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Adam et Eve bis repetita

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Adam et Eve bis repetita Empty Adam et Eve bis repetita

Message par Anaxagore Mar 4 Juil - 20:38

Adam et Ève, bis repetita.

180ème jour de la mission

La première sensation de Stephen Parker à son réveil fut le froid. Il se sentait faible et transi, grelottant. L'astronaute anglais ouvrit les yeux et déglutit. Bien que tous ses sens ne lui fussent pas encore revenus, il se mit à respirer calmement pour réprimer l'envie de vomir qu'il ressentait. Ce réflexe lui avait été appris durant sa longue formation. Il sut alors qu'il était en impesanteur. La paroi devant lui, avec ses terminaux, ses sangles, et ses câblages, ne pouvait appartenir qu'à un habitat spatial. Comme quelque chose le gênait dans les narines, il tira et ôta le cathéter qu'il avait dans le nez.
Bien sûr... il se souvenait maintenant.... il venait de passer deux semaines en hibernation artificielle. C'était la procédure normale à bord du vaisseau Mars Pioneer. L'équipage international dormait par roulement, quatorze jours de sommeil, trois jours d'éveil. De cette manière, les astronautes pouvaient affronter le voyage de 560 millions de kilomètres jusqu'à la planète rouge. Les problèmes de cohabitation, le stress, la consommation d'air et de nourriture avaient jusque là été insolubles. Sans le sommeil artificiel, obtenu en refroidissant progressivement l'organisme grâce un gaz réfrigérant, il n'aurait pas été possible de se rendre sur Mars.
Stephen commença à s'extraire du sac de couchage accroché à la paroi sphérique de l'habitat. Cet œuf blindé protégeait les astronautes des rayonnements cosmiques. L'exercice était difficile. Non seulement à cause de l'Impesanteur, mais aussi parce le jeune anglais portait une tenue couverte de circuits électriques. En microgravité, la musculature fondait. Après des mois dans le cosmos, les hommes ne pouvaient même plus tenir debout sur Terre. Aussi, pendant leur sommeil, les membres de l'équipage subissaient un massage permanent qui contractait les muscles pour les faire travailler.
Normalement, quatre autres astronautes auraient dû être en sommeil. La routine concoctée par les divers spécialistes voulait que Stephen passe son premier jour hors d'hibernation avec un camarade qui passait lui son dernier jour éveillé. Il aurait ensuite été un jour seul, puis un autre se serait éveillé pour passer son premier jour avec lui.
Seulement, tous les sacs de couchage étaient vides.
La dernière fois que Stephen s'était endormi, il savait qu'il en serait ainsi. Le 180ème jour du voyage était aussi celui de la mise en orbite autour de Mars.
Après avoir passé la combinaison bleue qui servait de tenue de bord, Stephen se glissa dans l'écoutille qui menait à la section avant. Il s'agissait du module de vie avec l'infirmerie, le coin cuisine, le vélo d'appartement. Un espace oblong, étroit, envahis de câbles et d'ordinateurs. Il y rencontra Annie Paline. La Française était le médecin de l'expédition. En tant que géologue, Stephen était sans doute l'astronaute qui pratiquait la discipline la plus éloignée de celle de la jeune femme. Mais, peut-être parce que les contraires s'attirent, ils étaient devenus proches.
- Bonjour, demoiselle.
- Bonjour, le british charmeur. Bien dormi ?
- J'ai fait la grasse matinée.
Au cours de leurs réveils successifs à bord du Mars Pioneer, les passagers avaient eu le temps d'épuiser le registre des blagues sur les cures de sommeil. Mais la jeune femme brune sourit quand même.
- Je vais te faire à manger.
- Quelle bonne idée... je meurs de faim... mon dernier repas remonte à quinze jours.
Annie se mit à rire. Une autre plaisanterie éculée. Le ralentissement du métabolisme lors du sommeil artificiel leur permettait justement de manger peu. Pendant que Stephen se faisait un sandwich avec une tortilla (1) et du beurre de cacahouète, la Française s'occupa de la cuisine. Dans ce cas cela se résumait à connecter un plat déshydraté en sachet plastique à un embout. Tourner un sélecteur pour la quantité d'eau, un autre pour la température souhaitée. Une fois ceci fait, il suffisait d'appuyer sur le bouton de mise en marche.
- Où sont les autres ?
- Kimi et Chang font des vérifications sur notre générateur nucléaire. Olga et Chris sont au poste de pilotage... Officiellement, ils vérifient notre trajectoire.
- Oh...
Kimi Matsushima, la Japonaise, et Li We Chang, le Chinois, avaient les mêmes diplômes : mécanique, informatique et électronique. Cette redondance était jugée obligatoire dans l'intérêt de la survie de la mission. Si l'un d'eux venait à mourir, il resterait une personne capable de réparer et entretenir les délicats organes du vaisseau spatial.
Chris Makanga était un noir américain, major de l'Air Force. Il commandait la mission et était également leur pilote. Olga Anatoliovna Tchernenkova, la Russe, était leur biochimiste. Elle ne connaissait rien au pilotage... mais s'isolait souvent avec leur commandant de bord. Mais après tout, le fait que l'équipe soit formée de six jeunes célibataires, trois hommes et trois femmes avait été choisi pour favoriser des rapprochements.

