[CTC24] La mésaventure africaine du président Nixon
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[CTC24] La mésaventure africaine du président Nixon
La mésaventure africaine du président Nixon
Dans une Amérique sortant à peine de la ségrégation raciale (les derniers lois ségrégationnistes ayant été abolies à peine 10 ans plus tôt, et encore suite aux décisions de la Cour suprême les déclarant anticonstitutionnelles), et ébranlée dans son sentiment de toute puissance par l’entrée des troupes communistes à Saïgon en octobre 1972 (on gardait en mémoire les images de l’évacuation catastrophique de l’ambassade US de la capitale du Sud-Vietnam et de ces hélicoptères jetés à la mer…), le scandale « Dark Hand » fut une véritable catastrophe pour le moral du peuple américain.
L’annonce de livraisons d’armes massives au gouvernement raciste rhodésien et, un comble, l’envoi sur place de conseillers militaires américains, provoqua une contestation massive comme l’Amérique n’en avait alors, jamais vu, et ce même aux pires heures de l’opposition de la jeunesse à politique conduite par l’administration Johnson au Vietnam.
Mais comment en était-on arrivé là ?
1975 constitue en effet « l’année terrible » pour le camp occidental en Afrique noire. Décolonisation portugaise après 15 ans de guerres coloniales qui aboutit à l’instauration de gouvernements marxistes en Angola, Mozambique, Guinée-Bissau et à Sao Tomé e Principe ; Chute de l’antique monarchie éthiopienne au profit du Régime du despote Mengistu Hailé Mariam qui s’oriente nettement vers l’orthodoxie communiste. Pire, en Angola, face à la menace pesant sur le Régime d’Agostinho Neto, l’armée cubaine de Fidel Castro intervient dans le pays. Ces nouvelles « tâches rouges » font du bloc afro-communiste une force ayant désormais une poids conséquent, alors que jusqu’ici, seul 2 États d’Afrique subsaharienne avaient opté pour le Marxisme-Léninisme : le Tanganyka et son petit voisin, Zanzibar. Dans le même temps, tandis que l’URSS avance ses pions en Afrique noire, au nord du continent, une tentative de coup d’État soutenue par la Libye alliée de l’URSS, échoue de peu à renverser la monarchie pro-occidentale en Tunisie tandis que peu après, la même Libye déclenche une série d’incidents de frontière avec l’Algérie dans la région contestée de Ghat et contre la Bande d’Aouzou tchadienne. Enfin, n’oublions pas que le géant démographique du continent africain, l’Égypte du général Amer, s’est jetée depuis l’exécution de Nasser dans une politique d’alliance franche avec les Soviétiques. Les alliés des Occidentaux en Afrique semblent donc menacés.
Le président Richard Nixon, dont l’inquiétude frisait la paranoïa, adepte de la théorie des dominos, craignant une avancée encore plus conséquente du bloc de l’est en Afrique noire, voulait contrer cette extension. Si ses craintes pouvaient paraître légitimes, l’alliance avec les pires Régimes ségrégationnistes du Monde dans ce but, était un pari extrêmement risqué dans une Amérique au moral en berne, en plus d’être moralement indéfendable…
Ces considérations n’empêchèrent pas le déclenchement de l’opération Dark Hand, la Main noire. Sur ordre du président en personne, la CIA (dirigée par W. Mark Felt) et l’armée américaine organisèrent des livraisons d’armes secrètes à l’Afrique du sud et à la Rhodésie de Ian Smith, en guerre contre les mouvements indépendantistes noirs pour la seconde, en proie à une virulente contestation de l’opposition de couleur pour la première. L’Afrique du sud ayant également des troupes en Rhodésie. Des conseillers militaires furent également envoyés sur place, ainsi que des spécialistes de la contre-insurrection, dont peu étaient d’ailleurs des Américains les concernant, mais souvent des mercenaires vétérans des guerres coloniales puis des guerres civiles du Tiers-Monde. Le nom du Français « Bob » Denard, des Britanniques Mike Hoare et « Joe The Ripper », figurant souvent dans le volet « Nixon’s South African Party » (d’après le nom de l’article du New York Times révélant l’opération) des « Pentagon Papers » sur l’opération Dark Hand. Au-delà du financement d’un mercenariat (et de véritables tortionnaires pour certains, notamment Ripper), une aide technique fut fourni au programme nucléaire sud-africain.
