Bretton Woods et le plan Keynes
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Bretton Woods et le plan Keynes
Bretton Woods et le plan Keynes
Le point de départLorsqu’on évoque des possibilités uchroniques, on a tendance à se concentrer sur les évènements militaires et les destins personnels. Il est pourtant des décisions, notamment économique qui ont façonné le monde. Les accords de Bretton Woods en font partie.
C’est un sujet que je creuse sous deux angles différents pour des projets personnels, mais il m’est revenu sous le nez lors de ma lecture de l’excellent « Le Ministère du futur » de Kim Stanley Robinson (chronique ici). Il ne s’agit donc pas d’une Timeline, mais plus d’un exposé de qui aurait pu être, de ce qui pourrait être dans une uchronie et que je voulais vous partager.
Signés en juillet 1944, les accords de Bretton Woods dessinent les grandes lignes du système financier international qui feront des États-Unis l’alpha et l’oméga de l’économie mondiale. Le plan d’Harry Dexter White fait du dollar américain la monnaie du commerce international, rattaché à l’étalon or.
La divergence
Maintenant, imaginons une divergence volontairement vague : la France et le Royaume-Uni mieux préparés à la guerre, ne s’effondrent pas sur le continent. La France reste dans la guerre, sur son territoire. Les deux pays se reposent notamment sur leurs empires respectifs. Certes, les États-Unis deviennent l’arsenal de démocratie et fournissent armes et munitions, voir entrent dans le conflit. Mais moins affaiblis, moins dépendant des États-Unis pour leur survie, la France et le Royaume-Uni s’endettent moins auprès des États-Unis, gardent une économie forte et touchent moins à leur réserve d’or. Dans ces conditions, il se peut même qu’il n’y ait pas de guerre du pacifique.
Quand la guerre touche à sa fin se tient la conférence de Bretton Woods (ou un équivalent, mais gardons ce nom). Les États-Unis sont certes la première puissance mondiale, surtout sur le plan économique, la France et le Royaume-Uni sont donc beaucoup moins affaiblis et leurs empires intacts ou presque. Il est alors plus compliqué pour les Américains de faire prévaloir le plan White. La France et le Royaume-Uni font bloque derrière la proposition de John Maynard Keynes et avec quelques concessions aux Américains parviennent à imposer le plan Keynes. Le plan sera probablement soutenu par l’URSS. Si dans une telle continuité la guerre du pacifique n’a pas eu lieu, le Japon soutiendra la lui aussi le plan Keynes.
Comme OTL, la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIR, aujourd’hui connut sous le nom de Banque Mondiale) et le Fonds Monétaire International (FMI). Dans cette TL l’Organisation Internationale du Commerce (OIC, future OMC), déjà envisagée est l’époque, est aussi créé. Toutefois, au grand damne des Américains, le dollar n’est pas imposé comme monnaie principale des échanges économiques internationaux. À la place, le « bancor », rattaché à aucun état, émit et géré par le FMI voit le jour avec une Union Internationale de Compensation (UIC). Cette dernière, en transférant des bancors est chargée de maintenir les équilibres commerciaux en offrant des compensations pour limiter les déséquilibres importants des balances extérieures. Tous les échanges internationaux seraient évalués et compensés en bancors.
La carotte et le bâton
L’exportation d’un pays lui fait gagner des bancors alors que ces importations lui en coutent. Des limites sur la balance commerciale, basée sur la part que le pays en question représente dans l’économie mondiale, permettent de limiter son déséquilibre commercial. Si les limites initiales sont franchies, les pays ayant une balance commerciale déficitaire sont autorisés à déprécier leur monnaie et les pays excédentaires peuvent l’apprécier. Les produits de pays déficitaires deviennent moins chers, dont plus intéressant dans les échanges, alors que ceux des pays excédentaires deviennent plus chers, donc moins attractifs. Ces premières limites sont une « invitation ». Toutefois, passé un certain déséquilibre commercial, l’UIC contraint la dépréciation via des intérêts croissants pour accéder aux compensations (en bancor), impose des ventes d’or ou impose des restrictions sur les exportations de capitaux (puisque que forcement fait en Bancor, donc centralisé par UIC/FMI). Pour les excédentaires récalcitrants, l’appréciation de la monnaie serait forcée via un taux d’intérêt de 5 % (pouvant aller jusqu’à 10 %) sur les transactions en Bancor.