181ème jour de la mission

Chris Makanga était face à ses équipiers, flottant dans le module de vie.
- Ce que je vais vous dire, vous le savez déjà. Si vous êtes ici, c'est que vous avez signé pour vivre ce moment.
Les astronautes acquiescèrent alors qu'il les considérait l'un après l'autre. Il reprit la parole.
- Nous avons achevé notre satellisation autour de Mars.
Il désigna un hublot où apparaissait la planète écarlate.
- Jusque là, seule la durée du voyage présentait une difficulté. Nous avons utilisé des techniques éprouvées et des technologies muries depuis près d'un siècle. Seulement, nous allons nous installer dans le module Mars Lander et.... vivre ce que les créateurs de la mission ont appelé " six minutes de terreur". Alunir, c'est se poser sur un corps à faible gravité. Atterrir, c'est se servir de la friction atmosphérique pour nous freiner et finalement, en fait... amerrir. Mais Mars a une gravité plus élevée que celle de la Lune. Tandis que son atmosphère a une densité égale à seulement 1% de celle de la Terre, et donc pas de mer. C'est donc la partie la plus délicate du voyage. D'autant plus qu'il va nous falloir nous poser près de Kunowsky, au nord-est d'Acidalia Planitia. C'est en cet endroit précis que se trouve le module de liaison qui va nous permettre de rejoindre Pioneer une fois notre mission terminée. Et évidemment, c'est aussi là que tout le nécessaire à notre vie et à nos travaux sur Mars a été apporté au cours des dix dernières années. Voilà ! Préparez-vous, nous commençons la manœuvre dans onze heures. Vous avez le temps d'appeler la Terre, profitez-en.
Chris avait passé deux choses sous silence. Deux choses que tous ses compagnons savaient. La première, c'est que Mars Lander ne pouvait toucher terre à plus de huit heures de marche du camp de base installé par les missions automatiques. Cette durée correspondait à la contenance en oxygène (2) des combinaisons martiennes. Il y avait aussi un autre hic qui avait manqué de faire annuler la mission. Trois ans plus tôt, un des containers envoyé par une expédition robot s'était crashé. Un système d'électrolyse avait été perdu. Comme tout le matériel vital, il s'agissait d'un doublon. Un atterrisseur qui s'était posé sur Mars l'année précédente avait amené une usine de synthèse capable de créer six kilos d'oxygène à partir de sept kilos d'eau, soit la consommation journalière de six adultes. Les autres atterrissages avaient apporté des systèmes de recyclage de l'air très efficaces. En fait, ils suppléeraient au deux tiers de la consommation d'oxygène. Pour éviter que le gaz carbonique et les vapeurs d'eau exhalées par les astronautes ne finissent par rendre l'air irrespirable, les astronautes apportaient avec eux un système de purification. Il s'agissait d'une cuve d'eau dans laquelle flottaient des algues. De plus, l'expédition pouvait compter sur... des plants de pommes de terre! Car les plantes, via la photosynthèse transformaient le carbone de l'air en matière organique, rejetant de l'oxygène au cours du processus. Gaz également bienvenu pour la constitution du mélange respiré au sein du module d'habitation martien.

