L'évadée des Abysses
3 participants
Page 1 sur 2
Page 1 sur 2 • 1, 2
L'évadée des Abysses
https://www.amazon.fr/lacier-vapeur-sorcellerie-L%C3%A9vad%C3%A9e-Abysses-ebook/dp/B00VF7Y53U/ref=sr_1_3?s=books&ie=UTF8&qid=1470915769&sr=1-3
https://www.amazon.fr/Soif-sang-L%C3%A9vad%C3%A9e-Abysses-t-ebook/dp/B0114IRM0W/ref=sr_1_4?s=books&ie=UTF8&qid=1470915769&sr=1-4
https://www.amazon.fr/roi-masque-rouge-L%C3%A9vad%C3%A9e-Abysses-ebook/dp/B017XVR1EG/ref=sr_1_2?s=books&ie=UTF8&qid=1470915769&sr=1-2
L'évadée des Abysses est une trilogie formée de trois tomes (logique !) : "Par l'acier, la vapeur et la sorcellerie" , "Soif de Sang" et "Le roi au masque rouge".
Il s'agit d'une uchronie "pas sérieuse" et si Charlemagne avait libéré Merlin de sa prison de vent... et si cela avait conduit à une gigantesque "Guerre des magiciens" et si cette guerre avait transformé la vallée du Rhin en mer intérieure... que se passerait-il sept siècles plus tard ? Dans un monde qui ressemble à la fin du XVème siècle, les elfes, les nains, les hommes-serpents et les vampires côtoient des royaumes humains qui ressemblent étrangement à ceux que nous connaissons... mais le monde est entré dans l'âge de la vapeur, des dirigeables survolent des villes entourés de murailles, des golems à vapeur marchent dans les rues.
Dans ce monde étrange vit Even Evess un jeune elfe doté du don "maître des plantes", parti pour visiter l'empire de Drakenland, il arrive à Cologne pour s'intégrer à la guilde des mages locale. Mais Even se retrouve contraint à participer à une séance d'invocation d'un servant démoniaque...
Simultanément, dans un autre univers appelé "Abysses", la comtesse démoniaque Serin Névarius doit épouser dans des noces politiques le fils de l'assassin de sa mère. Mais elle n'arrive pas à destination. Son escorte est massacrée, elle est enlevée.
Cependant, l'invocation d'Even se passe mal... on frôle la catastrophe... finalement Serin apparaît dans le pentacle... le rituel a créé un lien permanent entre eux. Pour survivre, Even devra rester à proximité de Serin... et le destin de deux univers va bientôt dépendre de leur capacité à s'entendre et à se défendre mutuellement car un vieux conflit va soudain reprendre toute sa vigueur autour d'eux.
_________________
Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots. William Faulkner
Anaxagore- Messages : 2234
Date d'inscription : 18/10/2015
Age : 50
Re: L'évadée des Abysses
Voici un extrait du premier tome :
Chapitre 31
La fenêtre était étroite, aménagée dans lépaisseur de la muraille, deux banquettes se faisaient face. En dépit du feu qui brûlait dans lâtre, lair peinait à se réchauffer. La lumière électrique, trop pénible pour la lecture, était remplacée par des chandeliers et des bougies dispersées qui illuminaient vivement la vaste pièce ronde.
Ayant terminé de retailler sa plume, le jeune moine la trempa dans lencrier de son écritoire puis sinclina devant le régent. Dieter von Eisenbach se tourna vers la jeune démone assise dans lalcôve.
- Bon reprenons et soyez plus claire !
Les yeux de Serin ne quittaient guère la fenêtre. Les petits carreaux de verre en losange étaient à peine translucides et dun jaune sale. Une mince feuille de plomb les maintenait scellés. On ne pouvait voir le château au travers, du moins pas par une nuit aussi sombre. Mais, loreille tendue, la nécromancienne pouvait entendre la pluie et le vent se déchaîner au dehors. La foudre qui striait le ciel éclairait parfois la pièce, tordant grotesquement les ombres.
Le régent acheva de relire ce quavait écris le moine.
- Vous avez dit que les démons venaient des Abysses, que vous appelez aussi les Plans Inférieurs. Vous avez également expliqué que les plans sont des degrés dexistence... entre le Paradis et lEnfer.
Serin le coupa.
- Pour faire simple, imaginez que lunivers soit cette tour. Les Abysses seraient à la cave, lIndicible sur les créneaux et Drakenland au rez-de-chaussée. Tous les plans sont superposés dans le même espace physique mais à des degrés dexistence distincts.
- Oui mais distincts en quoi ?
- Pour simplifier les êtres qui le peuplent ont un degré dévolution spirituel qui sélève plus on se rapproche de Dieu.
- Daccord, et vous pourriez mexpliquer cette histoire de degré dévolution, damoiselle ?
- Vous y tenez vraiment ? Pour comprendre, il faudrait que je vous explique lorigine de lunivers. Comment il est né, ce qui lui est arrivé, comment il a été transformé. Mais pourriez-vous admettre ce que je vais vous raconter ? Si vous nêtes pas prêt à me croire je ne vois pas lintérêt de parler !
Larchiduc de Bayern regarda le feu qui crépitait. A part la démone, le moine et deux chevaliers en faction, il était seul dans la grande salle de séjours. Ce quelle lui expliquerait contredirait sans doute le saint enseignement de lÉglise. Mais
- Est-ce que je pourrais avoir besoin de savoir cela pour battre les démons ?
- Je lignore. Ce que je sais, cest que vous ne pouvez pas battre Raum avec ce que vous avez déjà.
- Daccord, allez-y.
- Soit. Vous devez dabord comprendre deux choses. La première est que les démons ne peuvent voyager vers les plans supérieurs, ceux qui sont la résidence des êtres que vous appelez anges. Les seuls qui le firent et en revinrent sont les survivants des troupes qui, aux côtés de notre empereur, tentèrent de renverser Dieu. Et à ce moment, la cosmologie et la cosmogonie figuraient loin en bas de leur liste de préoccupations. Deuxièmement, même si les démons apparurent à laube de lunivers actuel, nos connaissances sur ce qui a eu lieu avant la genèse sont plus que brumeuses.
Serin jeta un coup dœil au régent, ce dernier approuva dun signe de tête.
- Une fois ces deux points soulevés, vous devez comprendre que nous avons les plus anciennes chroniques de lunivers, à part celles des anges. Nous avons beaucoup recherché et voilà ce que nous appris : Avant la naissance de lunivers actuel, le monde était uniquement spirituel. Il ny avait pas de matière, seulement lesprit. Dieu était tout et partout. Seulement, il se passa quelque chose il y a des quantités de légendes sur ce « péché originel » comme vous l'appelez. Il en est même qui disent quil ne sagissait pas dune transgression, mais dun acte nécessaire dautolimitation de Dieu. En tout cas, il y eut trois conséquences. On dit que cette « faute originelle » fut le fait de lÊtre Originel, nommons-le Adam, si vous voulez. Adam est plus que le premier homme. Il est aussi le premier ange, le premier démon Non, je mexplique mal !
La jeune démone se passa la main sur les yeux et chercha ses mots.
- Avant que le monde ne soit brisé, il y avait disons Dieu oh que le vocabulaire est limité lorsquil sagit de parler de celui qui transcende tout... Dieu, lIndicible, la Ténèbres, le Très-Haut ! Il y avait donc cet être qui ne peut être défini et sa créature : le Premier Adam. Adam est lancêtre à défaut dun terme plus juste- de toutes les créatures vivantes et spirituelles qui peuplent les niveaux dexistences. Nous ne sommes pas vraiment ses enfants, en fait, nous sommes plutôt ses fragments. Personne ne sait vraiment ce quil sest passé mais lAdam Originel a brisé la création en voulant sapproprier la lumière divine Il sest également brisé lui-même. Cest la première conséquence. La seconde conséquence est quun plan entier de lunivers a cessé dexister, tandis que les trois plans les plus bas de la création furent absorbés par la matérialité. Partout, les restes de lentité appelée Adam retombèrent sur les plans. Ces fragments, transcendés par la lumière divine quils avaient absorbés, fécondèrent les plans dexistence, donnant la vie à une multitude dentités. Mais quarriva-t-il au plan détruit par lAdam Originel ? Rompu, ses fragments retombèrent encore plus bas que la matérialité, dans un lieu où la lumière divine navait jamais brillé, le chaos originel. Seulement, dans leur chute, ils avaient emportés des fragments de cette lumière divine que lâme dAdam avait fécondée. Ces brisures du monde « davant » se métamorphosèrent à leur son tour pour devenir les Abysses. Nous-mêmes, sommes les rejetons des créatures engendrées par la lumière et lâme dAdam. Et oui, nous, ceux que vous appelez les démons, sommes vos frères. La troisième conséquence, cest que la brisure de la création obligea Dieu à se retirer du plan ainsi transformé. Et si Dieu était absent, complètement, dun plan il le devenait partiellement de tous les autres. En fait chaque plan dexistence est un aspect des autres plans. Ils différent mais sont indifférenciés. Ils existent à dautres niveaux de spiritualités. Mais même cette perception des choses nest quune illusion. Les esprits limités et ce nest pas une insulte, nous sommes tous des esprits limités- sont incapables de comprendre quils voient des aspects distincts de quelque chose qui na en fait quune nature unique et inséparable.
Serin sarrêta sur une mimique interrogatrice. Larchiduc de Bayern avait écouté en comparant ce qui lui avait été dit avec les enseignements de lÉglise. Adam volant le fruit de larbre de la Connaissance, Adam chassé du Paradis, le Serpent obligé à ramper sur son ventre. Il finit par acquiescer.
- Oui, je comprends.
- Est-ce que vous comprenez les conséquences ?
- Les conséquences ? De la brisure ?
Dieter von Eisenbach secoua la tête.
- Tout cela me dépasse.
- Pour mettre fin à la brisure, il faut la réparer. Adam, le plan détruit et la lumière volée ont cessé dexister en tant que tels. Brisées, transformées, leurs natures se sont mélangées pour devenir ce que vous appelez « âmes » et nous, les « Fragments dÉternité » ! En sélevant spirituellement, les hommes absorbent les Fragments dÉternités et créent un courant positif qui élève dautres hommes et qui petit à petit permet à lunivers de guérir. Cependant, ce mouvement menace la survie des Abysses. Privés de la lumière de Dieu, nous ne pouvons vivre que des Fragments dÉternité que les hommes partagent avec nous. Cela a déclenché la guerre avec Dieu et avec les hommes.
- Cest la vraie raison de ce combat ? Vous voulez voler lâme des hommes ?
Serin, plongée dans ses pensées, regardait le sol de la pièce. Elle tressaillit et foudroya le régent du regard.
- Non ! Nous voulons survivre ! Quel autre espoir avons-nous déchapper aux Abysses ? !
Chapitre 31
La fenêtre était étroite, aménagée dans lépaisseur de la muraille, deux banquettes se faisaient face. En dépit du feu qui brûlait dans lâtre, lair peinait à se réchauffer. La lumière électrique, trop pénible pour la lecture, était remplacée par des chandeliers et des bougies dispersées qui illuminaient vivement la vaste pièce ronde.
Ayant terminé de retailler sa plume, le jeune moine la trempa dans lencrier de son écritoire puis sinclina devant le régent. Dieter von Eisenbach se tourna vers la jeune démone assise dans lalcôve.
- Bon reprenons et soyez plus claire !
Les yeux de Serin ne quittaient guère la fenêtre. Les petits carreaux de verre en losange étaient à peine translucides et dun jaune sale. Une mince feuille de plomb les maintenait scellés. On ne pouvait voir le château au travers, du moins pas par une nuit aussi sombre. Mais, loreille tendue, la nécromancienne pouvait entendre la pluie et le vent se déchaîner au dehors. La foudre qui striait le ciel éclairait parfois la pièce, tordant grotesquement les ombres.
Le régent acheva de relire ce quavait écris le moine.
- Vous avez dit que les démons venaient des Abysses, que vous appelez aussi les Plans Inférieurs. Vous avez également expliqué que les plans sont des degrés dexistence... entre le Paradis et lEnfer.
Serin le coupa.
- Pour faire simple, imaginez que lunivers soit cette tour. Les Abysses seraient à la cave, lIndicible sur les créneaux et Drakenland au rez-de-chaussée. Tous les plans sont superposés dans le même espace physique mais à des degrés dexistence distincts.
- Oui mais distincts en quoi ?
- Pour simplifier les êtres qui le peuplent ont un degré dévolution spirituel qui sélève plus on se rapproche de Dieu.
- Daccord, et vous pourriez mexpliquer cette histoire de degré dévolution, damoiselle ?
- Vous y tenez vraiment ? Pour comprendre, il faudrait que je vous explique lorigine de lunivers. Comment il est né, ce qui lui est arrivé, comment il a été transformé. Mais pourriez-vous admettre ce que je vais vous raconter ? Si vous nêtes pas prêt à me croire je ne vois pas lintérêt de parler !
Larchiduc de Bayern regarda le feu qui crépitait. A part la démone, le moine et deux chevaliers en faction, il était seul dans la grande salle de séjours. Ce quelle lui expliquerait contredirait sans doute le saint enseignement de lÉglise. Mais
- Est-ce que je pourrais avoir besoin de savoir cela pour battre les démons ?
- Je lignore. Ce que je sais, cest que vous ne pouvez pas battre Raum avec ce que vous avez déjà.
- Daccord, allez-y.
- Soit. Vous devez dabord comprendre deux choses. La première est que les démons ne peuvent voyager vers les plans supérieurs, ceux qui sont la résidence des êtres que vous appelez anges. Les seuls qui le firent et en revinrent sont les survivants des troupes qui, aux côtés de notre empereur, tentèrent de renverser Dieu. Et à ce moment, la cosmologie et la cosmogonie figuraient loin en bas de leur liste de préoccupations. Deuxièmement, même si les démons apparurent à laube de lunivers actuel, nos connaissances sur ce qui a eu lieu avant la genèse sont plus que brumeuses.
Serin jeta un coup dœil au régent, ce dernier approuva dun signe de tête.
- Une fois ces deux points soulevés, vous devez comprendre que nous avons les plus anciennes chroniques de lunivers, à part celles des anges. Nous avons beaucoup recherché et voilà ce que nous appris : Avant la naissance de lunivers actuel, le monde était uniquement spirituel. Il ny avait pas de matière, seulement lesprit. Dieu était tout et partout. Seulement, il se passa quelque chose il y a des quantités de légendes sur ce « péché originel » comme vous l'appelez. Il en est même qui disent quil ne sagissait pas dune transgression, mais dun acte nécessaire dautolimitation de Dieu. En tout cas, il y eut trois conséquences. On dit que cette « faute originelle » fut le fait de lÊtre Originel, nommons-le Adam, si vous voulez. Adam est plus que le premier homme. Il est aussi le premier ange, le premier démon Non, je mexplique mal !
La jeune démone se passa la main sur les yeux et chercha ses mots.
- Avant que le monde ne soit brisé, il y avait disons Dieu oh que le vocabulaire est limité lorsquil sagit de parler de celui qui transcende tout... Dieu, lIndicible, la Ténèbres, le Très-Haut ! Il y avait donc cet être qui ne peut être défini et sa créature : le Premier Adam. Adam est lancêtre à défaut dun terme plus juste- de toutes les créatures vivantes et spirituelles qui peuplent les niveaux dexistences. Nous ne sommes pas vraiment ses enfants, en fait, nous sommes plutôt ses fragments. Personne ne sait vraiment ce quil sest passé mais lAdam Originel a brisé la création en voulant sapproprier la lumière divine Il sest également brisé lui-même. Cest la première conséquence. La seconde conséquence est quun plan entier de lunivers a cessé dexister, tandis que les trois plans les plus bas de la création furent absorbés par la matérialité. Partout, les restes de lentité appelée Adam retombèrent sur les plans. Ces fragments, transcendés par la lumière divine quils avaient absorbés, fécondèrent les plans dexistence, donnant la vie à une multitude dentités. Mais quarriva-t-il au plan détruit par lAdam Originel ? Rompu, ses fragments retombèrent encore plus bas que la matérialité, dans un lieu où la lumière divine navait jamais brillé, le chaos originel. Seulement, dans leur chute, ils avaient emportés des fragments de cette lumière divine que lâme dAdam avait fécondée. Ces brisures du monde « davant » se métamorphosèrent à leur son tour pour devenir les Abysses. Nous-mêmes, sommes les rejetons des créatures engendrées par la lumière et lâme dAdam. Et oui, nous, ceux que vous appelez les démons, sommes vos frères. La troisième conséquence, cest que la brisure de la création obligea Dieu à se retirer du plan ainsi transformé. Et si Dieu était absent, complètement, dun plan il le devenait partiellement de tous les autres. En fait chaque plan dexistence est un aspect des autres plans. Ils différent mais sont indifférenciés. Ils existent à dautres niveaux de spiritualités. Mais même cette perception des choses nest quune illusion. Les esprits limités et ce nest pas une insulte, nous sommes tous des esprits limités- sont incapables de comprendre quils voient des aspects distincts de quelque chose qui na en fait quune nature unique et inséparable.
Serin sarrêta sur une mimique interrogatrice. Larchiduc de Bayern avait écouté en comparant ce qui lui avait été dit avec les enseignements de lÉglise. Adam volant le fruit de larbre de la Connaissance, Adam chassé du Paradis, le Serpent obligé à ramper sur son ventre. Il finit par acquiescer.
- Oui, je comprends.
- Est-ce que vous comprenez les conséquences ?
- Les conséquences ? De la brisure ?
Dieter von Eisenbach secoua la tête.
- Tout cela me dépasse.
- Pour mettre fin à la brisure, il faut la réparer. Adam, le plan détruit et la lumière volée ont cessé dexister en tant que tels. Brisées, transformées, leurs natures se sont mélangées pour devenir ce que vous appelez « âmes » et nous, les « Fragments dÉternité » ! En sélevant spirituellement, les hommes absorbent les Fragments dÉternités et créent un courant positif qui élève dautres hommes et qui petit à petit permet à lunivers de guérir. Cependant, ce mouvement menace la survie des Abysses. Privés de la lumière de Dieu, nous ne pouvons vivre que des Fragments dÉternité que les hommes partagent avec nous. Cela a déclenché la guerre avec Dieu et avec les hommes.
