La kabbale
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La kabbale
Origine :
A première vue, rien n’est plus étranger que le mysticisme à la religion juive traditionnelle. Pour le peuple élu, le salut est collectif. La race juive subira dans son entier le jugement dernier à la fin du monde. Même la prière est collective, puisqu’il faut au moins dix juifs adultes pour qu’elle ait lieu.
En fait, la kabbale naît après la conquête de la Palestine par l’armée d’Alexandre le Grand. Succinctement, on pourrait résumer : kabbale = religion juive traditionnelle + philosophie grecque.
Cette naissance est cependant progressive. Le premier mouvement de cette transformation est l’apparition de la doctrine rabbinique. Cette période se situe entre la destruction du second temple par Titus (Tisha Be’av) et la diaspora du II ème siècle ap. J.C. Les Juifs ne pouvant plus conduire d’offrande au temple, ni racheter leur aîné aux prêtres (coutume juive en rapport avec le sacrifice d’Isaac par son père Abraham) leur religion trembla sur ses bases. Corollaire, un certain nombre d’hérésies apparurent. Les rabbins furent contraints à la réaction alors même qu’une partie des devoirs des prêtres leur était transmise. Précédant la kabbale proprement dite, le mouvement rabbinique est un effort de reconstruction religieuse appuyé par une littérature allégorique forte. Le chef d’œuvre de cette époque est la Tosephta Haggigah.
La Tosephta est présentée comme une suite de la Mishna(ensemble des lois orales) mais son but réel est de contrer les spéculations à tendance cosmologique et cosmogoniques qui fleurissaient dans les milieux gnostiques. Il est à remarquer que l’un des avertissements contre ceux qui cherchent « ce qui est en haut, ce qui est en bas, de ce qui est avant, de ce qui est en arrière » réfère explicitement à la Table d’Émeraude. Ce qui en fait, au passage, la plus ancienne mention. Cette allusion fait remonter la Table d'Émeraude avant le deuxième siècle de notre ère. Alors que les historiens situent généralement sa rédaction à une période estimée entre le IVème et le VIème siècle après J.C.
Le sens entier de la Tosephta Haggigah s’éclaire lorsqu’on la considère dans l’arrière plan de son époque d’écriture. Toutefois, son rayonnement dépassera de loin le but de sa création. Son enseignement continuera à faire méditer les kabbalistes dans les siècles à venir. C’est particulièrement le cas de la sentence de Rabbi Yohanna : « ne t’ai-je pas dis dès le début qu’on enseigne au sujet de la Merkabah seulement à une personne qui est sage et qui entend les choses d’elle-même » (Tosephta Haggigah, II, 1).
Plus connu et plus fondamental du savoir kabbaliste est la parabole des quatre rabbins qui voyagèrent jusqu’au verger des Pardes (le paradis, au centre duquel se trouve l’arbre de la Connaissance du Bien et du Mal).
« Quatre entrèrent dans le jardin des Pardes, ben Azzaï, ben Zomah, Aher et Rabbi Aqiba. L’un contempla et mourut. L’autre vit et en pâtit, l’un contempla et ravagea les plantations. Il y en eut un qui s’éleva en paix et redescendit en paix. Ben Azzaï contempla et mourut, c’est à son propos qu’il est dit (Psaume CXVI, 15) précieuse est la mort de ses fidèles aux yeux du Seigneur. Ben Zomah vit et en pâtit. A son propos l’Ecriture dit (Proverbe XXV, 16) Tu as trouvé du miel ? Manges-en ce qu’il te suffit ; autrement gavé tu le vomirais. Elisha vit et ravagea les plantations, à son propos l’Ecriture dit (Ecclésiaste V, 5) : Que ta bouche ne s’adonne pas à faire fauter ta chair. Rabbi Aqiba s’est élevé en paix et est descendu en paix, c’est à son propos qu’il est écrit (Cantique des Cantiques I, 4) : entraîne-moi dans tes appartements, courons, le roi me fait entrer dans ses appartements » (Tosephta Haggigah, II, 3).
