[CTC09] La fortune de Meridius Postumus
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[CTC09] La fortune de Meridius Postumus
AUC 2741 (A.D. 1988)
Meridius Postumus examina la couverture de soie rouge du lourd codex, sur lequel se dessinait, par un subtil dégradé de couleurs, le visage de Confucius.
« Le consul Merobaudes a fait réaliser une nouvelle traduction à partir des originaux chinois, jusqu’ici nous n’avions que des traductions depuis le Japonais. Il espère que cela vous plaira », déclara Julius Rua.
-C’est un magnifique objet, j’enverrai moi-même un télégramme pour remercier le consul. Cela étant, je m’étonne que Mérobaudes conseille ce genre de lectures.
-Allons, toute source de connaissance est bonne à prendre. Et Caton lui-même ne lisait-il pas, en son temps, les philosophes grecs dans leur langue ?
-Ah, Caton, c’est le modèle de Merobaudes jusque dans son physique, je ne suis pas le seul à faire la comparaison… Oui, il a sans doute raison. Mais mon jeune ami, je compte sur vous pour ne pas le lui répéter, mais ces philosophies orientales ont fait bien du mal à notre Empire. Elles ont suscité chez une partie du peuple des folies que je combattais encore il y a à peine vingt ans…
-Quand elles ont rencontré nos vieilles folies romaines. Le christianisme et les cultes solaires…
-Sans doute. Je ne comprendrai jamais ce qu’il s’est passé, mais je sais que ça n’a laissé indemne ni nos provinces de l’Est, ni beaucoup de bons romains ». Il se déplaça vers la fenêtre de son palais, d’où la vue du port était probablement la plus belle d’Alexandrie, et s’appuya sur la rembarde. « Dans tous les cas, je remercie le consul pour son cadeau, aussi bien que pour ma reconduction dans mes fonctions de préfet d’Egypte. Servir Rome est mon aspiration la plus grande. »
Il sembla à Rua entendre un soupir. L’ancien héros de la cavalerie romaine, qui avait remporté les seules batailles glorieuses pour Rome de la guerre contre les puissances orientales, le général qui avait contribué à pacifier, patiemment, le sud de la Syrie-Palestine après la grande révolte, avait l’air d’un homme fatigué ; sa silhouette grossie était couronnée par des cheveux encore abondants mais d’un blanc depuis longtemps immaculé, et couverte d’une tunique rouge portée sans soin. Il contrastait avec le décor qu’il avait constitué au fil des années. Un riche mobilier de bois précieux couvrait une bonne part de l’espace de la pièce ; aux murs, au milieu de tableaux de batailles romaines, anciennes et récentes, une peinture représentait Postumus en pleine gloire, au bras de sa jeune épouse, il ne devait pas avoir vingt-cinq ans au moment de son mariage. Plus discrète, une photographie les représentait une dizaine d’années plus tard, lui en toge de sénateur, peu de temps avant son veuvage. Sur la table au centre de la pièce, une jeune servante dont la peau foncée indiquait qu’elle venait du sud de l’Egypte vint déposer un samovar de thé, vêtue d’un yukata aux motifs floraux. Rua se risqua à une remarque pour briser le silence : « c’est tout à votre honneur de vouloir encore et toujours servir Rome. Beaucoup, dans votre situation, considéreraient leur service accompli, et jouiraient simplement de l’oisiveté. » Postumus eut un sourire moqueur, tandis qu’il venait se servir du thé. « Vous voulez dire, jouir de la richesse, mon ami. Je ne maitrise pas la richesse, loin de là, je ne suis pas né avec. Mais ce n’est pas ma seule aspiration. Vous par contre, vous auriez pu vous en contenter, dès votre naissance.
-Disons que ma famille à d’autres aspirations également », répondit Rua, venant s’allonger à son près de la table. « Et ce depuis 1600 ans, quand nous avons atterri depuis les steppes hunniques jusque dans les campagnes d’Afrique.
- C’est bien cela ! Je n’ai qu’une vie pour servir Rome, et non mille-six-cents-ans de glorieuse lignée. »
Rua prit un air plus grave, et dit après un instant de silence : « Mon ami, si je puis me le permettre, vous avez admirablement ué de votre vie au service de Rome.
-Peut-être…peut-être… ». Postumus avait perdu son air moqueur, il semblait renfrogné, empreint d’une certaine amertume. « Je ne maudis pas la fortune, mais j’espère ne pas avoir terminé ce qu’il me reste à accomplir dans cette vie.. »
A ce moment, la servante oasienne reparut, portant un lourd pichet de vin, suivi d’une autre, au physique plu alexandrin, qui portant un riche plat de viande d’agneau et de riz.
