le Caporal » s’est propagé dans toute la droite allemande. Dès le 10, corps francs et unités rebelles de la Reichswehr convergent vers Berlin pour renverser le gouvernement. Comme deux ans auparavant lors du putsch de Kapp, le gouvernement légal est contraint à la fuite vers Stuttgart.
Stresemann reste pourtant confiant : il espère que la fidélité des fonctionnaires berlinois et la grève générale réduiront le nouveau gouvernement à l’impuissance, et que la coalition de Weimar pourra rapidement regagner la capitale. Mais, très vite, les événements s’avèrent beaucoup plus violents que lors du putsch de Kapp : la violence des SA, qui brutalisent les fonctionnaires et les soutiens présumés de la République, poussent tous les acteurs à se radicaliser. Le Reichsbanner Schwarz-Rot-Gold et les milices du KPD s’arment et mettent en état de défense les quartiers ouvriers de la capitale, sans pour autant parvenir à coordonner leurs mouvements. C’est le début de la « bataille de Berlin ».
Le 12 novembre, Erich Ludendorff, le président autoproclamé du Reich, arrive à Berlin dans un avion piloté par Hermann Goering, as du conflit mondial. Son prestige lui permet ‘obtenir le soutien définitif de la Reichswehr et des corps francs, ainsi que de réunir un « Reichstag croupion » qui donne à son nouveau pouvoir un verni de légalité. Arrivé peu après à Berlin, Ernst Röhm, chef de la SA, commence à organiser la répression systématique de la résistance de gauche dans la ville, n’hésitant pas à utiliser des armes lourdes contre les milices ouvrières. En parallèle, les SA se livrent aux premiers meurtres gratuits de citoyens juifs. Ces derniers quittent massivement la ville, malgré les efforts de certains officiers nationalistes pour protéger les vétérans parmi eux.
En Bavière, alors que le chancelier autoproclamé Hitler cherche à consolider son emprise sur le Land, son lieutenant Rudolf Hesse prend la tête d’une Marche sur Stuttgart pour aller « pendre Stresemann ». La marche est stoppée par des combattants républicains rassemblés à la hâte, ce qui affaiblit les nazis par rapport aux autres factions nationalistes.
Décidé à défendre sa place face à ses rivaux, au risque de perdre la Bavière, Hitler rejoint la capitale le 17 novembre et prononce un long discours devant ses partisans, critiquant à demi-mot les postures légalistes de Ludendorff, et appelant à une révolution nationaliste.
Dans toutes les régions ouvrières, des « contre-coups d’Etat » sont organisés par les forces d’extrême-gauche, dominées par les militants du KPD, qui se félicite d’avoir renoncé à l’insurrection générale le mois précédent. Ernst Thälmann, dans la clandestinité depuis son échec à Hambourg, sort de l’ombre et s’impose comme le leader antifasciste dans la ville, où il proclame la Deutsche Volksrepublik. Dans la Ruhr, ouvriers et mineurs s’arment derrière le « général rouge » Hölz. Pour beaucoup de militants, un flou demeure entre la fidélité au gouvernement de Stresemann et le ralliement au mouvement révolutionnaire.
Presque autant inquiétés par la montée en puissance des communistes que par la mise en place du gouvernements nationaliste, le gouvernement Stresemann proclame la création d’une « Armée républicaine » fusionnant les principales milices et les unités de la Reichswehr ralliées. Mais la faiblesse des ralliements parmi l’armée régulière empêche de réaliser une véritable continuité territoriale et d’organiser rapidement une contre-offensive.
Le 25, Berlin est entièrement sous contrôle des nationalistes, lesquels se querellent déjà sur la marche à suivre.
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A l’international, l’improbable succès de Ludendorff et Hitler provoque la stupéfaction. Aucun gouvernement étranger ne reconnaît la légitimité du nouveau régime, à l’exception prévisible de Benito Mussolini qui se réjouit de « l’irrésistible vent de jeunesse qui souffle sur l’Allemagne » et envoie une note manuscrite de félicitations à Hitler. Beau retournement pour celui qui n’avait jamais réussi à obtenir de photo dédicacée du Duce jusque-là…
Mais c’est à Paris que les événements allemands sont reçus avec la plus grande inquiétude. Alors que domine le « cartel des gauches » est récemment arrivé au pouvoir, on craint tout autant l’arrivée à Berlin d’un régime révisionniste hostile au paiement des réparations qu’une montée en puissance des communistes. Dès les premiers jours, le gouvernement Herriot annonce qu’il suspend l’évacuation de la Ruhr, et déclare que toute intrusion de forces armées dans les territoires occupés par l’armée française serait considérée comme une agression. Tout en protégeant les autorités allemandes fidèles à la République de Weimar, les troupes françaises désarment les milices ouvrières, avant que l’ordre ne vienne de Paris de « les inviter plutôt à se déplacer vers la zone des combats, en dehors du territoire occupé ».
