L’engrenage des Ténèbres (Monde moderne LFC)

L’engrenage des Ténèbres

Bernard-Henri Levy dans un éditorial du Figaro, septembre 2012.

17 décembre 2010 : Marché de Hama, en Syrie.

Salah, un marchand de fruits, attend sous le pâle soleil d’hiver du Levant, les quelques clients qui voudront bien lui acheter ses oranges, ce qui lui permettra de survivre un jour de plus.

« Par Allah, encore eux ! » se dit-il en voyant arriver des policiers, venus réclamer leur bakchich.

Une trop grande partie de ses bien trop maigres revenus passent dans l’achat des policiers corrompus du Régime. Sauf qu’aujourd’hui, Salah n’a presque rien vendu… Le vendeur de fruits a beau leur expliquer la situation, les policiers s’emportent, le frappent violemment et l’emmènent au commissariat du quartier.

18 décembre 2010 : L’épouse de Salah vient chercher son mari. Les policiers n’ont jamais pour habitude de garder plus de 24 heures ceux qui n’ont pu les acheter. À l’accueil, à la mention du nom de son mari, l’agent semble, et cela ne présage rien de bon, gêné. Celui-ci appelle son supérieur qui se présente à la femme et lui annonce que son mari « est décédé d’un arrêt cardiaque durant son sommeil ». La femme s’emporte alors, maudit les policiers et quittent en trombe le commissariat.

La tempête venait de se lever. Hama, qui s’était déjà soulevé en 1982 contre le père de Bassel, Hafez Al-Assad, n’allait pas, n’allait plus, se laisser écraser par les sbires corrompus du Régime. La foule manifesta avec force sa colère, réclama le châtiment des responsables du « meurtre » de Salah, d’autant qu’à la remise rapide du corps du défunt, comme réclamée par la coutume musulmane, il s’avéra que l’homme avait été grandement maltraité, voire torturé !

Comme seule réponse à la colère du peuple d’Hama, le Régime crut que les bâtons suffiraient à faire taire les habitants mais cela n’eut comme conséquence que de transformer la légitime colère en violente révolte. Grâce à l’Internet, la nouvelle du soulèvement se répandit bientôt dans le reste du pays, qui sombra dans la guerre civile, dans le reste du Monde arabe, qui mit sur le devant ses réclamations politiques, et le reste du monde, stupéfait et attentif aux évènements se déroulant au Machrek et au Levant.

Mai 2011 : Damas

Les ennemis du Régime sont désormais prêt à lui porter l’estocade finale. Leur entrée dans la capitale n’est plus qu’une question d’heures. L’armée arabe syrienne semble en déroute, des unités entières se rendent et rallient les insurgés. Puis, aux portes de la ville, elle s’évapore.

Que cela pouvait-il bien signifier ?

La réponse arriva très vite. Un groupe de bombardiers du Régime se déploya, largua ses bombes. Bombes dont ne sortit que des explosions d’ampleur limitée mais très rapidement, un panache vert.

Les gaz !

En quelques minutes, des centaines de combattants rebelles étaient morts ou mourants, et le reste fuyait en désordre vers l’arrière.

New-York, siège de l’ONU, 3 jours plus tard :

À l’unanimité des membres du Conseil de sécurité, celui-ci condamna l’usage des gaz de combat et vota une résolution appelant à l’usage « de tous les moyens nécessaires » afin de mettre un terme à leur usage. L’Occident et l’OTAN allaient intervenir en vue de clouer au sol l’aviation baasiste et neutraliser ses armements chimiques. Le traumatisme de la destruction de Benghazi par les Khadafistes, et du flot de sang qu’ils y firent couler, était encore dans toutes les mémoires… D’autant que l’Occident ne fit rien alors pour arrêter Khadafi !

Concernant la Syrie, en une semaine, l’affaire était pliée. Attaques de Tomahawks et autres missiles de croisière, frappes chirurgicales de l’aviation sur les cibles désignées, eurent raison tout d’abord des capacités du Régime à lancer des attaques non conventionnelles et, au-delà, à résister. En effet, les Rebelles se réorganisèrent rapidement, lancèrent une seconde offensive qui eut raison des derniers défenseurs de Bassel Al-Assad qui lui-même s’était déjà replié vers la zone côtière alaouite, d’où il continua « la lutte ».

