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[CTC 26] On ne trahit pas ses vieux amis

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Message par DemetriosPoliorcète Jeu 1 Sep - 14:09

On ne trahit pas ses vieux amis
Le 29 juin 1934, Hitler entre dans l’une des plus grandes colères de son existence : il vient d’apprendre que les informations qui lui ont été transmises la veiller sur un prétendu coup d’Etat des SA, qui se préparerait avec le soutien de la France, se sont avérées fausses. On a sciemment essayé de le tromper et, pire, la fourberie ne vient pas seulement d’Hindenburg et des conservateurs, mais aussi de ses plus proches amis et collaborateurs : son fidèle de la première heure, Heinrich Himmler, et le président du Reichstag, Hermann Goering. La nouvelle est difficile à avaler.

Fort de ses informations (on apprendra plus tard qu’elles avaient été recueillis sur l’initiative de l’ancien chancelier von Schleicher, qui espérait un retour au sommet de l’Etat), Hitler prend immédiatement des mesures contre les comploteurs : la SS est désormais subordonnée à la SA, et Himmler et Heydrich mis au placard. Hermann Goering conserve son poste de président du Reichstag mais perd son poste de ministre-président de Prusse, ainsi que tout contrôle sur la police et les renseignements ; sa précieuse Landespolizei, rivale de la SA, est dissoute, ses principaux membres livrés aux hommes de Röhm qui les détiennent et les torturent en dehors de tout cadre légal. La Gestapo est également confiée à des proches de Röhm. Joseph Goebbels se voit offrir un exil diplomatique à Moscou.

L’équilibre des pouvoirs au sein du IIIe Reich est définitivement rompu. Si Hitler obtient finalement de Röhm qu’il pousse ses troupes à se modérer pour empêcher l’impopularité du régime de progresser. Mais personne n’est dupe : la situation est intenable, et l’affrontement entre la présidence et la chancellerie est inévitable.
Hindenburg, décidé à supprimer le parvenu qu’il a fait l’erreur de nommer chancelier, cherche des appuis. Il contrôle la Reichswehr qui, bien que réduite, possède de l’armement lourd qui fait défaut aux SA et des vétérans expérimentés. Il réussit également à approcher un soutien de poids : Hermann Goering, le grand ponte nazi en disgrâce. D’abord réticent, celui-ci se laisse progressivement convaincre par les promesses d’Hindenburg. Outre l’engagement de ne pas attenter à la vie d’Adolf Hitler, il se voit offrir la chancellerie, ainsi que le statut de Maréchal avec l’uniforme et les décorations attenantes.

Fin juillet, l’affaire est entendue : Hindenburg proclamera l’état d’exception et lancera la Reichswehr contre les SA, tandis que Goering, nommé à la chancellerie, ralliera une fraction du Parti et habillera le coup d’Etat d’un verni légal. Ce plan comporte néanmoins une faille de taille : gravement malade, Hindenburg est retiré dans sa propriété et ne pourra que se contenter de donner les grandes directives, sans pouvoir suivre l’opération.

En face, Hitler et Röhm sont conscients de l’imminence d’une action de la présidence contre le pouvoir nazi. Ayant rassemblé les différents services de renseignement, ils sont mis au courant des grandes lignes du plan de leurs adversaires et préparent une riposte. Modérant les ardeurs de son camarade qui souhaite immédiatement lancer sa « seconde révolution », Hitler impose de laisser d’abord ses adversaires se compromettre pour mieux les éliminer. En attendant, des dépôts d’armes lourdes sont ouverts au SA, qui sont laissés en alerte.