Une parité fixe est instaurée entre d’une part le bancor et les devises et d’autre part le bancor et l’or. Les banques centrales peuvent acheter du bancor avec de l’or, mais elles ne peuvent échanger du bancor contre de l’or. Seule l’UIC/FMI et les banques centrales nationales peuvent procéder à ses transactions.
Les conséquences
Les impacts à long terme sont nombreux et je vais très probablement en manquer quelques-uns.
À court et moyen terme :
*De facto, le protectionnisme et les tarifs douaniers ne s’effaceront pas dans le temps, sauf au sein d’organisations du type Union Économique monétaire (par exemple l’UE).
*Pour maintenir des monnaies souveraines fortes face au Bancor, il est possible que des Unions Économique et Monétaire soient donc plus nombreuses.
*Autre avantage, de cette monnaie, l’évasion fiscale, notamment vers les paradis fiscaux, est bien plus difficile, donc plus de justice fiscale.
*L’or, accumulé par la chambre UIC, sort progressivement du cadre monétaire et transactionnel. L’étalon or finit par disparaitre. Dans le temps, lors est alors plus disponible sur les marchés et donc moins cher.
*Stabilité économique mondiale, l’économie est immensément plus résiliente en cas de crise et ces dernières sont aussi plus rares, plus localisées ou d’envergure bien moindre.
*Stabilité des monnaies nationales sur les marchés boursiers.
*Endettement des pays du tiers monde à l’égard des États-Unis est bien moindre, limitant l’efficacité de l’impérialisme économique américain.
*Pas de dilemme de Triffin. Si les États-Unis deviennent, pour longtemps, la première économie mondiale, leur monnaie n’étant pas la référence, le pays creuse moins son déficit commercial et sa dette, son économie est donc plus saine.
*L’hégémonie économique des États-Unis, si elle est inévitable, creuse un écart moins colossal avec les autres et est potentiellement rattrapée plus tôt par les puissances économiques concurrentes (par exemple la RPC OTL).
*La compétition économique mondiale si elle est au moins aussi forte qu’OTL est plus saine et moins déstabilisante pour les économies nationales.
*Les pays des tiers mondes se développent mieux, plus sainement. La pauvreté dans le monde est moindre.
*Les organisations internationales et les gouvernements nationaux gardent le contrôle de l’économie face aux acteurs privés. Puisque le système est basé sur une devise gérée uniquement par l’UIC/FMI et les banques centrales nationales ayant un cours stable sur lequel les spéculations directes sont impossibles.
*Les spéculations directes sur le bancor étant impossible, et les valeurs des monnaies souveraines y étant rattachées, la spéculation sur les monnaies souveraines est tout aussi compliquée et n’est possible qu’au moment des réévaluations annuelles au regard des balances commerciales (changement des taux directeurs des monnaies nationales).
Sur le plus long terme :
*Le bancor, déjà neutre, car non basé sur une monnaie nationale/souveraine, pourrait être totalement décentralisé via la blockchain (ou un équivalent uchronique).
*Dans le cadre de la lutte contre le changement climatique, il est plus facile d’envisager de créer un « Global Carbon Reward » qui, via des « Carbon Quantitative Easing » (CQE, proposé par Delton Chen, Joël van der Beek, et Jonathan Cloud), permettrait de récompenser la séquestration du CO2 capté et la non-émission de gaz à effet de serre. Par exemple, un pays renonçant à exploiter un gisement serait compensé par l’équivalent de sa valeur estimé en bancor. Certains pays émergeant ne seraient donc plus dépendant de l’exploitation de leurs gaz/pétrole pour survivre, mais de la valeur (potentiel en CO2 non émis) qu’il représente, compensée en une rente colossale et garantie de bancors dans le temps. La lutte contre le changement climatique, compensé/récompensé par une monnaie forte serait plus attrayante pour les entités étatiques et privées.
*Ce dernier point implique de permettre à des entreprises, personnes morales, coopératives et même peut être les particuliers à accéder au bancor puisque leurs efforts pour lutter contre le changement climatique sont récompensés avec cette monnaie.
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« Ce n’est que devant l’épreuve, la vraie, celle qui met en jeu l’existence même, que les hommes cessent de se mentir et révèlent vraiment ce qu’ils sont. »
Alexandre Lang.