Dans un pays dominé par le sentiment pacifiste, le spectre d’une nouvelle intervention armée inquiète les dirigeants, qui savent qu’ils mettraient en danger un équilibre politique déjà fragile. Un homme sort alors de sa retraite politique : le Tigre, Georges Clémenceau, rassemble ses anciens collaborateurs et organise un vaste campagne de presse destinée à préparer l’opinion à une intervention militaire contre le gouvernement putschiste de Berlin. Ironiquement, l’une des principales cibles est constituée par ses vieux adversaires, l’opinion catholique, à qui on veut montrer les penchants païens des nouveaux maitres de l’Allemagne. Des cas isolés de saccages d’églises sont ainsi largement documentés et diffusés, de même que diverses paroles de Ludendorff, pour le coup réellement versé dans le néo-paganisme. Le fascicule L’Allemagne païenne met en regard des traductions du poète Friedrich Hielscher avec des images d’églises en flamme…
Du côté de la gauche pacifiste, un profond dilemme s’installe entre le soutien à une guerre qui séparerait encore davantage les voisins français et allemands et l’abandon des camarades qui risquent leur vie en combattant la menace réactionnaire. Le Parti Communiste, quant à lui, range tout simplement le pacifisme au placard et appelle à soutenir les camarades internationalistes qui se révoltent de l’autre côté du Rhin. Des milliers de Français, sans organisation, franchissent la frontière pour aller s’engager dans l’armée républicaine ou dans les milices communistes.
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S'ils demeurent dans leur approche OTL, ils seraient des soutiens implicites d'Hitler et de Ludendorff. Mais s'ils soutiennent les Français et les Belges, ils légitimeraient l'occupation de la Ruhr par les Français.
Autant de volontaires français qui risquent in fine de manquer au PCF si les événements devaient tourner à l'orgie sanglante.
Mussolini va-t-il jouer le champion des putschistes ou la jouer fine ? Cela va être très intéressant à voir.
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Re: 1923 : Hitler réussit son putsch [récit achevé]
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Re: 1923 : Hitler réussit son putsch [récit achevé]
Ambiance musicale : https://www.youtube.com/watch?v=nFAuPlh49Cc
Le 5 décembre, une offensive de la Reichswehr contraint le gouvernement légal de l’Allemagne à quitter Stuttgart pour Francfort. C’est bien tard, étant donné la disproportion des forces entre nationalistes et républicains. C’est qu’à Berlin, le climat n’est pas à l’unité.
Alors que Ludendorff cherche à s’appuyer sur les élites conservatrices traditionnelles, ralliée bon gré mal gré au coup d’Etat, Hitler multiplie les discours révolutionnaires, appelant à transformer la société allemande dans son ensemble pour permettre le triomphe de la race aryenne… Ses prises de paroles sont aussi l’occasion pour lui de critiquer l’ancien régime Hohenzollern, une hérésie pour les nombreux aristocrates prussiens de la Reichswehr et de la haute administration, et qui ne tarde pas à détester Hitler, ce parvenu tout juste sorti de l’anonymat et devenu chancelier par la force des circonstances. Un désaccord éclate bientôt entre ce dernier et Ludendorff au sujet de la composition du gouvernement : le président souhaite remercier Ludwig von Scheubner-Richter, ministre des affaires étrangères, et le remplacer par un diplomate plus à même de normaliser la situation avec les puissances européennes. Hitler, pour qui Scheubner-Richter a été la porte d’entrée vers les cercles de l’aristocratie et des affaires, refuse catégoriquement.
Mais le principal point de tension se trouve dans les rues de Berlin, où règnent désormais en maitres Ernst Röhm et son adjoint Heinrich Himmler, à la tête de la SA et des différentes milices qui ont éliminé toute opposition armée dans la ville. Si tous s’accordent sur les compétences militaires de Röhm comme sur ses qualités guerrières, ses discours révolutionnaires inquiètent les conservateurs ; sans parler de son mode de vie… « Un pédéraste et un païen tiennent le gouvernement à leur merci, voilà la vérité » déclare, en privé un officier de la Reichswehr. Une solution temporaire est finalement trouvée : une partie des SA et des autres milices est versée dans une nouvelle unité confiée à Röhm chargée d’aller combattre les communistes dans le nord. Himmler est quant à lui chargé par Hitler de gérer les affaires internes du parti nazi, lequel connaît un afflux de militants sans précédent.
Alors que les nationalistes se querellent, Ebert et Stresemann, réfugiés à Francfort, assistent à l’effondrement de tous leurs efforts pour conserver à l’Allemagne sa place en Europe, et se voient contraint d’accepter l’aide de la France face aux ambitions de laquelle ils se dressaient encore quelques mois auparavant. L’armée républicaine reçoit ainsi des milliers de fusils pour équiper ses soldats, ainsi que des casques français…laissés dans leurs caisses, tant le symbole serait désastreux. Il faut aussi composer avec l’autre vieil ennemi des sociaux-démocrates : les communistes, dont l’aide est devenue indispensable. Un accord est signé entre Stresemann et des représentants du KPD, stipulant qu’ « une nouvelle constitution sera rédigée après l’écrasement de la sédition fasciste et réactionnaire » ; une formulation qui laisse assez de flou sur l’avenir du pays pour permettre une alliance temporaire.
De son côté, Thälmann s’est emparé de plusieurs localités du nord et commence à organiser ses forces pour résister aux offensives réactionnaires. Bientôt aidé par les conseillers et l’argent du Komintern, il se révèle un organisateur efficace doublé d’un chef charismatique.