- .... et voilà, maman, comme tu le vois il n'y a pas grand chose de nouveau depuis le dernier message. Mais demain, je serais sur Mars et la partie importante de la mission commencera.
En effet, Stephen Parker bouillonnait à l'idée de commencer enfin ses recherches. Durant son enfance, il s'était découvert une passion pour la géologie en voyant aux infos les images des rover martiens qui exploraient le fond des anciens lacs. Ces machines commandées à distance et d'une autonomie limitée ne pouvaient qu'égratigner la surface de la planète. Mais les astronautes auraient une paire de buggys pressurisés et deux trépans capables de forer jusqu'à cent mètres de profondeur, de quoi apprendre beaucoup plus.
Un bruit fit se retourner Stephen. Kimi Matsushima arrivait par le boyau de communication. Elle agrippa une poignée pour s'en extraire. La Japonaise pirouetta en impesanteur avant de s'accrocher à une sangle à proximité des ordinateurs.
- Salut vous, fit-elle en agitant la main en direction de la caméra.
- Tu as entendu ? Kimi te dit bonjour. Et si elle arrive, ça veut dire que mon temps de communication est écoulé. Voilà, j'attends ta réponse. À tout de suite !
Stephen coupa l'enregistrement et appuya sur la touche d'envois. Vu la distance avec la Terre, la communication en temps réel était impossible. Il fallait à présent près de dix-huit minutes à la lumière pour faire l'aller-retour entre Mars Pioneer et le centre de communication de Houston.