« Ah, mais je vous inflige les pensées sombres d’un vieux soldat, quel hôte calamiteux je fais ! Profitons plutôt de ce repas. Parlez moi de la cour de Ravenne, et de votre mission ici. Je suppose que Mérobaudes ne vous a pas envoyé simplement pour m’offrir ce livre… "
Après avoir passé la nuit chez son hôte, Rua en prit définitivement congé en fin de matinée et reprit son chemin vers le centre d’Alexandrie, d’où le chemin de fer le conduirait dans l’Egypte intérieure. Alors que sa voiture s’éloignai, il jeta un dernier regard vers la somptueuse villa égyptienne.
Cnaeus Meridius Postumus avait été le seul commandant victorieux dans une guerre désastreuse, par la seule force de son audace et de son ascendant sur ses hommes. Il avait multiplié les commandements prestigieux et avait gouverné des décennies durant l’une des provinces les plus riches de l’Empire. Il avait accumulé une fortune considérable qui, si elle n’égalait pas celle de la famille Rua -bien peu de familles pouvaient s’en prévaloir- lui avait permis de vivre dans le luxe et la volupté. Quels honneurs, quels titres regrettait le viex général ? Qu’espérait-il encore accomplir ? Sans aucun doute possible, ce vieux renard de Mérobaudes devait déjà s’en méfier et le surveiller de près, même s’il lui témoignait son respect…
La voiture s’éloignait du port, et s’enfonçait dans les ruelles étroites de la ville populeuse, le Soleil éclairait durement Alexandrie.
« Le consul Merobaudes a fait réaliser une nouvelle traduction à partir des originaux chinois, jusqu’ici nous n’avions que des traductions depuis le Japonais. Il espère que cela vous plaira », déclara Julius Rua.
-C’est un magnifique objet, j’enverrai moi-même un télégramme pour remercier le consul. Cela étant, je m’étonne que Mérobaudes conseille ce genre de lectures.
-Allons, toute source de connaissance est bonne à prendre. Et Caton lui-même ne lisait-il pas, en son temps, les philosophes grecs dans leur langue ?
-Ah, Caton, c’est le modèle de Merobaudes jusque dans son physique, je ne suis pas le seul à faire la comparaison… Oui, il a sans doute raison. Mais mon jeune ami, je compte sur vous pour ne pas le lui répéter, mais ces philosophies orientales ont fait bien du mal à notre Empire. Elles ont suscité chez une partie du peuple des folies que je combattais encore il y a à peine vingt ans…
-Quand elles ont rencontré nos vieilles folies romaines. Le christianisme et les cultes solaires…
-Sans doute. Je ne comprendrai jamais ce qu’il s’est passé, mais je sais que ça n’a laissé indemne ni nos provinces de l’Est, ni beaucoup de bons romains ». Il se déplaça vers la fenêtre de son palais, d’où la vue du port était probablement la plus belle d’Alexandrie, et s’appuya sur la rembarde. « Dans tous les cas, je remercie le consul pour son cadeau, aussi bien que pour ma reconduction dans mes fonctions de préfet d’Egypte. Servir Rome est mon aspiration la plus grande. »
Il sembla à Rua entendre un soupir. L’ancien héros de la cavalerie romaine, qui avait remporté les seules batailles glorieuses pour Rome de la guerre contre les puissances orientales, le général qui avait contribué à pacifier, patiemment, le sud de la Syrie-Palestine après la grande révolte, avait l’air d’un homme fatigué ; sa silhouette grossie était couronnée par des cheveux encore abondants mais d’un blanc depuis longtemps immaculé, et couverte d’une tunique rouge portée sans soin. Il contrastait avec le décor qu’il avait constitué au fil des années. Un riche mobilier de bois précieux couvrait une bonne part de l’espace de la pièce ; aux murs, au milieu de tableaux de batailles romaines, anciennes et récentes, une peinture représentait Postumus en pleine gloire, au bras de sa jeune épouse, il ne devait pas avoir vingt-cinq ans au moment de son mariage. Plus discrète, une photographie les représentait une dizaine d’années plus tard, lui en toge de sénateur, peu de temps avant son veuvage. Sur la table au centre de la pièce, une jeune servante dont la peau foncée indiquait qu’elle venait du sud de l’Egypte vint déposer un samovar de thé, vêtue d’un yukata aux motifs floraux. Rua se risqua à une remarque pour briser le silence : « c’est tout à votre honneur de vouloir encore et toujours servir Rome. Beaucoup, dans votre situation, considéreraient leur service accompli, et jouiraient simplement de l’oisiveté. » Postumus eut un sourire moqueur, tandis qu’il venait se servir du thé. « Vous voulez dire, jouir de la richesse, mon ami. Je ne maitrise pas la richesse, loin de là, je ne suis pas né avec. Mais ce n’est pas ma seule aspiration. Vous par contre, vous auriez pu vous en contenter, dès votre naissance.
