Water Knife – Paolo Bacigalupi
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Water Knife – Paolo Bacigalupi
Liens vers la chronique sur mon blog: https://blogconstellations.home.blog/2021/01/13/water-knife-paolo-bacigalupi/
Un petit click serait le bien venu
Un petit click serait le bien venu
Résumé :
« La guerre de l’or bleu fait rage autour du fleuve Colorado. Détective, assassin et espion, Angel Velasquez coupe l’eau pour la Direction du Sud Nevada qui assure la survie de Las Vegas. Lorsque remonte à la surface la rumeur d’une nouvelle source, Angel gagne la ville dévastée de Phoenix avec une journaliste endurcie et une jeune migrante texane… Quand l’eau est plus précieuse que l’or, une seule vérité régit le désert : un homme doit saigner pour qu’un homme boive. »
Fiche technique :
Auteur : Paolo Bacigalupi
Éditeur : Au diable vauvert
Pagination : 487 pages
Prix : environ 10 € d’occasion (existe au format poche chez J’ai lu pour 8,40 €)
Ça faisait un moment que je voulais vous parler de ce livre. Depuis la création du blog en fait, car c’est un livre que j’ai lu en 2017/2018. De ce que j’ai lu sur la blogosphère, l’œuvre de Paolo Bacigalupi est assez inégale. J’ai entendu beaucoup de mal sur « La fille automate » et le plus grand bien de « Le Chasseur de Tamaris » coup de bol pour moi c’était après avoir découvert l’auteur via Water Knife. Depuis je n’ai pas eu le temps de me frotter à ses autres œuvres pour savoir si ces jugements que j’ai lus sont justifiés ou non. Tout simplement, le pitch du livre m’a tenté : future proche, réchauffement climatique, guerre de l’eau… brève de la prospection plausible.
Un mot (plus que ça en fait) sur le fleuve Colorado et l’or bleu. Traversant plusieurs États, dont certains très arides, le Colorado (et les autres cours d’eau américains) fait l’objet d’un système complexe de droits d’utilisation. Certains sont très anciens et ont pour but de permettre à chaque état, comté, ville d’avoir une part équitable de la ressource tout au long des 2300 km. Ces droits sont basés sur la première appropriation qui détermine le volume auquel on a droit. Les droits les plus anciens sont prioritaires, sauf en cas de non-utilisation prolongée. La gestion de ces droits repose sur des administrations spécialisées et/ou des tribunaux de l’eau. Pour les eaux du bassin du Colorado c’est le Colorado River Compact, signé en 1922, qui règlemente le partage des eaux entre Arizona, Californie, Colorado, Nevada, Nouveau-Mexique, Utah, et Wyoming. Dans Water Knife, états et villes ont donc des droits plus ou moins étendus sur une ressource qui se raréfie. Beaucoup de spécialistes prédisent des guerres de l’eau dès la décennie 2030 et le niveau du fleuve Colorado est déjà en chute libre (et la bataille est déjà amorcée, loin des yeux du grand public). Autant vous dire que pour quelqu’un qui s’intéresse à ce genre de sujet, le world building et le scénario devienne tout de suite très plausible. Pire que ça, il y a dans cet univers littéralement un cours marchant fixant le prix du litre d’eau. Or en décembre 2020, la Bourse américaine de Wall Street a affiché l’eau comme une liquidité boursière. Plus précisément, le Chicago Mercantil Exchange et le Nasdaq ont lancé des contrats à terme sur l’eau californienne
Water Knife nous projette dans des états qui n’ont d’unis que le nom. Alors que la crise climatique a fracassée des économies et gouvernements, les USA ne sont plus que l’ombre d’eux même : State Sovereignty Act autorisant chaque État à fermer et militariser leurs frontières, camps de réfugiés humanitaires dans les rues des grandes villes américaines. Les états du sud et notamment ceux dépendant du fleuve Colorado pour leur approvisionnement se livrent une guerre de l’ombre pour l’or bleu. On se bat pour capter l’eau, pour avoir des droits sur des fleuves (milices, commandos), des villes meurent de la sécheresse et les entreprises chinoises se taillent la part du lion sur certains marchés. On y croise des élites aisées insensibles à la misère et vivant dans des arcologies (bâtiment entièrement autonome dans lequel est de recréer une écologie interne avec agriculture et cycles de l’eau, de l’air…) plausibles et donnant une touche très cyberpunk. Il y a aussi les « Clearsac », une technologie pour recycler sa propre urine en eau potable… Bref le World building de ce livre m’a beaucoup plu.
Niveau histoire, on suit Angel (un mercenaire « coupeur d’eau », d’où le titre Water Knife), Lucy (une journaliste) et Maria (une réfugiée climatique interne) alors que court la rumeur de l’existence de titre concernant des droits sur les eaux du fleuve Colorado. Angel est chargé par sa patronne de faire main basse sur les documents dans le conflit qui oppose l’agonisante ville de Phoenix et le sud du Nevada. Lucy, bien qu’ayant gagné un Pulitzer, a décidé de rester à Phoenix pour couvrir les guerres de l’eau. Maria qui a fui le Texas survit au jour le jour. Évidemment les trois personnages vont être amenés à s’entraider pour tenter de se sortir de l’étau qui se resserre sur eux, manipulés dans un jeu corrompu, plus vaste et plus sale qu’aucun d’entre eux n’aurait jamais pu l’imaginer : la Californie, le Nevada, l’Arizona et la mafia locale cherchant tous à récupérer des droits d’exploitation que personne de vivant n’a encore vus. L’histoire n’est pas novatrice sur la forme ou sur l’enjeu, d’autres livres ont déjà traité des conflits de l’or bleu (j’en ai d’autres dans ma PAL), mais c’est l’ensemble « personnage, world building, enjeux » qui marche bien et qui donne un récit haletant et dur. Les personnages principaux se révèlent plus complexes au fil des pages et sont loin d’être des archétypes manichéens.
L’univers assez sombre et désespérer : misère, violence, corporations violentes, fanatisme religieux… mais l’auteur ne s’en sert pas de prétexte pour faire un livre ultra violent ou ultra sombre, même s’il faut bien comprendre qu’il n’y a pas de fin heureuse. Quoiqu’il arrive, le monde n’ira pas mieux, les USA non plus.
J’ai adoré ce livre. Accroché par un ensemble que je trouve très cohérent et plausible puis importé dès le tiers du livre par une histoire prenante et rythmée. Quiconque s’intéressant aux risques que fait peser le réchauffement climatique sur la géopolitique mondiale trouvera ce livre plausible et glaçant.
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