Au nom de l’union sacrée, Stresemann doit aussi reconnaître la Rhénanie comme un Land autonome, distinct de la Prusse, ainsi que la séparation du Palatinat de la Bavière ; les autonomistes, qui semblaient vaincus après la crise de la Ruhr, triomphent. Les première élections rhénanes donnent néanmoins une nette majorité au SPD et au Zentrum, garantissant une ligne commune avec le gouvernement de Francfort, dont ces deux partis sont la colonne vertébrale.
Une carte de l’Allemagne en guerre commence lentement à se dessiner, pour peu d’accepter de simplifier des lignes de fronts encore souvent très complexes : les nationalistes tiennent la moitié est du pays, à l’exception de certains bassins industriels sarrois et silésiens, où des poches de résistance socialiste et communiste demeurent ; à l’ouest, les républicains ont pu s’organiser dans l’ancienne zone démilitarisée.
Pour les populations civiles, ces événements voient surtout ressurgir l’horreur des pénuries de la Grande guerre, auxquelles s’ajoutent des destructions auxquelles le pays avait au moins réussi à échapper en menant la guerre hors de son sol… Les civils juifs sont quant à eux victimes d’agressions voire d’exécutions sommaires par les miliciens les plus extrémistes. Il est néanmoins à noter que des combattants juifs se retrouvent aussi dans la Reichswehr, qui refuse les mesures d’épuration voulues par les nazis, malgré l’antisémitisme intellectuel de la plupart de ses dirigeants.
C’est aussi la fin d’une période d’intense développement culturel et artistique pour l’Allemagne : de nombreux artistes et écrivains fuient de Berlin à Vienne, qui devient le principal centre culturel du monde germanophone.
DemetriosPoliorcète- Messages : 1481
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Re: 1923 : Hitler réussit son putsch [récit achevé]
Début 1924, le monde entier a les yeux rivés sur le conflit allemand. A Moscou, l’idée fixe est de soutenir les camarades communistes, et eux uniquement. La stratégie « classe contre classe » peut être amendée pour permettre l’alliance temporaire avec les forces sociales démocrates et le centre-droit contre la menace réactionnaire et fasciste. Mais les instructions secrètes reçues par les leaders communistes allemands ne laissent aucun doute : toute fusion avec les autres milices est proscrite, et le KPD doit se tenir prêt à renverser la république bourgeoise dès la guerre terminée. Les conseillers militaires et l’or soviétiques affluent dans les zones contrôlées par les communistes, mais l’absence d’un port contrôlé sur la Baltique limite les possibilités d’envoyer du matériel lourd.
A Washington, on s’inquiète surtout pour les aspects financiers : le trésor américain était de plus en plus impliqué dans les négociations autour du paiement des réparations à la France, et s’inquiète de la déstabilisation de l’ordre économique européen. Tout en reconnaissant formellement le gouvernement de Francfort comme seul pouvoir légitime en Allemagne, la Maison Blanche approche discrètement le gouvernement de Berlin. Scheubner-Richter tient à la délégation américaine un discours ambigu : l’Allemagne est prête à s’engager formellement à payer sa dette au trésor américain, mais qu’il ne paiera aucune des traites au titre des réparations sans avoir obtenu une « révision radicale » du traité de Versailles.
A Londres, le gouvernement conservateur de Stanley Baldwin craint une déstabilisation profonde de l’ordre européen engendré par une Allemagne révisionniste, mais ne veut à aucun prix une intervention française qui permettrait à Paris de remodeler l’Allemagne à sa guise…
L’ambassadeur britannique à Paris indique à Herriot que « vu l’importance de cette région, nous comprenons que la France maintienne sa présence dans la Ruhr pour empêcher ce territoire de devenir un champ de bataille. Pour autant, le Royaume-Uni s’opposera catégoriquement à toute intervention militaire directe contre l’une ou l’autre des factions allemandes et à toute extension du territoire occupé par l’armée français ». Paris enrage, d’autant plus que la Grande-Bretagne refuse de mettre en place un blocus maritime total de l’Allemagne nationaliste et un ravitaillement des ports tenus par les forces de gauche. On se contentera d’un embargo sur les armes, difficile à faire respecter.
Paris rencontre la même déception du côté de la Pologne : Wojciechowski voudrait bien récupérer les territoires qui font l’objet de litiges entre la Pologne, mais un gouvernement de hobereaux prussiens est moins dangereux qu’un régime possiblement allié aux soviétiques… En fait, la Pologne a mis en place des réseaux de contrebande de carburant et de charbon à destination de l’Allemagne nationaliste, rapportant de considérables profits. Le 2 février, un pacte secret est signé entre Scheubner-Richter et les diplomates polonais : la Pologne n’interviendra pas militairement, l’Allemagne s’engage à ne pas remettre en question le corridor de Danzig.
L’Italie de Mussolini reste le seul pays à soutenir ouvertement le gouvernement nationaliste : des réseaux de contrebande s’organisent à travers le Tyrol et la Suisse, tandis qu’un escadron de pilotes « volontaires » fascistes est envoyé renforcé l’aviation d’Hermann Goering. Ses actions sont surtout symbolique : le carburant fait toujours désespérément défaut.
