[CTC 25] L'entrevue
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[CTC 25] L'entrevue
2747 AUC - Nord de l'Italie
Terrentius Vulso arpentait la pièce avec nervosité, inspectant une fois de plus l’ensemble de la décoration. Il aurait été très inconvenant de recevoir son invitée, mais tout devait refléter l’ambiance de la cour, c’était impératif. Il avait fait remplacer une partie de l’éclairage par des lampes à huile, emprunté du mobilier dans les grandes demeures voisines, et en avait fait venir des réserves de Ravenne. Il fallait transformer cette petite villa campagnarde en un substitut au palais impérial.
Il avait toujours été profondément ennuyé par l’étiquette, et jugeait avoir perdu une part considérable de son temps par la faute de cérémoniaux aussi divers qu’insupportables. Mais recevoir une altesse impériale pour s’entretenir de l’avenir de l’Empire demandait de faire un effort.
Il fut tiré de ses réflexions par la voix de son intendant : « Triumvir, la kaisarissa Valeriana Casca est arrivée ;
-Parfait ! » répondit Vulso en se dirigeant vers l’entrée. « Qu’elle entre ! »
La princesse pénétra dans la villa suivie de près par une servante et par deux gardes à la carrure impressionnante et aux visages inexpressifs. Alors qu’elle tendait son manteau rouge brodé d’or à sa servante, Vulso put s’apercevoir qu’elle n’avait rien perdu de son port altier, ni de l’expression hautaine dans son regard. Excellent…
« Bienvenue dans cette demeure kaisarissa, c’est un honneur de vous y recevoir, j’espère que vous avez fait bon voyage.
-C’est le premier voyage que l’on m’autorise depuis longtemps, à vrai dire. Mais je vous remercier de votre hospitalité, sénateur. »
Vulso comprit l’inutilité qu’il y aurait à demander à être appelé par un autre titre, et après quelques autres salutations d’usage, il invita sa convive à s’asseoir.
« J’espère que cette visite pourra vous divertir un peu. Si par ailleurs vous manquez de quelque chose dans votre villa, n’hésitez pas à m’en parler.
-Je vous remercie, mais j’ai tout ce qu’il me faut chez moi, c’est la possibilité d’en sortir qui me fait défaut » répondit elle sèchement. « Mais vous ne m’avez pas fait venir pour vous enquérir de mon bien être, n’est-ce pas.
-En effet, ce n’est pas la visée principale de cette entrevue. Je voudrais m’entretenir avec vous de la situation politique de notre Empire…
-C’est simple. Vous avez vaincu mon oncle après votre longue campagne dans les Alpes et vous êtes revenu en chef victorieux, mais contrairement à ce que vous pensiez, ça ne vous a pas donné un véritable ascendant sur vos rivaux, et ils n’ont pas apprécié que vous vouliez lever une nouvelle armée et la conduire vous-même contre Postumus en Egypte. Alors vous avez décidé de vous appuyer sur les Comices Romaines, cette institution étrange que vous aviez fait élire après votre coup de force et que vous aviez oublié dans un coin après le début de la guerre civile. »
Vulso écarquilla les yeux. « Vous avez beaucoup plus de sens politique que votre frère, kaisarissa. » Se fendant d’un léger sourire, elle poursuivit : « Mais là encore, cette masse de petits notables venus de toutes les provinces s’est avérée bien plus difficile à rallier à votre cause que ce que vous pensiez. Par contre, elle a achevé le travail pour lequel vous l’aviez fait élire, créer de nouvelles institutions. Et maintenant, vous et tous vos amis usurpateurs êtes mis devant le fait accompli, votre gouvernement provisoire ne peut pas se prolonger indéfiniment ».
Elle marqua une pause, porta sa coupe de vin à sa bouche et se pencha légèrement en arrière.
« Et ces institutions devront bien faire une place à l’Empereur, titre qui est toujours porté par mon frère, même si vous le retenez prisonnier, comme moi-même. Alors vous voulez vous entretenir avec moi, pour vous servir d’intermédiaire et tisser une improbable alliance qui vous garantirait le pouvoir réel.