- Cest la vraie raison de ce combat ? Vous voulez voler lâme des hommes ?
Serin, plongée dans ses pensées, regardait le sol de la pièce. Elle tressaillit et foudroya le régent du regard.
- Non ! Nous voulons survivre ! Quel autre espoir avons-nous déchapper aux Abysses ? !
_________________
Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots. William Faulkner
Anaxagore- Messages : 2234
Date d'inscription : 18/10/2015
Age : 50
Re: L'évadée des Abysses
Voilà un extrait du tome 2:
Chapitre 17
La place occupée par les réfugiés s’était transformée en un lieu d’horreur. Les envoûtés s’étaient lancés à l’attaque de leurs frères sains d’esprits. On ne peut même pas dire que la formation d’un tourbillon d’obscurité acheva de paniquer les pauvres gens. Ils courraient déjà en tout sens, piétinant leurs tentes dans leur précipitation à fuir ce cauchemar.
Serin Névarius porta la main à son front pour essayer de chasser le malaise qui la faisait vaciller. Elle comprenait intellectuellement qu’elle venait de vivre un transport instantané d’un point à un autre. Ce n’était pas sa première expérience de ce genre. Cette fois, cependant le phénomène avait été brutal. Appuyée sur son épée, la démone s’assura sur ses jambes tremblantes. Ses yeux se plissèrent.
- Damoiselle, reprenez-vous vite !
Sy-Ô-Mi tendit la main pour montrer le maléfique pentagramme. Le sacrificateur venait d’arracher son cœur à un troisième envoûté. L’organe disparu comme les deux précédents. Une flamme rejoignit ses sœurs… brûlant dans la nuit.
Sans un mot, la fille d’Aran Névarius fit siffler sa lame et s’avança. Lorsqu’un ensorcelé se précipita vers elle, la démone pivota avec grâce sur ses bottines et posa le pommeau de son arme sur le front de son adversaire. Il y eut une lumière brutale et celui s’effondra à genoux en se tenant la tête entre les mains. «Ombrelune », le cimeterre de métal gravé d’étranges signes bleutés, n’était pas une lame ordinaire. La comtesse d’Absang l’avait trouvé dans un antique temple où des ennemis du duc, son père, s’efforçaient de ramener leur maitre à la vie. L’arme s’était liée à elle, l’ouvrant à un pouvoir étrange qu’elle appelait « la bénédiction de l’Ombre ».
Le troupeau des envoûté se précipita vers la comtesse d’Absang sans qu’elle ne leur accorda un regard. Sa main blanche s’éleva comme elle murmurait une incantation. Une étincelle de lumière jaunâtre naquit entre ses ongles longs, peints de noir.
- Ö’ffust osk uulta, marmonna-t-elle entre ses lèvres pâles.
Lorsque Serin ouvrit les doigts, l’escarbille se délita en un flash brutal. Cependant, la déflagration n’eut pas lieu sur ce plan d’existence. Les humains non ensorcelés, bien qu’éblouis, poursuivirent leur course aveugle. Au contraire, les marionnettes des mages noirs s’effondrèrent, balayés par l’impulsion.
Un sourire moqueur sur ses lèvres, la démone se tourna vers les sorciers. Moins choqués que leurs serviteurs, ils se redressèrent pour voir que les sacrifiés potentiels s’étaient eux aussi effondrés, libérés de leur domination. Ces deux magiciens noirs n’étaient pas humains. L’apparence qu’ils avaient adopté pouvait leurrer des mortels, la comtesse n’en était pas un.
Serin éclata de rire.
- Nombreux sont mes sortilèges et puissante est la force qui bat en moi. Vous me vouliez, Stygiens ? Me voilà ! Appréciez votre chance, je me déplace pas pour tout ceux qui me demandent.
Le premier de ces êtres protéiformes tira une baguette de sorbier de sous son manteau et la dirigea sur la démone.
- Zaï !
Un rayon de feu bleuâtre jaillit de l’instrument magique. Serin leva la main. En un instant, un entrelacs de signes et de figures géométriques se déployât devant ses doigts. Un bouclier de lumière sur lequel l’ouragan de flammes déchaîné par l’instrument magique vint se briser. Déjà, Serin ripostait. Sa voix ne fut qu’un murmure : « αβραξας ». Cependant, son écho se répandit en une onde de choc qui roula interminablement en ville. Les vitres explosèrent et les fuyards s’effondrèrent comme des quilles renversées. Mais les mages noirs restèrent debout alors qu’une demi-sphère translucide se formait autour du pentacle, secouée par la terrible puissance du Mot.
Le grondement apaisé, l'un des sacrificateurs redressa la tête. Dans l’ombre de son capuchon, Serin pu voir le sourire sur ses lèvres.
- Vous êtes puissante, comtesse. Cependant, même vous ne pouvez enfoncer aussi facilement un pentacle de protection formé pas les noms des sept princes des enfers.
Serin lui retourna un regard furieux. Ironiquement, son interlocuteur s’inclina.
- Puisque vous avez décidé de venir à notre rencontre. Je ne vais pas vous faire attendre plus longtemps.
Il se tourna vers le quatrième prisonnier, sa dague brandie.
Serin cria. Ce n’était pas un son unique mais une mélopée qui transperça le ciel. Lame pointée vers les nuages, la démone était tendue comme un arc. Ses yeux s’embrasèrent d’une lumière verte et corrosive.
Et si la démone appelait le ciel… le ciel répondit. La foudre frappa.
Le premier éclair tomba sur Ombrelune enveloppant la fille du duc d’Abysse d’une aura électrique. Cinq autres traits zigzagants creusèrent le dallage de la place, en l’espace de quelques secondes. Le septième se posa une nouvelle fois sur le cimeterre, les branches d’électricité se répandirent en crépitant. Les sceaux marqués dans le sol par les doigts de feu se mirent à rayonner. Un pentacle d’arcs de puissance se forma dans une puanteur d’ozone. Serin en était le centre et elle canalisait l’immense énergie déversée par les cieux à la pointe de sa lame. Lorsqu’elle arma son bras une boule de foudre se forma. Elle la lança vers le pentacle.
A des centaines de kilomètre de là, Even Evess s’immobilisa dans un seul coup. Erika, qui marchait à ses côtés, se retourna. L’elfe était pâle et hoquetait une main posée sur sa poitrine. Il fit deux ou trois pas à reculons, puis s’effondra.
- Even !!!
Mais il avait perdu conscience.
Virgile murmura un mot de pouvoir et leva le long bâton noir qu’il tenait en main. La sphère d’obsidienne qui le couronnait se mit à rayonner et entoura le mage d’une aura de lumière jaune pâle.
Au bout de seulement quelques pas, les silhouettes des gardes et des pompiers du guet urbain s’étaient estompées, avalées par la fumée. Même les cloches d’incendies et les appels n’étaient plus que des murmures. Les denses exhalaisons de l’incendie avaient fait entrer le vieux mage dans un autre univers. Son sortilège de protection était efficace. Malgré les volutes qui tourbillonnaient autours de lui, il respirait avec aise, sans souffrir ni de la fumée, ni de la chaleur.
Le magistère se sentait tendu, mais calme. Prêt à affronter ce qu’il trouverait.
Il pénétra sur la place pour découvrir les tentes transformées en brûlots. A quelques pas, un vaste signe luisait dans la lumière rouge de l’incendie. Un picotement l’avertit de jeter un œil à sa bague. La pierre d’habitude terne s’était illuminée. Il y avait de la magie dans l’air…
Virgile plongea en lui-même pour rechercher la source de son pouvoir. Trente ans plus tôt, il avait subit l’initiation supérieure. Il avait traversé le labyrinthe magique tracé dans les caves de l’Arcanum de Strasbourg. L’épreuve – potentiellement mortelle- l’avait transformé, le liant à cette fabuleuse source de puissance créée par les anciens mages.
Une flamme pâle apparue devant son visage aux yeux fermés. Comme Virgile se concentrait, le signe s’ouvrit pour prendre la forme de l’œil d’Horus qui était (et non sans raison) l’emblème de la guilde. Grâce à lui, paupières closes, le magicien voyait comme en plein jour. Le signe qu’il venait d’évoquer lui en donnait la possibilité… entre autre. En réponse à une demande du mage, l’Œil généra d’étranges cirrhes de lumière qui se déployèrent en éventail. Certains se contentaient de fouiller autour de lui, palpant les pavés arrachés à leurs logements, les corps vivants ou morts. Mais la plupart se regroupèrent aux limites de la zone incandescente incrustée dans le sol.
Au travers de l’Œil, la magie était visible comme un rayonnement dont les particularités changeaient selon le charme à l’œuvre. Ici, il s’agissait d’un enchantement de destruction. Ses extensions magiques lui permirent de sonder le pentacle de pierre fondu qui était tracé dans le sol. Il portait la marque très particulière de sa créatrice, la démone Serin Névarius.
Il y eu une sorte de crissement. Virgile s’immobilisa et tourna la tête. Malheureusement, si la vision magique était assez claire, la portée demeurait faible. Le bruit se reproduisit, à peu près dans la même direction.
Abandonnant le pentacle qui avait permis à la comtesse d’Absang de canaliser la foudre, le magicien s’avança en direction du bruit. Ses extensions continuaient de sonder le terrain devant lui.
Encore une fois, le son retentit. Juste à côté de lui… Virgile fouilla l’espace alentour, grâce aux multiples sens de l’Œil magique. Il comprit soudain et se baissa pour regarder les débris qui jonchaient la place. Des morceaux de pierres vitrifiés… C’était son propre pas qui générait le crissement de verre… à présent tout au moins. Car il y avait eu quelqu’un d’autre qui s’était tenu à cet endroit.
Il était encore en train de réfléchir à ce qui avait pu vitrifier ainsi la pierre, lorsque ses sens magiques s’affolèrent. Il n’eut que le temps de se jeter de côté. Deux tentacules de ténèbres claquèrent dans l’air, comme ils cherchaient à le saisir. Le mage contra l’attaque par réflexe. Il enroula les appendices lumineux projetés par l’œil d’Horus autour d’eux. Les deux formes d’énergie s’anéantirent mutuellement. Protégé par son bouclier magique, Virgile ne ressentit qu’une légère décharge électrique. Au contraire, ses adversaires hurlèrent. Dans sa vision très particulière, les « choses » qui l’attaquaient ressemblaient à des silhouettes faites d’ombres élusives. « Des Stygiens » murmura le vieux magicien.
Chapitre 17
La place occupée par les réfugiés s’était transformée en un lieu d’horreur. Les envoûtés s’étaient lancés à l’attaque de leurs frères sains d’esprits. On ne peut même pas dire que la formation d’un tourbillon d’obscurité acheva de paniquer les pauvres gens. Ils courraient déjà en tout sens, piétinant leurs tentes dans leur précipitation à fuir ce cauchemar.
Serin Névarius porta la main à son front pour essayer de chasser le malaise qui la faisait vaciller. Elle comprenait intellectuellement qu’elle venait de vivre un transport instantané d’un point à un autre. Ce n’était pas sa première expérience de ce genre. Cette fois, cependant le phénomène avait été brutal. Appuyée sur son épée, la démone s’assura sur ses jambes tremblantes. Ses yeux se plissèrent.
- Damoiselle, reprenez-vous vite !
Sy-Ô-Mi tendit la main pour montrer le maléfique pentagramme. Le sacrificateur venait d’arracher son cœur à un troisième envoûté. L’organe disparu comme les deux précédents. Une flamme rejoignit ses sœurs… brûlant dans la nuit.
Sans un mot, la fille d’Aran Névarius fit siffler sa lame et s’avança. Lorsqu’un ensorcelé se précipita vers elle, la démone pivota avec grâce sur ses bottines et posa le pommeau de son arme sur le front de son adversaire. Il y eut une lumière brutale et celui s’effondra à genoux en se tenant la tête entre les mains. «Ombrelune », le cimeterre de métal gravé d’étranges signes bleutés, n’était pas une lame ordinaire. La comtesse d’Absang l’avait trouvé dans un antique temple où des ennemis du duc, son père, s’efforçaient de ramener leur maitre à la vie. L’arme s’était liée à elle, l’ouvrant à un pouvoir étrange qu’elle appelait « la bénédiction de l’Ombre ».
Le troupeau des envoûté se précipita vers la comtesse d’Absang sans qu’elle ne leur accorda un regard. Sa main blanche s’éleva comme elle murmurait une incantation. Une étincelle de lumière jaunâtre naquit entre ses ongles longs, peints de noir.
- Ö’ffust osk uulta, marmonna-t-elle entre ses lèvres pâles.
Lorsque Serin ouvrit les doigts, l’escarbille se délita en un flash brutal. Cependant, la déflagration n’eut pas lieu sur ce plan d’existence. Les humains non ensorcelés, bien qu’éblouis, poursuivirent leur course aveugle. Au contraire, les marionnettes des mages noirs s’effondrèrent, balayés par l’impulsion.
Un sourire moqueur sur ses lèvres, la démone se tourna vers les sorciers. Moins choqués que leurs serviteurs, ils se redressèrent pour voir que les sacrifiés potentiels s’étaient eux aussi effondrés, libérés de leur domination. Ces deux magiciens noirs n’étaient pas humains. L’apparence qu’ils avaient adopté pouvait leurrer des mortels, la comtesse n’en était pas un.
Serin éclata de rire.
- Nombreux sont mes sortilèges et puissante est la force qui bat en moi. Vous me vouliez, Stygiens ? Me voilà ! Appréciez votre chance, je me déplace pas pour tout ceux qui me demandent.
Le premier de ces êtres protéiformes tira une baguette de sorbier de sous son manteau et la dirigea sur la démone.
- Zaï !
Un rayon de feu bleuâtre jaillit de l’instrument magique. Serin leva la main. En un instant, un entrelacs de signes et de figures géométriques se déployât devant ses doigts. Un bouclier de lumière sur lequel l’ouragan de flammes déchaîné par l’instrument magique vint se briser. Déjà, Serin ripostait. Sa voix ne fut qu’un murmure : « αβραξας ». Cependant, son écho se répandit en une onde de choc qui roula interminablement en ville. Les vitres explosèrent et les fuyards s’effondrèrent comme des quilles renversées. Mais les mages noirs restèrent debout alors qu’une demi-sphère translucide se formait autour du pentacle, secouée par la terrible puissance du Mot.
Le grondement apaisé, l'un des sacrificateurs redressa la tête. Dans l’ombre de son capuchon, Serin pu voir le sourire sur ses lèvres.
- Vous êtes puissante, comtesse. Cependant, même vous ne pouvez enfoncer aussi facilement un pentacle de protection formé pas les noms des sept princes des enfers.
Serin lui retourna un regard furieux. Ironiquement, son interlocuteur s’inclina.
- Puisque vous avez décidé de venir à notre rencontre. Je ne vais pas vous faire attendre plus longtemps.
Il se tourna vers le quatrième prisonnier, sa dague brandie.
Serin cria. Ce n’était pas un son unique mais une mélopée qui transperça le ciel. Lame pointée vers les nuages, la démone était tendue comme un arc. Ses yeux s’embrasèrent d’une lumière verte et corrosive.
Et si la démone appelait le ciel… le ciel répondit. La foudre frappa.
Le premier éclair tomba sur Ombrelune enveloppant la fille du duc d’Abysse d’une aura électrique. Cinq autres traits zigzagants creusèrent le dallage de la place, en l’espace de quelques secondes. Le septième se posa une nouvelle fois sur le cimeterre, les branches d’électricité se répandirent en crépitant. Les sceaux marqués dans le sol par les doigts de feu se mirent à rayonner. Un pentacle d’arcs de puissance se forma dans une puanteur d’ozone. Serin en était le centre et elle canalisait l’immense énergie déversée par les cieux à la pointe de sa lame. Lorsqu’elle arma son bras une boule de foudre se forma. Elle la lança vers le pentacle.
A des centaines de kilomètre de là, Even Evess s’immobilisa dans un seul coup. Erika, qui marchait à ses côtés, se retourna. L’elfe était pâle et hoquetait une main posée sur sa poitrine. Il fit deux ou trois pas à reculons, puis s’effondra.
- Even !!!
Mais il avait perdu conscience.
Virgile murmura un mot de pouvoir et leva le long bâton noir qu’il tenait en main. La sphère d’obsidienne qui le couronnait se mit à rayonner et entoura le mage d’une aura de lumière jaune pâle.
Au bout de seulement quelques pas, les silhouettes des gardes et des pompiers du guet urbain s’étaient estompées, avalées par la fumée. Même les cloches d’incendies et les appels n’étaient plus que des murmures. Les denses exhalaisons de l’incendie avaient fait entrer le vieux mage dans un autre univers. Son sortilège de protection était efficace. Malgré les volutes qui tourbillonnaient autours de lui, il respirait avec aise, sans souffrir ni de la fumée, ni de la chaleur.
Le magistère se sentait tendu, mais calme. Prêt à affronter ce qu’il trouverait.
Il pénétra sur la place pour découvrir les tentes transformées en brûlots. A quelques pas, un vaste signe luisait dans la lumière rouge de l’incendie. Un picotement l’avertit de jeter un œil à sa bague. La pierre d’habitude terne s’était illuminée. Il y avait de la magie dans l’air…
Virgile plongea en lui-même pour rechercher la source de son pouvoir. Trente ans plus tôt, il avait subit l’initiation supérieure. Il avait traversé le labyrinthe magique tracé dans les caves de l’Arcanum de Strasbourg. L’épreuve – potentiellement mortelle- l’avait transformé, le liant à cette fabuleuse source de puissance créée par les anciens mages.
Une flamme pâle apparue devant son visage aux yeux fermés. Comme Virgile se concentrait, le signe s’ouvrit pour prendre la forme de l’œil d’Horus qui était (et non sans raison) l’emblème de la guilde. Grâce à lui, paupières closes, le magicien voyait comme en plein jour. Le signe qu’il venait d’évoquer lui en donnait la possibilité… entre autre. En réponse à une demande du mage, l’Œil généra d’étranges cirrhes de lumière qui se déployèrent en éventail. Certains se contentaient de fouiller autour de lui, palpant les pavés arrachés à leurs logements, les corps vivants ou morts. Mais la plupart se regroupèrent aux limites de la zone incandescente incrustée dans le sol.