Des deux côtés, les combattants volontaires étrangers affluent : russes blancs, pangermanistes d’Autriche ou des Sudètes, nationalistes anglais ou américains rejoignent le gouvernement de Berlin, tandis que les militants de gauche ou les chrétiens-sociaux s’engagent dans les brigades de l’armée républicaine.
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Re: 1923 : Hitler réussit son putsch [récit achevé]
C'est vraiment le scénario du conflit espagnol qui se met en place, mais je dirais en pire, vu que l'Espagne était à la périphérie de l'Europe quand l'Allemagne en est dans le cœur.
Yodarc- Messages : 424
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Re: 1923 : Hitler réussit son putsch [récit achevé]
ezaski- Messages : 300
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Re: 1923 : Hitler réussit son putsch [récit achevé]
Ou il laisse faire et donc l'Allemagne déclenche la guerre plus tôt que notre TL (disons 1930)
Ou il attaque de suite au risque de se fâcher avec les britons et les polonais et au risque surtout de permettre l'établissement d'une régime communiste en Allemagne
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Re: 1923 : Hitler réussit son putsch [récit achevé]
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Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots. William Faulkner
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Re: 1923 : Hitler réussit son putsch [récit achevé]
« La victoire nette et sans compromissions des forces républicaines et démocratiques en Allemagne est un impératif pour la France, comme elle l’est pour la stabilité de l’Europe entière. La victoire des usurpateurs Ludendorff et Hitler signifierait, nous le savons tous, le retour du militarisme prussien le plus fou, le plus halluciné, et donc le danger pour l’Europe de revivre la catastrophe dont nous pansons à peine les plaies.
Mais cette victoire ne peut être le résultat d’une intervention directe des forces françaises. Parce que nous ne voulons pas, avant toute chose, que d’autres de nos fils ne meurent au combat. Mais également dans l’intérêt d’un nouvel ordre européen : quand, en France, un régime est revenu dans les fourgons de l’étranger, il a été renversé l’année suivante ; ramené à Paris une deuxième fois à la force des baïonnettes, il a succombé quinze ans plus tard au courroux du peuple français. Aucun régime né d’une invasion n’est légitime, et les Allemands le sauront. Envahir l’Allemagne, la remodeler à notre gré, lui imposer un ou plusieurs Etats qui nous soient favorables est tentant. Mais nous offririons ainsi à nos adversaires une légitimité de défenseurs face à une invasion étrangère, alors qu’ils ne mènent pour l’instant qu’une guerre sanguinaire contre leur propre peuple. Et au premier signe de faiblesse de la France, dans cinq, dix, trente ans peut-être, l’Allemagne se liguera toute entière contre nous.
L’intérêt supérieur de notre nation est la victoire du gouvernement légitime de Francfort contre les forces militaristes : elle seule permettra à terme un dialogue et une réconciliation avec l’Allemagne, seul moyen de garantir en Europe une paix durable par la sécurité collective. »
Ce discours prononcé devant la Chambre par Aristide Briand résume les grandes lignes de la nouvelle politique de la France au sujet du conflit allemand. Si la droite nationaliste grince des dents, elle s’y rallie comme une solution temporaire devant les difficultés que poserait une intervention. Après tout, même entre les mains d’Allemands, les armes françaises tueraient d’autres allemands. Et puis, les carnets de commande du Creusot vont se remplir…
La chambre vote, à une courte majorité, un rééchelonnement des paiements des réparations, signal de soutien envoyé au gouvernement de Francfort, et à une majorité plus large le prêt de matériel lourd à l’armée républicaine.
Sur le terrain, celle-ci freine progressivement l’avance nationaliste : inférieure en nombre et en expérience, elle dispose néanmoins d’un meilleur approvisionnement en carburant, un avantage qui s’amplifie avec l’arrivée des premiers chars Renault et des camions de transports de troupes. Moins par conviction politique que pour tester la validité de ses théories sur la motorisation, un jeune officier français, Charles de Gaulle, s’est porté volontaire pour conseiller les officiers républicains sur leur emploi.
Le soutien français ne passe pas inaperçu auprès du camp nationaliste, qui caricature les autorités de Weimar comme les pantins de Paris (quand la France n’est pas elle-même un pantin des Juifs…). Propagandiste de talent recruté par la Reichswehr, bien qu’à l’origine plutôt proche de la gauche du NSDAP, Joseph Goebbels, futur chancelier, orchestre une vaste campagne de communication. Sur l’une des affiches les plus diffusées, Stresemann tente de colmater les brèches d’une barrage aux couleurs noir rouge et or avec des sacs d’argent français et soviétique…
Le colmatage semble pourtant porter ses fruits : l’offensive de printemps du général von Seeckt contre la Hesse échoue totalement, mettant fin aux derniers espoirs d’une prise de contrôle rapide de tout le territoire. Au Nord, les fusiliers marins nationalistes défendent avec succès Kiel contre la coalition de milices dominée par les communistes ; le port ne pourra pas servir à acheminer massivement l’aide soviétique. Les rouges reviennent sur la défensive dans cette partie de l’Allemagne.