Ce texte est bien sûr un avertissement concernant les extases mystiques. Seul celui qui y est préparé peut s’élever jusqu’au seigneur et redescendre sans mourir, devenir fou ou pire, sombrer dans l’hérésie. Le texte vise bien sûr les gnostiques. Elisha ben Abuya dit Aher (surnom venant probablement du grec allogenes, désignant un étranger) serait devenu le créateur d’une hérésie suite à une extase mystique où il aurait vu Métraton assis en train d’inscrire les mérites du peuple d’Israël. Or, seul Dieu est assis dans les cieux. D'où le bithéisme développé par les gnostiques juifs, les Sethiens.
Ce texte sera transmis à l’Occident par le gnosticisme et resurgira de manière plus que surprenante dans… le cycle du Graal de Chrétien de Troyes (un juif converti). Il y a cette scène où trois chevaliers entrent dans le château du Graal. Le Graal leur demande « Nomme-moi ! ». Le premier chevalier meurt, le second (Lancelot) devient fou, le troisième (Perceval) s’enfuit mais finira par revenir et nommera le Graal (Tu es Arthur, roi de Bretagne).
La kabbale proprement dite apparaît entre la diaspora et le bas Moyen Âge. Meir Salomon Ibn Sahula dit qu’elle serait née deux cent ans avant son époque (soit au douzième siècle). On pourrait même situer précisément son apparition à l’école d’Isaac l’Aveugle, en Provence.
Ce serait cependant négliger que l’hébreu Qabbalah désigne une Tradition et donc un enseignement oral. Même certains grands kabbalistes tardifs, à commencer par Isaac Luria n’écrivirent jamais, ne désirant pas figer leur enseignement sous une forme doctrinale. De plus, le Haut Moyen Âge n’étant guère propice à la conservation des écrits, il n’est donc pas possible d’en savoir d'avantage.
Par la suite, le développement de la kabbale se fit dans les régions et les époques où les Juifs pouvaient prétendre à un fragile équilibre avec la majorité de la population pratiquant une autre religion.
Mais, ces oasis de paix prennent place dans un désert d’incompréhension, de méfiance et de fanatisme religieux. C’est entre deux pogroms que la plupart des grands livres constituant la kabbale furent rédigés. A part le mouvement gaoniste qui s’éteint du fait de la désertification de l’Iraq, toutes les autres écoles de pensées disparurent lors de phases d’intolérances. Du point de vue de la culture littéraire juive, la plus grande persécution fut l’œuvre de Louis IX, le fameux « Saint » Louis. Jamais les prescriptions du quatrième concile de Latran ne furent appliquées avec une telle sévérité. Le roi, considérant le Talmud comme insultant pour la religion catholique, ordonna la saisie de tous les exemplaires de l’interprétation et leur autodafé. Le roi alla même jusqu’à expliquer que l’épée « de quoi il s’agit de donner parmi le ventre dedans tant comme elle peut y entrer » comme meilleure défense de la Chrétienté.
Philippe le Bel, dépouilla les Juifs comme il le fit des Templiers et des banquiers lombards, ayant recours aux emprisonnements massifs pour éviter les évasions. Le comble fut atteint en 1306 lorsque le trésor se retrouva vide. Pour le remplir, on fit comme d’habitude, pressant les Juifs comme des citrons. 100 000 Juifs – dit-on- furent ainsi bannis, n’emportant avec eux que leurs vêtements et douze sous chacun. Le reste se trouvant accaparé par le roi et ses conseillers. Ce bannissement détruisit les écoles d’enseignement rabbinique où était né le mouvement kabbalistique, brisant une précieuse transmission culturelle et cultuelle.
En fait, les exactions du roi de France contre les Juifs retombèrent directement sur le petit peuple qui eut bien plus à se plaindre du roi – devenu premier usurier de France- que de ses prédécesseurs. A tel point que certains en vinrent même à donner un mince soutient aux bannis et ce en chanson :
Car Juifs furent débonères,
Trop plus, en fesant telz affères
Que ne sont ore crestiens
A l’inverse, s’il y eut des époques de tolérance des Juifs, un soutient réel est une rareté. En France, on ne peut citer que Saint Bernard de Claiveaux. Amis des savants rabbins de Haute Bourgogne, c’est avec leur aide qu’il rédigea son commentaire du Cantique des Cantiques.Trop plus, en fesant telz affères
Que ne sont ore crestiens
Définition :
La meilleure définition de la Kabbale est inscrite dans le Sepher ha Zohar ou Livre de la Splendeur (sous-entendu divine).