-Disons que ma famille à d’autres aspirations également », répondit Rua, venant s’allonger à son près de la table. « Et ce depuis 1600 ans, quand nous avons atterri depuis les steppes hunniques jusque dans les campagnes d’Afrique.
- C’est bien cela ! Je n’ai qu’une vie pour servir Rome, et non mille-six-cents-ans de glorieuse lignée. »
Rua prit un air plus grave, et dit après un instant de silence : « Mon ami, si je puis me le permettre, vous avez admirablement ué de votre vie au service de Rome.
-Peut-être…peut-être… ». Postumus avait perdu son air moqueur, il semblait renfrogné, empreint d’une certaine amertume. « Je ne maudis pas la fortune, mais j’espère ne pas avoir terminé ce qu’il me reste à accomplir dans cette vie.. »
A ce moment, la servante oasienne reparut, portant un lourd pichet de vin, suivi d’une autre, au physique plu alexandrin, qui portant un riche plat de viande d’agneau et de riz.
« Ah, mais je vous inflige les pensées sombres d’un vieux soldat, quel hôte calamiteux je fais ! Profitons plutôt de ce repas. Parlez moi de la cour de Ravenne, et de votre mission ici. Je suppose que Mérobaudes ne vous a pas envoyé simplement pour m’offrir ce livre… "
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Après avoir passé la nuit chez son hôte, Rua en prit définitivement congé en fin de matinée et reprit son chemin vers le centre d’Alexandrie, d’où le chemin de fer le conduirait dans l’Egypte intérieure. Alors que sa voiture s’éloignai, il jeta un dernier regard vers la somptueuse villa égyptienne.
Cnaeus Meridius Postumus avait été le seul commandant victorieux dans une guerre désastreuse, par la seule force de son audace et de son ascendant sur ses hommes. Il avait multiplié les commandements prestigieux et avait gouverné des décennies durant l’une des provinces les plus riches de l’Empire. Il avait accumulé une fortune considérable qui, si elle n’égalait pas celle de la famille Rua -bien peu de familles pouvaient s’en prévaloir- lui avait permis de vivre dans le luxe et la volupté. Quels honneurs, quels titres regrettait le viex général ? Qu’espérait-il encore accomplir ? Sans aucun doute possible, ce vieux renard de Mérobaudes devait déjà s’en méfier et le surveiller de près, même s’il lui témoignait son respect…
La voiture s’éloignait du port, et s’enfonçait dans les ruelles étroites de la ville populeuse, le Soleil éclairait durement Alexandrie.
DemetriosPoliorcète- Messages : 1484
Date d'inscription : 05/03/2016
Thomas, LFC/Emile Ollivier et Collectionneur aiment ce message
Re: [CTC09] La fortune de Meridius Postumus
"Tournure un poil maladroite: A ce moment, la servante oasienne reparut portant un lourd pichet de vin suivi d’un autre servant, au physique plu alexandrin, portant un riche plat de viande d’agneau et de riz." Me parait plus fluide et compréhensible.A ce moment, la servante oasienne reparut, portant un lourd pichet de vin, suivi d’une autre, au physique plu alexandrin, qui portant un riche plat de viande d’agneau et de riz.
En tout cas, très bien écrit et toujours aussi intéressant à suivre.
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« Ce n’est que devant l’épreuve, la vraie, celle qui met en jeu l’existence même, que les hommes cessent de se mentir et révèlent vraiment ce qu’ils sont. »
Alexandre Lang.
Au Bord de l'Abîme et au-delà
LFC/Emile Ollivier aime ce message
Re: [CTC09] La fortune de Meridius Postumus
Merci beaucoup pour ta correction et ta remarque.
Je pense que je vais me concentrer sur les personnages de la séquence "XXe siècle" de ce continuum.
Je pense que je vais me concentrer sur les personnages de la séquence "XXe siècle" de ce continuum.
DemetriosPoliorcète- Messages : 1484
Date d'inscription : 05/03/2016
LFC/Emile Ollivier et Collectionneur aiment ce message
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