Cette opération, révélée conjointement au grand jour par le New York Times et le Washington Post, ruina les chances de Nixon d’être réélu en 1976. D’aucun dires que les Démocrates tenaient leur revanche pour la défaite de Robert Kennedy en 1972 et que les accusations tombaient à point nommées pour les adversaires politiques du président tandis que le pays connaît des manifestations d’une ampleur inédite et que même les émeutes raciales consécutives touchent jusqu’à la capitale fédérale…
Nixon eut au moins le mérite de combattre jusqu’au bout, menant campagne tandis que la police devait empêcher les manifestants de s’en prendre non seulement au président, mais également aux participants de ses réunions politiques ! Jimmy Carter n’en devînt pas moins le président américain le mieux élu de l’histoire avec 64 % des voix contre à peine 29 à son adversaire républicain, qui évita néanmoins l’humiliation suprême d’un Impeachment…
La première décision de Carter fut évidemment, de mettre un terme à l’opération « Main noire » en rappelant tous les Américains impliqués, en limogeant Felt et enfin, en stoppant net l’envoi d’armements tout en coupant le financement des mercenaires, qui furent néanmoins payés immédiatement de suite par le gouvernement Smith.
Pour peu de temps…
Carter, sentant l’Amérique salie dans son honneur, décide de s’impliquer nettement dans la fin des Régimes d’Apartheid en Afrique australe. La Rhodésie, épuisée, signera un cessez-le-feu en 1978 et mettra en place un Régime multi-racial avec les mouvements noirs modérés, la Rhodésie-Zimbabwe, qui obtiendra la reconnaissance internationale. Ce sont les fameux accords de Gaborone sous l’égide du roi du Bostwana Seretse Khama, un homme exceptionnel. Pour l’aparté, il mit en place un Régime démocratique mieux notée de nos jours par l’ONU que la Belgique ou l’Italie dans son « Indice de démocratie »… Et, sous son autorité morale, il fit du pays le plus pauvre du continent à l’indépendance, le second le plus riche derrière l’Algérie de nos jours grâce à une gestion intelligente des ressources diamantifères de son sol. La Rhodésie-Zimbabwe, parrainée par son auguste voisin, intégrera l’Union africaine dans la foulée. Quant à l’Afrique du sud, il faudra encore 15 ans pour qu’elle élise son premier président noir, Nelson Mandela, Mandela qui sur le modèle zimbabwéen, conduira une politique de réconciliation nationale.
Quant à Carter, il devait redonner sa confiance à une Amérique blessée. Sa volonté d’une politique internationale nouvelle sera la principale cause du « lâchage » du Chah, qui aboutira à sa chute et l’instauration de la République en Iran.
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1940 : Mandel continue la guerre depuis l'exil.
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Thomas, DemetriosPoliorcète, Collectionneur et Uranium Colonel aiment ce message
Re: [CTC24] La mésaventure africaine du président Nixon
Guerre du Vietnam qui finit plus tôt et Amérique encore plus compromise et déprimée... Des pistes intéressantes.
DemetriosPoliorcète- Messages : 1472
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Re: [CTC24] La mésaventure africaine du président Nixon
Une monarchie en Tunisie, et une Algérie bien mieux gérée ? Pas de guerre d'indépendance avec un FLN devenu kleptomane ?
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Re: [CTC24] La mésaventure africaine du président Nixon
Collectionneur,
En Tunisie, la lignée des Beys de Tunis n'est pas déchue. En Algérie, j'y reviendrai plus tard. Un point de départ intéressant c'est que DG n'a pas de contentieux avec les Pieds-noirs, liés à leur Giraudisme et Vichysme.
En Tunisie, la lignée des Beys de Tunis n'est pas déchue. En Algérie, j'y reviendrai plus tard. Un point de départ intéressant c'est que DG n'a pas de contentieux avec les Pieds-noirs, liés à leur Giraudisme et Vichysme.
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LFC/Emile Ollivier- Messages : 2706
Date d'inscription : 26/03/2016
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Re: [CTC24] La mésaventure africaine du président Nixon
Le Gorge Profonde du Watergate à la tête de la CIA, cela m'a fait sourire.
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