182ème jour de la mission

Une nouvelle fois, les astronautes étaient réunis dans le module de vie. Ils faisaient face à la caméra du système de communication. Chris Makanga parlait à l'intention des journalistes réunis dans la salle de Briefing de la mission Mars Pioneer. Ceux-ci avaient envoyé une suite de questions. Elles concernaient bien entendu l'atterrissage sur Mars (devait-on dire l'amarssissage ?).
- Pour poser un vaisseau sur Mars, il faut réduire sa vitesse de chute à zéro. Lors des missions Appolo, on utilisa des rétrofusées. Mais le carburant embarqué constituait la moitié du poids du module. Mars ayant une gravité trois fois supérieure à la Lune, cette option a donc été rejetée dès les premières étapes de la planification de la mission.
Chis eut un sourire légèrement crispé.
- Pour freiner Mars Lander nous avons choisi d'utiliser l'atmosphère de Mars à notre profit. Plus exactement, nous allons utiliser la traînée aérodynamique. L'atmosphère va transformer notre énergie cinétique en chaleur.
Le commandant montra la maquette de l'atterrisseur qui flottait près de lui en impesanteur.
- Mars Lander est un engin à usage unique. La partie conique en dessous est un bouclier thermique. Il est conçu pour offrir une résistance maximale à notre pénétration dans l'atmosphère, et donc nous freiner de manière optimale. Il devra aussi dissiper une chaleur, due à la friction, évaluée à plus de 2000 ° Celsius. Une fois sa tâche accomplie, il sera éjecté. À ce moment, Mars Lander sera encore en vol hypersonique. Pour nous permettre d'atteindre le sol sain et sauf, nous comptons sur un parachute de très grand diamètre. Il s'ouvrira juste après que nous nous soyons débarrassés du bouclier. Malgré cela, le contact avec le sol sera sans doute très rude. Au terme de cette phase d'atterrissage qui durera six minutes, six Terriens... et des pommes de terre seront devenus les premiers Martiens.
Décrochant le sachet de sa "tasse à café," scotchée au mur par une bande de velcro, Stephen aspira le liquide chaud grâce à une paille. Six minutes après plus de cent quatre-vingt jours de voyage, cela semblait ridicule... et pourtant ces six minutes allaient être affreusement longues. L'astronaute anglais avait cessé d'écouter les explications qu'il connaissait déjà, il s'était lancé dans un exercice de respiration. Son cœur battait trop vite.
Chris avait terminé l'enregistrement et appuya sur la touche d'expédition.
- C'est le moment de tirer les combinaisons à la courte paille.
Chaque membre de l'expédition avait sa propre combinaison "martienne" une version simplifiée des combinaisons de sortie extravéhiculaires. Pour pouvoir être utilisées sur Mars, il avait fallu diminuer leur poids... et donc leur résistance. Il y avait aussi deux combinaisons conçues pour les réparations à l'extérieur de Mars Pioneer. Leurs porteurs auraient une chance légèrement supérieure de survie en cas de crash.
- Kimi ? Li ? La première tenue se joue entre vous deux, les mécanos.
Chris tendit dans son poing deux bouts de papier torsadés. Il les présenta à la Japonaise.
- À toi l'honneur.
Le visage rond de l'Asiatique trahissait une forte tension. Elle saisit un papier avec hésitation. Le bout était marqué de noir. Elle soupira de soulagement. Chris ouvrit la main et le second bout de papier se mit à flotter dans le module. Son extrémité ne portait aucun signe distinctif.
- Très, bien. Kimi aura la première combinaison. On recommence pour les autres spécialistes.
Olga, Annie et Stephen se groupèrent autour du commandant de la mission et chacun choisit un papier. Cette fois ce fut Stephen qui eut le papier marqué.

Une plaine de rouille formait des dunes peu élevées, moutonnant vers l'infini. Par endroit, d'anciens cratères de météorites, érodés par le vent, parsemaient le paysage. Pas un relief plus accentué ne venait rompre la monotonie d'Acidalia Planitia. Le ciel... le ciel était rose.
Stephen Parker avançait mécaniquement. Son esprit était entièrement focalisé sur la "boussole" qui faisait parti de l'interface incrusté dans son viseur. Il ne faisait plus attention à la jauge d'oxygène dans le rouge. À peine avait-il le réflexe de tirer derrière lui Kimi Matsushima, encore plus épuisée qu'il ne l'était.
Les lourdes combinaisons extravéhiculaires, n'étaient pas faites pour marcher sur Mars. Elles semblaient encore peser une trentaine de kilos et seule la force des astronautes, multipliée par la faible gravité leur permettait de marcher relativement sans encombre.
Une sonnerie rythmée carillonnait depuis quelques instants dans le casque, perçant le nuage gris qui obscurcissait les pensées de Stephen. Le signal venait de l'indicateur de distance. Il avait commencé à égrener la dernière centaine de mètres. Stephen eut un coup de fouet en réalisant qu'il était arrivé à destination. Sa vue était trouble sous l'effet de l'épuisement, mais il identifia trois cylindres d'un blanc très clair, posé sur des béquilles métalliques. D'autres structures artificielles se trouvaient à proximité. Mais elles ne l'intéressait pas... Il ne regardait que les habitats pressurisés. Inconsciemment il accéléra, faisant trébucher sa compagne.
- Kimi... on est arrivé.
L'espoir rendit de la force à Stephen. Redressant la jeune Japonaise, il l'entraîna vers l'avant. Alors qu'il franchissait les derniers mètres, il vit l'escalier d'accès et obliqua pour l'atteindre. Ses pas épuisés le conduisirent jusqu'au sas. Stephen ouvrit et tira la jeune femme à l'intérieur. Une fois la porte extérieure refermée, il suffisait d'appuyer sur un bouton pour que les pompes se mettent en marche injectant de l'air dans la pièce. L'astronaute empêcha son amie d'ouvrir son casque. L'atmosphère était certes devenue respirable. Cependant, la pièce était remplie de sable martien et celui-ci, très fin, était toxique. Des aspirateurs aspirèrent les grains avant que la porte intérieure daigne enfin s'ouvrir. Kimi s'effondra sur le sol, respirant à plein poumon et Stephen perdit connaissance.