Au travers de l’Œil, la magie était visible comme un rayonnement dont les particularités changeaient selon le charme à l’œuvre. Ici, il s’agissait d’un enchantement de destruction. Ses extensions magiques lui permirent de sonder le pentacle de pierre fondu qui était tracé dans le sol. Il portait la marque très particulière de sa créatrice, la démone Serin Névarius.
Il y eu une sorte de crissement. Virgile s’immobilisa et tourna la tête. Malheureusement, si la vision magique était assez claire, la portée demeurait faible. Le bruit se reproduisit, à peu près dans la même direction.
Abandonnant le pentacle qui avait permis à la comtesse d’Absang de canaliser la foudre, le magicien s’avança en direction du bruit. Ses extensions continuaient de sonder le terrain devant lui.
Encore une fois, le son retentit. Juste à côté de lui… Virgile fouilla l’espace alentour, grâce aux multiples sens de l’Œil magique. Il comprit soudain et se baissa pour regarder les débris qui jonchaient la place. Des morceaux de pierres vitrifiés… C’était son propre pas qui générait le crissement de verre… à présent tout au moins. Car il y avait eu quelqu’un d’autre qui s’était tenu à cet endroit.
Il était encore en train de réfléchir à ce qui avait pu vitrifier ainsi la pierre, lorsque ses sens magiques s’affolèrent. Il n’eut que le temps de se jeter de côté. Deux tentacules de ténèbres claquèrent dans l’air, comme ils cherchaient à le saisir. Le mage contra l’attaque par réflexe. Il enroula les appendices lumineux projetés par l’œil d’Horus autour d’eux. Les deux formes d’énergie s’anéantirent mutuellement. Protégé par son bouclier magique, Virgile ne ressentit qu’une légère décharge électrique. Au contraire, ses adversaires hurlèrent. Dans sa vision très particulière, les « choses » qui l’attaquaient ressemblaient à des silhouettes faites d’ombres élusives. « Des Stygiens » murmura le vieux magicien.
_________________
Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots. William Faulkner
Anaxagore- Messages : 2234
Date d'inscription : 18/10/2015
Age : 50
Re: L'évadée des Abysses
Prologue du tome 3 :
La nuit était tombée depuis peu. Seules quelques braises écarlates achevaient de se consumer sur l'horizon, se reflétant dans l'eau calme et pure d'une rivière. Le ciel couvert d'épais nuages ne laissait passer la lumière d'aucune étoile. Les bois sombres s'étalaient sur les deux rives, crochant le ciel de leurs branches torturées, dénuées de feuilles. Il faisait froid et le vent murmurait à mi-voix son éternelle antienne.
Sur la route de terre qui longeait le cours d'eau, un carrosse apparut soudain. Nul cocher ne faisait claquer le fouet pour diriger les chevaux spectraux et translucides qui constituaient l'attelage. Le véhicule lui-même était une parodie, ne gardant que l'aspect général de ceux que les humains fabriquaient. Noir, orné de cornes et de pointes, il avait un aspect démoniaque, comme ses passagers.
Ils étaient deux.
Elle...
C'était une créature à la beauté exotique, qui se tenait dans une pose alanguie sur la banquette arrière. Ses cheveux cendrés cascadaient sur ses épaules, artistiquement décoiffés. Sa robe révélait bien plus qu'elle ne cachait, découvrant jusque la hanche la peau brune et satinée d'une longue jambe galbée. Offerte, la moitié de sa poitrine se révélait en un décolleté ostentatoire. Hella Malthus, baronne de Noires-Nuées, se savait belle et désirable... cela expliquait sans doute l'éclat furieux de ses yeux lilas comme elle regardait son impassible vis-à-vis.
Lui...
Qui était-il ? Le genre masculin ne lui était attribué que par défaut, sans certitude. Vêtu d'une longue robe rouge, son capuchon ne révélait qu'un masque de cuir de même couleur, orné au milieu du front d'une gemme bleue. Seules deux fentes au niveau des yeux permettaient d'en voir l'éclat. Quelle était leur couleur ? Impossible de le savoir dans la pénombre. Ce... Masque... était un sphinx, une énigme à l'intérieur d'un mystère. Hella ne savait rien de lui. Il ne s'était présenté sous aucun nom, n'avait répondu à aucune question depuis qu'il était venue la chercher.
Fière et puissante, la baronne n'aurait toléré une telle conduite d'aucun être. Toutefois, à la seule idée de s'opposer au Masque, son instinct se rebellait. C'était un être très puissant, elle le sentait. Et à ses côtés se tenaient des forces terribles. Cependant, Hella n'avait pas vraiment peur. La démone avait confiance dans ses propres capacités. Ce ne serait pas la première fois que sa ruse et son intelligence lui permettrait de prendre l'avantage dans une situation défavorable.
- Je vous trouve bien cavalier, très cher Masque. Vous emmenez une dame de haut rang. Dois-je vous apprendre que je suis la fille d’Halphas Malthus, comte des enfers, le bâtisseur de villes et l’organisateur des Abysses ? Démon également connu comme l'armurier des plans inférieurs, un des maîtres dans l’art de la goétie, seigneur de vingt-six légions de démons et d’esprits guerriers.
- Masque ?
La voix sans timbre de la silhouette rouge ne marquait pas vraiment de surprise.
- Un nom qui en vaut un autre quand on n'en offre aucun...
- Alors va pour Masque...
Hella Malthus sourit. Par réflexe, elle se comportait toujours comme si la situation l'amusait. En fait, elle bouillonnait intérieurement.
- Vous n'allez pas me dire où vous me conduisez, n'est-ce pas ? "Vous l'apprendrez bien en arrivant !" ou quelque chose de ce genre...
- Oui, quelque chose de ce genre...
- Aimable et avec de bonnes manières, persiffla Hella.
La remarque acide n'obtient nul effet apparent et la démone choisit de s'armer de patience, espérant que les choses s'expliqueraient d'elles-mêmes. Ce carrosse la conduisait quelque part, il lui suffisait d'attendre.
Plus d'une heure passa dans le silence pesant de la petite cabine. Finalement, le véhicule obliqua par un chemin de traverse mal entretenu qui les secoua de cahots. Heureusement, la destination de ce voyage était là, juste au bout. Dans un dernier grincement d'essieu le carrosse s'immobilisa. Comme l'être au masque rouge descendait, Hella le suivit.
Les lieux n'auraient pu être plus désolés.
Le paysage nocturne se résumait à une lande sinistre et caillouteuse, sous un ciel tourmenté. Il faisait sombre, mais pas assez pour ne point distinguer une volée de marches disjointes qui menait à un cercle de pierres levées entourant un autel bas.
Masque commença l'ascension et au bout de quelques degrés se retourna pour attendre Hella. Cette dernière soupira et le suivit.
- J'ai connu des lieux plus romantiques pour un rendez-vous avec une belle dame.
Même à ses oreilles sa réplique sonnait assez faux. La démone se tança intérieurement d'étaler ainsi sa nervosité. Arrivée au sommet de la petite colline, elle regarda alentour, affichant un léger air d'ennui.
Il y eut soudain une sorte de craquement et l'air se distordit. À une dizaine de pas des monolithes, une fluorescence violette se répandit et s'assombrit rapidement pour former un vortex de ténèbres en mutation. Le monde sembla soudain cesser d'exister à l'extérieur de ce cercle. Une cascade de sons criards et de couleurs impossibles le remplaça. Hella s'immobilisa car ces étranges phénomènes n'étaient rien par rapport à la sensation de présence oppressante qu'ils accompagnaient.
Un cercle de visage fuligineux, les yeux comme des abymes embrassés, s'inscrivit dans l'air. Ils apparaissaient et disparaissaient par intermittences, semblant à avoir du mal à se matérialiser.
- Qui êtes-vous ?!
Une cacophonie de voix distordues, assourdies ou au contraire aiguës, répondit, roulant en écho.
- Nous sommes Ils... immortels par delà du temps... hurlant sans bouche... Sans but mais allant vers un point... se souvenant sans mémoire... prisonniers sans prison...
- Que me voulez-vous ?
- Te... juger.
La démone sembla soudain gagner en taille, les ténèbres l'entourèrent. A son front apparu un signe lumineux, pentagramme inversé, et de hautes cornes. Des ailes de chauves-souris claquèrent à ses épaules. Elle brandit le feu dans sa main, prête à frapper. Ses yeux eux-mêmes n'étaient plus qu'un brasier pervenche et sa bouche découvrit des crocs aigus. Elle parut soudain aussi terrible que puissante...
- Je suis Hella Malthus, je suis mon propre maître et mon propre juge !
- Tu n'es rien... en notre présence !
Une sphère de lumière verte enveloppa la baronne qui hurla et s'effondra au sol.
- Connait... ta place !
La douleur martyrisait la démone. Elle tenta de se redresser mais la puissance qui l'accablait la frappa avec encore plus de violence, jusqu'à ce qu'elle perde connaissance....
La nuit était tombée depuis peu. Seules quelques braises écarlates achevaient de se consumer sur l'horizon, se reflétant dans l'eau calme et pure d'une rivière. Le ciel couvert d'épais nuages ne laissait passer la lumière d'aucune étoile. Les bois sombres s'étalaient sur les deux rives, crochant le ciel de leurs branches torturées, dénuées de feuilles. Il faisait froid et le vent murmurait à mi-voix son éternelle antienne.
Sur la route de terre qui longeait le cours d'eau, un carrosse apparut soudain. Nul cocher ne faisait claquer le fouet pour diriger les chevaux spectraux et translucides qui constituaient l'attelage. Le véhicule lui-même était une parodie, ne gardant que l'aspect général de ceux que les humains fabriquaient. Noir, orné de cornes et de pointes, il avait un aspect démoniaque, comme ses passagers.
Ils étaient deux.
Elle...
C'était une créature à la beauté exotique, qui se tenait dans une pose alanguie sur la banquette arrière. Ses cheveux cendrés cascadaient sur ses épaules, artistiquement décoiffés. Sa robe révélait bien plus qu'elle ne cachait, découvrant jusque la hanche la peau brune et satinée d'une longue jambe galbée. Offerte, la moitié de sa poitrine se révélait en un décolleté ostentatoire. Hella Malthus, baronne de Noires-Nuées, se savait belle et désirable... cela expliquait sans doute l'éclat furieux de ses yeux lilas comme elle regardait son impassible vis-à-vis.
Lui...
Qui était-il ? Le genre masculin ne lui était attribué que par défaut, sans certitude. Vêtu d'une longue robe rouge, son capuchon ne révélait qu'un masque de cuir de même couleur, orné au milieu du front d'une gemme bleue. Seules deux fentes au niveau des yeux permettaient d'en voir l'éclat. Quelle était leur couleur ? Impossible de le savoir dans la pénombre. Ce... Masque... était un sphinx, une énigme à l'intérieur d'un mystère. Hella ne savait rien de lui. Il ne s'était présenté sous aucun nom, n'avait répondu à aucune question depuis qu'il était venue la chercher.
Fière et puissante, la baronne n'aurait toléré une telle conduite d'aucun être. Toutefois, à la seule idée de s'opposer au Masque, son instinct se rebellait. C'était un être très puissant, elle le sentait. Et à ses côtés se tenaient des forces terribles. Cependant, Hella n'avait pas vraiment peur. La démone avait confiance dans ses propres capacités. Ce ne serait pas la première fois que sa ruse et son intelligence lui permettrait de prendre l'avantage dans une situation défavorable.
- Je vous trouve bien cavalier, très cher Masque. Vous emmenez une dame de haut rang. Dois-je vous apprendre que je suis la fille d’Halphas Malthus, comte des enfers, le bâtisseur de villes et l’organisateur des Abysses ? Démon également connu comme l'armurier des plans inférieurs, un des maîtres dans l’art de la goétie, seigneur de vingt-six légions de démons et d’esprits guerriers.
- Masque ?
La voix sans timbre de la silhouette rouge ne marquait pas vraiment de surprise.
- Un nom qui en vaut un autre quand on n'en offre aucun...
- Alors va pour Masque...
Hella Malthus sourit. Par réflexe, elle se comportait toujours comme si la situation l'amusait. En fait, elle bouillonnait intérieurement.
- Vous n'allez pas me dire où vous me conduisez, n'est-ce pas ? "Vous l'apprendrez bien en arrivant !" ou quelque chose de ce genre...
- Oui, quelque chose de ce genre...
- Aimable et avec de bonnes manières, persiffla Hella.
La remarque acide n'obtient nul effet apparent et la démone choisit de s'armer de patience, espérant que les choses s'expliqueraient d'elles-mêmes. Ce carrosse la conduisait quelque part, il lui suffisait d'attendre.
Plus d'une heure passa dans le silence pesant de la petite cabine. Finalement, le véhicule obliqua par un chemin de traverse mal entretenu qui les secoua de cahots. Heureusement, la destination de ce voyage était là, juste au bout. Dans un dernier grincement d'essieu le carrosse s'immobilisa. Comme l'être au masque rouge descendait, Hella le suivit.
Les lieux n'auraient pu être plus désolés.
Le paysage nocturne se résumait à une lande sinistre et caillouteuse, sous un ciel tourmenté. Il faisait sombre, mais pas assez pour ne point distinguer une volée de marches disjointes qui menait à un cercle de pierres levées entourant un autel bas.
Masque commença l'ascension et au bout de quelques degrés se retourna pour attendre Hella. Cette dernière soupira et le suivit.
- J'ai connu des lieux plus romantiques pour un rendez-vous avec une belle dame.
Même à ses oreilles sa réplique sonnait assez faux. La démone se tança intérieurement d'étaler ainsi sa nervosité. Arrivée au sommet de la petite colline, elle regarda alentour, affichant un léger air d'ennui.
Il y eut soudain une sorte de craquement et l'air se distordit. À une dizaine de pas des monolithes, une fluorescence violette se répandit et s'assombrit rapidement pour former un vortex de ténèbres en mutation. Le monde sembla soudain cesser d'exister à l'extérieur de ce cercle. Une cascade de sons criards et de couleurs impossibles le remplaça. Hella s'immobilisa car ces étranges phénomènes n'étaient rien par rapport à la sensation de présence oppressante qu'ils accompagnaient.
Un cercle de visage fuligineux, les yeux comme des abymes embrassés, s'inscrivit dans l'air. Ils apparaissaient et disparaissaient par intermittences, semblant à avoir du mal à se matérialiser.
- Qui êtes-vous ?!
Une cacophonie de voix distordues, assourdies ou au contraire aiguës, répondit, roulant en écho.
- Nous sommes Ils... immortels par delà du temps... hurlant sans bouche... Sans but mais allant vers un point... se souvenant sans mémoire... prisonniers sans prison...
- Que me voulez-vous ?
- Te... juger.
La démone sembla soudain gagner en taille, les ténèbres l'entourèrent. A son front apparu un signe lumineux, pentagramme inversé, et de hautes cornes. Des ailes de chauves-souris claquèrent à ses épaules. Elle brandit le feu dans sa main, prête à frapper. Ses yeux eux-mêmes n'étaient plus qu'un brasier pervenche et sa bouche découvrit des crocs aigus. Elle parut soudain aussi terrible que puissante...
- Je suis Hella Malthus, je suis mon propre maître et mon propre juge !
- Tu n'es rien... en notre présence !
Une sphère de lumière verte enveloppa la baronne qui hurla et s'effondra au sol.
- Connait... ta place !
La douleur martyrisait la démone. Elle tenta de se redresser mais la puissance qui l'accablait la frappa avec encore plus de violence, jusqu'à ce qu'elle perde connaissance....
_________________
Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots. William Faulkner
Anaxagore- Messages : 2234
Date d'inscription : 18/10/2015
Age : 50
Re: L'évadée des Abysses
A partir de demain (le 19 janvier) et jusqu'au 23 janvier le livre 'Par l'acier, la vapeur et la sorcellerie", tome 1 de la trilogie, pourra être téléchargé gratuitement. https://www.amazon.fr/dp/B00VF7Y53U
_________________
Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots. William Faulkner
Anaxagore- Messages : 2234
Date d'inscription : 18/10/2015
Age : 50
Re: L'évadée des Abysses
le tome 1 de la trilogie : " Par l'acier, la vapeur et la sorcellerie" est à présent disponible ne livres brochés -> https://www.amazon.fr/dp/1520445636?ref_=pe_870760_150889320
_________________
Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots. William Faulkner
Anaxagore- Messages : 2234
Date d'inscription : 18/10/2015
Age : 50
Re: L'évadée des Abysses
Le tome 2 devrait être bientôt disponible : https://www.amazon.fr/dp/1520500254?ref_=pe_870760_150889320
_________________
Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots. William Faulkner
Anaxagore- Messages : 2234
Date d'inscription : 18/10/2015
Age : 50
Re: L'évadée des Abysses
Petite question, en quel format de typographie sont les tome ?
Si c'est comme ''La nef de Pandore'', je le prend aussi en ''live'' mais comme écrit auparavant, celui de ''Née dans un tombeau'' me fait grimacé.
Si c'est comme ''La nef de Pandore'', je le prend aussi en ''live'' mais comme écrit auparavant, celui de ''Née dans un tombeau'' me fait grimacé.
Re: L'évadée des Abysses
Collectionneur a écrit:Petite question, en quel format de typographie sont les tome ?
Si c'est comme ''La nef de Pandore'', je le prend aussi en ''live'' mais comme écrit auparavant, celui de ''Née dans un tombeau'' me fait grimacé.
je ne sais pas vraiment ce que cela donne en vrai, je n'ai jamais tenu les exemplaires physiques en main. Je fais la mise en page sur un logiciel qui m'indique quand les mots et les illustrations sortent des marges, je recommence jusqu'à ce que les phrases entrent dans ce cadre.