Au Bord de l'Abîme et au-delà
DemetriosPoliorcète, LFC/Emile Ollivier, Collectionneur, Rayan du Griffoul et Uranium Colonel aiment ce message
Re: Bretton Woods et le plan Keynes
Il faudra que je me renseigne plus sur Bretton Woods même si LFC ces accords ne devraient guère différer.
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1940 : Mandel continue la guerre depuis l'exil.
https://forumuchronies.frenchboard.com/t751-la-france-exilee-tome-1-1940-la-roue-du-destin
https://forumuchronies.frenchboard.com/t826-la-france-exilee-tome-2-1942-la-roue-tourne
https://forumuchronies.frenchboard.com/t968-la-france-exilee-tome-3-1944-la-fin-d-un-cycle
https://forumuchronies.frenchboard.com/t1036-lfc-guerre-froide
LFC/Emile Ollivier- Messages : 2708
Date d'inscription : 26/03/2016
Age : 35
Re: Bretton Woods et le plan Keynes
Fascinant mais un tel projet ne risquerait t'-il pas de contrarier bon nombre d'acteurs économiques ou étatiques : de certains états à quelques cartels de production et d'exploitation?
D'autre part il me semble que ce système est assez proche de quelques propositions pour un proto-marché commun européen dans les années 30.
D'autre part il me semble que ce système est assez proche de quelques propositions pour un proto-marché commun européen dans les années 30.
Uranium Colonel- Messages : 1879
Date d'inscription : 31/07/2019
Age : 25
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Thomas, LFC/Emile Ollivier et Collectionneur aiment ce message
Re: Bretton Woods et le plan Keynes
J'avoue ne pas tellement connaître les tenants et aboutissants de ces accords économiques
J'apprends via cet article que le lieu de la conférence à été choisi pour éviter de fatiguer M. Keynes après son arrivée à New-York par bateau :
https://www.lesechos.fr/2015/08/keynes-contre-white-duel-a-bretton-woods-1107825
J'apprends via cet article que le lieu de la conférence à été choisi pour éviter de fatiguer M. Keynes après son arrivée à New-York par bateau :
https://www.lesechos.fr/2015/08/keynes-contre-white-duel-a-bretton-woods-1107825
Dernière édition par Collectionneur le Ven 1 Déc - 11:08, édité 1 fois (Raison : Correction automatique ayant fait de Keynes un Jeunes)
LFC/Emile Ollivier aime ce message
Re: Bretton Woods et le plan Keynes
L'ultra libéralisme/capitalisme que l'on connait n'est pas encore aussi fort à l'époque (Il faut rappeler aussi qu'à cette époque, les USA de FDR taxaient les grosses fortunes à plus de 90%), mais oui, plusieurs grosses entreprises (les Seven Sisters et les nouveaux gros conglomérats d'armement) et en seront contrariées. Le seul acteur étatique vraiment contrarié au départ sera évidemment les USA. Il faut toutefois garder en tête que, la précondition pour que le plan Keynes l'emporte sont : France et UK moins ruinées par une guerre qu'ils auront mieux conduite, guerre dans laquelle les conglomérats d'armement US ont donc un peu moins vendu et donc pèsent un peu moins.Uranium Colonel a écrit:Fascinant mais un tel projet ne risquerait t'-il pas de contrarier bon nombre d'acteurs économiques ou étatiques : de certains états à quelques cartels de production et d'exploitation?
D'autre part il me semble que ce système est assez proche de quelques propositions pour un proto-marché commun européen dans les années 30.
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Alexandre Lang.
Au Bord de l'Abîme et au-delà
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Re: Bretton Woods et le plan Keynes
L'histoire économique est, plus encore que l'histoire culturelle, la grande absente du monde de l'uchronie.
Ton scénario est très optimiste, mais il ouvre des perspectives fascinantes.
J'avoue pour ma part que pour "Après la victoire", mon manque de connaissances en la matière m'a incité à ne pas m'aventurer dans ces dimensions.
Ton scénario est très optimiste, mais il ouvre des perspectives fascinantes.
J'avoue pour ma part que pour "Après la victoire", mon manque de connaissances en la matière m'a incité à ne pas m'aventurer dans ces dimensions.
DemetriosPoliorcète- Messages : 1472
Date d'inscription : 05/03/2016
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