Le 17 avril, alors que l’optimisme commence à refaire son apparition à Francfort, un groupe nationaliste tente d’assassiner conjointement Ebert et Stresemann. L’assassin de Stresemann est fouillé et arrêté avant de passe à l’action, mais Ebert est victime d’une attaque à la grenade, et décède dans la soirée. Les parlementaires élisent peu de temps après le politicien du Zentrum Wilhelm Marx comme président. Le SPD, pierre angulaire de la coalition, devant être représenté, Stresemann doit céder sa place au socialiste et artisan de la révolution de 1919 Philip Scheidemann.
Dernière édition par DemetriosPoliorcète le Dim 17 Juil - 11:30, édité 2 fois
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« Ce n’est que devant l’épreuve, la vraie, celle qui met en jeu l’existence même, que les hommes cessent de se mentir et révèlent vraiment ce qu’ils sont. »
Alexandre Lang.
Au Bord de l'Abîme et au-delà
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Re: 1923 : Hitler réussit son putsch [récit achevé]
Si Adolf Hitler enrage en voyant la guerre s’éterniser, la situation n’en avantage pas moins son parti, le NSDAP, qui continue à mobiliser des foules toujours plus importantes de militants. Dans les cercles aristocratiques et militaires, l’ambiance est à l’inquiétude : le chancelier a beau tout faire pour les rassurer, que fera-t-il une fois la guerre finie ? Si les idées nationales-socialistes ont leurs adeptes y compris dans ces milieux, beaucoup ont au contraire acquis la conviction qu’il était pire que les sociaux-démocrates…
Dès les lendemains de l’offensive de printemps, un ensemble de conspirateurs commence à élaborer un plan de prise de pouvoir. Le président Hindenburg n’est pas mis au courant : brillant tacticien militaire mais stratège politique exécrable, il voit avant tout les troupes du NSDAP comme un potentiel militaire à utiliser, et fait donc de l’entente avec Hitler une ligne directrice. Sans oublier ses excentricités néopaïennes qui exaspèrent les conservateurs… Le président devra être mis devant le fait accompli et nommer un chancelier parmi les putschistes ou démissionner.
Le plan est simple : les ministères et stations de radio doivent être occupés par des soldats de la Reichswehr sous prétexte d’un coup de force communiste imminent. Ernst Röhm doit, quant à lui, être assassiné sur le front par un agent infiltré dans son corps franc. Un nouveau gouvernement dirigé par Franz von Papen doit ensuite organiser l’élimination des derniers éléments nazis et le désarmement de leurs milices. Pour la suite, il s’agit de conforter la position des forces nationalistes dans le conflit afin de pouvoir entamer des négociations en position de force et d’imposer le retour d’une monarchie constitutionnelle comme la seule solution pour garantir la paix.
Mais le complot, impliquant vite un trop grand nombre de personnes, tombe rapidement dans les oreilles de sympathisants nazis. L’amiral Canaris prend ainsi connaissance de l’information et charge un de ses jeunes protégés, l’officier de marine Reinhard Heydrich, de recueillir autant d’informations que possible. Heydrich adresse finalement au gouvernement un rapport décrivant le déroulement du coup d’Etat à la minute près, qui arrive sur le bureau d’Adolf Hitler huit jour après le déclenchement de l’opération.
Le 17 juillet, les troupes de la Reichswehr s’emparent de plusieurs ministères, mais n’y trouvent aucun ministre important. A la Chancellerie, les assaillants sont repoussés par un groupes de SA commandés par Emil Maurice, barricadés dans le bâtiment ; le même scénario se retrouve devant les principales stations de radio. Dans le même temps, Adolf Hitler prononce devant des milliers de partisans, mais aussi des hauts-fonctionnaires et des responsables politiques attirés sur place et abondamment photographiés, un discours où il dénonce les manœuvres de la réaction et l’existence d’un ensemble de traitres au sein de l’armée. Röhm, revenu du nord, place des troupes fidèles autour de la ville : le coup d’Etat est un échec complet. Ludendorff, comprenant finalement le tour que prend les événements, sort de sa réserve et affirme son soutien au chancelier, achevant de provoquer la débandade des putschistes. La principale source sur ces événements, alliant témoignage et travail de recherche mené à posteriori, sera écrite pas Claus von Stauffenberg, un jeune officier impliqué, sans s’en rendre compte immédiatement, dans le contre coup d’Etat, alors que ses sympathies le portaient davantage du côté des conservateurs.
Arrêtés dans les jours qui suivent, von Papen et von Schleicher, à la tête du putsch, ainsi que von Lossow, qui devait mener l’opération en Bavière, sont sommairement jugés et exécutés. Ayant donné son accord tacite, le général von Seeckt, commandant en chef de la Reichswehr, est relevé de ses fonctions. Jugé trop proche de la Reichswehr, Joseph Goebbels est renvoyé et doit s’exiler et Tchécoslovaquie.
Si Ludendorff reste en place, sa crédibilité est sévèrement entamée, et il voit son pouvoir réel s’amenuiser jusqu’à devenir purement symbolique. Hitler lui impose Röhm au poste de ministre de la guerre. Celui-ci entame une réorganisation complète des forces nationalistes, enfin fusionnées dans une seule entité, la Wehrmacht.