_________________
Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots. William Faulkner
Anaxagore- Messages : 2234
Date d'inscription : 18/10/2015
Age : 50
Re: L'évadée des Abysses
Voilà, le tome 3 devrait très bientôt être disponible en version physique ici - >https://www.amazon.fr/dp/1520576935?ref_=pe_870760_150889320
_________________
Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots. William Faulkner
Anaxagore- Messages : 2234
Date d'inscription : 18/10/2015
Age : 50
Re: L'évadée des Abysses
Si vous achetez mes livres, notez-les ! Laissez des commentaires.
N'oubliez pas que vous - les acheteurs- êtes mes seuls agents publicitaires !
N'oubliez pas que vous - les acheteurs- êtes mes seuls agents publicitaires !
_________________
Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots. William Faulkner
Anaxagore- Messages : 2234
Date d'inscription : 18/10/2015
Age : 50
Re: L'évadée des Abysses
J'ai reçu le tome 1 ce samedi, pas encore eu le temps de le commencé. La typographie est correcte et lisible comme pour la nef de Pandore.
Re: L'évadée des Abysses
Merci !
_________________
Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots. William Faulkner
Anaxagore- Messages : 2234
Date d'inscription : 18/10/2015
Age : 50
Re: L'évadée des Abysses
Je commence enfin la version brochée de ce roman en cette nuit ou je commence ma 46e année sur mon lieu de travail, c'est pas la joie, - Tempus fugit...-.
Je me doit de signalé 2 fautes sur la 4e de couverture.
Une race aussi ''ancienen''... D'étran''''es circonstances...
Problème avec la numérotation des pages Elle est coupée, et le troisième chiffre est totalement absent.
Le texte lui-même est excellent, je ne relève pas grand chose a part de la ponctuation :
P. 3 : un vol de corbeau''x'' s'éleva...
P. 9 : Les boucs ont quittés les Ardennes. Une de leur''s'' horde''s''
P. 38 : virgule oublié : Alors, nécromancienne '','' est ce tout dont tu est capable ?
5 h 15, j'arrête, la relève arrive.
-------------
28 mai, 1h50, début d'une nouvelle séance de lecture :
Chapitre 5, p. 41, virgule a mettre a : Vous êtes une équipe '' '' agissez comme tel !
P. 45 : Manfred donna un coup de pied rageur dans le bois pourri''s en trop'' qui vola en éclat.
- Hé '', a mettre'' de l'or...
Chapitre 6, p. 47 :
- Ah, c'est bon ''. Oublié'' rejoignez vos hommes, capitaine.
Virgule à mettre : - Je te salue '',''seigneur Raum, grand croix de l'ordre des trône s...
Chapitre 7, p. 54, à la fin de la phrase suivante :
...Ce n'est pas idéal, je vous l'accorde, mais je crois que vous préférerez cela à un séjour dans les salles de tortures de Nevarius suivi par un démembrement publique\public.
Au dernier paragraphe du 7e chapitre, p. 63, majuscule oublié :
- Règle numéro un : on/On reconnaît...
_________________________
1er juin, 2h du matin, je recommence :
Chapitre 11, p. 96 : virgule en trop : - Heu...c'est à vous que, je pensais le demandé.
P. 102 : lettre en trop : Les nouveaux venus ne recueillirent que peu''t'' d'attention de la jeune démone.
P. 104 : lettre en moins :...une part de lui reconnaissait le long escalier en spiral''..e..''
____________________
Mercredi 6 juin :
Chapitre 24, p. 182 : de oublié : je suis tout ce que vous recevrez de Von Bulherhole pour la défense .... Freibourg.
Chapitre 25, p.190, avant d'entrer dans le labyrinthe : Vous ferez face à un défi(t en trop) qui vous est propre. Normalement, la traversé(e oublié) est un acte individuel.
Chapitre 26, p. 198, combat entre Erika von Bullow et Haarghanfang : Erika donna (un oublié) coup de pied à l'arrière de la rotule.
P. 198 : Il se tourna de côté, levant (s oublié)on fléau...
Chapitre 27, p. 200 : L'intendance avait suivi en envoyant un apothicaire ainsi que de quoi armer les soldats formé(s oublié).
Chapitre 38, p. 286, de oublié : ,mais une décharge .... canon à faisceaux traversa de part en part une troupe d'infanterie.
Chapitre 39, p. 290, ortogaffe : Le poste d'observation des mages était la colline où les jeteurs de sorts s'érairnt...étaient repliés..
Je me doit de signalé 2 fautes sur la 4e de couverture.
Une race aussi ''ancienen''... D'étran''''es circonstances...
Problème avec la numérotation des pages Elle est coupée, et le troisième chiffre est totalement absent.
Le texte lui-même est excellent, je ne relève pas grand chose a part de la ponctuation :
P. 3 : un vol de corbeau''x'' s'éleva...
P. 9 : Les boucs ont quittés les Ardennes. Une de leur''s'' horde''s''
P. 38 : virgule oublié : Alors, nécromancienne '','' est ce tout dont tu est capable ?
5 h 15, j'arrête, la relève arrive.
-------------
28 mai, 1h50, début d'une nouvelle séance de lecture :
Chapitre 5, p. 41, virgule a mettre a : Vous êtes une équipe '' '' agissez comme tel !
P. 45 : Manfred donna un coup de pied rageur dans le bois pourri''s en trop'' qui vola en éclat.
- Hé '', a mettre'' de l'or...
Chapitre 6, p. 47 :
- Ah, c'est bon ''. Oublié'' rejoignez vos hommes, capitaine.
Virgule à mettre : - Je te salue '',''seigneur Raum, grand croix de l'ordre des trône s...
Chapitre 7, p. 54, à la fin de la phrase suivante :
...Ce n'est pas idéal, je vous l'accorde, mais je crois que vous préférerez cela à un séjour dans les salles de tortures de Nevarius suivi par un démembrement publique\public.
Au dernier paragraphe du 7e chapitre, p. 63, majuscule oublié :
- Règle numéro un : on/On reconnaît...
_________________________
1er juin, 2h du matin, je recommence :
Chapitre 11, p. 96 : virgule en trop : - Heu...c'est à vous que, je pensais le demandé.
P. 102 : lettre en trop : Les nouveaux venus ne recueillirent que peu''t'' d'attention de la jeune démone.
P. 104 : lettre en moins :...une part de lui reconnaissait le long escalier en spiral''..e..''
____________________
Mercredi 6 juin :
Chapitre 24, p. 182 : de oublié : je suis tout ce que vous recevrez de Von Bulherhole pour la défense .... Freibourg.
Chapitre 25, p.190, avant d'entrer dans le labyrinthe : Vous ferez face à un défi(t en trop) qui vous est propre. Normalement, la traversé(e oublié) est un acte individuel.
Chapitre 26, p. 198, combat entre Erika von Bullow et Haarghanfang : Erika donna (un oublié) coup de pied à l'arrière de la rotule.
P. 198 : Il se tourna de côté, levant (s oublié)on fléau...
Chapitre 27, p. 200 : L'intendance avait suivi en envoyant un apothicaire ainsi que de quoi armer les soldats formé(s oublié).
Chapitre 38, p. 286, de oublié : ,mais une décharge .... canon à faisceaux traversa de part en part une troupe d'infanterie.
Chapitre 39, p. 290, ortogaffe : Le poste d'observation des mages était la colline où les jeteurs de sorts s'érairnt...étaient repliés..
Dernière édition par Collectionneur le Mer 7 Juin - 5:00, édité 15 fois (Raison : Relecture)
Re: L'évadée des Abysses
Début de la lecture de Soif de sang reçu samedi avec le tome 3.
4e de couverture : majuscule oublié a ''pour les contrer,''
P. 1 : un mot oublié, un sortilège qui tourne mal projette la démone dans le monde .... Drakenland.
P. 7 : Dernière phrase du prologue : Au contraire, c'est TOI qui es( t oublié) mon ancre !
Chapitre 4, p. 39 : Tout sourire, Navi se retourna vers son publique\public.
Chapitre 5, p. 41, a la première phrase : La brume qui stagnait sur Ker Adner était produite par pas/par le lac...
P. 43, s oublié : Ils eurent un mouvement de recul en voyant débarqué un flot d'orque(s)
Chapitre 14, p. 103 : Ce volatile imprudent s'arrêtait pas de relancé les gobelins. Impudent peut être ?
Plusieurs fois camp de réfugié avec s oublié.
Chapitre 18, p.131 : espace entre deux syllabes : il laissa ensuite le sortilège temporel se dissiper, autant pour juger l'effet de son attaque que pour économiser sa ma .... gie.
Chapitre 34, p. 241 : Comment de simples humaine/humains auraient-ils pu venir à bout d'un monstre pareil ?
P. 246, la dernière phrase du chapitre 34 : Sans noir ou Sang noir ! ?
Chapitre 35, p. 249, e oublié : ...autour d'elles tourbillonnaient des ''nué''e''s'' d'enfants braillards.
Chapitre 37, p. 261: L'elfe avait été son seul soutien ( t en trop).
Fin du chapitre 38, p. 273, lapsus : - Et des(tes) deux compagnons blessés ?
Chapitre 41, p. 291, après la bataille, espace oublié : Bien, bien, bien... voila ce que j'appelle une journée remplie. Il ''ya'' des jours, je trouve que ma charge est une joie sans mélange !
P. 293, s oublié : Des chariots, des cavaliers et des piétons se mélangeaient aux porcs qui gambadaient au milieu des ordures qu'on l'on jetait depuis les étages... aspergeant parfois les passant(s).
P. 294, une page avant le chapitre 42, e en trop : - Encore une fois, j'ai beaucoup dormi(e) et j'ai fait d'autres rêves étranges.
P. 295, chapitre 42, s en trop : La Transylvanie était un pays froid(s)
4e de couverture : majuscule oublié a ''pour les contrer,''
P. 1 : un mot oublié, un sortilège qui tourne mal projette la démone dans le monde .... Drakenland.
P. 7 : Dernière phrase du prologue : Au contraire, c'est TOI qui es( t oublié) mon ancre !
Chapitre 4, p. 39 : Tout sourire, Navi se retourna vers son publique\public.
Chapitre 5, p. 41, a la première phrase : La brume qui stagnait sur Ker Adner était produite par pas/par le lac...
P. 43, s oublié : Ils eurent un mouvement de recul en voyant débarqué un flot d'orque(s)
Chapitre 14, p. 103 : Ce volatile imprudent s'arrêtait pas de relancé les gobelins. Impudent peut être ?
Plusieurs fois camp de réfugié avec s oublié.
Chapitre 18, p.131 : espace entre deux syllabes : il laissa ensuite le sortilège temporel se dissiper, autant pour juger l'effet de son attaque que pour économiser sa ma .... gie.
Chapitre 34, p. 241 : Comment de simples humaine/humains auraient-ils pu venir à bout d'un monstre pareil ?
P. 246, la dernière phrase du chapitre 34 : Sans noir ou Sang noir ! ?
Chapitre 35, p. 249, e oublié : ...autour d'elles tourbillonnaient des ''nué''e''s'' d'enfants braillards.
Chapitre 37, p. 261: L'elfe avait été son seul soutien ( t en trop).
Fin du chapitre 38, p. 273, lapsus : - Et des(tes) deux compagnons blessés ?
Chapitre 41, p. 291, après la bataille, espace oublié : Bien, bien, bien... voila ce que j'appelle une journée remplie. Il ''ya'' des jours, je trouve que ma charge est une joie sans mélange !
P. 293, s oublié : Des chariots, des cavaliers et des piétons se mélangeaient aux porcs qui gambadaient au milieu des ordures qu'on l'on jetait depuis les étages... aspergeant parfois les passant(s).
P. 294, une page avant le chapitre 42, e en trop : - Encore une fois, j'ai beaucoup dormi(e) et j'ai fait d'autres rêves étranges.
P. 295, chapitre 42, s en trop : La Transylvanie était un pays froid(s)
Dernière édition par Collectionneur le Mer 21 Juin - 4:56, édité 13 fois (Raison : Relecture)
Re: L'évadée des Abysses
Juste une petite question. Il n'y avait pas de place pour écrire comment le dragonneau Fang s'est lié à Even ?
Re: L'évadée des Abysses
C'est juste que c'est un "familier" au sens magique du terme, il a été invoqué par sortilège. Un classique du genre.
_________________
Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots. William Faulkner
Anaxagore- Messages : 2234
Date d'inscription : 18/10/2015
Age : 50
Re: L'évadée des Abysses
Depuis plusieurs années, on me demande d'écrire une suite à l'Evadée des Abysses. J'ai décidé d'exaucer les #%@& de &!§ qui me tarabustent avec ça !
Voici un premier jet du prologue.
Près de vingt ans plus tôt, ce village avait été ravagé par la guerre et laissé à l'abandon. Il s'en était passé des choses à cette époque. Des démons au service de Raum avaient déferlé sur l'Empire de Drakanland, à la recherche de Serin Névarius, fils d'Aran Névarius, duc d'Abysse, un des tétrarques des enfers. Il en avait résulté une grande guerre et plusieurs batailles féroces. La région de l'empire bordant la mer du Rhin avait été ravagée et le pays portait encore les stigmates de ce conflit, même si près d'une génération s'était écoulée.
Cela n'avait pas empêché la vie de suivre son cours. Les survivants - des plus humbles aux plus célèbres - avaient repris le cours de leur existence. Ils s'étaient mariés, avaient fondés une famille. Leurs enfants avaient grandi...
Pour la plupart des gens, les événements du passé n'étaient que cela, du passé. On parlait encore de l'invasion de Raum... mais le soir à la veillée, lorsqu'un vétéran racontait une histoire que tous connaissaient déjà, en échange d'un verre.
Le vent hivernal de cette fin décembre s'engouffra entre les baraques en ruine. Il fait claquer les vieilles planches et crépiter les torches tenues par un cercle d'individu vêtus de cape rouge.
Adam tremblait et le froid n'était pour rien dans ses frissons. Seul individu présent à ne pas être vêtu de rouge, poussé par deux des porteurs de manteau, il fut pratiquement jeté à l'intérieur du cercle qu'ils formaient.
Un cercle... oui... au sens magique du terme... tracé sur le sol avec de la poudre d'argent, aggrémenté de lettres hébraïques, de symboles kabbalistiques et d'objets : crânes remodelés, bol d'or, calice, encensoir... tout un bric-à-brac mystique. Même l'individu le plus ignorant aurait compris qu'un grand rituel se préparait.
Adam tourna sur lui-même. L'adolescent blond au visage d'ange était connu de ses proches pour son impassibilité... du moins d'habitude. Cependant, à l'extérieur du pentacle, les individus en cape rouge étaient menaçant, silencieux. Cependant, tous le regardaient. Le blondinet sentait le poids intense des yeux invisibles sous les capuchons. La peur l'étreignit.
Il se tourna vers le maître du rituel qui achevait les préparatifs.
- Père ! Pourquoi...
- Je ne suis pas ton père, cria ce dernier avec une sombre colère.
L'homme ne se contenait que difficilement, en proie à une violente haine pour cet enfant né des œuvres de son épouse... mais qui l'emplissait d'un profond dégoût.
- Jamais je n'accepterais ce mot dans ta bouche ! Jamais je n'accepterais d'avoir engendré une telle abomination. ! Certains mots font plus de mal qu'un coup de poing.
Adam savait que son père ne l'aimait pas et refusait même de l'approcher. Cependant... ces mots le poignardaient en plein cœur, enfoncés jusqu'à la garde, rouvrant de vieilles blessures. La solitude... il avait grandi dans la grande maison familiale. Il ne manquait de rien. Seulement, ses parents n'avaient jamais montré pour lui le moindre amour. Les rares fois où il avait réussi à approcher son père, ce dernier l'avait repoussé comme s'il était une chose dégoutante.
Quel crime avait-il commis ? "Jamais Jamais je n'accepterais d'avoir engendré une telle abomination ". Pour son père, il n'était pas un fils. Il n'était même pas une personne, juste... un objet de répulsion. Sa naissance même était criminelle. Mais pourquoi ? L'intéressé n'en savait rien... jamais rien ne lui avait été expliqué.
La peur fit face à la résignation. Les yeux d'Adam parcoururent la ronde d'adulte qui l'entourait. Aucun ami... aucune assistance... que pouvait-il faire du haut de ses quinze ans face à tant d'ennemis ? Rien... rien... rien... Il se laissa tomber à genoux, anéantis.
Leurs préparatifs achevés, les sorciers rouges commencèrent à incanter une sombre antienne.
- Baalberith témoin des serments, nous t'invoquons, soit le témoin de notre pacte commença le maître du rituel.
En chœur, les autres membres - voix de femmes et d'hommes mêlées- reprirent ces mêmes paroles.
- En ce lieu de massacre où les innocents ont trouvé la mort, nous t'invoquons.
- Paymon, grand roi, maître de deux cent légions, ouvre la porte au nom du fer froid, du prêtre impie, du calice d'ichor, de l'eau du Styx et de la ciguë qui te sont offerts.
- Ouvre la porte par laquelle convergent les mondes.
- Ouvre la porte ! Ouvre la porte ! Ouvre la porte. Par trois fois je te le demande.
Le cercle d'invocation - à ces mots impies - c'était mis à pulser. Une odeur méphitique fit étouffer Adam. Épouvanté, il vit une lumière d'un vert de marécage s'élever des glyphes.
- Prend celui-ci et précipite-le dans le séjour infernal. Envoie-le là où le Déchu est à sa place.
Il y eut un soubresaut qui fit penser à un tremblement de terre. Puis, le centre du pentacle parut s'effondrer, comme si un éboulement se produisait sous les pieds d'Adam. C'était pourtant bien pire que ça... Des ténèbres plus profondes que l'absence de lumière dévoraient le pentacle. L'adolescent voulut se relever, fuir. Toutefois, il n'arrivait plus à bouger d'un cil, même sa bouche était scellée. Le néant déferla sur lui.
Sa première sensation fut de reposer sur un sol dur, inégal. Une pierre aiguë lui rentrait dans les reins. Adam ouvrit les yeux et, pendant quelques instants, se demanda ce qu'il fixait. Des couleurs tournaient dans le ciel, amassées en un tourbillon qui pulsait lentement, répandant une lumière étrange. Il tourna la tête.
Autour de lui, le paysage était rouge.
