Les Lanciers de Peshawar — S.M. Stirling

Les Lanciers de Peshawar — S.M. Stirling

Résumé :
« 1878, une pluie de comètes s’abat sur l’hémisphère nord de la Terre, soulevant de gigantesques raz de marée. Le froid et la barbarie envahissent l’Europe. La noblesse, la bourgeoisie et les scientifiques anglais émigrent bientôt vers les territoires plus ou moins épargnés de l’Empire britannique, Australie, Afrique du Sud et surtout Indes. 2025, leurs descendants ont retrouvé le chemin de la civilisation, les sciences et les techniques se développent, l’agriculture est florissante dans les vallées et les plaines de l’Inde, et même si l’aristocratie anglaise est restée au pouvoir, la culture indienne s’est imposée dans tous les domaines : arts, mode, nourriture, langue… Mais en Russie la barbarie s’est prolongée, un régime de terreur règne, qui a son dieu noir, ses prêtres sanguinaires. Les sacrifices humains sont monnaie courante, le cannibalisme un art de vivre pour les puissants et un mal nécessaire pour les peuples affamés. Le sort de l’Empire britannique repose sur des jumeaux. L’un est officier des Lanciers de Peshawar, l’autre une scientifique brillante, chantre de l’émancipation féminine. Pourquoi leur famille a-t-elle comme Némésis depuis deux générations un noble russe, maître des ordres du dieu noir, qui a comme arme des jeunes femmes capables de parcourir les couloirs du temps, de voir le passé, mais aussi de prédire l’avenir ? La Russie craint-elle Athelstane le guerrier ? Son dieu noir a-t-il peur des talents de scientifique de Cassandra, qui pourraient sauver le monde d’une nouvelle catastrophe planétaire ? »

Fiche technique :
Illustrateur : S.M. Stirling
Éditeur : Fleuve Noir
Pagination : 372 pages

Ma chronique complète, ici. (Un petit clic pour les stats est apprécié)

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Le récit mélange espionnage, action, aventure, franche amitié, humour et un peu de romance alors que les protagonistes tentent de comprendre ce qui se trame, se trouver des alliés puis s’efforcent empêcher l’ennemi de réaliser son projet. L’Angrezi Raj ne manquant pas de rivaux et d’ennemi, Ignatieff n’a pas de mal à recruter des agents dans le Raj même, en plus d’agent extérieur issu de puissances voisines ou de peuples qui veulent se libérer de l’Empire. Évidemment, l’histoire se finit bien, mais c’est bien construit, très rythmé, franchement dépaysant (doublement, j’y reviendrais quand je parlerais du worldbuilding), très divertissant et parfois épique. Bref, je ne me suis pas ennuyé une seule seconde, même si deux ou trois points secondaires du dénouement m’ont paru prévisibles.

Parlons worldbuilding. Comme vous l’avez vu, l’histoire se déroule en 2025 et en « Inde ». C’est de là que vient le double dépaysement que j’évoquais quelques lignes plus haut. L’Angrezi Raj, parfois appelé Deuxième Empire, voit la famille royale britannique régner sur l’Inde (incluant un bout de l’Iran, la Birmanie et une partie de la Thaïlande), l’Afrique septentrionale et l’Océanie. Plus ou moins intégré à cet empire se trouve aussi l’Indonésie hollandaise, sorte de protectorat. Le Japon qui a conquis une partie de l’Extrême-Orient russe, la Chine, la Mongolie, l’Indochine et les Philippines en profitant d’avoir été moins impacté par la Chute que ces voisins/rivaux. L’Empire russe, s’il existe toujours n’est plus que l’ombre de lui-même replié derrière l’Oural et sur l’Asie centrale avec Samarkand pour capitale. Le Moyen-Orient et les Balkans sont aux mains du Califat de Damas. L’Empire de France d’Outre-Mer vit principalement sur son empire d’Afrique du Nord et de l’Ouest où il côtoie le Sultanat d’Égypte. Enfin la maison portugaise des Bragance subsiste sur les restes de son Empire sud-américain. De l’Espagne, il ne subsiste que quelques protoétats et cités-États dans les anciennes colonies. Le cataclysme de la Chute, puis ses conséquences sur le climat (refroidissement global de plusieurs degrés, arrêt du Gulf Stream, météo et saison déréglées…) ont anéanti les civilisations de l’Hémisphère nord, plus particulièrement celles bordant l’atlantique (tsunamis, arrêt du Gulf Stream…). Absence de récoltes, les guerres, les famines et le cannibalisme ont ravagé l’Europe et l’Amérique du Nord qui se sont effondrées. Si des pays comme le Royaume-Uni, la France et le Portugal ont « survécu » c’est en déménageant dans leurs colonies. Ces dernières n’ont pas été épargnées par les conséquences de la Chute, car le climat plus capricieux y a réduit les récoltes, rendant difficile à avaler pour les colonisés de voir les « maitres » débarquer et déclenchant donc des rébellions. Ainsi le monde est beaucoup moins peuplé que le nôtre. Le Raj ne compte que 230 millions d’âmes sur des territoires qui dans notre monde en compte près de 2 milliards. La terre est grosso modo dix fois moins peuplée qu’OTL. Ce Raj, hybride indien et britannique, est donc très dépaysant. L’exotisme de ce wordbuilding déteint sur les dialogues teintés d’un créole anglo-indien. Les descriptions des eusses et coutumes, y compris ceux adoptés par la noblesse du Raj qui s’est indianisé sont aussi « exotiques ». Les deux puissances qui ont tiré leur épingle du jeu sont donc Damas et Tokyo, moins impactés que les grandes puissances coloniales et ayant profité de l’appel d’air engendré par l’effondrement occidental. L’Amérique du Nord est elle aussi largement dépeuplée et de nombreux territoires d’Amérique et Afrique n’ont pas été « civilisés » par les colonisateurs européens. Alors que le monde continue de se remettre, l’empire de France d’Outre-Mer et l’Angrezi Raj ont commencé à recoloniser leurs anciens berceaux européens, largement dépeuplé et ayant sombré dans la barbarie cannibale. Ces deux Empires sont sur le point de s’unir, puisque le fils de l’Empereur de France et la fille de l’Empereur du Raj doivent se marier. Leur « histoire » est l’une des intrigues secondaires du livre. Il s’avère qu’en face, Damas, Samarkand et Tokyo semblent doucement s’aligner contre le Raj alors que Damas est déjà une grande rivale d’Alger.

