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[CTC 23] Entrevue

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Message par LFC/Emile Ollivier Dim 22 Mai - 11:25

25 décembre 1978 ; Téhéran

Journaliste : Monsieur le premier ministre, bonjour. Merci d’avoir accepté cette entrevue pour La Première.

Chapour Bakhtiar : C’est moi qui vous remercie de m’accorder la possibilité de m’adresser sur vos ondes pour m’adresser au peuple de France, dont vous savez que je l’apprécie beaucoup (sourire).

J : Effectivement monsieur le premier ministre, comme nous le verrons vous avez un lien particulièrement fort avec notre pays.

Pour commencer cette entrevue, racontez-nous votre enfance.

C.B : Je suis né en 1914 à Chahr-e Kord, un village proche d’Ispahan, une ville du centre de l’Iran. Comme mon nom l’indique, je suis issu du clan Bakhtiari, l’Iran ayant eu pendant longtemps une organisation clanique. Mon père Mohammad Reza Bakhtiar a été deux fois premier ministre sous le dynastie Qadjar finissante qui précéda celle des Pahlavi que nous avons désormais renversés. Après un cursus scolaire dans mon pays, je suis allé étudié dans un lycée français de Beyrouth. Le Liban était alors un mandat français. Cela m’a permis d’étudier votre langue et, aujourd’hui, de pouvoir répondre à cette entrevue directement dans votre langue. À la même époque, mon père, alors ministre de la guerre, a été exécuté par Reza Chah, le prédécesseur et père de Mohammed Reza.

J : Par la suite, vous vous rendez en France pour y poursuivre vos études supérieures. Faîtes-nous savoir comment s’est déroulé votre séjour dans notre pays.

C.B : Je suis arrivé à Paris en 1936. Paris était un rayon de Lumières au cœur d’une Europe progressivement plongée dans les Ténèbres totalitaires. Je fus bien accueilli par les Français. Beaucoup pensaient que j’étais italien et je me souviens de beaucoup de yeux écarquillés quand ils découvraient que je venais de la lointaine Perse ! Un grand nombre de Français avaient une vision digne des mille et une nuit sur mon pays, que je m’empressais de dissiper. En tout cas, je n’ai jamais ressenti de mépris et encore moins de haine à mon égard du fait de mon origine iranienne. J’ai dans le même temps validé un doctorat en sciences politique au sein de l’université de Paris. Mais pour moi, l’heure du combat commençait.

J : En effet, monsieur le premier ministre. En septembre 1939, la France déclare la guerre à l’Allemagne suite à son agression contre la Pologne.

C.B : Et je me porte volontaire dans l’armée française ce même mois ! J’étais décidé de combattre le totalitarisme national-socialiste et de défendre ma second patrie, la France. Pour preuve que la France est un pays ouvert, moi, bien qu’étranger, je devins officier au sein du 30ème régiment d’artillerie, du fait de mon statut de doctorant. Comme nous le savons, après 9 mois de « Drôle de guerre », la première phase du conflit fut (il réfléchit) extrêmement difficile et abouti à l’occupation de la France par les armées nazies. Je fus moi même capturé à la capitulation mais libéré rapidement du fait de ma nationalité iranienne. Vous savez, à l’époque, le Reich allemand voulait séduire les peuples orientaux. D’ailleurs, Reza Pahlavi, le Chah d’alors, n’était pas insensible au « charme » du Führer…

Libéré, je reçu l’ordre de retourner en Iran via les Balkans et la Turquie. Mais à peine arrivé dans ce dernier pays, j’oblique ma route vers le sud et me rend à Alep, en Syrie, où je réitère mon engagement au sein de l’armée française. Là, on me donne un faux nom, André Giuliano, « originaire » de Nice. Il faut croire que j’avais vraiment le type transalpin pour les Français ! (rire). Plus sérieusement, l’objectif était de me protéger, car j’avais menti aux Nazis, et si j’étais capturé de nouveau, je risquais probablement une exécution…

J : Et ensuite monsieur le premier ministre ?

C.B : Stationné au Levant (actuel Syrie notre du journaliste), je participe au sein de la colonne Estienne, à la campagne d’Irak en avril-mai 1941, campagne consécutive au coup d’État pro-nazi de Rachid Ali. Estienne et mes camarades avons eu comme fierté, en dépit de l’opposition britannique à notre entrée directe dans la capitale, d’avoir outrepassé cette consigne et d’avoir mis un terme au Farhoud, le pogrom lancé par les Baghdadis contre leurs concitoyens juifs.

En aparté, je tiens à souligner que le peuple iranien a toujours entretenu une relation de tolérance voire, j’ose le dire, d’amitié avec le peuple juif. Et ce depuis la prise de Babylone par Cyrus le grand au VIème siècle avant Jésus-Christ, à l’issue de laquelle les Perses libèrent les esclaves hébreux de la servitude.