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Re: 1923 : Hitler réussit son putsch [récit achevé]
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Re: 1923 : Hitler réussit son putsch [récit achevé]
Dans les premiers temps après l’échec du putsch conservateur, le Führer consolide son pouvoir tout en cherchant à conserver une image de rassembleur de tous les nationalistes ; la transformation totale de la société allemande, dit-il en privé, devra se faire après la victoire complète. Ainsi, Röhm et les frères Strasser, les éléments les plus radicaux du NSDAP, sont placés à des postes d’importance mais sans possibilité d’agir sur la société ou le monde politique.
Néanmoins, les nazis passent immédiatement à l’action sur un point : les Juifs hauts-placés dans l’armée ou l’administration sont évincés de leurs postes, beaucoup sont liquidés. Hitler supervise personnellement l’exécution de l’officier de la Reichswehr Fritz Haber, apaisant ainsi sa rage antisémite en même temps que son traumatisme lié à son gazage au cours du conflit mondial.
Paradoxalement, Berlin redevient à sa façon un centre littéraire et culturel, sous le patronage de Röhm et Himmler : aux intellectuels de la révolution conservatrice allemande s’ajoutent des étrangers en voyage, comme Ezra Pound ou Julius Evola.
Dans un premier temps, la purge au sein des forces nationalistes affaiblit les forces nationalistes, mais celles-ci se relèvent rapidement et profitent de leur réorganisation et de la rationalisation de leur action. Fin août, un vaste assaut de l’armée républicaine appuyé par des dizaines de chars Renault s’avère un total échec. L’état-major français l’expliquera par l’inexpérience des Allemands dans l’utilisation de ces engins ; Charles De Gaulle écrit quant à lui que l’épisode prouve la faillite de l’utilisation des chars en accompagnement d’infanterie.
Dans le ciel, la chasse républicaine, capitalisant sur ses réserves de carburant plus importantes, conserve l’avantage. Un bon nombre de ses pilotes sont des volontaires étrangers. Ramon Franco, le plus célèbre, se fait connaître par ses attaques audacieuses au sol, comme celle qui blesse Hermann Goering en septembre 1924. Abattu plus tard derrière les lignes ennemis, il est sauvé et ramené du côté républicain par le corps franc d’un autre volontaire étranger, le Français Joseph Darnand. De la même façon, Charles Nungesser et François Coli laissent de côté leurs tentatives d’établir des records pour reprendre du service.
Sur mer, les marins rouges accomplissent plusieurs exploits, à l’aide d’une flotte bricolée et entretenue avec les moyens du bord, mais ces actions restent surtout symbolique. Sur la défensive, Thälmann se résout à accepter de plus en plus l’aide de l’armée républicaine. On n’apprendra que des décennies plus tard qu’un plan secret, baptise Plan Rote Siegfried, conçu en réaction à la nomination de Scheidemann à la chancellerie, prévoyait un renversement par l’ensemble des cellules communistes du gouvernement de Francfort et la mise en place d’un régime ancrant définitivement la République allemande dans la révolution. Le plan n’a été arrêté que sur ordre du Komintern, qui avait compris que même en cas de succès, cette stratégie conduirait à la victoire des nationalistes. Malgré cela, l’unification des factions républicaines n’avance que très lentement, ce qui constitue un désavantage face aux nationalistes, que Röhm parvient de plus en plus à fondre dans une unique armée.
A l’été 1924, les grandes zones de combat se distinguent désormais nettement : au Nord, le camp républicain est dominé par les communistes et d’autres factions d’extrême-gauche ; au Würtemberg, c’est le Zentrum qui domine dans une région marquée par le catholicisme, sur le front le plus calme ; enfin, le front hessois est celui où se déroulent la majeure partie des combats et où les deux camps ont placé leurs forces les plus entraînées et les mieux équipées.
Dernière édition par DemetriosPoliorcète le Dim 17 Juil - 11:27, édité 3 fois
DemetriosPoliorcète- Messages : 1481
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Re: 1923 : Hitler réussit son putsch [récit achevé]
Franchement excellente histoire très prenante !!DemetriosPoliorcète a écrit:Chapitre 6 : Coup dans le coup
Si Adolf Hitler enrage en voyant la guerre s’éterniser, la situation n’en avantage pas moins son parti, le NSDAP, qui continue à mobiliser des foules toujours plus importantes de militants. Dans les cercles aristocratiques et militaires, l’ambiance est à l’inquiétude : le chancelier a beau tout faire pour les rassurer, que fera-t-il une fois la guerre finie ? Si les idées nationales-socialistes ont leurs adeptes y compris dans ces milieux, beaucoup ont au contraire acquis la conviction qu’il était pire que les sociaux-démocrates…
Dès les lendemains de l’offensive de printemps, un ensemble de conspirateurs commence à élaborer un plan de prise de pouvoir. Le président Hindenburg n’est pas mis au courant : brillant tacticien militaire mais stratège politique exécrable, il voit avant tout les troupes du NSDAP comme un potentiel militaire à utiliser, et fait donc de l’entente avec Hitler une ligne directrice. Sans oublier ses excentricités néopaïennes qui exaspèrent les conservateurs… Le président devra être mis devant le fait accompli et nommer un chancelier parmi les putschistes ou démissionner.
