[CTC13] La maison de plaisirs
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[CTC13] La maison de plaisirs
2744 Ab Urbe Condita (1991 A. D.)
L’endroit sentait une odeur écœurante d’encens et de diverses herbes aromatiques. Un ancien atrium romain, particulièrement grand, avait été récemment redécoré avec des panneaux de bois, qui donnaient à l’ensemble un aspect vaguement orientalisant. Manlius Merobaudes croisa une grande femme aux traits asiatiques vêtue d’une riche robe de soie. Il se demanda un instant si les militaires et hommes d’Etat qui fréquentaient le lieu payaient sa compagnie en raison de sa grâce ou plutôt pour s’imaginer qu’ils avaient, l’espace d’un instant, un ascendant sur les orientaux qui leur rappelaient, partout ailleurs, leur domination.
Manlius se tira de ses pensées et balaya du regard la salle à la recherche de Terrentius Vulso. Autour du grand bassin, de jeunes femmes légèrement mais richement vêtues circulaient, échangeant des regards avec les hommes, allongés, qui s’adonnaient à la consommation d’opium, ou plus rarement, discutaient entre eux. Parfois l’un d’eux s’éclipsait avec une fille vers l’une des chambres ; de toute évidence, l’endroit se voulait garant d’un certain cachet, il n’y aurait rien d’excessivement public.
Il finit par apercevoir Vulso, assis au bord du bassin, et s’irrita de son attitude : vêtu d’une sorte de chlamyde grecque, celui-ci était souriant, absorbé par un jeu d’échecs posé à même la sol, affrontant une jeune fille au teint hâlé, allongée sur le ventre et dont la robe de soie fine ne cachait pas grand-chose.
« Ah, voilà mon jeune ami. Content de vous voir ici Mérobaudes. »
Manlius s’approcha avec empressement et lui répondit, en tachant de parler voix basse : « Nous risquons tous nos vies pour Rome Vulso, et vous me donnez rendez-vous dans…dans ce genre d’endroit !
-Enfin, qu’avez-vous à reprocher à ce lieu ? Tout y est beauté et raffinement, dans le corps comme dans l’esprit. Cette jeune femme est l’une des meilleures joueuses d’échecs qu’il m’ait été donné de rencontrer, et croyez-moi elle a plus de sens tactique que beaucoup des gens qui commandent nos soldats.
-Il ne s’agit pas de cela ! Vous avez été relevé de votre commandement militaire, vous savez qu’on peut s’en prendre à vous…
-Ah, c’est bien faux ce que l’on dit sur la jeunesse… Suivez moi dans mon bureau, de ce côté… Ma douce, je me vois dans l’obligation d’écourter notre partie, mais j’avoue que les chances de victoires étaient devenues minces pour moi, considérez que vous avez gagné ». La jeune femme se releva et lança un sourire moqueur aux deux hommes : « c’est bien dommage… », leur dit elle avant de se retourner et de se diriger vers la sortie de la salle avec lenteur.
Après avoir réussi à la quitter des yeux, Mérobaudes suivit Terrentius Vulso jusque dans une pièce située dans l’une des annexes. Il avait cru à une boutade, mais il semblait réellement s’agir d’un bureau, rempli de livres, de papiers divers et où de vastes cartes d’état-major étaient accrochées au mur. « Vous possédez vraiment un bureau dans ce lupanar ?
-Une maison de plaisirs, pas un lupanar…Et oui, j’aime pouvoir travailler à l’abri de tous les faiseurs de tracasseries, et il n’y a pas plus discret que cette maison, croyez-moi sur parole.
- Maison discrète ou pas, on vous y voie, et ce faisant on vient de m’y voir aussi. Vous passez votre temps ici alors que le destin de Rome se joue !
-Ne me prenez pas pour un inconséquent ! ». Le général venait de reprendre un air bien plus grave. « Si je suis ici, c’est bien parce que j’y suis plus en sécurité qu’ailleurs, et j’ai beaucoup d’amis aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de cette maison qui nous préviendrons bien assez tôt s’il faut nous éclipser, et je sais aussi comment sortir discrètement. Par ailleurs, risquer ma vie est peut-être une expérience nouvelle pour vous mais pas pour moi, cela fait au contraire partie de mon métier. Ne vous étonnez pas si je ne suis pas transi par la peur, cela ne veut pas dire que je ne suis pas tous ces événements de près.
-Les événements ne devraient pas nous pousser à l’optimisme.
-Pourquoi donc, Manlius Merobaudes ? Votre oncle Flavius devrait en ce moment être à Cyrène, acclamé par les rebelles, et d’une heure à l’autre on devrait apprendre qu’Alexandrie s’est ralliée au mouvement. Nos ennemis doivent être transis de peur au palais…
-Sans aucun doute, mais la peur leur conseille surement de s’en prendre à nous aussi vite que possible ! Je peux risquer ma vie, je le fais, mais c’est l’avenir de toute notre opération qui est en jeu. Les choses se sont enchainées trop vite, depuis que la Cyrénaïque s’est soulevée contre la concession des chemins de fer… Le temps jour contre nous.