Les Rebelles proclamèrent la république islamique syrienne, immédiatement reconnue par l’Occident (dont la Russie, alors en pleine guerre civile) mais avec réticence par la Chine populaire…

Mais les malheurs du Levant ne faisaient que commencer. Les prisons ouvertes, les plus extrémistes des fous de Dieu, souvent liés aux insurgés irakiens, étaient désormais libres de leurs mouvements…

Insurgés irakiens ? Pour comprendre cela, il nous faut revenir en arrière, plus précisément en 2002.

Suite à l’incident des îles Babiyan, opposant un navire américain à des vedettes des gardes-côtes irakiens, le président américain, Georges W. Bush, ordonne l’invasion de l’Irak, toujours tenu par la poigne d’acier de Saddam. Le Régime Baasiste tombe alors en 1 mois. Mais le plus dur pour les Américains sera désormais l’occupation du pays, durant laquelle ils feront face à une guérilla meurtrière. En 2009, le nouveau président américain issu des rangs démocrates, et opposant de toujours à la guerre d’Irak, le Navajo Adam Sand, déclenche le retrait de l’US Army du pays, alors que le pouvoir de Bagdad est, et c’est le moins que l’on puisse dire, bancal…

Rapidement, les Islamistes sunnites, regroupés sous la bannière de l’État islamique, et alliés aux derniers fidèles de Saddam, s’emparent de nombreuses régions du pays, notamment Fallouja. Mais la chute du Baasisme syrien, et les immenses stocks d’armes qu’il a abandonné, sont une occasion bénie, un « cadeau de Dieu », pour les Terroristes.

Déjà soutiens du nouveau gouvernement de Damas et infiltrés donc dans les plus hautes sphères du nouveau pouvoir, les Islamistes déclenchent en avril 2012 un coup d’État fulgurant, les rendant maîtres de la majorité du pays, à l’exception des zones alaouite et kurde, qui résistaient à la république islamique. Leur chef, Abou Bakr Al-Baghdadi proclame alors le « Califat » dans la grande mosquée des Omeyyades de Damas tandis qu’est mis en place un « État islamique » ayant autorité à la fois sur les zones syriennes mais également sur les zones irakiennes tenues par les Terroristes. Ce qui ne présageait rien de bon pour le pouvoir irakien…

En juin 2012, Al-Baghdadi déclenche effectivement son offensive générale contre l’Irak à la suite d’un discours où il dénonce pêle-mêle l’Occident décadent, les accords Sykes-Picot de 1916 (divisant le Levant entre zones française et britannique, à l’origine de la division de la région en différents États), dont il annonce qu’ils sont désormais totalement caducs tout en appelant les Musulmans de la région, mais aussi du Monde entier, à le rejoindre pour vivre une vie en harmonie avec les fondamentaux de l’Islam. L’armée irakienne s’effondre, les dirigeants irakiens ne peuvent rien faire, Mossoul, Tikrit tombent, tandis que Bagdad est menacée d’encerclement. Des milliers de Yézidis et de Chrétiens d’Orient, considérés comme des ennemis mortels par les Terroristes et pourchassés par eux, fuient vers les régions kurdes. La débâcle du gouvernement irakien est accentuée par la présence de milliers d’agents dormants qui prennent soudainement les armes à l’appel du « Calife » ainsi qu’à l’approche de ses colonnes.

Baghdadi a certes dénoncé les accords de Sykes-Picot, il n’en a pas moins oublié les Capitulations signées entre la France alors monarchique et le défunt Empire ottoman, faisant de Paris la protectrice des Chrétiens d’Orient. En 2012, la France est dirigée par le président Benoît Hamon. Il est secondé par le premier ministre Manuel Valls, qu’il n’aime pas, c’est le moins que l’on puisse dire, et ce en dépit des sourires et des poignées de main de façade… À l’inverse, Hamon a une forme de respect pour son opposant principal, son prédécesseur, Dominique de Villepin.

Tandis que les hordes fanatiques se ruent sur la province irakienne de Ninive, écrasant les défenses du gouvernement irakien, quand ces dernières ne s’évaporent pas simplement à l’approche des Terroristes, et que de même, les forces de l’État islamique repoussent les Peshmergas kurdes de la ville de Sinjar, provoquant cet exode de masse, le président prend sa décision.