Après cette campagne, je retourna d’abord au Levant avant d’être affecté en Tunisie après l’entrée en guerre des États-Unis d’Amérique. Le prochain objectif allait être d’entamer la Libération de l’Europe continentale. Je participa à l’assaut sur la Sicile, à la campagne d’Italie. Mais ma plus grande fierté reste d’avoir foulé le sol de France au premier jour de l’opération Seigneur suprême, le 22 janvier 1944. À l’issue de la Libération et de la campagne d’Allemagne qui s’ensuit et qui aboutit à la reddition allemande, je rentre en Iran en 1946, soucieux de me donner autant pour mon pays que pour la France.

J : Que faîtes-vous à votre retour en Iran ? Quel est votre parcours à l’époque ?

Ayant vécu dans une démocratie et ayant été imprégné moi-même du sens aigu de la liberté du peuple français, je deviens alors un proche de Mohammad Mossadegh, mon modèle politique. Patriote sincère et démocrate de cœur, j’adhère à son mouvement politique, le Front national. Devenu premier ministre, Mossadegh me nomme à la tête du ministère du travail avant sa déposition par la coalition des Anglo-saxons et du Chah…

(Il s’arrête, son regard devient moins bienveillant un court instant).

Je suis ensuite emprisonné plusieurs années et subi les affres de la torture par les sbires de la SAVAK, la police politique impériale. Je n’en continue pas moins mon activité politique et devient président du Front. En parallèle, Mohamed Reza Pahlavi sombre dans un orgueil frisant la démence, s’assoit sur la constitution que les souverains précédents avaient accordé au peuple iranien et gouverne en despote.

J : S’ensuivent les évènements de cette année...

C.B : Oui, le peuple iranien, las de la dictature, excédé de souffrances, s’est levé et a renversé la monarchie. L’armée, main dans la main avec ses frères et sœurs, a rallié le mouvement et permis l’établissement de la république.

J : L’Iran est en effet une république depuis le 6 novembre dernier. Cependant, les Français vous posent cette question. Quel en sera la nature ? Quel est, à titre personnel, votre objectif pour elle et votre pays ?

C.B : Démocratique, tolérante et séculaire ! Nous iraniens sommes attachés à l’Islam, notre pays ne sera pas un État laïc comme le vôtre, mais nous autoriserons une liberté de culte totale pour les minorités juives, parsis et concernant les autres courants de l’Islam, sunnites. Nous sommes sur le point d’accorder une autonomie officielle aux minorités kurdes et arabes de notre pays. Cependant, bien qu’attachés à notre foi, nous avons comme objectif de séparer les affaires religieuses des affaires politiques. Enfin, nous réitérons notre objectif de mettre l’État au service du peuple, et non l’inverse. Des élections générales se tiendront d’ailleurs l’année prochaine pour que les Iraniens élisent leurs représentants, représentants qui établiront une constitution pour notre république.

J : Merci pour ces éclaircissements monsieur le premier ministre. Les Français veulent néanmoins vous connaître plus personnellement. Parlez-nous un peu de votre vie personnelle.

C.B : Je suis marié à une Française avec qui j’ai eu quatre enfants : Vivianne, Guy, Patrick et France. Je compte d’ailleurs à effectuer ma première visite d’État à l’étranger à Paris, pour y rencontrer le président Mitterrand et pouvoir bâtir, sur des bases nouvelles, un partenariat égalitaire entre nos deux nations.

J’aime la littérature et le jeu d’échec. Pour l’anecdote, nous persans, inventeur de ce jeu, appelons « Premier ministre » la pièce appelée en occident « Reine » !

J : Merci monsieur le premier ministre pour cet entretien sincère et éclairant. Au nom de nos auditeurs, permettez-moi de vous souhaiter bonne chance dans votre entreprise.

Au revoir.

C.B : Au revoir. En ce jour, je tiens à souhaiter un joyeux Noël à tous les Français et Françaises !


[CTC 23] Entrevue Shatra10


Dernière édition par LFC/Emile Ollivier le Mar 24 Mai - 21:09, édité 1 fois
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Message par DemetriosPoliorcète Dim 22 Mai - 17:28

Un destin moins tragique que dans notre réalité...

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Message par Collectionneur Dim 29 Mai - 20:25

Relecture rapide, dans le premier quart du texte, e oublié :

C.B : Et je me porte volontaire dans l’armée française ce même mois ! J’étais décidé de combattre le totalitarisme national-socialiste et de défendre ma second...e... patrie, la France.

R en trop :

C.B : Stationné au Levant (actuel Syrie notre du journaliste),

Le Shah en exil doit être plus ''en forme'' qu'en 79, il risque de demander l'appui des États-Unis contre la nouvelle république.
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