Moïse de Léon a écrit:Malheur à l’homme qui ne voit dans la LOI que de simples récits et des paroles ordinaires !
Les récits de la LOI sont le vêtement de la LOI. Malheur à celui qui prend le vêtement pour la LOI elle-même !
Les simples ne prennent garde qu’aux vêtements ou aux récits de la LOI : ils ne voient pas ce qui est caché sous ce vêtement.
Les hommes plus instruits ne font pas attention au vêtement mais au corps qu’il enveloppe.
Enfin, les sages, les serviteurs du Roi Suprême, ceux qui habitent les hauteurs du Sinaï, ne sont occupés que de l’âme, qui est la base de tout le reste, qui est la LOI elle-même.
La LOI dont parle l’auteur du Zohar est bien sûr la Torah (ancien testament), le corps est le Talmud (interprétation de la Torah). La Kabbale est donc l’âme de la LOI.
D’autre part, Abraham Aboulafia, dans son Épître des Sept Voiles, définit sept niveaux de lecture de la LOI.
- Le premier niveau est le sens littéral (Torah)
- Le second niveau est l’interprétation (Talmud)
- Le troisième niveau comprend l’environnement du texte et les légendes développées dans sa marge (Drachot et Hagadot).
- Le quatrième niveau est l’interprétation des paraboles et des allégories contenues dans les livres canoniques, particulièrement les écrits des prophètes.
- C’est à partir de la cinquième voie que commence l’enseignement kabbalistique. Les quatre voies citées plus haut sont ouvertes aux sages de toutes les nations, les trois premières l’étant même aux peuples dans leur ensemble. Le cinquième niveau est celui de l’interprétation lettre à lettre de la Torah.
- La sixième voie est d’un très haut niveau, elle nécessite un degré supérieur de sagesse et comprend la Guématria(étude de la valeur numérique des lettres d’un mot et échange de ce mot avec un autre mot de même valeur numérique) ainsi que la méditation sur les Séphirots et le Notarikon (chaque mot de la Torah serait un sigle, chaque lettre le constituant étant en fait la première lettre d’un mot complet).
- La septième voie conduisant à la prophétie est ouverte par Dieu lui-même.
L’enseignement de la Kabbale selon Aboulafia est en fait la fusion de deux doctrines à priori inconciliables. D’un côté se trouve les écrits philosophiques de celui qu’Aboulafia appelle le Maître, c’est à dire Maïmonide (Moïse ben Maïmon dit, mort en 1204). De l’autre les fumants écrits du Sepher Yetsirah (Livre de la Création et de la Formation), également appelé Sepher ‘Ôttiot de Abraham ‘Avinû (Livre des Lettres d’Abraham le Patriarche). Ce savant traité d’interprétation des Noms de Dieu est impossible à dater. Il est cité pour la première fois par Eleazar ha-Kallir au sixième siècle, mais il a probablement été écris à la fin du deuxième siècle ou au début du suivant. Dans un style pseudo-épigraphique, le Yetsirah est attribué à Abraham (rien de moins)
Bien souvent cité comme kabbaliste, Maïmonide est en fait un philosophe et un législateur (le plus grand depuis Moïse, c’est les Juifs qui le disent). Médecin de profession, il passa ses matinées à soigner les corps de ses patients, les après-midi à écrire pour soigner leurs âmes. Il se rendit même au Yémen pour implorer la pitié des Arabes et permettre à son peuple de retourner à Jérusalem. Il sut toucher et fut exaucé. Son Livre des Egarés (qui a souvent été interprété comme kabbalistique) est en fait un livre de philosophie, véritable chef d’œuvre de la philosophie rationnelle universelle et surtout fondement de la littérature philosophique juive. Bien que le Guide soit l’œuvre majeure de Maïmonide, ce n’est pas le livre qui a eu plus d’effet sur la population juive. En fait, Maïmonide est surtout connu à son époque pour son Michneh Torah (Répétition de la Loi), version simplifiée de l’enseignement du Talmud qui remplace le fouillis de l’interprétation traditionnelle par un exposé méthodique et logique. Il défend également par cet écris la liberté de l’homme. Pour lui, elle est le fondement de tout. Octroyée par Dieu, elle est le lien qui l’unit à lui et qui unit le divin à l’homme. Rien ni personne ne pousse l’homme au mal ou bien, si ce n’est l’homme lui même. Et c’est à chacun de méditer sur cette part de divin qu’il a en lui, de la rejeter ou de la renforcer par ses actes.