-Alors là mon ami, c’est le travail de votre chère organisation, et de vos alliés. C’est à vus de transporter la rébellion dans Rome et dans l’Italie, moi je ne pourrai rallier l’armée qu’ensuite. A vous et à vos chefs de vous débrouiller. » Il sembla , l’instant d’après, retrouver son air jovial : « en attendant, je ne peux rien faire, alors plutôt que me cacher comme un rat, je préfère passer le temps ici, on y est particulièrement bien et j’ai toute confiance dans le personnel. J’espérais de vous de bonnes nouvelles, mais comme ce n’est visiblement pas le cas, alors je vais rester un peu… Peut-être souhaitez vous m’y accompagner quelques temps, je serai votre guide…
-Merci, mais je ne goûte guère ce genre d’endroits, et de plus, il se pourrait qu’on ait besoin de moi.
-Ah, si le vieux Caton voyait que nos jeunes gens ont adopté les vues des Chrétiens et des Juifs… Mais vous avez raison, donnez toute votre énergie à notre cause. Je suis certain que nous sommes en train de triompher, et je me trompe rarement. Pour la suite, vous savez comment nous pouvons communiquer. Ah, et froissez un peu vos vêtements avant de repartir, ça évitera les soupçons. Rien n’interdit de repartir vite quoi que ce soit peu glorieux, mais partir sans même vous être déshabillé serait curieux…
-Merci pour…ces conseils… J’espère que nous nous reverrons dans d’autres circonstances.
-Nous nous reverrons avec l’Empire dans nos mains et l’Empereur en notre pouvoir. Maintenant si vous le voulez bien, je m’en retourne jouer aux échecs ».
L’endroit sentait une odeur écœurante d’encens et de diverses herbes aromatiques. Un ancien atrium romain, particulièrement grand, avait été récemment redécoré avec des panneaux de bois, qui donnaient à l’ensemble un aspect vaguement orientalisant. Manlius Merobaudes croisa une grande femme aux traits asiatiques vêtue d’une riche robe de soie. Il se demanda un instant si les militaires et hommes d’Etat qui fréquentaient le lieu payaient sa compagnie en raison de sa grâce ou plutôt pour s’imaginer qu’ils avaient, l’espace d’un instant, un ascendant sur les orientaux qui leur rappelaient, partout ailleurs, leur domination.
Manlius se tira de ses pensées et balaya du regard la salle à la recherche de Terrentius Vulso. Autour du grand bassin, de jeunes femmes légèrement mais richement vêtues circulaient, échangeant des regards avec les hommes, allongés, qui s’adonnaient à la consommation d’opium, ou plus rarement, discutaient entre eux. Parfois l’un d’eux s’éclipsait avec une fille vers l’une des chambres ; de toute évidence, l’endroit se voulait garant d’un certain cachet, il n’y aurait rien d’excessivement public.
Il finit par apercevoir Vulso, assis au bord du bassin, et s’irrita de son attitude : vêtu d’une sorte de chlamyde grecque, celui-ci était souriant, absorbé par un jeu d’échecs posé à même la sol, affrontant une jeune fille au teint hâlé, allongée sur le ventre et dont la robe de soie fine ne cachait pas grand-chose.
« Ah, voilà mon jeune ami. Content de vous voir ici Mérobaudes. »
Manlius s’approcha avec empressement et lui répondit, en tachant de parler voix basse : « Nous risquons tous nos vies pour Rome Vulso, et vous me donnez rendez-vous dans…dans ce genre d’endroit !
-Enfin, qu’avez-vous à reprocher à ce lieu ? Tout y est beauté et raffinement, dans le corps comme dans l’esprit. Cette jeune femme est l’une des meilleures joueuses d’échecs qu’il m’ait été donné de rencontrer, et croyez-moi elle a plus de sens tactique que beaucoup des gens qui commandent nos soldats.
-Il ne s’agit pas de cela ! Vous avez été relevé de votre commandement militaire, vous savez qu’on peut s’en prendre à vous…
-Ah, c’est bien faux ce que l’on dit sur la jeunesse… Suivez moi dans mon bureau, de ce côté… Ma douce, je me vois dans l’obligation d’écourter notre partie, mais j’avoue que les chances de victoires étaient devenues minces pour moi, considérez que vous avez gagné ». La jeune femme se releva et lança un sourire moqueur aux deux hommes : « c’est bien dommage… », leur dit elle avant de se retourner et de se diriger vers la sortie de la salle avec lenteur.