-C’est là que vous faites erreur, ma Dame. » La voyant se redresser et plisser les yeux, il reprit en souriant : « En effet, les partisans de l’abolition de la monarchie étaient trop peu nombreux pour espérer réellement peser, et l’idée qu’un empereur devait demeurer dans un rôle d’arbitre, tandis que le gouvernement serait exercé par un Tribun désigné par les Comices, s’est imposée. Le projet est prêt, presque déjà voté, mais il reste la question du pouvoir impérial. Ceux qui veulent changer d’empereur sont nombreux…
- Et vous en êtes ?
- Oui et non. Voyez-vous, votre frère est trop hostiles à notre projet pour que les institutions fonctionnent correctement avec lui à la tête de l’Etat. Mais l’histoire nous enseigne que les changements brutaux de dynasties ouvrent de longues périodes de troubles, la légitimité se construit difficilement… Alors, je veux déposer Quintus Valerianus Casca par un membre de sa famille. » Interloquée, Valeriana répondit après plusieurs secondes : « et qui avez-vous choisi pour ce rôle ?
- Mais vous, kaisarissa. Vous serez Augusta de notre empire.
- Aucune Augusta n’a jamais exercé le pouvoir en son nom propre. Il y a toujours eu soit un fils, soit un mari…
- C’est vrai. Je me propose pour cette fonction, si vous l’acceptez. »
Valeriana éclata de rire, et peina à pouvoir s’exprimer de nouveau. « Mon cher Caius, n’allez pas croire que je vous pense pire qu’un autre comme époux, mais je crains de ne pouvoir vous répondre favorablement. Vous, empereur, je ne l’aurais pas cru… ». Elle prit encore un instant pour retrouver son sérieux. « Vous avez toujours dit vous défier du pouvoir impérial, je n’imaginais pas que votre but était de vous en emparer. Le pouvoir oui, sans aucun doute, mais que vous vous imaginiez portant la pourpre, vraiment je ne le soupçonnais pas.
-Vous aviez raison, je n’ai jamais considéré qu’il soit enviable de porter la pourpre, et j’ai travaillé depuis quatre ans à réduire les pouvoirs de l’empereur. Mais les circonstance me conduisent à cette solution. Nous ne pouvons accepter un empereur qui s’oppose à nos réformes. Avec la pourpre, j’aurai moins de pouvoir que le tribun, mais j’aurai tout le reste de mon existence pour m’assurer que les choses vont dans le bon sens, que Rome redevient Rome.
-Je pense que vous cherchez à vous convaincre vous-même, sénateur Vulso. Je vous remercie pour la collation et pour le vin, vous féliciterez votre cuisinier. Mais nous allons en rester là. » Elle fit signe à sa servante de lui passer son manteau.
« Je comprends votre logique, mais je ne peux jouer le rôle que voulez me donner dans cette pièce. Ma famille a beaucoup souffert, le pire en ce moment serait de nous diviser, et je ne trahirai pas.
-Kaisarissa, vous savez bien que si votre oncle m’avait vaincu et qu’il était entré dans Rome, il vous aurait éliminé pour s’emparer du trône.
-Alors je vous remercie de l’en avoir empêché. Je vous souhaite une bonne soirée, sénateur Vulso ».
La kaisarissa prit le chemin de la sortie, toujours suivie de sa servante et de ses deux gardes, puis traversa la porte pour disparaître dans l’obscurité. Vulso savait que le dispositif militaire autour de la résidence était bien suffisant pour s’assurer qu’elle regagne sa résidence surveillée.
"Quelle femme!" dit-il à son intendant. En se retournant, il ajouta : et je suis sûr qu'elle va changer d'avis".
Terrentius Vulso arpentait la pièce avec nervosité, inspectant une fois de plus l’ensemble de la décoration. Il aurait été très inconvenant de recevoir son invitée, mais tout devait refléter l’ambiance de la cour, c’était impératif. Il avait fait remplacer une partie de l’éclairage par des lampes à huile, emprunté du mobilier dans les grandes demeures voisines, et en avait fait venir des réserves de Ravenne. Il fallait transformer cette petite villa campagnarde en un substitut au palais impérial.