Il convoque les meneurs des principales formation d’opposition que sont François Bayrou et, surtout, Dominique de Villepin donc, pour décider de la réaction de la république française à l’assaut enragée des Barbares. De Villepin, féru d’histoire, rappelle immédiatement l’engagement historique de la France auprès des Chrétiens d’Orient, le devoir moral de protéger les minorités religieuses dans la région en particulier et les populations menacées par les fanatiques en général. Ayant convaincu d’autant plus facilement un président français que ce dernier cherchait plus une sorte d’unanimité nationale autour de l’idée d’une intervention française au Levant qu’à réellement décider ensemble de la marche à suivre, le cabinet de guerre met en place en 48 heures l’opération « Force juste », le sauvetage des Yézidis et des Chrétiens d’Orient et leur évacuation partielle vers la France, la couverture de leur repli vers la zone kurde pour les autres. Les forces kurdes sont en effet l’un des rares éléments militaires du nord de l’Irak à tenir tête, et ce efficacement, aux Terroristes.

Les bases françaises du sud du pays, et surtout, point capitale, la base française de Souda, en Crète, était prête à soutenir l’opération de sauvetage qui pouvait dès lors être déclenchée et ce, dans les temps ordonné par le chef de L’État.

Les parachutistes sont précédés par l’assaut de l’armée de l’air sur les positions des Islamistes assiégeant environ 35 000 Yézidis, Chrétiens et Chiites au mont Sinjar consécutivement à la défaite des combattants kurdes plus au sud, dans la ville de Sinjar même, portant un coup d’arrêt temporaire à l’avance des Terroristes. Puis les vaillants héritiers de la tradition parachutiste française sautent, comme en 1954, au cœur de l’enfer, contre la multitude.

Et toujours en chantant…

Comme prévu, les paras font face à une force mêlant habillement technique de combat asymétrique et armement moderne, volé dans les dépôts du Régime d’Al-Assad et, depuis peu, de l’armée irakienne mourante. Heureusement, les paras ne sont pas nés de la dernière pluie, et usant de leur expertise, ils infligent de lourdes pertes aux ennemis, parviennent à desserrer l’étau en collaboration avec une contre-offensive des Peshmergas kurdes et en parfaite entente avec l’aviation française.

Rien moins que 200 parachutistes, combattant à 1 contre 10, sont parvenus à contenir l’assaut des fanatiques puis à briser leur étreinte pour sauver 35 000 civils de la mort ou de l’esclavage que leur réservaient les Barbares tandis qu’en France, se manifestent une quasi-unanimité nationale, que seuls les groupuscules d’Extrême-droite rejettent…

Malheureusement, le reste des chefs de l’Occident ne semble pas être fait du même moule que les dirigeants qui sauvèrent les Yézidis. Se contentant d’une aide humanitaire aux réfugiés encombrant les camps du Kurdistan, de Bagdad et du sud de l’Irak, là où le TNT est la seule solution viable, Hamon est, une fois les civils à l’abri en France ou au Kurdistan irakien, inquiet pour l’avenir de la région.

Certes, l’opération est un triomphe, mais un nouvel empire du mal semble s’être durablement installé au Levant. Et la France semble être la seule à vouloir soutenir ceux qui le combattent autrement qu’avec des mots et des boîtes de sardines… Pis, la Turquie d’Erdogan, joue un trouble jeu. Son premier ministre multiplie les diatribes contre les... « terroristes kurdes » (!!!). Refusant son aide aux assiégés kurdes de Kobané tout d’abord, et que bientôt, le nouveau Sultan lancera même ses troupes contre les milices de la Rojava, le Kurdistan syrien, qui devra dès lors combattre sur deux fronts ! Quant à la Communauté européenne, elle est aux abonnées absentes, en pleine léthargie. Seuls en Europe les alliés de Paris que sont Rome, Belgrade, Bruxelles et Athènes aideront, dans la mesure de leur moyen et de leurs possibilités, le président Hamon et ainsi les opposants à la Barbarie. Bref, un soutien de d’État à État, de Nation à Nation...

Quant aux nations extra-européennes amies de la France, elles ont aussi leur part d’héroïsme. Tandis que l’Algérie fournira nombre d’espions infiltrés parmi les volontaires du Djihad et « musulmans » répondant à l’appel du « Calife », l’Iran armera les combattants irakiens défendant victorieusement Bagdad contre les Islamistes sunnites.