Le Sepher Yetsirah est l’opposé exact de l’œuvre de Maïmonide. Écris comme un capharnaüm, il expose les infinies variations du Tétragramme תותי entrecoupées d’énigmatiques sentences :
On trouve aussi de nombreux emprunts à la Gnose valentinienne, (en particulier la notion de Sophia sagesse personnifiée) et le terme de Logos utilisé pour désigner la parole créatrice de Dieu.Le Teli – dragon- dans le monde comme le roi sur son trône
La sphère dans le temps comme le roi dans sa province
Le cœur dans l’homme comme le roi au combat
Le Sepher Yetsirah est un livre d’une immense renommée qui fut commenté par les plus grands philosophes, maîtres religieux et kabbalistes de l’histoire juive et (dans sa version latine) passa aux mains de chrétiens comme Pic de la Mirandole.
Du point de vue de la Kabbale Spéculative, sa cosmogonie complexe explique comment le monde entier naquit de la permutation des lettres de l'alphabet hébreu. Les trois niveaux du cosmos : ‘Ôlam (le monde), Shanah (le temps) et Nefesh (principe vital ou homme selon les interprétations – voir plus bas -) sont nés des combinaisons binaires des vingt-deux consones. De ce point de vue, la Torah n’est qu’une gigantesque équation mathématique dans laquelle serait inscrite la destinée du monde tout entier. Il suffirait d’opérer la bonne permutation pour retrouver n’importe quel fait, n’importe quel destin. En changer une lettre ferait sa ruine.
Ce nom étant bien entendu le Tétragramme divin.Il en résulte que toute créature et que toute parole procède d’un seul nom
Dans la tradition du Meqqoubal Ma’Assi (la kabbale magique opérative), le Sepher Yetsirah est à l’origine du plus grand des prodiges: la création du Golem !
Le Golem est une statue d’argile. Contrairement à la légende, ce n’est pas en plaçant dans sa bouche un rouleau de parchemin portant le nom divin ou inscrivant ce nom sur son front qu’on lui donne vie. Cette inscription n’est en fait qu’un lien avec le divin. Pour l’animer, il faut réciter les « 231 portes » c’est à dire l’ensemble des combinaisons des 22 consonnes et terminer en prononçant le Schem Hamm’ Phorasch (le Nom divin expliqué). Il s’agit en fait de récréer, au niveau humain, le miracle de la création divine. Lorsque le maître kabbaliste prononce le Nom, celui-ci quitte sa bouche pour devenir Logos et se grave spontanément sur le front du Golem comme Dieu a gravé les Tables de la LOI. C’est le Logos, mais un Logos dénaturé, qui anime le Golem.
Mais attention !
Maudit soit celui qui fabriquera une statue, œuvre de main d’artisan, l’installera en cachette et lui donnera la vie.
Les légendes parlent du Golem ; On dit qu’Abraham serait parvenu à en créer un après trois ans de méditation sur le Sepher Yetsirah . Celui que créa Jérémie était doué de parole. Comme il était sage, il demanda qu’on lui ôte le Nefesh, le principe vital né du Logos qui crée et donne vie à la matière inerte. Le Golem est animé par une forme particulièrement pure de cette énergie, une forme primordiale comme celle qui régnait sur le monde au moment du Fiat Lux biblique. Aucune action humaine ne peut affecter le Golem.
Dans l’optique de la Kabbale Spéculative, le Golem est bien plus qu’une brute animée par la puissance du Nom. Le Golem est l’Homme Brut animé du seul principe vital, sans la Neshama (l’âme). Un Adam aveuglément soumis aux lois cosmiques. Un homme ignorant sa propre nature et donc incapable d’évoluer. Le Golem est invincible parce qu’il renvoie décuplée toute pensée négative dirigée contre lui. Pourquoi ? Parce que sans âme, le Golem n’est qu’un gigantesque réservoir d’énergie cosmique capable de capter les sentiments dont il est lui-même dépourvu. Miroir de l’homme, il réfléchit sa propre nature faite essentiellement de haine, de folie et de destruction. Si le Golem de Jérémie était sage, il le doit à son créateur qui l’était lui-même. Seule la main d’un enfant (un être pur, comme le fils de Jérémie) peut effacer le Nom du front de la créature. Il le peut car il le fait sans intention de destruction. En effaçant le Nom, on retransforme l’énergie du Golem en Logos qui retourne à sa source.