Des rochers déchiquetés montaient vers un ciel qui contenait toutes les teintes de la palette du peintre. Ces épieux de roches acérées, brutes se dressaient dans toutes les directions, érodés et fendillés. Redressé sur une main, Adam chercha un point de repère dans ce relief karstique, un lieu un peu plus engageant... n'importe quoi.
C'était... impossible, ce paysage ne pouvait pas exister... ni ce ciel chimérique où les couleurs prises de folies formaient une sarabande tourbillonnante. Le rituel... son père l'avait envoyé aux enfers !
Le sol de pierre brute présentait un aspect nu, avec de rares touches de végétation desséchée. Il y avait de la vie dans ces montagnes, mais quelle vie... Adam découvrit d'abord un portique taillé. L'ouvrage était artificiel, indéniablement né du travail du maçon. Cependant, il en pendait une cage de fer rouillée qui contenait encore un squelette qui n'était pas celui d'un homme ou d'une bête connue en Drakenland. Au-delà, au bout d'une sorte de route, on discernait une espèce de château qui ressemblait au premier prix de la laideur architecturale. Les murs étaient penchés sous des angles impossibles, les tours en forme de champignons ; sculptées d'ergots. Des corps pendus, des têtes coupées et d'autres reliques macabres achevaient d'en faire un objet d'horreur.
Oui, il était aux enfers.
Le bruit de cailloux dévalant une pente poussa Adam à se retourner.
Ils étaient quatre, d'une couleur rose plus que ridicule. De forme sphérique, avec quatre bras, ils auraient poussé au rire sans la bouche énorme et garni de dents qui - avec leurs grands yeux - marquaient la surface de la boule qui leur servait de corps.
Les monstres coururent vers Adam qui prit la fuite, passant sous l'arche. Les créatures étaient heureusement plus lentes que lui et il put les distancer. Son premier réflexe de panique passé, son cerveau se remit à fonctionner. Sa course le menait droit vers le château... Vu son apparence hideuse, il s'agissait probablement du dernier endroit où espérer trouver des secours.
Un choc sourd le fit se retourner. Un nouveau venu venait de sauter depuis un des rochers. Immense et humanoïde, sa peau était bleue. Il était vêtu d'un pagne, de bottes et de bracelets de force qui ne cachaient rien d'une musculature hypertrophiée. Sa caractéristique la moins humaine était une tête de taureau couronnée de longues cornes noires. Armé d'une hache bipenne, il venait de se jeter que les quatre "globes". En un instant ce fut terminé, les terribles moulinets de son arme avaient tué les hideux petits monstres roses. Débarrassé de ces gêneurs, il beugla, avant de tourner un regard avide vers Adam.
Comme un cri de défis répondaiit au meuglement, l'adolescent blond découvrit qu'un lézard bipède, à tête de crocodile, arrivait de la direction du château. Adam était coincé entre les deux monstres, comme Ulysse entre Charybde et Scylla Chacun d'eux considérait l'autre... grognant et cherchant à intimider le rival en face, exactement comme deux chiens se disputant un lièvre... lui.
- Faites que ce soit un rêve... que je me réveille...
Il n'y avait pas de dieu en ce lieu qui pouvait écouter les implorations de l'adolescent. Pourtant, Adam n'était pas destiné à mourir ici.
- Dromi !
Le mot avait claqué, comme un ordre, prononcé par un clair soprano qui ne pouvait être sorti que de la gorge d'une jeune femme. Des disques noirs se matérialisèrent. Il s'agissait en fait d'ouvertures d'où sortirent des chaînes. Celles-ci élevèrent presque instantanément de véritables barrières qui entourèrent le blondinet, empêchant les deux démons d'approcher.
Adam sentit un regard scrutateur sur lui et se tourna vers le sommet d'une des falaises. Il y découvrit une silhouette féminine vêtue d'une courte robe noire, laissant les épaules nues, de bottines et de gants. La démone se frottait le menton, assez perplexe.
Surpris, Adam s'aperçut qu'elle ressemblait à une belle fille guère plus âgée que lui. Cependant, sa peau était incroyablement pâle. Quant à ses cheveux - coupés au bol- ils étaient d'un bleu très clair. Seule une natte, plus longue, pendait sur le côté gauche d'un visage triangulaire aux lèvres boudeuses. Cette étonnante beauté ne pouvait cependant pas être humaine... pas avec des yeux pareils. Les pupilles fendues verticalement, comme celles d'un chat, brûlaient d'une flamme verte acide. Surtout, le blanc de l'œil... et bien... il n'était pas blanc, mais noir.
Dans le giclement des graviers sous ses bottillons, la démone dévala la pente. Avant qu'Adam ne puisse réagir, elle se planta là sous son nez. Le considérant avec une curiosité amusée, la jeune fille tournait autours de lui pour le détailler sans complexe.
- Un humain.... tu es bien un humain ?
- Euh... oui...
Elle battit des mains, enthousiaste.
- Je le savais, tu ressembles aux descriptions de papa. Un humain, et mignon en plus.
Avant qu'il ne puisse répliquer, il y eut une sorte d'explosion juste au-dessus de l'épaule de la jolie démone. La fumée violette se dissipa pour révéler un diablotin à peau bleue et queue fourchue, à peine plus haut qu'une main. Il était habillé en bouffon, y compris le chapeau à grelots.
- Pas de quoi s'enthousiasmer, maîtresse. Ces inutiles humains ne sont qu'une espèce inférieure, indigne de votre attention.
- Laisse Bamf, moi c'est le premier que je vois. Ah oui, il s'appelle Bamf. Je l'ai appelé ainsi parce que c'est le bruit qu'il fait en se téléportant.
La démone considéra une nouvelle fois son interlocuteur de bas en haut.
- Et toi humain, tu veux que je te donne un nom ?
- J'en ai un, je m'appelle Adam Eisenmann.
La jeune fille le considéra avec incrédulité, puis éclata de rire, lui frappant l'épaule avec une vigueur qui contrastait étrangement avec son apparence fluette.
- Tu es marrant, toi. Tu viens de donner ton vrai nom à un démon, à ta première rencontre. Personne ne t'a expliqué que c'est dangereux ? Visiter les enfers sans savoir qu'on peut te voler ton âme si on connait ton nom ? ! J'y crois pas !
Un peu vexé, Adam se renfrogna.
- Je ne suis pas venu volontairement.
La jeune démone le considéra avec un sérieux retrouvé.
- Ah ? Dans ce cas, c'est très grave. Viens, accompagne-moi au château.
D'un geste, elle fit disparaître les barrières de chaînes et commença à gravir le chemin caillouteux. Seulement, Adam n'était pas très rassuré. L'espèce de lézard et l'autre homme taureau avaient disparu. Néanmoins, il sentait des regards hostiles, tout autour.
- Et les autres démons, ils ne vont pas m'attaquer ?
- Tu vois, mon joli, il y a les démons mineurs, les démons majeurs... et les créatures comme moi.
La jeune fille tourbillonna sur elle même et saisis le bord de sa jupe pour faire une révérence. Son regard brûlait d'ironie, en dépit de sa posture faussement modeste.
- Je suis Accenti Evess, comtesse d'Absang, fille de la duchesse Serin Névarius d'Abysse et... d'Even Evess, Empereur des enfers. Je suis donc un seigneur démon. Ravie de faire ta connaissance, Adam.
Voici un premier jet du prologue.
Les héritiers des Confins
Prologue
Près de vingt ans plus tôt, ce village avait été ravagé par la guerre et laissé à l'abandon. Il s'en était passé des choses à cette époque. Des démons au service de Raum avaient déferlé sur l'Empire de Drakanland, à la recherche de Serin Névarius, fils d'Aran Névarius, duc d'Abysse, un des tétrarques des enfers. Il en avait résulté une grande guerre et plusieurs batailles féroces. La région de l'empire bordant la mer du Rhin avait été ravagée et le pays portait encore les stigmates de ce conflit, même si près d'une génération s'était écoulée.
Cela n'avait pas empêché la vie de suivre son cours. Les survivants - des plus humbles aux plus célèbres - avaient repris le cours de leur existence. Ils s'étaient mariés, avaient fondés une famille. Leurs enfants avaient grandi...
Pour la plupart des gens, les événements du passé n'étaient que cela, du passé. On parlait encore de l'invasion de Raum... mais le soir à la veillée, lorsqu'un vétéran racontait une histoire que tous connaissaient déjà, en échange d'un verre.
Le vent hivernal de cette fin décembre s'engouffra entre les baraques en ruine. Il fait claquer les vieilles planches et crépiter les torches tenues par un cercle d'individu vêtus de cape rouge.
Adam tremblait et le froid n'était pour rien dans ses frissons. Seul individu présent à ne pas être vêtu de rouge, poussé par deux des porteurs de manteau, il fut pratiquement jeté à l'intérieur du cercle qu'ils formaient.
Un cercle... oui... au sens magique du terme... tracé sur le sol avec de la poudre d'argent, aggrémenté de lettres hébraïques, de symboles kabbalistiques et d'objets : crânes remodelés, bol d'or, calice, encensoir... tout un bric-à-brac mystique. Même l'individu le plus ignorant aurait compris qu'un grand rituel se préparait.
Adam tourna sur lui-même. L'adolescent blond au visage d'ange était connu de ses proches pour son impassibilité... du moins d'habitude. Cependant, à l'extérieur du pentacle, les individus en cape rouge étaient menaçant, silencieux. Cependant, tous le regardaient. Le blondinet sentait le poids intense des yeux invisibles sous les capuchons. La peur l'étreignit.
Il se tourna vers le maître du rituel qui achevait les préparatifs.
- Père ! Pourquoi...
- Je ne suis pas ton père, cria ce dernier avec une sombre colère.
L'homme ne se contenait que difficilement, en proie à une violente haine pour cet enfant né des œuvres de son épouse... mais qui l'emplissait d'un profond dégoût.
- Jamais je n'accepterais ce mot dans ta bouche ! Jamais je n'accepterais d'avoir engendré une telle abomination. ! Certains mots font plus de mal qu'un coup de poing.
Adam savait que son père ne l'aimait pas et refusait même de l'approcher. Cependant... ces mots le poignardaient en plein cœur, enfoncés jusqu'à la garde, rouvrant de vieilles blessures. La solitude... il avait grandi dans la grande maison familiale. Il ne manquait de rien. Seulement, ses parents n'avaient jamais montré pour lui le moindre amour. Les rares fois où il avait réussi à approcher son père, ce dernier l'avait repoussé comme s'il était une chose dégoutante.
Quel crime avait-il commis ? "Jamais Jamais je n'accepterais d'avoir engendré une telle abomination ". Pour son père, il n'était pas un fils. Il n'était même pas une personne, juste... un objet de répulsion. Sa naissance même était criminelle. Mais pourquoi ? L'intéressé n'en savait rien... jamais rien ne lui avait été expliqué.
La peur fit face à la résignation. Les yeux d'Adam parcoururent la ronde d'adulte qui l'entourait. Aucun ami... aucune assistance... que pouvait-il faire du haut de ses quinze ans face à tant d'ennemis ? Rien... rien... rien... Il se laissa tomber à genoux, anéantis.
Leurs préparatifs achevés, les sorciers rouges commencèrent à incanter une sombre antienne.
- Baalberith témoin des serments, nous t'invoquons, soit le témoin de notre pacte commença le maître du rituel.
En chœur, les autres membres - voix de femmes et d'hommes mêlées- reprirent ces mêmes paroles.
- En ce lieu de massacre où les innocents ont trouvé la mort, nous t'invoquons.
- Paymon, grand roi, maître de deux cent légions, ouvre la porte au nom du fer froid, du prêtre impie, du calice d'ichor, de l'eau du Styx et de la ciguë qui te sont offerts.
- Ouvre la porte par laquelle convergent les mondes.
- Ouvre la porte ! Ouvre la porte ! Ouvre la porte. Par trois fois je te le demande.
Le cercle d'invocation - à ces mots impies - c'était mis à pulser. Une odeur méphitique fit étouffer Adam. Épouvanté, il vit une lumière d'un vert de marécage s'élever des glyphes.
- Prend celui-ci et précipite-le dans le séjour infernal. Envoie-le là où le Déchu est à sa place.
Il y eut un soubresaut qui fit penser à un tremblement de terre. Puis, le centre du pentacle parut s'effondrer, comme si un éboulement se produisait sous les pieds d'Adam. C'était pourtant bien pire que ça... Des ténèbres plus profondes que l'absence de lumière dévoraient le pentacle. L'adolescent voulut se relever, fuir. Toutefois, il n'arrivait plus à bouger d'un cil, même sa bouche était scellée. Le néant déferla sur lui.
Sa première sensation fut de reposer sur un sol dur, inégal. Une pierre aiguë lui rentrait dans les reins. Adam ouvrit les yeux et, pendant quelques instants, se demanda ce qu'il fixait. Des couleurs tournaient dans le ciel, amassées en un tourbillon qui pulsait lentement, répandant une lumière étrange. Il tourna la tête.
Autour de lui, le paysage était rouge.
Des rochers déchiquetés montaient vers un ciel qui contenait toutes les teintes de la palette du peintre. Ces épieux de roches acérées, brutes se dressaient dans toutes les directions, érodés et fendillés. Redressé sur une main, Adam chercha un point de repère dans ce relief karstique, un lieu un peu plus engageant... n'importe quoi.
C'était... impossible, ce paysage ne pouvait pas exister... ni ce ciel chimérique où les couleurs prises de folies formaient une sarabande tourbillonnante. Le rituel... son père l'avait envoyé aux enfers !
Le sol de pierre brute présentait un aspect nu, avec de rares touches de végétation desséchée. Il y avait de la vie dans ces montagnes, mais quelle vie... Adam découvrit d'abord un portique taillé. L'ouvrage était artificiel, indéniablement né du travail du maçon. Cependant, il en pendait une cage de fer rouillée qui contenait encore un squelette qui n'était pas celui d'un homme ou d'une bête connue en Drakenland. Au-delà, au bout d'une sorte de route, on discernait une espèce de château qui ressemblait au premier prix de la laideur architecturale. Les murs étaient penchés sous des angles impossibles, les tours en forme de champignons ; sculptées d'ergots. Des corps pendus, des têtes coupées et d'autres reliques macabres achevaient d'en faire un objet d'horreur.
Oui, il était aux enfers.
Le bruit de cailloux dévalant une pente poussa Adam à se retourner.
Ils étaient quatre, d'une couleur rose plus que ridicule. De forme sphérique, avec quatre bras, ils auraient poussé au rire sans la bouche énorme et garni de dents qui - avec leurs grands yeux - marquaient la surface de la boule qui leur servait de corps.
Les monstres coururent vers Adam qui prit la fuite, passant sous l'arche. Les créatures étaient heureusement plus lentes que lui et il put les distancer. Son premier réflexe de panique passé, son cerveau se remit à fonctionner. Sa course le menait droit vers le château... Vu son apparence hideuse, il s'agissait probablement du dernier endroit où espérer trouver des secours.
Un choc sourd le fit se retourner. Un nouveau venu venait de sauter depuis un des rochers. Immense et humanoïde, sa peau était bleue. Il était vêtu d'un pagne, de bottes et de bracelets de force qui ne cachaient rien d'une musculature hypertrophiée. Sa caractéristique la moins humaine était une tête de taureau couronnée de longues cornes noires. Armé d'une hache bipenne, il venait de se jeter que les quatre "globes". En un instant ce fut terminé, les terribles moulinets de son arme avaient tué les hideux petits monstres roses. Débarrassé de ces gêneurs, il beugla, avant de tourner un regard avide vers Adam.
Comme un cri de défis répondaiit au meuglement, l'adolescent blond découvrit qu'un lézard bipède, à tête de crocodile, arrivait de la direction du château. Adam était coincé entre les deux monstres, comme Ulysse entre Charybde et Scylla Chacun d'eux considérait l'autre... grognant et cherchant à intimider le rival en face, exactement comme deux chiens se disputant un lièvre... lui.
- Faites que ce soit un rêve... que je me réveille...
Il n'y avait pas de dieu en ce lieu qui pouvait écouter les implorations de l'adolescent. Pourtant, Adam n'était pas destiné à mourir ici.
- Dromi !
Le mot avait claqué, comme un ordre, prononcé par un clair soprano qui ne pouvait être sorti que de la gorge d'une jeune femme. Des disques noirs se matérialisèrent. Il s'agissait en fait d'ouvertures d'où sortirent des chaînes. Celles-ci élevèrent presque instantanément de véritables barrières qui entourèrent le blondinet, empêchant les deux démons d'approcher.
Adam sentit un regard scrutateur sur lui et se tourna vers le sommet d'une des falaises. Il y découvrit une silhouette féminine vêtue d'une courte robe noire, laissant les épaules nues, de bottines et de gants. La démone se frottait le menton, assez perplexe.
Surpris, Adam s'aperçut qu'elle ressemblait à une belle fille guère plus âgée que lui. Cependant, sa peau était incroyablement pâle. Quant à ses cheveux - coupés au bol- ils étaient d'un bleu très clair. Seule une natte, plus longue, pendait sur le côté gauche d'un visage triangulaire aux lèvres boudeuses. Cette étonnante beauté ne pouvait cependant pas être humaine... pas avec des yeux pareils. Les pupilles fendues verticalement, comme celles d'un chat, brûlaient d'une flamme verte acide. Surtout, le blanc de l'œil... et bien... il n'était pas blanc, mais noir.
Dans le giclement des graviers sous ses bottillons, la démone dévala la pente. Avant qu'Adam ne puisse réagir, elle se planta là sous son nez. Le considérant avec une curiosité amusée, la jeune fille tournait autours de lui pour le détailler sans complexe.
- Un humain.... tu es bien un humain ?
- Euh... oui...
Elle battit des mains, enthousiaste.
- Je le savais, tu ressembles aux descriptions de papa. Un humain, et mignon en plus.
Avant qu'il ne puisse répliquer, il y eut une sorte d'explosion juste au-dessus de l'épaule de la jolie démone. La fumée violette se dissipa pour révéler un diablotin à peau bleue et queue fourchue, à peine plus haut qu'une main. Il était habillé en bouffon, y compris le chapeau à grelots.