Il avait toujours été profondément ennuyé par l’étiquette, et jugeait avoir perdu une part considérable de son temps par la faute de cérémoniaux aussi divers qu’insupportables. Mais recevoir une altesse impériale pour s’entretenir de l’avenir de l’Empire demandait de faire un effort.
Il fut tiré de ses réflexions par la voix de son intendant : « Triumvir, la kaisarissa Valeriana Casca est arrivée ;
-Parfait ! » répondit Vulso en se dirigeant vers l’entrée. « Qu’elle entre ! »
La princesse pénétra dans la villa suivie de près par une servante et par deux gardes à la carrure impressionnante et aux visages inexpressifs. Alors qu’elle tendait son manteau rouge brodé d’or à sa servante, Vulso put s’apercevoir qu’elle n’avait rien perdu de son port altier, ni de l’expression hautaine dans son regard. Excellent…
« Bienvenue dans cette demeure kaisarissa, c’est un honneur de vous y recevoir, j’espère que vous avez fait bon voyage.
-C’est le premier voyage que l’on m’autorise depuis longtemps, à vrai dire. Mais je vous remercier de votre hospitalité, sénateur. »
Vulso comprit l’inutilité qu’il y aurait à demander à être appelé par un autre titre, et après quelques autres salutations d’usage, il invita sa convive à s’asseoir.
« J’espère que cette visite pourra vous divertir un peu. Si par ailleurs vous manquez de quelque chose dans votre villa, n’hésitez pas à m’en parler.
-Je vous remercie, mais j’ai tout ce qu’il me faut chez moi, c’est la possibilité d’en sortir qui me fait défaut » répondit elle sèchement. « Mais vous ne m’avez pas fait venir pour vous enquérir de mon bien être, n’est-ce pas.
-En effet, ce n’est pas la visée principale de cette entrevue. Je voudrais m’entretenir avec vous de la situation politique de notre Empire…
-C’est simple. Vous avez vaincu mon oncle après votre longue campagne dans les Alpes et vous êtes revenu en chef victorieux, mais contrairement à ce que vous pensiez, ça ne vous a pas donné un véritable ascendant sur vos rivaux, et ils n’ont pas apprécié que vous vouliez lever une nouvelle armée et la conduire vous-même contre Postumus en Egypte. Alors vous avez décidé de vous appuyer sur les Comices Romaines, cette institution étrange que vous aviez fait élire après votre coup de force et que vous aviez oublié dans un coin après le début de la guerre civile. »
Vulso écarquilla les yeux. « Vous avez beaucoup plus de sens politique que votre frère, kaisarissa. » Se fendant d’un léger sourire, elle poursuivit : « Mais là encore, cette masse de petits notables venus de toutes les provinces s’est avérée bien plus difficile à rallier à votre cause que ce que vous pensiez. Par contre, elle a achevé le travail pour lequel vous l’aviez fait élire, créer de nouvelles institutions. Et maintenant, vous et tous vos amis usurpateurs êtes mis devant le fait accompli, votre gouvernement provisoire ne peut pas se prolonger indéfiniment ».
Elle marqua une pause, porta sa coupe de vin à sa bouche et se pencha légèrement en arrière.
« Et ces institutions devront bien faire une place à l’Empereur, titre qui est toujours porté par mon frère, même si vous le retenez prisonnier, comme moi-même. Alors vous voulez vous entretenir avec moi, pour vous servir d’intermédiaire et tisser une improbable alliance qui vous garantirait le pouvoir réel.
-C’est là que vous faites erreur, ma Dame. » La voyant se redresser et plisser les yeux, il reprit en souriant : « En effet, les partisans de l’abolition de la monarchie étaient trop peu nombreux pour espérer réellement peser, et l’idée qu’un empereur devait demeurer dans un rôle d’arbitre, tandis que le gouvernement serait exercé par un Tribun désigné par les Comices, s’est imposée. Le projet est prêt, presque déjà voté, mais il reste la question du pouvoir impérial. Ceux qui veulent changer d’empereur sont nombreux…
- Et vous en êtes ?