D’après la légende du Golem de Prague, le mot qui est écris sur le front du Golem n’est pas תותי (YHWH) mais תמא, c’est à dire emeth « vérité ». Pour le détruire, il faut enlever la première lettre à droite א (Aleph) il reste alors le mot תמ (meth) qui peut se traduire par : Il est mort !
Ôtez une lettre à la vérité et celle-ci est morte !
La Kabbale Séphirotique
La première mention des séphirots se rencontre dans le Sepher Yetsirah . Ce qui en fait une des données les plus anciennes de la kabbale. A l’origine le mot séphirot désigne les dix nombres métaphysique primordiaux qui, avec les vingt deux lettres, forment les trente deux voies qui conduisent à la Sophia. Note : j’ai dit plus haut qu’il existait « 231 portes », il n’y a en fait que 221 permutations de lettre possibles. Mais comme souvent, l’ésotérisme ne voit pas les choses aussi simplement, les séphirots- nombres de la création- sont comptées parmi les permutations de l’alphabet.
Les séphirots sont aussi les dix dimensions infinies du cosmos, c’est à dire les six dimensions de l’espace, les deux du temps, plus le Bien et le Mal.
Un autre sens de séphirots dans le Sepher Yetsirah est symbolique. Il sert pour expliquer l’ordre de la création du monde. Chaque séphire représente une étape comme un élément de cette création. La première séphire par exemple représente aussi bien l’air en tant qu’élément que le Ruâth ‘Elohim Hayyīm, le pneuma du Dieu vivant. La seconde séphire naît par condensation de ce souffle, ce souffle second ou Ruâth meruath est identifié à l’éther (ou ‘awīr). Ce processus de création descend ainsi de séphire en séphire, engendrant Air, Eau puis Feu et enfin Terre. De l’élément le plus éthéré à l’élément le plus grossier et le plus matériel.
Dans un quatrième sens, les séphirots sont identifiées aux « visages » de Dieu tel que vu dans Ezéchiel. C’est ce sens qui connaîtra le plus d’avatars dans l’histoire de la kabbale.
L’arbre de vie (Otz Chiim) est formé de trois piliers, Rigueur (constitué des séphirots Binah, Geburath et Hod), Equilibre (constitué des séphirots, Kether, Tiphéret, Yesod, Malkhut) et Miséricorde (constitué des séphirots, Chocmah, Chesed et Netzach)
L’arbre de vie est séparé de Dieu par trois voiles situés au-dessus de Kether (du plus haut au plus bas Ain, Ain Soph, Ain Soph Aur), les séphirots eux mêmes appartiennent à trois univers disposés verticalement.
1) Le monde supérieur (Aziluth) correspond au plan de la lumière divine, ce sont les trois sphères supérieures Kether, Binah et Chokmah, les seules à ne pas s’être brisées lorsque l’Homme Primordial fut détruit par la lumière divine.
2) Le monde intermédiaire (Beriah) est le monde du Trône, c’est à dire celui où réside les « visages » inférieurs de Dieu, ceux que voient les prophètes. Il contient les sphères de ‘Geburah, Chesed et Tiphéreth.
3) Le dernier triangle, Hod, Netzach, Yezod forme le monde des anges ( Jetsira).
4) Prolongé par un trait, Jetsira mène à Malkuth, le monde des archétypes platoniciens dont notre Terre est le reflet.
L’arbre séphirotique est également appelé arbre aux trente deux sentiers. On en compte que vingt-deux mais chaque séphire est considérée comme un sentier à part entière.
De plus, chaque séphire existe dans différents aspects. Dans la kabbale Lourianique, l’arbre complètement développé ressemble à une ruche et ne compte pas moins de 150 sphères !