- Pas de quoi s'enthousiasmer, maîtresse. Ces inutiles humains ne sont qu'une espèce inférieure, indigne de votre attention.
- Laisse Bamf, moi c'est le premier que je vois. Ah oui, il s'appelle Bamf. Je l'ai appelé ainsi parce que c'est le bruit qu'il fait en se téléportant.
La démone considéra une nouvelle fois son interlocuteur de bas en haut.
- Et toi humain, tu veux que je te donne un nom ?
- J'en ai un, je m'appelle Adam Eisenmann.
La jeune fille le considéra avec incrédulité, puis éclata de rire, lui frappant l'épaule avec une vigueur qui contrastait étrangement avec son apparence fluette.
- Tu es marrant, toi. Tu viens de donner ton vrai nom à un démon, à ta première rencontre. Personne ne t'a expliqué que c'est dangereux ? Visiter les enfers sans savoir qu'on peut te voler ton âme si on connait ton nom ? ! J'y crois pas !
Un peu vexé, Adam se renfrogna.
- Je ne suis pas venu volontairement.
La jeune démone le considéra avec un sérieux retrouvé.
- Ah ? Dans ce cas, c'est très grave. Viens, accompagne-moi au château.
D'un geste, elle fit disparaître les barrières de chaînes et commença à gravir le chemin caillouteux. Seulement, Adam n'était pas très rassuré. L'espèce de lézard et l'autre homme taureau avaient disparu. Néanmoins, il sentait des regards hostiles, tout autour.
- Et les autres démons, ils ne vont pas m'attaquer ?
- Tu vois, mon joli, il y a les démons mineurs, les démons majeurs... et les créatures comme moi.
La jeune fille tourbillonna sur elle même et saisis le bord de sa jupe pour faire une révérence. Son regard brûlait d'ironie, en dépit de sa posture faussement modeste.
- Je suis Accenti Evess, comtesse d'Absang, fille de la duchesse Serin Névarius d'Abysse et... d'Even Evess, Empereur des enfers. Je suis donc un seigneur démon. Ravie de faire ta connaissance, Adam.
_________________
Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots. William Faulkner
Anaxagore- Messages : 2234
Date d'inscription : 18/10/2015
Age : 50
Re: L'évadée des Abysses
Chapitre 15
La salle était immense, vivement colorée avec des fresques montrant des divinités qui portaient des coiffes et des boucliers emplumées. On discernait aussi des guerriers costumés de manière à ressembler à des aigles ou des jaguars. Les peintres qui avaient œuvré sur cette représentation ignoraient la perspective et appréciaient les couleurs très vives. Toutefois, cela ne gênait guère la compréhension. On voyait là un véritable livre d'histoire en bande dessinée. Un peuple en marche traversait les terres. Partout, ces nomades finissaient repoussés par les habitants des cités qu'ils rencontraient, chacune étant représentée par une pyramide et des combattants en armes qui en sortaient. Finalement, les nomades arrivèrent sur île entourée par une lagune. À cet endroit, un aigle avait empalé un serpent sur les épines d'un figuier de barbarie et s'employait à le dévorer. Ce fut interprété comme un signe prophétique et les errants fondèrent leur première ville à cet emplacement. Le reste de la peinture murale racontait la conquête des terres avoisinantes. Les scènes de combat... et de massacre abondaient. L'artiste semblait s'être complu à peintre les détails sanguinaires. Pire encore, on voyait des prêtres arracher le cœur de leurs victimes pour honorer les dieux.
S'ssan appartenait à l'espèce des hommes-serpents. Son corps squameux avec deux bras et deux jambes faisait de lui un humanoïde. Néanmoins, son long cou mobile portait une tête de cobra aux yeux de reptiles, fendus verticalement, et une queue serpentine ondulait derrière lui. La langue bifide du reptile à sang froid sortait par intermittence de sa large bouche sans lèvre.
Comme les locaux, il portait un long pagne de tissu vivement coloré qui descendait jusqu'à ses genoux et une cape. Des bijoux d'or et de jade ceignaient ses épaules, ces bras et ses chevilles, même ses sandales étaient parées de pierres précieuses.
S'ssan avait dirigé la maison de la guilde des mage de Köln, vingt ans plus tôt. Depuis cette époque, ce sorcier connaissait Serin Névarius et Even Evess, ayant même été invité à la naissance de leur fille.
Pourtant, même Even le craignait, incapable de comprendre ce que pensait l'homme-serpent et encore moins de savoir quel était son camp.
S'ssan posa son bâton de mage surmonté d'une tête de cobra, capuchon déployé, sur le sol et se prosterna au bas des marches menant au trône. Ce dernier, entièrement en or, représentait le dieu de la guerre Huitzilopochtli. Des deux côtés, une cour nombreuse, formée par le harem ; les enfants du souverain ; ses conseillers, attendait en silence. Ils avaient tous la peau bistrée et le nez fort, comme un bec d'oiseau de proie. Les femmes portaient des robes élégantes en étoffe fine, la plupart des hommes portaient des pagnes. Ils avaient de nombreux bijoux et nombre d'entre avaient le visage et le corps peints de diverses bandes de couleur. Leur groupe était splendide. Pourtant, ils palissaient devant la majesté de celui qui siégeait sur le trône.
Pieds nus, mais entièrement enveloppé dans une cape appelée timahtli blanche et effrangée, bordé d'une fine bande de tissu rouge, le jeune souverain des Mexicas portait une coiffe impressionnante. Cette large couronne d'or était ornée des plumes de l'oiseau quetzal déployées en roue. Tlazoc était occupé à boire le tchecoalt[url=file:///C:/Users/C%C3%A9lian/Desktop/L'evad%C3%A9e des abysses/Les h%C3%A9ritiers des Confins.docx#_ftn1][1][/url], boisson tirée de la fève de cacao, amère et enrichie de nombreuses épices.
S'ssan se mit à parler de sa voix sifflante, parfois difficile à comprendre, mais son ton était respectueux.
- Puissssant sssseigneur Tizoc, Grand Orateur Vénéré, j'ai des nouvelles de Bébal. Ssssa missssion ssss'est déroulée au mieux, bien au delà de nos plus grandes attentes. Il a ramené avec lui dame Acccccenti et le ssssseigneur Adam.
Le seigneur Tizoc, Huey Tlatoani ou pour traduire son titre "Grand Orateur Vénéré" était le souverain de l'Atlepelt (cité-état) de Mexico-Tenochtitlan et à ce titre l'un des trois monarques dirigeant collégialement ce que l'on pouvait appeler l'empire Aztèque. En fait, il était même plus puissant que ses co-rois, Tlatoani des Atlepelt de Texcoco et Tlacopan.
Pourtant, Tizoc était jeune, n'étant monté sur le trône d'Huitzilopochtli que cinq ans plus tôt. Durant ce laps de temps, l'empereur mexicas n'avait élevé qu'un seule monument, conquis uniquement deux villes et vaincu un seul peuple. Comparativement à ses prédécesseurs, le roi de Mexico faisait pratiquement figure de pacifiste ! Toutefois, Tizoc avait pris la succession de son frère Axayacalt qui avait subi une cuisante défaite infligé par le peuple honni des Purépechas[url=file:///C:/Users/C%C3%A9lian/Desktop/L'evad%C3%A9e des abysses/Les h%C3%A9ritiers des Confins.docx#_ftn2][2][/url]. L'armée mexicas avait perdu 24 000 hommes lors de ce désastre qui datait de moins de huit ans. Les forces militaires restaient donc dans une phase de convalescence. Cela expliquait en grande partie l'attentisme de Tizoc. Toutefois, une autre raison y contribuait peut-être de manière plus importante. Le dirigeant aztèque était connu comme un mystique s'intéressant plus à la religion qu'à la guerre.
Aux yeux de S'ssan, cette dernière caractéristique faisait de lui un allié idéal. Aussi ne fut-il pas surpris de voir Tizoc s'animer..
- Bravo à lui, il a fait du bon travail. Seigneur S'ssan, vous veillerez à ce qu'il soit convenablement récompensé.
- Comme vous le désirez, puisssant sssseigneur.
- Bébal est revenu par le portail de Téotihuacan ?
- Oui, sssseigneur, comme il était prévu.
Tizoc acquiesça.
- Très bien, dans ce cas que la garnison s'occupe d'assurer la protection de nos invités, qu'ils soient conviés à nous rejoindre à Mexico-Tenochtitlan. Ils y seront plus en sécurité.
S'ssan s'inclina.
- J'avais déjà pris la liberté de prévenir votre frère Ahuitzol.
Les yeux de Tizoc s'étrécirent.
- C'est vrai, j'avais oublié avoir nommé mon frère à la garnison de Téotihuacan.
Comme Tizoc semblait ennuyé, S'ssan hésita avant de reprendre la parole.
- Il y aurait-il un problème, ssseigneur Tizoc ?
- Non, je ne pense pas.... c'est juste que... oh, c'est sans importance. Oubliez cela.
Adam regarda les hommes qui convergeaient vers depuis plusieurs rues. Il y en avait des milliers. Chassant d'une main le démon qu'elle avait invoqué, Serin se rapprocha de l'adolescent.
- Tu as déjà vu des hommes comme eux ?
Effaré, Adam Eisenmann considéra la masse de guerriers. Ils étaient vêtus d'un simple pagne, ou d'une tunique arrivant à mi-cuisse. Les simples soldats marchaient pieds nus, ce qui ne les empêchait pas de porter de magnifiques boucles d'oreilles. Pour toute protection, ils se reposaient sur boucliers circulaires. Comme armes, ils maniaient essentiellement des sortes de massues de bois renforcées de lames de pierre noire. Certains se servaient d'arc tandis que d'autres portaient des sortes de flèches géantes qui devaient être des espèces de javelots empennés.
Même ignorant tout des us et des coutumes des autochtones, il n'était pas difficile de repérer les officiers... il suffisait juste de chercher les individus les plus chamarrés et les plus arrogants. Après tout, ça marchait pour toutes les armées du monde. Comme les simples soldats, leur habillement consistait en un simple pagne... vu la chaleur, ils n'avaient guère besoin de plus. Par contre, pour la parure, ils portaient une cape, attachée sur l'épaule droite, qui laissait ce bras découvert, mais dissimulait complètement le gauche. Le tissu vivement colorait couvrait d'une palette du jaune au rouge, en passant par le orange. Divers motifs simples et géométriques leur donnaient l'apparence d'immenses et exotiques papillons. parure également, leurs oreilles s'ornaient de pendeloques complexes, des colliers de pierre verte ornaient leurs coups, leurs poignes et leurs chevilles. Au lieu d'aller pieds nus, ils portaient des sandales.
Quant à leur type physique, avec leur peau brune, leurs cheveux d'un noir brillant, ils ne ressemblaient aucunement aux allemands.
Accenti continuait à attendre la réponse de son ami, mais son air effaré en était une en soi. Elle soupira.
- C'est ton propre monde et tu n'es même pas capable de me parler de ces habitants. Tu ne connais vraiment pas grand chose...
Adam n'avait pas d'autre opinion de lui-même. Seulement, le ton sur lequel la démone l'avait dit ulcéra l'adolescent.
- Je n'ai jamais quitté Köln... Et c'est injuste ce que dit. Seuls de rares commerçants se risquent jusqu'ici. Les Espagnols ont colonisé Hispaniola[url=file:///C:/Users/C%C3%A9lian/Desktop/L'evad%C3%A9e des abysses/Les h%C3%A9ritiers des Confins.docx#_ftn3][3][/url], mais ne sont jamais allé plus loin à cause des Maures qui contrôlent encore Grenade. A part de rares récits de deuxième ou de troisième main, personne ne sait rien sur les Hespérides.
Ce fur au tour d'Heinrich d'intervenir.
- Adam dit la vérité, Votre Altesse Impériale. Je me suis intéressé à ce continent, lorsque j'avais son âge. Les Espagnols commercent surtout avec les cités mayas de la côte. Les expéditions envoyées vers l'intérieur des terres ont souvent mal été reçues.... On sait juste par un contact avec une cité-état au nom imprononçable qu'il existe une sorte de grand empire au nord des Mayas. Ces derniers appelleraient ces habitants " Aztèques" mais il semble que ce soit une dénomination péjorative, littéralement : " Peuple de la héronnière"... c'est à dire des marais... donc l'équivalent de "Fangeux" ou de "Bouseux".
Regardant les Aztèques qui les observaient avec une égale curiosité, Accenti n'avait réellement retenu que quelques mots de ce qu'avait dit Heinrich ;
- Que voulez-vous dire par " mal reçus" ?
- Oh... les Aztèques sont cannibales et vénèrent des divinités barbares qui réclament des sacrifices humains en grande quantité... par lot de dix mille, je dirais.
Le jeune homme avait dit cela avec une tension perceptible malgré le ton ironique. À ces côtés, sa sœur avait frémis, jetant des coups d'œil inquiets vers les premiers rangs de guerriers. Ceux-ci s'étaient immobilisés à une cinquantaine de mètres. Aucun ne montrait la moindre agressivité. Les autochtones gardaient leurs redoutables massues accrochées à leurs boucliers.
Le paladin Parzival, qui était un homme de guerre, entrepris de rassurer ses compagnons. Même sans comprendre les ordres que donnaient les officiers, il était visible que les guerriers aztèques n'allaient pas attaquer. Après réflexion, il se mit à critiquer le manque de formation des hommes et la piètre qualité de leur armement. Toutefois, sur ce point, Adam le contredit.
- Certains des officiers ont des bijoux en or. Ils connaissent le travail du métal, du moins le cuivre ou le bronze.
Pour avoir lu l'Iliade, le célèbre poème d'Homère, Parzival savait que les guerriers du passé avaient utilisé des armes de cet alliage avant de s'être tourné vers le fer.
- Dans ce cas, pourquoi ne s'en servent-ils pas ?
- Les lames de pierres noires sur leurs massues... je pense que c'est un verre volcanique... très dur et très tranchant... il doit avoir des qualités supérieures au bronze pour servir d'arme.
Ils n'eurent pas l'occasion de conduire la conversation plus avant. Un palanquin, richement orné, porté par quatre soldats puissant franchis les rangs aztèques. L'homme qui était étendu portait la même tenue que les officiers, mais ses multiples bracelets et colliers le plaçaient à un rang supérieur.
Un homme-serpent portant une cape de plumes marchait aux côtés de ce splendide équipage. Ce fut lui qui s'adressa aux voyageurs, en excellent allemand... enfin aussi bon que sa voix sifflante pouvait reproduire cette langue :
- Mon nom est S'ssassen, je sssserais l'interprète du sssseigneur Ahuitzol. Soyez les bienvenus dans le tiatocayolt de Mexica ou, si vous préférez, l'empire du Mexique.
Il se prosterna ensuite devant Accenti Evess, suivi en cela par tous les soldats.
- Nous sommes heureux de recevoir la glorieuse visite de la fille de l'empereur des enfers.
[url=file:///C:/Users/C%C3%A9lian/Desktop/L'evad%C3%A9e des abysses/Les h%C3%A9ritiers des Confins.docx#_ftnref1][1][/url] Mot aztèque dont on a tiré le français "chocolat".
[url=file:///C:/Users/C%C3%A9lian/Desktop/L'evad%C3%A9e des abysses/Les h%C3%A9ritiers des Confins.docx#_ftnref2][2][/url] Plus connus sous le nom de Tarasques.
[url=file:///C:/Users/C%C3%A9lian/Desktop/L'evad%C3%A9e des abysses/Les h%C3%A9ritiers des Confins.docx#_ftnref3][3][/url] Cuba
Alors qu'est que vous pensez de mon Mexique alternatif ?
_________________
Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots. William Faulkner
Anaxagore- Messages : 2234
Date d'inscription : 18/10/2015
Age : 50
Re: L'évadée des Abysses
Promotion gratuite du 07 au 10 septembre
https://www.amazon.fr/lacier-vapeur-sorcellerie-L%C3%A9vad%C3%A9e-Abysses-ebook/dp/B00VF7Y53U/ref=sr_1_3?s=books&ie=UTF8&qid=1470915769&sr=1-3
https://www.amazon.fr/lacier-vapeur-sorcellerie-L%C3%A9vad%C3%A9e-Abysses-ebook/dp/B00VF7Y53U/ref=sr_1_3?s=books&ie=UTF8&qid=1470915769&sr=1-3
_________________
Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots. William Faulkner
Anaxagore- Messages : 2234
Date d'inscription : 18/10/2015
Age : 50
Re: L'évadée des Abysses
Chapitre 20
Sire Parzival détacha sa cape avec des gestes lents et se redressa, tourné vers Ahuizolt, le nouvel empereur des Mexicas. Il toucha l'épaule d'Accenti qui regardait les combats sous leurs fenêtres : " Traduisez mes question".
- Noble seigneur Ahuizotl, pourriez-vous nous expliquer ce qui se passe ?
L'adresse faite au huitième tlatoani de l'empire mexica reçut pour première réponse un reniflement de mépris. Toutefois, le seigneur de la guerre vivait son grand moment de triomphe, et il ne résista pas longtemps au plaisir d'étaler sa puissance récemment acquise.
- Qu'y a-t-il à dire ? Mon frère était un mauvais empereur, je l'ai donc envoyé rejoindre les dieux qu'il aimait tant. Enfin... officiellement, il sera mort d'une maladie soudaine. Il ne serait pas bon que certains contestent ma nouvelle autorité. De toute manière, mes hommes ont saisi toutes les places stratégiques. Le palais, le temple, Mexico sont déjà à moi. Avant demain, je serais le maître de toutes les contrées avoisinantes et les rois de la triple alliance, ainsi que ceux des villes tributaire me reconnaîtront. J'ai déjà de nombreux soutiens parmi eux.
S'san s'était remis de sa surprise, ses yeux de serpents parcourent l'assistance.
- Je vois ssseigneur Ahuizotl. Puis-je vous demander quels ssssont vos intentions à mon égard ?
- Vos mauvais conseils ont égaré mon frère, j'offrirais votre cœur aux dieux. Vous et tous vos partisans monteront dès ce soir au grand temple. Quelle meilleure offrande pourrais-je offrir aux déités pour qu'ils accueillent mon frère parmi eux ?
- Laissez repartir nos invités.