Pour poursuivre sur le worldbuilding dépaysant, il y a l’aspect technologique et sociétal. Sur l’aspect technologique, le monde à près de 150 ans de retard. Cela donne une touche « steampunk » d’une ère victorienne « perpétuelle » puisqu’il a d’abord fallu sauver les technologies de l’époque de la Chute et les pérenniser. Plutôt que des ruptures technologiques, le monde s’est globalement livré à des perfectionnements des technologies existantes. L’informatique se limite à des machines de Babbage, l’aéronautique se cantonne aux dirigeables, l’automobile est encore peu répandue et utilise des moteurs Stirling, les armes en sont encore aux fusils à verrou. Sociétallement, il est intéressant de voir que le monde reste très dur, ainsi si l’Angrezi Raj est le phare de la civilisation, la moindre violence par armes à feu vous conduit à la potence, réduisant ainsi drastiquement la circulation des armes à feu et laissant le monopole de la violence à l’État. L’Inde n’est pas la plus grande démocratie du monde, car seuls les nobles (la chambre des Lords) détiennent réellement le pouvoir politique. En effet, la Chambre des Communes est-elle aussi très sélective puisqu’il faut un certain niveau de vie et s’acquitter d’une taxe. Ainsi, seuls ceux qui ont les moyens et sont prêts à « payer pour » peuvent intégrer cette chambre. La tragédie voulant qu’en réalité toutes les autres « grandes puissances » soient encore bien moins démocratique.

Si l’uchronie et le worldbuiding infusent tout au long du récit, l’auteur nous offre treize pages d’appendices permettant de mieux cerner l’univers.

Après une quinzaine d’années dans les limbes de ma liste d’achat puis quelques mois dans ma PAL, « Les Lanciers de Peshawar » m’a offert un très bon moment. Une histoire haletante mêlant espionnage, action, aventure, franche amitié, humour et un peu de romance qui est doublée d’un univers uchronique riche, exotique et bien ficelé. Une lecture que je recommande très chaudement que vous soyez amateur d’uchronie ou d’histoire d’action-aventure haletante et exotique.

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Il est à noter que S.M. Stirling a exploré l’univers de la « Chute » dans la nouvelle « Shikari in Galveston » publiée dans l’anthologie « Worlds That Weren’t ». Le texte est un prequel qui met en scène le père des jumeaux King. Présentation : « Shikari in Galveston se déroule au Texas, un siècle après la pluie de météorites qui a dévasté l’Amérique du Nord et l’Europe en 1878. Cette catastrophe a entraîné l’effondrement des États-Unis et, par la suite, la transformation de la société texane en un mélange de sociétés amérindiennes et européennes. L’Angrezi Raj étend son influence sur les côtes de l’Amérique du Nord, y compris à Galveston, qui sert de base. Eric King, officier de cavalerie britannique, rassemble un groupe de chasseurs comprenant Sonjuh, en quête de vengeance, qui a perdu sa famille aux mains des cannibales, et Robre, un jeune chasseur de la tribu des Cross Plains qui espère obtenir de King un fusil rare. Pendant ce temps, des agents russes projettent d’inciter une tribu de cannibales à détruire les tribus alliées des Britanniques de l’ancien Texas. » L’anthologie et la nouvelle ne sont pas disponibles en français. Peut-être croiserons-nous ce texte un jour dans un numéro de Bifrost.