183ème jour de la mission

Stephen Parker avait longuement réfléchi à la manière de présenter les choses. Mais il ne savait que rien ne pouvait changer le caractère abrupt de sa déclaration. Un dernier doute le fit hésiter. Il le repoussa et appuya sur le bouton d'enregistrement.
- Allo la Terre, ici Mars. C'est Stephen Parker de la mission Mars Pionner. J'ai écouté les messages que vous nous avez envoyé et j'imagine votre panique. Elle est malheureusement justifiée. L'atterrissage de Mars Lander ne s'est pas passé comme prévu. Notre dérive par rapport à la trajectoire idéale s'est révélée très importante, contraignant le major Chris Makanga à une correction manuelle. En fait, il a écrasé Mars Lander pour éviter que nous nous retrouvions à des centaines de kilomètres de notre but, condamné à mourir par asphyxie. Les astronautes Li We Chang, Chris Makanga, Olga Anatoliovna Tchernenkova et Annie Paline ont trouvé la mort dans l'accident. Kimi Matsushima et moi sommes les seuls survivants. Nous avons pu rejoindre à pied les habitats martiens même si ce fut de justesse.
Vingt minutes après l'envoi de son message, un voyant s'alluma sur la console. Kimi fut la première à réagir, lançant la diffusion. L'écran s'alluma révélant le visage de Kurt Weissmann, le directeur de mission. Il était blanc comme un linge.
- Kimi, Stephen, je voudrais d'abord vous dire notre joie en recevant votre message. Ensuite l'équipe se joint à moi pour vous offrir ses condoléances. Restez à l'écoute, nous allons débattre du meilleur choix possible pour vous. Gardez confiance, nous allons vous ramener sur Terre.
Avec la lenteur des communications entre les planètes, il fallu une heure pour que Kurt Weissmann reprenne la parole.
- Stephen, vous avez dit que vous êtes arrivé à pied et de justesse. Cela signifie donc que vous n'avez pas amené avec vous le bac d'algues servant au retraitement de l'air. S'il est en bon état, il faut impérativement que vous alliez rapidement le chercher. Vous avez trois habitats. Chaque habitat peut héberger deux personnes. Il n'y a pas de problème pour l'approvisionnement en oxygène tant que vous avez de l'eau. Mais au bout de 38 jours, chaque habitat sera saturé par le gaz carbonique. Ce qui fait que vous n'avez que 127 jours de mélange respirable. Vous ne pourrez quitter Mars avant 498 jours... il faut donc que vous retraitiez l'air ambiant pour qu'il reste respirable. Vous allez devoir prendre un rover, retourner à l'épave de Mars Lander et ramener la cuve d'algue.