Accenti se raidit tout en traduisant l'échange, on parlait d'eux...
Ahuizolt répondit avec un rictus féroce.
- Les maladies font rarement une seule victime. Il semble que dame Accenti et ses amis soient au nombre des victimes. Ainsi, personne ne contestera ma version des événements.
La princesse démon ne se tenait plus et réagit avec violence, oubliant son rôle de truchement pour intervenir directement.
- Vous êtes fous, vous savez qui est mon père ? Il...
- Il ne sait probablement pas où vous êtes, alors vos menaces ne m'effraient guère.
Blême de colère, Accenti leva une main.
- Dromi !
Il y eut un moment de silence, ceux qui connaissaient l'effet de cet appel attendirent l'apparition des chaines que commandait la démone mais... rien ne se passa.
"Dromi", répéta-t-elle, la voix fêlée par un doute
Ahuizolt fixait la jeune démone avec un sourire narquois.
- Une fois ou cent, cela n'aura pas plus d'effet. Vous croyez quoi ? Que je ne me suis pas préparé à vous affronter ? Des prêtres ont activé des glyphes interdisant l'usage de la magie à l'intérieur du palais. Sans vos pouvoirs, vous n'êtes plus qu'une petite peste arrogante.
Il se tourna vers ses compagnons: " Emmenez-les !"
Dix hommes s'avancèrent, de jeunes nobles, pas de vrais guerriers, même si aucun Mexica de leur caste ne pouvait ignorer l'art du combat. Parzival se jeta sur eux, il n'était pas armé, mais il n'avait rien d'un débutant. Tout se passa si vite que personne ne comprit vraiment ce qu'il fit. Le paladin neutralisa un premier homme, s'empara de son maquahuil et le mania avec une habilité sidérante, bisant des poitrines, fracassant les têtes.
Tout s'acheva en quelques instants.
Sire Parzival demeurait seul vivant au milieu d'un cercle de cadavres et d'agonisants. Les yeux d'Ahuizolt lui sortaient de la tête.
- Et bien sire, vous pensez toujours que c'est nous qui sommes arrogants et sans pouvoir ?
Le nouvel empereur ne parlait pas Allemand, mais le ton chargé de moquerie du paladin se passait de traduction. Tandis qu'il ordonnait à ses compagnons d'en finir avec lui, Parzival désigna les armes au sol.
- Que tous ceux qui savent se battre me rejoignent, nous ne sommes pas des agneaux qui allons nous laisser conduire à l'abattoir.
Heinrich et Erzsebet furent les premiers à réagir. Ni l'un, ni l'autre n'avaient jamais manié une arme ressemblant à la grossière massue de bois munie de lame d'obsidienne qu'ils tenaient à présent en main. Toutefois, ils savaient se battre. Les Mexicas qui les rejoignirent - jeunes nobles et prêtres de Quetzalcóatl- n'étaient pas dans ce cas, toutefois, ils faisaient face à une troupe qui atteignait bien le double de leur nombre.
Le second affrontement fut plus long et moins déséquilibré. Des combattants des deux partis boulèrent au sol. Finalement, les survivants se séparèrent.
Les partisans d'Ahuizolt restaient plus nombreux que leurs adversaires, toutefois, ils avaient reçu des pertes comparativement supérieures. Face à l'hésitation de ses hommes, le nouvel empereur montra quelques signes de colère. Toutefois, il se contenta de rassembler les rescapés près de la porte. À l'abri du rempart de leur bouclier il s'adressa à ses adversaires qui s'étaient regroupés à l'autre bout de la salle de banquet dévastée.
- Je vous offre mes félicitations. Un bel effort, mais ô combien vain. La plupart des troupes de Mexico sont déjà à mes ordres. La garde du palais d'Axayacalt ne résistera plus très longtemps à leurs assauts. Vous voulez mourir les armes à la main ? En hommage à votre fière résistance, je vous accorde cette mort de braves.
Comme si le fait d'avoir énoncé l'évidence à voix haute lui donnait corps, les pas de centaines de pieds nus et des cris de guerre précédèrent l'arrivée d'une troupe en armes. Dépassant le nouvel empereur et ses fidèles qui venaient de s'écarter, ils envahirent la pièce.
Ils portaient des tenues de plumes qui les couvraient complètement, de la gorge aux chevilles et aux poignets, ainsi que des casques de pois façonnés à la semblance de tête d'oiseaux aux yeux peints. Ils tenaient en mains des maquahuils et des boucliers frangés de longues rémiges colorées. Des guerriers-aigles... une unité d'élite des Mexicas.
Le troisième assaut ne laissa aucun espoir aux défenseurs acculés par la masse des guerriers aztèques. Privées de leur magie, Henrike et Accenti s'étaient réfugiées à l'abri d'une table renversée. S'san, au contraire, se battait en se servant de son lourd bâton de mage comme d'un gourdin. Parzival et Heinrich blessaient ou tuaient tout adversaire assez fou pour les approcher, mais n'ayant pas d'armure hormis des boucliers, ils étaient couverts de plaies et s'affaiblissaient à lutter contre un adversaire qui semblait avoir d'inépuisables réserves de troupes.
Autour d'eux, les partisans de feu Tizoc tombaient les uns après les autres. Cependant, même les morts ne cessaient pas de combattre... alliés ou ennemis, une force malfaisante était à l'œuvre. Erzsebet tendait la main gauche et un éclair d'énergie bleue enveloppa un guerrier-aigle qui se releva en geignant. Le mort-vivant attaqua immédiatement un des ses anciens camarades. Sans la puissante vampire, la bataille aurait été terminée depuis longtemps. Cependant, le danger représenté par Erzsebet n'échappa pas aux Mexicas, toujours plus de guerriers se jetaient sur elle... Tendant une main, la nosfératu appela alors leur sang à elle. Sorti de leurs bouches, de leur nez et de leurs oreilles, il se forma en des ruisseaux aériens de liquide rouge qui convergèrent vers sa paume. Exsangue, les trois premiers guerriers tombèrent à terre, sous le regard horrifié de leurs pairs.
Même les glyphes des prêtres aztèques ne semblaient pas empêcher la vampire d'utiliser la magie hématique propre à son espèce.
Il n'en demeurait pas moins qu'Ahuitzolt avait raison en parlant d'efforts vains. Ils ne pouvaient vaincre les milliers de partisan du nouvel empereur à eux seuls.
De plus, si Heinrich, S'san, Parzival et surtout Erzsebet arrivaient à contenir l'ennemi tout autour d'eux, ils ne pouvaient être partout. Henrike von Grosskarl poussa un cri de terreur lors qu'en guerrier-aigle se pencha par-dessus la table renversée qu'elle utilisait comme bouclier, blottie contre Accenti. Le maquahuil siffla et Henrike n'évita la mort qu'en se jetant de côté. Comme le colosse s'arcboutait pour arracher la table que les deux jeunes filles cherchaient à retenir, il hurla soudain de douleur et repartis comiquement en sautillant... Bamf, accroché à son mollet, lui mordait le gros orteil à pleines dents !
Adam Eisenmann sortit de sa cachette à cet instant, ramassant une lance au sol, il ferma les yeux avant de l'enfoncer de toute sa force dans le dos du Mexica. Le guerrier tomba à genoux, éructant un flot de sang et rendit l'âme.
Autour d'eux l'affrontement connaissait une nouvelle pause. Sévèrement étrillés, les guerriers-aigles survivants se repliaient, laissant place à une nouvelle troupe. Ces derniers étaient des lanceurs de dards. Ils portaient un carquois remplis de sortes de javelots empennés. Cette fois, Ahuizolt semblait déterminé à les anéantir à distance sans perdre davantage d'hommes.
Le huitième empereur des Aztèques, leva la main pour commander l'assaut des lanceurs de traits lorsqu'un fracas soudain le fit se retourner : des cris de terreur, précédèrent un choc violent comme celui de la charge d'un taureau. Le mur de guerriers qui fermait l'entrée vola en éclat, des hommes hurlant furent projetés à distance.
Une chose terrifiante se tenait à présent devant eux. Un gigantesque masque façonné en des traits démoniaques avec des yeux triangulaires et cruels, des cornes sur le front et des lèvres découvrant en un rictus d'énormes canines. Cet étrange corps suffisait à lui seul à remplir le passage, mais autours de lui grouillaient des tentacules de pures ténèbres. Chacune de ses maléfiques vrilles enserrait à présent une masse d'arme en jade enveloppée de flammes d'un vert nauséeux.
On pouvait dire que Bébal venait de réussir une entrée fracassante !
Ahuizolt, jeté à terre par le démon, se releva, évitant les tentacules et s'enfuit aussi vite qu'il pouvait courir. Tous les guerriers encore vivants l'imitèrent. Toutefois, bien peu d'entre eux parvinrent à échapper aux masses maniées par le monstre.
Ayant fait le vide, il se tourna alors vers Accenti et Adam.
- Je suis heureux d'être arrivé à temps pour vous sauver, Votre Altesse Impériale, sire Adam. J'ai été retardé par les glyphes apposés par les prêtres autour du palais d'Axayacalt. Non seulement, ils empêchaient la magie de fonctionner, mais en plus, ils formaient une barrière contre les démons.
- On peut utiliser la magie à présent ?
La question venait de S'san. En dépit de multiples blessures, il se tenait accoudé à la fenêtre, regardant les affrontements autour du temple circulaire de Quetzalcóatl... visiblement le dernier carré des fidèles de Tizoc.
- Oui, seigneur S'san.
- Dans ssse cas, je me rends immédiatement au temple de Quetzalcóatl. Il y a un portail de téléportation qui pourra nous emmener en sécurité. Nous ne parviendrons jamais à sssortir de la ville par les chausssées, Ahuizolt doit les tenir fermement... Non, ce portail est notre ssseule chance.
- Vous avez raison, seigneur S'san. D'autant plus que le palais impérial est tombé et que parmi les effectifs qui ont permis sa rapide capture... il y a des Espagnols armés de canons et d'arquebuses.
S'san ne répondit pas. Brandissant son bâton, il murmura une incantation. Il y eut une lumière violette et... Il ne fut plus là.
_________________
Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots. William Faulkner
Anaxagore- Messages : 2234
Date d'inscription : 18/10/2015
Age : 50
Re: L'évadée des Abysses
Que pensez-vous de ce passage ? Trop technique ?
C'était un travail pénible.
Adam l'avait observé bien des fois. Il n'était toutefois pas préparé à se retrouver un jour à diriger toute une équipe de fondeurs.
La première partie avait été initiée par Accenti, non qu'elle entende quoi que ce soit à la transformation des minerais en métaux. Sa tâche consista en l'invocation d'un démon qui avait appris les langues locales à Adam et aux autres. La tâche n'ayant déjà rien de simple, Adam avait insisté pour éviter de passer par le truchement par deux traducteurs... qui ne connaissaient rien à l'affaire.
Après avoir expliqué comment reconnaitre le fer, échantillon en main, Adam s'entendit répondre par indigène qu'il y avait des pierres semblables éparpillées le long d'un ruisseau. L'adolescent remonta le cours d'eau jusqu'à la base d'un éperon rocheux où l'érosion avait mis à jour un gisement. Le minerai, très riche, était encore enfermé dans sa gangue fusible.
Adam Eisenmann n'eut guère besoin d'expliquer ce qu'il désirait. Même si les locaux ne connaissaient pas la sidérurgie, ils exploitaient le cuivre et l'or depuis des siècles. Avec le professionnalisme des vrais mineurs, ils commencèrent l'extraction du filon avec des pelles de bois et des pics grossiers. Émietté au marteau, le minerai remplit des paniers.
Une fois le gisement trouvé, les choses pouvaient continuer sans lui, aussi le jeune chef retourna en ville pour visiter les deux autres chantiers de son projet. En premier, les soufflets. Ces derniers n'étaient en aucun cas d'une technicité avancée, ce n'étaient que des peaux qui se gonflaient et se dégonflaient... en tout cas rien qui puisse paraître infaisable pour les artisans locaux. Toutefois, ils stupéfiaient les autochtones qui n'avaient jamais imaginé quelque chose de semblable.
Restait le haut fourneau, construit en terre réfractaire il serait à usage unique. Normalement, les fondeurs utilisaient un ensemble de fours et de creusets, où l'on plaçait des couches alternées de minerai et de charbon. Toutefois, cette méthode - très efficace- nécessitait des équipes formée l'utiliser. Adam était un amateur et les Purépechas plus encore. Toutefois, au tout début de l'âge de fer, les hommes avaient recouru à un seul haut fourneau. L'idée étant que l'on économisait les étapes successives en transformant et en réduisant le minerai de fer de manière simultanée... Bien sûr, avec une méthode aussi grossière, seul le minerai placé au centre du haut fourneau atteindrait une température suffisante pour se transformer en fer, le reste serait inutilisable. En plus, la qualité allait probablement être très mauvaise... Le processus pourrait être amélioré ultérieurement, ce serait déjà bien s'il réussissait à obtenir du fer à la première tentative. Fer qu'il faudrait ensuite transformer en acier...
La suite fut longue, épuisante et la chaleur n'arrangeait rien. Après trois jours à alimenter le haut fourneau, les Purépechas le brisèrent. Frappant à grand coup la masse de scories, ils libèrent un joyau ardent : la loupe de fer. Pour la transformer en fer à part entière, il fallait la cingler et la corroyer.
Apparut alors un problème qui hantait Adam depuis le premier jour. Ils n'avaient ni enclume, ni marteaux, ni tenailles... rien... Au final la loupe de fer fut emmanchée sur un bâton - devenant son propre marteau- et frappée sur une grande pierre qui servit d'enclume.
Cette première expérimentation étant réussie, d'autres haut-fourneaux naquirent à proximité de Tzinzuntzan dégorgeant bientôt un mauvais fer qui permit de créer les outils nécessaires à la seconde phase : l'acier.
Pour obtenir de l'acier à partir de fer, il fallait le fondre dans un creuset avec de la poudre de charbon. Chauffé au rouge, travaillé au marteau, puis brutalement plongé dans de l'eau, il acquérait la trempe nécessaire à son utilisation pour des fers de hache, des pointes de flèches et de lances.
À chaque étape - réussie, car il y eut des échecs- de sa redécouverte de la sidérurgie, l'expérience acquise par Adam fut transmise aux autres équipes. Bientôt, les alentours de la capitale des Purépechas furent noyés dans es écharpes de fumée s'élevant des haut-fourneaux en action. La création du fer et de l'acier était maîtrisée..
En deux semaines, les autochtones venaient de faire un bond technologique de trois mille ans. Toutefois, cela ne résolvait qu'une partie du problème. Ils n'étaient toujours pas de taille à affronter la science militaire supérieure des Espagnols.
Heinrich von Grosskarl avait hérité d'un caractère... disons difficile, aussi difficile que celui de sa sœur. Les vastes dons magiques d'Henrike lui vallaient d'être facilement reconnue comme la fille de Manfred von Grosskarl, le maître de la guilde des mages de Köln, nul ne s'aviserait de la sous-estimer. Élève de sa mère, Heinrich avait appris l'escrime et le tir avec des armes aussi variées que l'arc, l'arbalète ou l'arquebuse. La maîtrise de ces matières ése révélant assez commune dans la société militariste du reich de Drakenland, le jeune homme souffrait beaucoup de la comparaison avec sa jumelle.
Pourtant, ce jour là, dans la salle du trône du roi Zuanga, Heinrich savait qu'il pouvait apporter une connaissance qui changerait les Purépechas à jamais.
- Vous voyez, ô roi, votre armée ne connait que le courage individuel et le combat de masse. Les Espagnols aux contraires maîtrisent ce que l'on appelle la "tactique". La tactique est l'art de faire opérer les hommes en formation et, sur un simple ordre, de leur faire changer cette même formation pour une autre plus adaptée. Une troupe doit être comme une main dont chaque doigt - chaque homme- obéit à la tête pour saisir un objet et le tenir dans une poigne solide.
Pris dans une verve intarissable, Heinrich regardait le monarque des Purépechas qui montrait une certaine perplexité.
- La tactique des Espagnols repose sur l'utilisation de la phalange de piquiers. Les piques sont des très grandes lances, pouvant atteindre la longueur de trois à quatre hommes. Les piquiers combattent en formation, épaule contre épaule, et avancent à la même vitesse. Les hastes des premiers rangs sont pointées à l'horizontale de manière à empêcher l'adversaire d'arriver au contact, tandis que les rangs suivants élèvent leurs propres armes pour protéger les premiers rangs des traits. En effet, flèches et balles de frondes ricochent sur les hampes de bois.
Le long des murs, les administrateurs militaires écoutaient en commentant, intrigués, mais aussi perplexes, ayant du mal à imaginer des lances de six à sept mètres, et surtout ces hommes qui les maniaient en formation. Toutefois, Heinrich venaient à peine de dépasser la mise en bouche.
- Attaquer une phalange de front est impossible. Cependant, cette troupe est très vulnérable si elle est prise de flanc et surtout à revers. Dans le passé de la terre lointaine d'où nous sommes originaires, les Espagnols et nous, il a existé un grand peuple qui a vaincu tous les autres, dominant un territoire plus de cent fois plus vaste que le royaume Purépecha. On les appelait, les Romains. Il n'y a jamais eu de plus grands soldats. Confiez-moi, quatre cent quatre-vingt hommes, j'en ferais une cohorte apte à vaincre les piquiers espagnols. Il me faut des gens de la campagne, des garçons pubères, habitués à la vie dure, aux travaux des champs qui les ont rendus forts et endurants.
Pour la première fois, le roi parla. Un des nombreux mots étrangers, dont Heinrich parsemait son discours, l'avait intrigué.
- Cohorte ?
- Il s'agit, ô roi, d'une unité militaire formée de six centuries de quatre-vingt hommes.
- Et comment cette "cohorte" peut battre la "phalange" ?
- Les légionnaires - les guerriers qui forment l'armée romaine- combattaient au javelot. Une volée de javelots envoyés de flanc, provoquerait des pertes parmi les piquiers espagnols et surtout romprait la formation. Il faudrait ensuite charger au contact pour les combattre au corps-à-corps. C'est la méthode qui a permis aux Romains de battre les phalanges grecques.