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Mes uchronies indiennes, et en accès libre
Bolide : Une nouvelle épistolaire qui a en commun avec « Les Lanciers de Peshawar » de mélanger sous-continent indien et impact cosmique.
Au Bord de l’Abîme : Le premier cycle voit déjà une guerre du Pacifique uchronique impacter le Raj. Le Cycle deux (pas encore disponible sur le site) voit une partition des Indes uchronique dans le cadre d’une guerre civile.

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« Cliveless World » d’Anthony Jones en accès libre :
Une uchronie des plus dépaysantes puisqu’elle tourne beaucoup autour des Indes… française ^^
Présentation : Robert Clive (dans le monde réel, Clive of India) a tenté de se suicider à deux reprises lorsqu’il s’est rendu en Inde pour la première fois, en raison d’une dépression. Dans le monde réel, son pistolet a fait mouche les deux fois. Ce n’est qu’après cela qu’il a atteint la grandeur. Et si cela n’avait pas été le cas et qu’il était mort avant d’atteindre la grandeur ? Sans Robert Clive, les Britanniques sont incapables d’empêcher les Français de devenir la puissance dominante en Inde. Dans le même temps, les Français ne peuvent empêcher l’alliance anglo-prussienne de les évincer de l’Amérique du Nord, ce qui conduit à une révolution américaine plus précoce, mais moins réussie. Au fil des décennies, l’Empire français est devenu la puissance mondiale dominante (analogue à l’Empire britannique dans le monde réel), avec l’Union (le descendant de l’alliance anglo-prussienne), un État ottoman résurgent, l’Empire néerlandais et l’Empire russe en tant que puissances inférieures du monde. Le colonialisme a suivi une voie très différente dans le monde réel. En l’an 2000, la pensée politique et scientifique a également pris des chemins différents vers le monde réel, avec un certain nombre de philosophies politiques devenant dominantes. Dans le domaine des sciences, les disciplines biologiques sont plus avancées que le monde réel, le génie génétique et le calcul de l’ADN étant largement utilisés, tandis que les sciences physiques sont moins avancées, les vols spatiaux et les armes nucléaires étant des innovations récentes

Mais en Russie la barbarie s’est prolongée, un régime de terreur règne, qui a son dieu noir, ses prêtres sanguinaires. Les sacrifices humains sont monnaie courante, le cannibalisme un art de vivre pour les puissants et un mal nécessaire pour les peuples affamés.

Ah oui quand même. On est au-delà de ce que la propagande du XXe siècle a pû imaginer, mais plutôt du côté de Conan le barbare^^
J'avais aussi lu une critique qui pointait le cliché des Afrikaners qui semblent se réveiller tous les matins en se demandant comment rendre encore plus cauchemardesque la vie des Africains.

Dans tous les cas, le mélange culturel anglo-indien et franco-arabe doit être particulièrement intéressant.
Pas forcément mon style de lecture, mais après tout pourquoi pas.

DemetriosPoliorcète a écrit:Ah oui quand même. On est au-delà de ce que la propagande du XXe siècle a pû imaginer, mais plutôt du côté de Conan le barbare^^
J'avais aussi lu une critique qui pointait le cliché des Afrikaners qui semblent se réveiller tous les matins en se demandant comment rendre encore plus cauchemardesque la vie des Africains..

La sorte de l'Afrique australe est assez peut discuter dans le livre, mais ne fait pas rêver.

DemetriosPoliorcète a écrit:Dans tous les cas, le mélange culturel anglo-indien et franco-arabe doit être particulièrement intéressant.
Pas forcément mon style de lecture, mais après tout pourquoi pas.

C'est assez paradoxale, parce que ce n'est pas forcément le genre d'uchronie vers lesquels je me penche. Il n'y a quoi voir ce que j'écris...
Et pourtant, le cadre est super et globalement plausible malgré un POD que l'ont peu ranger dans l'ASB.
Pour le reste, c'est super divertissant et plaisant à lire.

Thomas a écrit:

Les Lanciers de Peshawar — S.M. Stirling

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Mes uchronies indiennes, et en accès libre
Bolide : Une nouvelle épistolaire qui a en commun avec « Les Lanciers de Peshawar » de mélanger sous-continent indien et impact cosmique.

Salut Thomas, ça serait possible que je puisse la traduire en anglais?

Ça dépend pour la poster de la ou tu compte la poster.

Je comptais la poster sur https://alternate-timelines.com en te créditant bien entendu.

Uranium Colonel a écrit:Je comptais la poster sur https://alternate-timelines.com en te créditant bien entendu.

OK. Tu pourras mettre un lien vers le texte d'origine stp ?

Cela allait de soi Thomas