De manière fondamentale :
1) Kether (la couronne) représente la volonté initiale
2) Hocmā (la sagesse) représente la semence de toute chose
3) Binà (l’intelligence) représente la matrice supérieure
4) Hesedla (la grâce) représente l’amour, la bonté
5) Geburà (la force) représente la rigueur
6) Tiphereth (la beauté) représente la miséricorde et la splendeur
7) Netzâ (la persévérance) représente la victoire
Hod (la grandeur) représente la majesté
9) Yesod (le fondement) est le siège de toutes les énergies protectrices
10) Malchut (le royaume) est la demeure de Dieu dans la création
Dion Fortune a écris un livre entier pour dépeindre tous les aspects de l’arbre séphirotique et de ses différentes sphères. Le résultat est un bouquin de 339 pages !
Dans sa classification, chaque séphire est présentée de la même manière. Elle expose d’abord son titre, puis sa représentation, sa situation dans l’arbre, son texte Yetsiratique, son titre, son nom divin, son archange, son ordre angélique, le chakra qui lui correspond ( ?), la vertu qu’elle représente, le vice, la correspondance au microcosme, les symboles qui lui sont liés, le cartes du tarot qui lui répondent, et enfin les couleurs qui le représentent dans les quatre mondes spirituels ! Rien que ça !
S’en suit une dizaine de pages d’explication. Je n’ai évidemment pas la place d’en faire autant. Je n’ai fait qu’effleurer la complexité de ce système.
Le Zohar :
Écris par Moïse ben Shem Tov de Léon (ou plus probablement, ouvrage collectif composé par son école), le Sepher ah Zohar s’inscrit dans la continuité du Guide des Égarés de Maïmonide. Il est également inspiré de l’œuvre d’Aboulafia mais aussi des gnostiques et des kabbalistes provençaux. Cette somme gigantesque de la sapience de l’époque eut un retentissement phénoménal. Rédigé dans un style pseudo épigraphique, le livre se présente comme écris par Simon bar Yoai (un grand rabbin du 1er siècle). Après la mort de Moïse de Léon, sa fille affirmera que son père avait peur qu’un livre sous sa seule autorité ne connaisse aucun succès. C’est pour cela qu’il le présenta comme l’œuvre d’un maître du Talmud dont la mémoire avait survécu jusqu’au treizième siècle.
C’est le Zohar qui le premier lance la polémique sur le premier mot de la Genèse. Soulignant- comme Aboulafia avant lui- que sa première lettre est un Beth (notre B), Moïse de Léon y voit le signe de l’existence d’un monde antérieur au nôtre. Le Zohar fournit soixante-dix sens au mot Béréchit (Au commencement). Suivant le Talmud, il y a soixante-dix langues parlées sur Terre, toutes étant dérivées de l’Hébreu. Le chiffre n’est donc pas choisi au hasard.
Foncièrement, le Zohar est un livre merveilleux assumé comme tel. Une histoire écrite pour élever le cœur de celui qui la lit. Il est pensé comme un remède à la rationalité toujours plus pesante qui engourdissait l’âme des Juifs de cette époque. Libellé dans un style proche des commentaires rabbiniques de la Mishna, il ressuscite une vision idéalisée de la Palestine avant la chute du deuxième temple. On y retrouve aussi bien une kabbale théosophique que le poignant sentiment d’exclusion qui serrait le cœur des Juifs, éternels exilés qui n’avaient pas de pays à eux. A cause de sa beauté, le Zohar appartient à la sphère la plus haute et la plus restreinte de la littérature juive. Il est souvent classé en troisième position, juste derrière la Torah et le Talmud.
Du point de vue du fond, le Zohar est surtout intéressant pour sa nouvelle interprétation de la Genèse. La notion des Idrot, la mort des rois primitifs de l’ancienne Haggada, ouvre la porte à la kabbale Lourianique. Comme dans le Sepher Yetsirah , on retrouve l’idée que toute chose n’existe que par sa participation au Nom divin. Ce Nom ce manifeste dans la Création. Plus qu’un commencement, la création est le substrat caché qui sous-tend le réel. D’une certaine manière nous sommes toujours dans la création. Le monde actuel est celui du septième jour.
La Kabbale d’Isaac Luria :
Isaac Luria Ashkénazi dit le Ari (le saint) est né à Jérusalem en 1534 et mort à Safed en 1572. Ce kabbaliste d’une extrême complexité, porte à son apogée l’art qu’il enseigne. Ses disciples coucheront sa pensée par l’écris non sans négliger certains points de sa doctrine ou en y rajoutant des interprétations d’origine néo-platoniciennes.