Finalement, et en dépit de son relatif isolement, la France a défendu une cause juste, fidèlement à son histoire.

Merci pour cette uchronie a tiroirs. Un coup de pouce de l'Iran pour soutenir l'Irak comme en OTL peut-être ?

Chouette texte.
Le soulèvement d'Hama décalé de 28 ans. Bassel al-Asad encore en vie. Ça uchronise pas mal!
Je suis curieux d'avoir le détail de ce qui s'est passé en Libye.
C'est pas mal, avec des USA isolationniste, de voir la France en phare du monde libre.

Par contre Hamon et Valls au pouvoir en 2012 me parait peux crédible à moins d'énormes effets papillons engendrer par d'autre évènement, ces deux là sont inexistant (ou presque) politiquement à l'époque.
Les candidats les plus probables sont Hollande (comme OTL), Aubry, ou DSK s'il ne se fait pas chopper pour ses délits. Pire, on pourrait se retrouver avec un président obligé de quitter son poste sous la pression populaire et médiatique suite à la révélation de ses délits.

Russie en pleine guerre civile ?

Thomas a écrit:Russie en pleine guerre civile ?

Pas de Poutine LFC. C'est un Oligarque quelconque qui succède à Eltsine en 2000. Sa politique économique conduit à l'effondrement de l'économie russe en 2007. Les manifestations deviennent des émeutes et bientôt des soulèvements...

Concernant Hamon, il remplace au pied levé le candidat DSK, qui s'est effectivement fait prendre :p

LFC/Emile Ollivier a écrit:Concernant Hamon, il remplace au pied levé le candidat DSK, qui s'est effectivement fait prendre :p

Alors, franchement, ce n’est parce que tu remplaces DSK que tu gagnes la primaire.
D'autant qu'Hamon ne s’est pas présenté, car il voulait soutenir Aubry, dont il est devenu le porte-parole.
Sans DSK, le candidat socialiste logique est Aubry ou Hollande.
OTL, Hollande profité de trois facteurs : il est un homme, il y un boulevard derrière DSK, Sarkozy qui lui fait face est de plus détesté.
En LFC, je suppose que Sarkozy n'a pas été président puisque De Villepin est ancien président. Lequel des deux se présente en 2012?
En tout cas, je pense que l'alternative la plus réaliste  Hollande en LFC est Aubry.

D'accord Je vais voire ce que je peux faire.

Effectivement, LFC pas de Sarkozy. Disons que mon idée était la suivante (je cite le texte où je résume la vie politique française)

2005 : Dominique de Villepin fait approuver par référendum l’élection du chef de l’État au suffrage universel direct. De Villepin veut à la fois « achever » l’œuvre politique du Général, et rapprocher le « monarque républicain » du peuple.

2008 : Élection de Benoît Hamon (« Solidaires ! », successeur de la gauche unifiée) comme premier président de la Vème république élu au suffrage universel direct.

2008 : Le candidat tout désigné de la Gauche unifiée, Dominique Strauss Khan, pris dans un scandale sexuel, étant contraint de se retirer, Benoît Hamon le remplace au pied levé, les autres candidats plus « naturels » de la gauche s’étant désistés, croyant que le scandale a définitivement posé les bases d’une victoire de la droite à l’élection présidentielle, désormais au suffrage universel direct. Hamon n’en a pas moins travaillé dur, et, gauchisant son discours (ce qui lui apporte le soutien de la jeunesse et des potentiels abstentionnistes, las de la domination de la droite sur la vie politique française), obtient le retrait de la candidate communiste, Marie-Georges Buffet en sa faveur ainsi que ceux des deux candidats écologistes que sont Dominique Voynet et José Bové. L’apport des voix communistes et écologiques, la ténacité du candidat (notamment lors du débat contre Dominique de Villepin, qu’il remporte, selon la plupart des observateurs), qui fait oublier les frasques de DSK, transforme un traquenard politique en triomphe.


Qu'en penses-tu ?

Encore une unchronie qui te fait penser que finalement on ne vis pas dans le pire monde possible.

Oui LFC ça n'est forcément mieux que notre monde. Même si j'assume que c'est globalement mieux que notre monde.