L'équipement apporté par les missions robots comportait trois rovers. Deux d'entre eux étaient pressurisés et permettaient de rayonner jusqu'à cent kilomètres de la base. Il s'agissait de véhicules en forme d'obus, couverts de panneaux solaires. L'habitacle, à l'avant, avait deux fenêtres munies d'essuie-glaces. Au milieu, une porte circulaire permettait d'entrer dans le sas. La rover était mu par six trains de roues doubles, tous motorisés indépendamment. Le véhicule n'avait rien d'une formule 1 atteignant tout juste 3 km/h sur terrain plat, mais il embarquait un système de production/ retraitement de l'oxygène ayant une semaine d'autonomie.
Stephen Parker s'était installé aux commandes, et Kimi Matsushima se trouvait dans le siège voisin. Grâce à la présence de Mars Pioneer, en orbite géostationnaire, les astronautes savaient exactement où trouver l'épave de l'atterrisseur. Le site du crash n'était distant que de quinze kilomètres. Une broutille à l'échelle de Mars, mais il avait tout de même fallu six heures pour arriver sur place. Les combinaisons martiennes étaient longues à mettre. De plus, l'atmosphère du Rover était un mélange d'azote et d'oxygène. Et il fallait respirer s'habituer à respirer de l'oxygène pur avant de se risquer à l'extérieur. Aussi, ce ne fut que trois quart d'heure après leur arrivés que les deux astronautes quittèrent leur véhicule.
Rien n'avait changé depuis l'avant-veille. L'épave avait juste commencé à se remplir de sable. Mars Lander était à présent une tombe où reposaient quatre corps tués par dépressurisation explosive. Les bagages des voyageurs étaient contenus dans deux containers pressurisés. Et... le premier... celui qui contenait les algues de purification de l'air, était éventré. Kimi et Stephen le laissèrent sur place. L'examen du second montrait qu'il était toujours sous pression. La pomme de terre était une plante très utile pour le vol spatial. Outre ses qualités nutritives, sa culture était rentable pour l’oxygénation naturelle de l’air respirable et le retraitement du carbone. C'est pourquoi les Astronautes avaient choisi d'en amener des plans et des graines sur Mars.
De retour dans le Rover, Kimi se chargea de contacter la Terre qui se trouvait heureusement au dessus de la ligne d'horizon. Kurt Weissmann mit près d'une heure à répondre.
- Bon, je ne vous cacherais pas que nous avons un sacré problème. Les pommes de terre n'ont pas un rendement suffisant pour purifier l'air. Ne vous inquiétez pas. Nous avons près de quatre mois pour trouver une solution. Vous avez beaucoup de matériel et nous nous avons des gens très intelligents pour vous venir en aide. Nous vous rappellerons dès que nous aurons une idée qui fonctionne.
Voyant la pâleur de la Japonaise, Stephen lui posa une main sur l'épaule. :
- C’est une erreur de croire qu’on peut résoudre n’importe quel problème majeur rien qu’avec des pommes de terre.
La remarque eut au moins l'effet immédiat de tirer Kimi de son hébétude. Elle tourna vers lui de grands yeux étonnés.
- Pardon ?
- C'est une citation de l'humoriste et écrivain Douglas Adams, l'auteur du "Guide du voyageur galactique". J'ai toujours pensé que je n'arriverais pas à la caser dans une conversation. J'avais tort.
La Japonaise eut un mince sourire.
- Tu es encore capable de plaisanter ?
- Je ne m'inquiète pas. Il y a plein de gens qui le font à ma place, j'aurais l'impression de gêner. Je ne suis pas seul au monde, je suis avec une amie. Et puis, venir ici était le rêve de ma vie. Sais-tu que l'un des projets privés pour Mars ne donnait presque aucune chance aux astronautes de revenir? Malgré cela, il y a eu des centaines de milliers de personnes qui se sont inscris pour participer. Et c'est nous qui sommes devenus l'Adam et l'Ève de ce nouveau monde. Quoi qu'il se passe nous allons écrire une page de l'histoire.