- Si je vous dessine des pièces métalliques, vous pouvez les fondre ?
- En fer ou en acier ?
La première question venait d'Heinrich, la réponse - intriguée- provenait d'Adam. Leurs compagnons, venus partager le repas avec eux, arrêtèrent de parler pour les regarder. Chacun de leur côté, ils avaient littéralement transformés les Purépechas. Allaient-ils se lancer dans un projet commun ?
"En fer", répondit Heinrich von Grosskarl, "j'ai besoin du mécanisme d'une arbalète, noix de décroche, levier d'armement. Je me charge du travail du bois."
Accenti, Henrike et Erszebet échangèrent des regards perplexes "noix de décroche" ? Comme elles se tournaient vers Bamf, se dernier montra ses mains vides.
- Hé, c'est pas parce que je suis un garçon que je comprends ce qu'ils veulent dire ?
Il se tourna vers le duo qui continuait à échanger dans un jargon hérissé de termes techniques, tels que "carreaux" "viretons", " arrêtoir" "bride" ou "mouffle".
- De quoi vous parlez ?
Heinrich se retourna vers le petit démon qui le considérait d'un air tors, les deux poings sur les hanches.
- Je cherche un moyen d'arrêter les cavaliers espagnols. Comme ils portent des demi-plaques et des morions, les arcs locaux sont trop faibles pour percer de telles protections... à moins d'un coup chanceux. Il existe une arme toute indiquée pour cela : l'arbalète. Je travaille sur la création d'un modèle à étrier, qui laisse les deux mains libres...
Voyant l'air d'incompréhension partagée par les filles et le diablotin, Henrike soupira.
- Une arbalète c'est un arc couché à l'horizontal sur un affût appelé "arbrier". L'arc de l'arbalète est plus rigide que celui utilisé par les archers, il ne pourrait pas être tendu à bras franc. Il faut donc utiliser une poulie Il existe des arbalètes légères avec une poulie, appelée "cranequin", située sur le côté ou le dessus de l'arme. De manière à ce qu'elle puisse être utilisée d'une main. Toutefois, elles ne sont pas très puissantes. Ce que je veux, c'est une arbalète lourde tirant des carreaux capables de traverser un chevalier en armure. Pour la recharger, il faut la caller verticalement, contre ses jambes, un pied dans l'étrier pour la maintenir fermement. Ensuite, tendre la corde à l'aide d'une poulie à deux mains appelée "mouffle", redresser l'arme à l'horizontale, charger le projectile... le carreau d'arbalète... et tirer en serrant la gâchette à levier. Le resserrement de la gâchette fait basculer la noix de décroche qui libère la corde de l'arc et propulse le carreau. L'arbalète est une arme très complexe... plus que l'arquebuse en fait.
- Alors pourquoi ne pas fabriquer une arquebuse ?
La question, posée par Accenti, fit profondément soupirer Heinrich qui secoua la tête avant de lever deux doigts.
- Parce que l'arquebuse pose deux problèmes irrésolubles. D'abord la culasse doit être soudée pour résister à la déflagration de la poudre. C'est vous qui allez leur apprendre la soudure, princesse ?
Alors qu'elle rougissait et allait répondre, Heinrich toucha le deuxième doigt qu'il avait levé.
- Il faut d'abord fabriquer de la poudre noire pour utiliser une arquebuse. Les poudrières sont des endroits dangereux qui peuvent littéralement vous exploser à la figure. Ce n'est pas affaire d'amateurs ! Non, les arbalètes suffisent. Au moins, une erreur de conception ne nous enverra pas dans un feu d'artifice jusqu'aux pieds de Saint-Pierre.
Chapitre 25
C'était un travail pénible.
Adam l'avait observé bien des fois. Il n'était toutefois pas préparé à se retrouver un jour à diriger toute une équipe de fondeurs.
La première partie avait été initiée par Accenti, non qu'elle entende quoi que ce soit à la transformation des minerais en métaux. Sa tâche consista en l'invocation d'un démon qui avait appris les langues locales à Adam et aux autres. La tâche n'ayant déjà rien de simple, Adam avait insisté pour éviter de passer par le truchement par deux traducteurs... qui ne connaissaient rien à l'affaire.
Après avoir expliqué comment reconnaitre le fer, échantillon en main, Adam s'entendit répondre par indigène qu'il y avait des pierres semblables éparpillées le long d'un ruisseau. L'adolescent remonta le cours d'eau jusqu'à la base d'un éperon rocheux où l'érosion avait mis à jour un gisement. Le minerai, très riche, était encore enfermé dans sa gangue fusible.
Adam Eisenmann n'eut guère besoin d'expliquer ce qu'il désirait. Même si les locaux ne connaissaient pas la sidérurgie, ils exploitaient le cuivre et l'or depuis des siècles. Avec le professionnalisme des vrais mineurs, ils commencèrent l'extraction du filon avec des pelles de bois et des pics grossiers. Émietté au marteau, le minerai remplit des paniers.
Une fois le gisement trouvé, les choses pouvaient continuer sans lui, aussi le jeune chef retourna en ville pour visiter les deux autres chantiers de son projet. En premier, les soufflets. Ces derniers n'étaient en aucun cas d'une technicité avancée, ce n'étaient que des peaux qui se gonflaient et se dégonflaient... en tout cas rien qui puisse paraître infaisable pour les artisans locaux. Toutefois, ils stupéfiaient les autochtones qui n'avaient jamais imaginé quelque chose de semblable.
Restait le haut fourneau, construit en terre réfractaire il serait à usage unique. Normalement, les fondeurs utilisaient un ensemble de fours et de creusets, où l'on plaçait des couches alternées de minerai et de charbon. Toutefois, cette méthode - très efficace- nécessitait des équipes formée l'utiliser. Adam était un amateur et les Purépechas plus encore. Toutefois, au tout début de l'âge de fer, les hommes avaient recouru à un seul haut fourneau. L'idée étant que l'on économisait les étapes successives en transformant et en réduisant le minerai de fer de manière simultanée... Bien sûr, avec une méthode aussi grossière, seul le minerai placé au centre du haut fourneau atteindrait une température suffisante pour se transformer en fer, le reste serait inutilisable. En plus, la qualité allait probablement être très mauvaise... Le processus pourrait être amélioré ultérieurement, ce serait déjà bien s'il réussissait à obtenir du fer à la première tentative. Fer qu'il faudrait ensuite transformer en acier...
La suite fut longue, épuisante et la chaleur n'arrangeait rien. Après trois jours à alimenter le haut fourneau, les Purépechas le brisèrent. Frappant à grand coup la masse de scories, ils libèrent un joyau ardent : la loupe de fer. Pour la transformer en fer à part entière, il fallait la cingler et la corroyer.
Apparut alors un problème qui hantait Adam depuis le premier jour. Ils n'avaient ni enclume, ni marteaux, ni tenailles... rien... Au final la loupe de fer fut emmanchée sur un bâton - devenant son propre marteau- et frappée sur une grande pierre qui servit d'enclume.
Cette première expérimentation étant réussie, d'autres haut-fourneaux naquirent à proximité de Tzinzuntzan dégorgeant bientôt un mauvais fer qui permit de créer les outils nécessaires à la seconde phase : l'acier.
Pour obtenir de l'acier à partir de fer, il fallait le fondre dans un creuset avec de la poudre de charbon. Chauffé au rouge, travaillé au marteau, puis brutalement plongé dans de l'eau, il acquérait la trempe nécessaire à son utilisation pour des fers de hache, des pointes de flèches et de lances.
À chaque étape - réussie, car il y eut des échecs- de sa redécouverte de la sidérurgie, l'expérience acquise par Adam fut transmise aux autres équipes. Bientôt, les alentours de la capitale des Purépechas furent noyés dans es écharpes de fumée s'élevant des haut-fourneaux en action. La création du fer et de l'acier était maîtrisée..
En deux semaines, les autochtones venaient de faire un bond technologique de trois mille ans. Toutefois, cela ne résolvait qu'une partie du problème. Ils n'étaient toujours pas de taille à affronter la science militaire supérieure des Espagnols.
Heinrich von Grosskarl avait hérité d'un caractère... disons difficile, aussi difficile que celui de sa sœur. Les vastes dons magiques d'Henrike lui vallaient d'être facilement reconnue comme la fille de Manfred von Grosskarl, le maître de la guilde des mages de Köln, nul ne s'aviserait de la sous-estimer. Élève de sa mère, Heinrich avait appris l'escrime et le tir avec des armes aussi variées que l'arc, l'arbalète ou l'arquebuse. La maîtrise de ces matières ése révélant assez commune dans la société militariste du reich de Drakenland, le jeune homme souffrait beaucoup de la comparaison avec sa jumelle.
Pourtant, ce jour là, dans la salle du trône du roi Zuanga, Heinrich savait qu'il pouvait apporter une connaissance qui changerait les Purépechas à jamais.
- Vous voyez, ô roi, votre armée ne connait que le courage individuel et le combat de masse. Les Espagnols aux contraires maîtrisent ce que l'on appelle la "tactique". La tactique est l'art de faire opérer les hommes en formation et, sur un simple ordre, de leur faire changer cette même formation pour une autre plus adaptée. Une troupe doit être comme une main dont chaque doigt - chaque homme- obéit à la tête pour saisir un objet et le tenir dans une poigne solide.
Pris dans une verve intarissable, Heinrich regardait le monarque des Purépechas qui montrait une certaine perplexité.
- La tactique des Espagnols repose sur l'utilisation de la phalange de piquiers. Les piques sont des très grandes lances, pouvant atteindre la longueur de trois à quatre hommes. Les piquiers combattent en formation, épaule contre épaule, et avancent à la même vitesse. Les hastes des premiers rangs sont pointées à l'horizontale de manière à empêcher l'adversaire d'arriver au contact, tandis que les rangs suivants élèvent leurs propres armes pour protéger les premiers rangs des traits. En effet, flèches et balles de frondes ricochent sur les hampes de bois.
Le long des murs, les administrateurs militaires écoutaient en commentant, intrigués, mais aussi perplexes, ayant du mal à imaginer des lances de six à sept mètres, et surtout ces hommes qui les maniaient en formation. Toutefois, Heinrich venaient à peine de dépasser la mise en bouche.
- Attaquer une phalange de front est impossible. Cependant, cette troupe est très vulnérable si elle est prise de flanc et surtout à revers. Dans le passé de la terre lointaine d'où nous sommes originaires, les Espagnols et nous, il a existé un grand peuple qui a vaincu tous les autres, dominant un territoire plus de cent fois plus vaste que le royaume Purépecha. On les appelait, les Romains. Il n'y a jamais eu de plus grands soldats. Confiez-moi, quatre cent quatre-vingt hommes, j'en ferais une cohorte apte à vaincre les piquiers espagnols. Il me faut des gens de la campagne, des garçons pubères, habitués à la vie dure, aux travaux des champs qui les ont rendus forts et endurants.
Pour la première fois, le roi parla. Un des nombreux mots étrangers, dont Heinrich parsemait son discours, l'avait intrigué.
- Cohorte ?
- Il s'agit, ô roi, d'une unité militaire formée de six centuries de quatre-vingt hommes.
- Et comment cette "cohorte" peut battre la "phalange" ?
- Les légionnaires - les guerriers qui forment l'armée romaine- combattaient au javelot. Une volée de javelots envoyés de flanc, provoquerait des pertes parmi les piquiers espagnols et surtout romprait la formation. Il faudrait ensuite charger au contact pour les combattre au corps-à-corps. C'est la méthode qui a permis aux Romains de battre les phalanges grecques.
- Si je vous dessine des pièces métalliques, vous pouvez les fondre ?
- En fer ou en acier ?
La première question venait d'Heinrich, la réponse - intriguée- provenait d'Adam. Leurs compagnons, venus partager le repas avec eux, arrêtèrent de parler pour les regarder. Chacun de leur côté, ils avaient littéralement transformés les Purépechas. Allaient-ils se lancer dans un projet commun ?
"En fer", répondit Heinrich von Grosskarl, "j'ai besoin du mécanisme d'une arbalète, noix de décroche, levier d'armement. Je me charge du travail du bois."
Accenti, Henrike et Erszebet échangèrent des regards perplexes "noix de décroche" ? Comme elles se tournaient vers Bamf, se dernier montra ses mains vides.
- Hé, c'est pas parce que je suis un garçon que je comprends ce qu'ils veulent dire ?
Il se tourna vers le duo qui continuait à échanger dans un jargon hérissé de termes techniques, tels que "carreaux" "viretons", " arrêtoir" "bride" ou "mouffle".
- De quoi vous parlez ?
Heinrich se retourna vers le petit démon qui le considérait d'un air tors, les deux poings sur les hanches.
- Je cherche un moyen d'arrêter les cavaliers espagnols. Comme ils portent des demi-plaques et des morions, les arcs locaux sont trop faibles pour percer de telles protections... à moins d'un coup chanceux. Il existe une arme toute indiquée pour cela : l'arbalète. Je travaille sur la création d'un modèle à étrier, qui laisse les deux mains libres...
Voyant l'air d'incompréhension partagée par les filles et le diablotin, Henrike soupira.
- Une arbalète c'est un arc couché à l'horizontal sur un affût appelé "arbrier". L'arc de l'arbalète est plus rigide que celui utilisé par les archers, il ne pourrait pas être tendu à bras franc. Il faut donc utiliser une poulie Il existe des arbalètes légères avec une poulie, appelée "cranequin", située sur le côté ou le dessus de l'arme. De manière à ce qu'elle puisse être utilisée d'une main. Toutefois, elles ne sont pas très puissantes. Ce que je veux, c'est une arbalète lourde tirant des carreaux capables de traverser un chevalier en armure. Pour la recharger, il faut la caller verticalement, contre ses jambes, un pied dans l'étrier pour la maintenir fermement. Ensuite, tendre la corde à l'aide d'une poulie à deux mains appelée "mouffle", redresser l'arme à l'horizontale, charger le projectile... le carreau d'arbalète... et tirer en serrant la gâchette à levier. Le resserrement de la gâchette fait basculer la noix de décroche qui libère la corde de l'arc et propulse le carreau. L'arbalète est une arme très complexe... plus que l'arquebuse en fait.
- Alors pourquoi ne pas fabriquer une arquebuse ?
La question, posée par Accenti, fit profondément soupirer Heinrich qui secoua la tête avant de lever deux doigts.
- Parce que l'arquebuse pose deux problèmes irrésolubles. D'abord la culasse doit être soudée pour résister à la déflagration de la poudre. C'est vous qui allez leur apprendre la soudure, princesse ?
Alors qu'elle rougissait et allait répondre, Heinrich toucha le deuxième doigt qu'il avait levé.
- Il faut d'abord fabriquer de la poudre noire pour utiliser une arquebuse. Les poudrières sont des endroits dangereux qui peuvent littéralement vous exploser à la figure. Ce n'est pas affaire d'amateurs ! Non, les arbalètes suffisent. Au moins, une erreur de conception ne nous enverra pas dans un feu d'artifice jusqu'aux pieds de Saint-Pierre.
_________________
Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots. William Faulkner
Anaxagore- Messages : 2234
Date d'inscription : 18/10/2015
Age : 50
Re: L'évadée des Abysses
Alors désolé pour les délais, mais je préférais lire ça à tête reposée.
Je passe sur les coquille ou mots manquant, le passage étant WIP ce n'est pas le sujet.
Concernant la technicité:
*terre réfractaire ==> il faudrait peut être expliqué en quoi ça consiste. je ne sais pas exactement quel publique tu vise, mais tout le monde ne connais pas forcément les matériaux réfractaires. j'ai tendance pour ma part à expliquer ce genre de chose pour éviter que le lecteur se sorte du livre pour aller chercher une définition.
*seul le minerai placé au centre du haut fourneau atteindrait une température suffisante pour se transformer en fer, le reste serait inutilisable. En plus, la qualité allait probablement être très mauvaise ==> Pourquoi?
*corroyer==> élément de langage assez technique spécifique au travail du métal. Risque que le lecteur n'est pas la moindre idée de ce ça veux dire.
Je passe sur les coquille ou mots manquant, le passage étant WIP ce n'est pas le sujet.
Concernant la technicité:
*terre réfractaire ==> il faudrait peut être expliqué en quoi ça consiste. je ne sais pas exactement quel publique tu vise, mais tout le monde ne connais pas forcément les matériaux réfractaires. j'ai tendance pour ma part à expliquer ce genre de chose pour éviter que le lecteur se sorte du livre pour aller chercher une définition.
*seul le minerai placé au centre du haut fourneau atteindrait une température suffisante pour se transformer en fer, le reste serait inutilisable. En plus, la qualité allait probablement être très mauvaise ==> Pourquoi?
*corroyer==> élément de langage assez technique spécifique au travail du métal. Risque que le lecteur n'est pas la moindre idée de ce ça veux dire.
_________________
« Ce n’est que devant l’épreuve, la vraie, celle qui met en jeu l’existence même, que les hommes cessent de se mentir et révèlent vraiment ce qu’ils sont. »
Alexandre Lang.
Au Bord de l'Abîme et au-delà
Re: L'évadée des Abysses
D'accord, je vais réfléchir à une modification du texte.
_________________
Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots. William Faulkner
Anaxagore- Messages : 2234
Date d'inscription : 18/10/2015
Age : 50
Page 1 sur 2 • 1, 2
Page 1 sur 2
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Aujourd'hui à 16:11 par Uranium Colonel
» CTC 44 - La guerre du Levant (FITNA v2)
Sam 16 Nov - 14:53 par Thomas
» Ils arrivent !
Dim 10 Nov - 11:39 par Ammonios
» Terra Ignota, Ada Palmer
Sam 9 Nov - 14:24 par Ammonios
» Statut exact du domaine français de Terre Sainte
Ven 8 Nov - 17:28 par Ammonios
» Un cours d'histoire ancienne
Mar 5 Nov - 18:44 par Ammonios
» Que pourrait changer une mort prématurée de Churchill ?
Lun 4 Nov - 20:58 par Ammonios
» Présentation d'Ammonios
Sam 2 Nov - 22:47 par Ammonios
» L'échange de Brennert
Mar 29 Oct - 16:26 par MonsieurTélévision