Le 26 juillet, le général Werner von Blomberg, chef d’Etat major de la Reichswehr, s’apprête à transmettre à ses troupes la proclamation de l’état d’exception et de lancer le combat contre la SA, lorsqu’il apprend qu’une autre information a été transmise à tous les hauts gradés et aux troupes : le président Hindenburg serait décédé, et Blomberg s’apprêterait à réaliser de sa propre initiative un coup d’Etat. Ces fausses informations désorganisent en profondeur l’armée, dont de nombreuses unités restent immobiles. L’opération est tout de même lancée à Berlin, où les soldats trouvent tous les points névralgiques à saisir défendus par l’élite militaire de la SA, lourdement armée. Les scènes de guerre civil secouent la capitale pendant l’ensemble de la journée ; dans une ultime tentative, les commandants conservateurs font tirer au canon sur le Reichstag, qui restera endommagé. A l’intérieur, Hitler a réuni les députés et leur tient un discours enflammé sur la nécessité de défendre la révolution nationale-socialiste contre les « réactionnaires assassins » qui assiègent alors le Parlement, et se fait voter à nouveau les pleins pouvoirs, tout en se faisant nommer président du Reich.

Au soir, l’échec du putsch ne fait plus de doute. Von Blomberg est mis aux arrêts, tandis que Röhm sa charge lui-même de l’arrestation d’Hindenburg. D’abord très digne devant les SA qui viennent le saisir, le vieux maréchal et soudain saisi de terreur en voyant Röhm armer son pistolet, et hurle ses dernières parole : « non, pas par l’inverti » !

Goering a, quant a lui, mieux prévu l’éventualité d’un échec et s’est enfui avec une somme confortable en lingots d’or, ses décorations, sa collection d’œuvres d’art et assez de morphine pour tenir longtemps. A Moscou, informé de la tournure des événements, Goebbels quitte dès le lendemain son ambassade sous une fausse identité et gagne la frontière roumaine.

La « seconde révolution » nazie

Les jours qui suivent l’échec du putsch son marqués par un déchainement jusqu’ici jamais vu de la violence des SA : les Juifs sont pris pour cibles dans toute l’Allemagne, humiliés ou assassinés en public, tandis que les SA les plus zélés s’en prennent aussi, au hasard, à tout ce qui peut ressembler à un prêtre, un aristocrate ou un grand bourgeois. C’est la fin de l’alliance entre les classes dirigeantes et le nazisme, et les départs massifs d’hommes et de capitaux ne tardent pas à s’ensuivre.

Les lois sur les nationalisations de grandes entreprises qui sont votées par le Reichstag dans les mois suivants ne font que prendre acte de la fuite des capitaines d’industrie et la prise de contrôle spontanée de certaines usines par les SA. Si Hitler et Röhm promettent un ensemble de mesures sociales, la classe ouvrière ne se montre pas pour autant enthousiaste : à quoi bon de minimes améliorations de sa condition quand sa vie et ses biens sont à la merci du moindre petit chefaillon de la SA ?

En Italie, Mussolini déclare que les événements allemands constituent « une triste parodie du fascisme » et va jusqu’à offrir aux Juifs et aux industriels allemands de s’installer en Italie et d’acquérir la citoyenneté !

Si Hitler a évité un renversement, il se rend bien vite compte qu’il est tombé de Charybde en Scylla : devenu ministre de la guerre et à la tête d’une Völkisches Heer (fusion de la Reichwehr, de la SA et de la SS) de plus de 3 millions d’hommes qui lui sont entièrement dévoués, Röhm est le véritable maitre du pays et ne consent désormais à Hitler qu’un rôle de figure de proue. Himmler, Heyrich et Frick sont saisis et exécutés sommairement. Exigent des explications à Röhm, Hitler se voit répondre par celui-ci qu’il n’était simplement pas au courant, et invité à regagner la chancellerie… Informé des purges staliniennes, il se lamentera de ne pas avoir réalisé la même chose en Allemagne, concluant que son rôle de Führer aurait été d’accepter l’idée de supprimer ses vieux amis, et s’accusant sans cesse de ne pas l’avoir fait à temps.

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Partout en Allemagne, le pouvoir réel est partagé entre les chefs locaux nazis, véritables féodaux qui amassent de gigantesques fortunes et disposent arbitrairement de la population.