Le plan est simple : les ministères et stations de radio doivent être occupés par des soldats de la Reichswehr sous prétexte d’un coup de force communiste imminent. Ernst Röhm doit, quant à lui, être assassiné sur le front par un agent infiltré dans son corps franc. Un nouveau gouvernement dirigé par Franz von Papen doit ensuite organiser l’élimination des derniers éléments nazis et le désarmement de leurs milices. Pour la suite, il s’agit de conforter la position des forces nationalistes dans le conflit afin de pouvoir entamer des négociations en position de force et d’imposer le retour d’une monarchie constitutionnelle comme la seule solution pour garantir la paix.
Mais le complot, impliquant vite un trop grand nombre de personnes, tombe rapidement dans les oreilles de sympathisants nazis. L’amiral Canaris prend ainsi connaissance de l’information et charge un de ses jeunes protégés, l’officier de marine Reinhard Heydrich, de recueillir autant d’informations que possible. Heydrich adresse finalement au gouvernement un rapport décrivant le déroulement du coup d’Etat à la minute près, qui arrive sur le bureau d’Adolf Hitler huit jour après le déclenchement de l’opération.
Le 17 juillet, les troupes de la Reichswehr s’emparent de plusieurs ministères, mais n’y trouvent aucun ministre important. A la Chancellerie, les assaillants sont repoussés par un groupes de SA commandés par Emil Maurice, barricadés dans le bâtiment ; le même scénario se retrouve devant les principales stations de radio. Dans le même temps, Adolf Hitler prononce devant des milliers de partisans, mais aussi des hauts-fonctionnaires et des responsables politiques attirés sur place et abondamment photographiés, un discours où il dénonce les manœuvres de la réaction et l’existence d’un ensemble de traitres au sein de l’armée. Röhm, revenu du nord, place des troupes fidèles autour de la ville : le coup d’Etat est un échec complet. Ludendorff, comprenant finalement le tour que prend les événements, sort de sa réserve et affirme son soutien au chancelier, achevant de provoquer la débandade des putschistes. La principale source sur ces événements, alliant témoignage et travail de recherche mené à posteriori, sera écrite pas Claus von Stauffenberg, un jeune officier impliqué, sans s’en rendre compte immédiatement, dans le contre coup d’Etat, alors que ses sympathies le portaient davantage du côté des conservateurs.
Arrêtés dans les jours qui suivent, von Papen et von Schleicher, à la tête du putsch, ainsi que von Lossow, qui devait mener l’opération en Bavière, sont sommairement jugés et exécutés. Ayant donné son accord tacite, le général von Seeckt, commandant en chef de la Reichswehr, est relevé de ses fonctions. Jugé trop proche de la Reichswehr, Joseph Goebbels est renvoyé et doit s’exiler et Tchécoslovaquie.
Si Ludendorff reste en place, sa crédibilité est sévèrement entamée, et il voit son pouvoir réel s’amenuiser jusqu’à devenir purement symbolique. Hitler lui impose Röhm au poste de ministre de la guerre. Celui-ci entame une réorganisation complète des forces nationalistes, enfin fusionnées dans une seule entité, la Wehrmacht.
Flosgon78- Messages : 289
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Re: 1923 : Hitler réussit son putsch [récit achevé]
J'ai rajouté quelques images, espérant que ça rende l'ensemble plus digeste.
DemetriosPoliorcète- Messages : 1481
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Re: 1923 : Hitler réussit son putsch [récit achevé]
Depuis les élections de mai 1924, la Chambre des députés française était plus que jamais sans majorité claire : le cartel des gauches n’avait pu obtenir de majorité absolue en raison de la mobilisation de l’électorat interventionniste pour la droite. Il était bien entendu hors de question de s’allier au parti communiste : si, à Moscou, on réfléchissait déjà aux fronts populaires, la traduction dans les faits ne viendrait que plus tard… Aristide Briand, Président du conseil, incarnait tant bien que mal le centre de gravité et poursuivait sa politique de soutien franc aux républicains sans intervention militaire.
Dans l’ensemble du monde occidental, on s’habituait à l’idée de la guerre civile allemande et à son installation dans le temps. Certains stratèges extrapolaient même sur l’idée d’une guerre de positions radicalisée par rapport à la guerre mondiale : toute avance devenue totalement impossible, le nombre de pertes allait se réduire progressivement et l’on aboutirait à la création de deux Allemagne évoluant séparément. Pour d’autres, plus proches de la vérité, le conflit montre au contraire une nouvelle importance de la vitesse et de la motorisation dans la décision des batailles.
Aux Etats-Unis, la mobilisation des milieux intellectuels et artistiques en faveur de la cause républicaine, ainsi que l’action efficace du nouvel ambassadeur à Washington, Konrad Adenauer, permettent d’obtenir une aide conséquente de la part du gouvernement américain, principalement sous la forme de prêts.
En Europe centrale, les gouvernements, ainsi que la SDN et les organisations humanitaires internationales, doivent déployer d’immenses efforts pour régler la crise des réfugiés allemands. Pas moins de 500 000 Allemands ont transité par la Tchécoslovaquie depuis le début de la guerre, beaucoup y restent. Le gouvernement tente par tous les moyens de déplacer les réfugiés vers le cœur tchèque du pays, de peur qu’ils ne fassent augmenter le peuplement des régions germanophones.