Après avoir réussi à la quitter des yeux, Mérobaudes suivit Terrentius Vulso jusque dans une pièce située dans l’une des annexes. Il avait cru à une boutade, mais il semblait réellement s’agir d’un bureau, rempli de livres, de papiers divers et où de vastes cartes d’état-major étaient accrochées au mur. « Vous possédez vraiment un bureau dans ce lupanar ?
-Une maison de plaisirs, pas un lupanar…Et oui, j’aime pouvoir travailler à l’abri de tous les faiseurs de tracasseries, et il n’y a pas plus discret que cette maison, croyez-moi sur parole.
- Maison discrète ou pas, on vous y voie, et ce faisant on vient de m’y voir aussi. Vous passez votre temps ici alors que le destin de Rome se joue !
-Ne me prenez pas pour un inconséquent ! ». Le général venait de reprendre un air bien plus grave. « Si je suis ici, c’est bien parce que j’y suis plus en sécurité qu’ailleurs, et j’ai beaucoup d’amis aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de cette maison qui nous préviendrons bien assez tôt s’il faut nous éclipser, et je sais aussi comment sortir discrètement. Par ailleurs, risquer ma vie est peut-être une expérience nouvelle pour vous mais pas pour moi, cela fait au contraire partie de mon métier. Ne vous étonnez pas si je ne suis pas transi par la peur, cela ne veut pas dire que je ne suis pas tous ces événements de près.
-Les événements ne devraient pas nous pousser à l’optimisme.
-Pourquoi donc, Manlius Merobaudes ? Votre oncle Flavius devrait en ce moment être à Cyrène, acclamé par les rebelles, et d’une heure à l’autre on devrait apprendre qu’Alexandrie s’est ralliée au mouvement. Nos ennemis doivent être transis de peur au palais…
-Sans aucun doute, mais la peur leur conseille surement de s’en prendre à nous aussi vite que possible ! Je peux risquer ma vie, je le fais, mais c’est l’avenir de toute notre opération qui est en jeu. Les choses se sont enchainées trop vite, depuis que la Cyrénaïque s’est soulevée contre la concession des chemins de fer… Le temps jour contre nous.
-Alors là mon ami, c’est le travail de votre chère organisation, et de vos alliés. C’est à vus de transporter la rébellion dans Rome et dans l’Italie, moi je ne pourrai rallier l’armée qu’ensuite. A vous et à vos chefs de vous débrouiller. » Il sembla , l’instant d’après, retrouver son air jovial : « en attendant, je ne peux rien faire, alors plutôt que me cacher comme un rat, je préfère passer le temps ici, on y est particulièrement bien et j’ai toute confiance dans le personnel. J’espérais de vous de bonnes nouvelles, mais comme ce n’est visiblement pas le cas, alors je vais rester un peu… Peut-être souhaitez vous m’y accompagner quelques temps, je serai votre guide…
-Merci, mais je ne goûte guère ce genre d’endroits, et de plus, il se pourrait qu’on ait besoin de moi.
-Ah, si le vieux Caton voyait que nos jeunes gens ont adopté les vues des Chrétiens et des Juifs… Mais vous avez raison, donnez toute votre énergie à notre cause. Je suis certain que nous sommes en train de triompher, et je me trompe rarement. Pour la suite, vous savez comment nous pouvons communiquer. Ah, et froissez un peu vos vêtements avant de repartir, ça évitera les soupçons. Rien n’interdit de repartir vite quoi que ce soit peu glorieux, mais partir sans même vous être déshabillé serait curieux…
-Merci pour…ces conseils… J’espère que nous nous reverrons dans d’autres circonstances.
-Nous nous reverrons avec l’Empire dans nos mains et l’Empereur en notre pouvoir. Maintenant si vous le voulez bien, je m’en retourne jouer aux échecs ».
DemetriosPoliorcète- Messages : 1472
Date d'inscription : 05/03/2016
Thomas aime ce message
Re: [CTC13] La maison de plaisirs
C'est un bon texte mais je suis déçu ... il n'y a pas de tripes de sanglier frites dans de la graisse d'urus avec du miel ni de punitions si on perd son petit bout de pain dans le fromage.
Préhistorique- Messages : 560
Date d'inscription : 03/03/2020
LFC/Emile Ollivier aime ce message
Re: [CTC13] La maison de plaisirs
Préhistorique a écrit:C'est un bon texte mais je suis déçu ... il n'y a pas de tripes de sanglier frites dans de la graisse d'urus avec du miel ni de punitions si on perd son petit bout de pain dans le fromage.
Haha, j'essaye de placer quelque chose du genre dans un prochain texte
DemetriosPoliorcète- Messages : 1472
Date d'inscription : 05/03/2016
LFC/Emile Ollivier aime ce message
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