- Oui et non. Voyez-vous, votre frère est trop hostiles à notre projet pour que les institutions fonctionnent correctement avec lui à la tête de l’Etat. Mais l’histoire nous enseigne que les changements brutaux de dynasties ouvrent de longues périodes de troubles, la légitimité se construit difficilement… Alors, je veux déposer Quintus Valerianus Casca par un membre de sa famille. » Interloquée, Valeriana répondit après plusieurs secondes : « et qui avez-vous choisi pour ce rôle ?
- Mais vous, kaisarissa. Vous serez Augusta de notre empire.
- Aucune Augusta n’a jamais exercé le pouvoir en son nom propre. Il y a toujours eu soit un fils, soit un mari…
- C’est vrai. Je me propose pour cette fonction, si vous l’acceptez. »
Valeriana éclata de rire, et peina à pouvoir s’exprimer de nouveau. « Mon cher Caius, n’allez pas croire que je vous pense pire qu’un autre comme époux, mais je crains de ne pouvoir vous répondre favorablement. Vous, empereur, je ne l’aurais pas cru… ». Elle prit encore un instant pour retrouver son sérieux. « Vous avez toujours dit vous défier du pouvoir impérial, je n’imaginais pas que votre but était de vous en emparer. Le pouvoir oui, sans aucun doute, mais que vous vous imaginiez portant la pourpre, vraiment je ne le soupçonnais pas.
-Vous aviez raison, je n’ai jamais considéré qu’il soit enviable de porter la pourpre, et j’ai travaillé depuis quatre ans à réduire les pouvoirs de l’empereur. Mais les circonstance me conduisent à cette solution. Nous ne pouvons accepter un empereur qui s’oppose à nos réformes. Avec la pourpre, j’aurai moins de pouvoir que le tribun, mais j’aurai tout le reste de mon existence pour m’assurer que les choses vont dans le bon sens, que Rome redevient Rome.
-Je pense que vous cherchez à vous convaincre vous-même, sénateur Vulso. Je vous remercie pour la collation et pour le vin, vous féliciterez votre cuisinier. Mais nous allons en rester là. » Elle fit signe à sa servante de lui passer son manteau.
« Je comprends votre logique, mais je ne peux jouer le rôle que voulez me donner dans cette pièce. Ma famille a beaucoup souffert, le pire en ce moment serait de nous diviser, et je ne trahirai pas.
-Kaisarissa, vous savez bien que si votre oncle m’avait vaincu et qu’il était entré dans Rome, il vous aurait éliminé pour s’emparer du trône.
-Alors je vous remercie de l’en avoir empêché. Je vous souhaite une bonne soirée, sénateur Vulso ».
La kaisarissa prit le chemin de la sortie, toujours suivie de sa servante et de ses deux gardes, puis traversa la porte pour disparaître dans l’obscurité. Vulso savait que le dispositif militaire autour de la résidence était bien suffisant pour s’assurer qu’elle regagne sa résidence surveillée.
"Quelle femme!" dit-il à son intendant. En se retournant, il ajouta : et je suis sûr qu'elle va changer d'avis".
DemetriosPoliorcète- Messages : 1484
Date d'inscription : 05/03/2016
LFC/Emile Ollivier et Collectionneur aiment ce message
Re: [CTC 25] L'entrevue
''Ave cesar'' toujours pas disponible en version féminine ! Mais comme on parle de réformes constitutionnelles, pourquoi pas....
Pour la relecture, juste un s en trop
- Et vous en êtes ?
- Oui et non. Voyez-vous, votre frère est trop hostile(s) à notre projet pour que les institutions fonctionnent correctement avec lui à la tête de l’Etat.
Pour la relecture, juste un s en trop
- Et vous en êtes ?
- Oui et non. Voyez-vous, votre frère est trop hostile(s) à notre projet pour que les institutions fonctionnent correctement avec lui à la tête de l’Etat.
LFC/Emile Ollivier aime ce message
Re: [CTC 25] L'entrevue
Collectionneur a écrit:''Ave cesar'' toujours pas disponible en version féminine !
Eh non, les Romains ont toujours affiché un conservatisme intransigeant...tout en étant toujours très souples dans les faits.
DemetriosPoliorcète- Messages : 1484
Date d'inscription : 05/03/2016
LFC/Emile Ollivier et Collectionneur aiment ce message
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