En Autriche, le conflit voisin radicalise les positions politiques, mais le départ des éléments les plus violents pour combattre dans l’un ou l’autre camp permet paradoxalement à la violence politique de ne pas augmenter significativement. L’accueil des réfugiés allemands, vus comme des rouges et des Juifs, n’en demeure pas moins une grave source de tensions.
Malgré les sentiments rattachistes d’une large part de la population autrichienne, l’opposition à l’Eglise catholique des nouveaux maitres de Berlin empêche les Chrétiens-Sociaux, alliés aux sociaux-démocrates, de prendre partie. Tout au plus ferme-t-on les yeux sur les trafics d’armes et d’essence entre l’Italie fasciste et la Bavière à travers le territoire autrichien. Le 1er juin 1924, Ignaz Seipel, chancelier fédéral, est grièvement blessé et remplacé par Rudolf Ramek, lui aussi chrétien-social.
Sur le front, l’automne et l’hiver 1924 sont des périodes de relatif calme : les deux factions sont conscientes que les combattants sont épuisés et que la population est plus que jamais lasse du conflit ; il est urgent de se réorganiser et de se concentrer sur le réarmement moral.
DemetriosPoliorcète- Messages : 1481
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Thomas, LFC/Emile Ollivier, Collectionneur, Rayan du Griffoul, Flosgon78, Uranium Colonel, Amon luxinferis et ezaski aiment ce message
Re: 1923 : Hitler réussit son putsch [récit achevé]
Le 2 novembre 1924 a lieu une rencontre décisive entre Mussolini et Scheubner Richter : sur demande personnelle de Hitler, ce dernier doit négocier avec le Duce la possibilité d’un rattachement de l’Autriche à l’Allemagne nationaliste. Après une longue discussion, un accord est trouvé entre les deux hommes : l’Italie ne s’opposera pas à une tentative de déstabiliser l’Autriche, tandis que l’Allemagne s’engagera à respecter la zone d’influence italienne et Europe centrale et à ne pas remettre en cause l’annexion du Sud-Tyrol.
Après avoir pris contact avec des éléments de l’organisation nationaliste Heimwehr, combattant en Allemagne, Hitler planifie un coup d’Etat en Autriche, prélude à un rattachement de son pays d’origine au nouveau Reich. L’option ne fait pas l’unanimité : les conservateurs s’y opposent, tandis que Röhm insiste sur l’idée que la guerre peut être gagnée rapidement sans recourir à la déstabilisation de nouveau territoires. Mais Hitler reste sur son idée, convaincu que seul un coup d’audace inattendu peut sortir l’Allemagne de l’impasse.
Il s’agit donc de faciliter le retour de combattants autrichiens dans leur pays, où ils participeront à un coup de force contre la coalition au pouvoir et installeront un gouvernement nationaliste ouvertement favorable à Berlin, qui permettra des liens directs avec l’Italie. L’accord repose sur une ambigüité fondamentale : pour une grande partie des conspirateurs, il s’agit surtout de mettre en place un pouvoir nationaliste autrichien au nom de la lutte contre les communistes. Mais, pour Hitler, il s’agit d’envisager un rattachement au Reich allemand à brève échéance. Sans en avertir directement les putschistes autrichiens, il masse une division, renforcée et lourdement armée, à la frontière ; habillés d’uniformes achetés au surplus de l’armée autrichienne, pour entretenir la confusion (cela leur vaudra le nom de « chemises brunes »), il s’agit surtout d’anciens SA.
Le 2 janvier 1925, alors que Vienne sort des festivités du nouvel an, le chancelier Ramek est tué dans une attaque à la bombe. Dans les heures qui suivent, des militants armés s’emparent des bâtiments officiels et des stations de radio. Mais le coup tourne vite court : la police et l’armée refusent de se rallier, tandis que les quartiers ouvriers de la capitale se mobilisent. En quelques heures, l’échec est certain, et les nationalistes commencent à se rendre.
Mais, de l’autre côté de la frontière, les troupes allemandes reçoivent des informations erronées. Outrepassant les ordres de Berlin, le commandant de la division lance ses troupes en direction de Vienne, persuadé de trouver un pays déjà à moitié acquis. Immédiatement, Ignaz Seipel, rappelé en hâte à la chancellerie, appelle à se défendre face à « l’envahisseur païen ». Après 24 heures de durs combats face à l’armée autrichienne, les chemises brunes se replient avec de lourdes pertes.
Les nationalistes autrichiens, décrédibilisés par leur collaboration à une tentative d’invasion de leur pays, sont effacés du paysage politique. Au cours des élections anticipées qui s’ensuivent, les sociaux démocrates l’emportent avec un siège de plus, et dominent désormais la coalition au pouvoir. L’Autriche s’éloigne de l’Italie et met fin aux trafics entre celle-ci et l’Allemagne nationaliste.
DemetriosPoliorcète- Messages : 1481
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Thomas, LFC/Emile Ollivier, Collectionneur, Rayan du Griffoul, Flosgon78, Uranium Colonel, Amon luxinferis et ezaski aiment ce message
Re: 1923 : Hitler réussit son putsch [récit achevé]
Amon luxinferis- Messages : 551
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