L’Allemagne plus que jamais isolée

A l’étranger, la presse se délecte des exactions et des excentricités des chefs nazis tandis que les élites en exil organisent un puissant lobbying hostile au nouveau gouvernement de leur patrie. Von Papen, von Neurath et Goering constituent pour un temps un « gouvernement en exil » vite sabordé par les rivalités personnelles de ses dirigeants. Par ses rentes et la vente de livres dénonçant la dérive du Reich, Goering pourra vivre le reste de sa vie dans le luxe qu’il affectionne, et mourra en 1964 aux Etats-Unis.

Repoussoir pour tous les régimes l’environnant, l’Allemagne nazie ne devra sa subsistance qu’aux échanges avec l’URSS, dont elle devient le principal partenaire commercial ; cruelle ironie…

Malgré la taille démesurée de ses forces armées par rapport à sa population, le pays ne constitue pas une menace sérieuse pour l’ordre européen : avec l’effondrement de son industrie, la désorganisation de son appareil productif et la misère rampante de sa population, il ne peut espérer être prêt pour un conflit avant longtemps. La production d’acier s’était effondrée en 1934 et ne connaissait depuis qu’une très lente reprise entrecoupée de périodes de stagnation. L’extraction du charbon, quant à elle, ne cessait de baisser faut d’investissements conséquents.

En 1938 et 1942, des tentatives de démonstration de force en Autriche se soldent par des échecs retentissants. Seule la guerre d’Espagne peut pour un moment servir d’exutoire aux pulsions belliqueuses des nazis, qui y envoient des troupes en nombre.

Mort dans des circonstances troubles en 1943 (les historiens débattent encore entre l’hypothèse d’un suicide ou celle d’une élimination par Röhm ou l’un de ses fidèles), Hitler laisse Röhm maitre absolu du pays. Mais la mort de ce dernier trois ans plus tard plonge le pays dans une nouvelle période de chaos civil : construit sur la spontaneité révolutionnaire et l’exercice d’un pouvoir de fait, le régime s’était affranchi de tout véritable cadre légal ou constitutionnel, ce qui ne pouvait manquer de provoquer son effondrement avec la mort de son chef.

Au bout de deux années de chaos marquées par la guerre ouverte entre factions nazies, auxquelles s’ajoutaient des groupes de résistance sortis de l’ombre, l’ordre fut finalement restauré sous l’égide d’un groupe d’officiers de la Reichswehr ayant survécu aux purges successives. Reconnu chancelier, le général Paulus ramena la paix au prix d’une amnistie générale et prépara la restauration monarchique, effective avec l’arrivée du nouveau Kaiser, Friedrich II, petit fils de l’ancien monarque, en 1951. Mais le nouveau souverain, privé de pouvoir réel par la constitution, découvrait un pays profondément transformé, remodelé par la destruction de ses élites traditionnelles, et profondément brutalisé.


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Message par LFC/Emile Ollivier Jeu 1 Sep - 15:54

Comme quoi, le FUF prouve chaque jour que le triomphe (heureusement éphémère) d'Hitler, n'avait rien d'inéluctable.

Excellent texte !
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Message par Thomas Jeu 1 Sep - 18:51

1923TL?

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Message par DemetriosPoliorcète Jeu 1 Sep - 19:09

Thomas a écrit:1923TL?

Non non, PoD original, mais c'est sûr qu'on navigue dans la même ambiance.
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Message par Collectionneur Mar 6 Sep - 4:34

Merci. 2 fautes :
Les scènes de guerre civil... secouent la capitale pendant l’ensemble de la journée ;

Exigent (Exigeant) des explications à Röhm, Hitler se voit répondre par celui-ci qu’il n’était simplement pas au courant
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Message par Uranium Colonel Mer 7 Sep - 16:57

En somme l'URSS est libre de ses mouvements en Europe de l'Est?
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