Sur la vidéo Kurt Weissmann tenait un filtre à oxygène en souriant.
- Les rovers sont sous atmosphère terrestre, soit 78 % d'azote, 21 % d'oxygène et le gaz carbonique que vous rejetez.
Il secoua l'objet qu'il avait en main.
- Pour que l'atmosphère des véhicules reste respirable, il faut changer les filtres une fois par mois. Chaque rover a un filtre dans la ventilation et six filtres de rechange. Ce qui fait en tout quatorze filtres. On va vous expliquer comment modifier le système d'air d'un des modules d'habitation pour en intégrer un. N'ayez crainte, vous n'aurez besoin que de démonter quelques pièces de la ventilation d'un rover et de duct tape (3). Comme vous savez compter, vous avez sans doute déjà compris que vous êtes sauvé... même s'il peut paraître que c'est de justesse. Je tiens à vous rassurer, nous avons d'avantage de marge que vous pouvez le croire. D'abord, les filtres n'ont pas vraiment besoin d'être changés tous les mois. C'est simplement qu'ils sont moins efficaces passé ce laps de temps. Gardez-les en place tant que le taux de gaz carbonique n'est pas trop élevé. Pour terminer, vous avez un allié.
Weissmann fit tourner entre ses mains une pomme de terre.
- Cette plante est connue pour ses vertus culinaires. Mais elle pousse en capturant le carbone présent dans l'air. Les cultures de plants de pomme de terre devraient soulager les filtres d'une partie de leur travail. Bon, je vais vous laisser avec une petite vidéo instructive sur les modifications de la circulation d'air. Je me doute cependant que Kimi n'en aura pas besoin. A plus tard Mars.
Le directeur de mission agita la main à l'intention de la caméra tandis que Stephen se tournait vers la Japonaise.
- On ne résous peut-être pas tous les problèmes avec des pommes de terre, mais ça aide beaucoup.
Kimi Matsushima eut un rire silencieux.
- Il avait donc à moitié raison et seulement à moitié tort.

En dépit de la mort de quatre membres de l'expédition et de graves problèmes liés à l'excès de gaz carbonique, Mars Pioneer réussit à regagner la Terre. Kimi Matsushima et Stephen Parker furent fêtés en héros. La mission ne rapporta pas autant d'informations sur Mars qu'espéré. Seul le géologue avait survécu et malgré le concours des savants terrestres, il fut incapable de produire toutes les expériences prévues. Sans filtre à carbone, le rayon d'action des rovers fut également réduit. Seules les recherches sur les sites les plus proches du camp de base purent être conduites. En fait, le principal intérêt de Mars Pioneer fut d'avoir réalisé un exploit qui enthousiasma l'humanité pendant des décennies. Trente ans plus tard, lors de la création de la première base permanente sur la planète rouge, Stephen Parker fut engagé comme conseiller. Sa première proposition fut d'offrir un exemplaire du "Guide du voyageur galactique"...


(1) On n'utilise pas de pain ni aucun aliment produisant des miettes en microgravité.
(2) Pour des questions de simplicités, les combinaisons portées par les astronautes sont alimentées en oxygène pur à une pression de 0,33 atmosphère. Cependant, il est considéré comme dangereux de respirer de l'oxygène pur pendant plus de six heures.
(3) Ruban adhésif toilé qui sert dans les réparations domestique. Il est dans l'inventaire des missions spatiales américaines depuis le programme Apollo.


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Message par Anaxagore Mar 4 Juil - 20:41

Je tiens à dire que je n'ai pas vu le film "Seul sur Mars" ou lu le livre qui a inspiré le film... les points communs entre les deux histoires, c'est le rôle des pommes de terre dans la purification de l'air... qui est d'ailleurs réelement envisagé dans des études sérieuses.

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Message par Thomas Jeu 6 Juil - 10:10

Pas mal. Au début je m'attendait un une série de texte pour une histoire plus longue.
Concernant "Seul sur Mars": le livre est excellent et le film pas mal.

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Message par Collectionneur Jeu 6 Juil - 21:45

Notons que des scientifiques écossais pensent que les ultraviolets et le sol martien forment une combinaison éliminant toute bactéries a sa surface :

http://mobile.lemonde.fr/sciences/article/2017/07/06/le-sol-de-mars-tueur-de-bacteries_5156863_1650684.html?

Question indiscrète, nos Adam et Eve ont ils croqué la pomme ?

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Message par Anaxagore Ven 7 Juil - 11:25

Euh..; la question est indiscrète... dis-moi tu serais capable de passer 180 jours tout seul avec une fille célibataire très mignonne sans "croquer la pomme" ?

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