En étant très (mais alors très) superficiel, la création du monde selon Luria se fait en trois temps : le Tsimtsum, le bris des vases et le Tiggun.
1 Le Tsimtsum :
Le monde existe suite au retrait de Dieu d’un point unique du Cosmos. Cet espace primordial permet à l’univers d’exister. Il s’agit d’un acte d’autolimitation du divin. Ainsi, par ce sacrifice, Dieu a autorisé la naissance des kelims (les vases contenant la lumière divine, un autre terme désignant les séphirots avant qu’ils ne soient brisés). L’Adam Qadmōn (l’Homme Primordial) apparaît ensuite. Il résulte de l’émanation de la lumière divine aux travers des mondes. A son apogée, il fera corps avec elle, servant de conducteur à celle-ci, la réverbérant au travers de ses yeux et de sa bouche. L’Adam Qadmōn est la première forme. Son âme a été formée des dix séphirots. Médiateur entre Dieu et la hiérarchie des mondes, il est le véhicule de la lumière divine. Cette période correspond au règne des rois primitifs de l’ancienne Haggada.2 Le Bris des Vases :
Si les trois séphirots supérieurs purent accepter la puissance de la lumière divine, ce ne fut pas le cas de ceux qui se trouvaient en dessous. Ils se brisèrent, fragmentant l’Homme Primordial. Les fragments de lumière (Nitsutsōt) s’accrochèrent aux tessons des vases brisés et s’enfoncèrent avec eux dans l’obscurité et le matérialisme. Le bris des vases était cependant un mal nécessaire. L’apparition du Mal est aussi celle de la liberté. La lumière, jusqu’alors privilège des « visages » de Dieu se réfugia alors dans les séphirots. Dans les Idrot, la mort de l’Adam Qadmōn correspond à celle des rois de l’ancienne Haggada.3 Le Tiggun
Il s’agit de la restauration du monde. Cet ouvrage essentiel est initié par le Créateur mais n’est pas destiné à être achevé par lui. La tâche de l’homme est d’œuvrer à cette restauration en rassemblant les étincelles de lumière divine plongées dans la matérialité. Luria met en parallèle le destin d’Israël dans l’histoire (dispersé, tyrannisé) avec celui de l’humanité toute entière. L’entité Israël étant guide et reflet au sein des troubles qui habitent l’univers brisé.La kabbale lourianique est – à mon sens- le plus haut degré de fusion entre la religion juive traditionnelle, la pensée gnostique et l’alchimie.
La recherche des Nitsutsōt dispersés dans le monde est un décalque évident de la recherche de la Sophia emprisonné dans la matière par l’archonte. Cette sagesse piégée est le thème fondamental de la Sapience.
La recherche de la « réparation » de l’homme est un leitmotiv alchimique présent dans la kabbale depuis l’époque de Maïmonide. Son interprétation par Luria la rapproche encore de l’alchimie spirituelle où l’âme plomb se transforme en âme or. De plus, comme Maïmonide, comme Aboulafia, et comme les grands alchimistes, Luria soutient que si un grand nombre d’homme (dans les écrits de ses élèves, la nation d’Israël) pouvait s’élever, alors l’univers tout entier suivrait le mouvement. Quittant la matérialité, il retrouverait son état spirituel d’origine.
A cet enseignement, Luria joint un système explicatif de la transmigration des âmes. Tous les hommes sont des fragments de l’Homme Primordial ; Leur destin est de redevenir cet intermédiaire entre Dieu et la hiérarchie des mondes lorsque les vases seront réparés.
Il explique également l’origine du mal par le bris des vases. Les tessons des kelims ou Kelipots, en tombant dans l’obscurité, se seraient transformés en doubles négatifs de leurs pendants spirituels, les séphirots. Occupant les mêmes places, ils auraient une signification inversée.
Voilà le résumé que je peux donner de la kabbale. Toutefois, pour ce qui est de l’alchimie, les choses sont un tantinet plus complexes. Je me suis rapidement aperçu qu’il était impossible de ne pas mentionner la Gnose en parlant des origines de l’Ars Magna. De plus, lors de mes travaux préparatoires, je me suis heurté à un grand nombre de redites lorsqu’il fallait parler de l’alchimie d’un côté et de la sapience de l’autre.
Aussi j’ai finalement décidé de traiter ces deux sujets sur une base chronologique.
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