[BD] L’Expédition – Richard Marazano et Marcelo Frusin

Vous pouvez retrouver ma chronique détaillée ici.

Résumé :
« Peu après la conquête de l’Egypte, une centurie romaine découvre une embarcation à la dérive. A bord, le cadavre d’un homme noir portant des documents dans une langue inconnue, et de bijoux en métaux rares et pierres précieuses, dont l’ouvrage magnifique évoque l’existence d’une civilisation riche et puissante. Le centurion Caïus Bracca ne pouvant pas monter d’expédition officielle, il organise la désertion de dix hommes et les envoie, sous les ordres de Marcus Livius, à la recherche de cette civilisation inconnue de Rome. Seuls trois d’entre eux parviendront effectivement aux portes de ce royaume fabuleux, et Marcus Livius sera le seul à en revenir pour raconter leur incroyable aventure. »

Fiche technique :
Scénario : Richard Marazano
Dessin et couleurs : Marcelo Frusin
Éditeur : Dargaud

Cette série verse dans la fiction historique et l’histoire secrète à l’époque de l’antiquité alors que Rome a conquis l’Egypte. N’étant pas expert de la période, je ne pourrais vous dire quels personnages sont historiques ou non. Toujours est-il qu’en 739 après la fondation de Rome, Aurelius Clemens, est confronté à un étrange voyageur fraichement fait prisonnier. Ce dernier semble à moitié fou et porte un mystérieux anneau. Il prétend être Marcus Livius, officiellement déserteur, officieusement envoyé par Caius Bracca (décédé depuis) dans une mystérieuse expédition vers le sud. En effet, 10 ans plus tôt, une mystérieuse embarcation venue du sud a atteint Thèbes, à son bord un homme mort à la peau noire et couvert de richesse. Caius Bracca a alors chargé Marcus Livius, le Lion de Nubie, de former un groupe qui allait déserter à la veille d’une bataille décisive contre le nabatéen Obodas III pour trouver le mystérieux et riche royaume d’où viendrait le passager de la barque.

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Il y a beaucoup de chose très intéressante dans le scénario de « L’Expédition ». En situant son intrigue dans l’Afrique antique, Richard Marazano se ménage de belles marges de manœuvre, le moyen-âge et l’antiquité de ces régions étant peu connu et ayant laissé peu de trace pour les historiens. Cela permet de se baser sur les quelques éléments connus de cette époque pour nous donner l’impression d’une histoire à la fois crédible et exotique. Exotique, car les fictions exploitant le moyen-âge et l’antiquité en Afrique sont peu fréquente.  Crédible, car ni le scénariste, ni le dessinateur ne tombe dans le piège d’offrir une Afrique clichée. Ainsi, l’Afrique qui nous est montré n’est pas constitué de tribus de simplets, mais bien de Royaume et Empire, eux même en quête de grandeur ou de richesse, qui se livrent des guerres, réduisent les vaincus en esclavages, ourdissent des complots.

De plus, lorsqu’on termine l’histoire, on est face à deux choses intéressantes. La première est de savoir si Marcus Livius, dans ses rêves de grandeur, n’a pas rêvé tout ce qu’il raconte maintenant qu’il est interrogé par  Aurelius Clemens. La seconde, est que même s’il dit vrai, son histoire n’a laissé aucune trace dans l’histoire africaine et vu qu’il finit dans des geôles romaines, son histoire n’aura jamais été ébruitée. J’aime aussi le fait que ce récit me fait penser à un mélange bien dosé d’une quête de l’El Dorado et d’Au Cœur des Ténèbres. A la manière d’un Kurtz, Marcus Livius rêve de grandeur et de se bâtir un Empire avec de nouvelles règles, mais il n’a pas recourt aux mêmes méthodes. Il est calculateur, opportuniste et manipulateur. Toutefois, se pose la question dans le dernier tome de savoir, si tant est que son histoire est vraie, il a peut-être été lui-même manipulé.

Si je devais faire quelques reproches à cette série, c’est justement sur la fin très abrupte. Elle est à la fois ouverte sur d’éventuelle suite, mais surtout ne donne aucune réponse sur le destin de Marcus Livius entre son couronnement et son retour à Thèbes 10 ans plus tard. S’il a vraiment été couronné, comment est-il retombé aussi bas ? Qu’est-il advenu de son Empire et de sa Reine ? Qu’est-il advenu de ses hommes ? Et la prophétie de Tiberius ? Autant de question en suspens qui me font dire que Marazano et Frusin avaient probablement d’autres tomes en tête.

Sur le plan visuel, Marcelo Frusin nous offre une expérience intéressante. Si j’aurais par moment apprécié un trait plus détaillé, le dessinateur nous offre un dessin aux encrages dynamiques et puissants associé à une très bonne mise en couleurs. Le dessinateur nous offres des ambiances superbes avec, entre autre, la traversée du dessert dans le premier tome, ou les mines dans le second. Les ambiances crépusculaires sont un vrai plaisir pour les yeux. L’altérité provoquée par le côtoiement des civilisations romaine et « niangaraise » est très efficace. Les designs associés aux personnages africains sont très réussis, même si certain râleront quant à l’apparence physique de la Reine Galliela à l’apparence très sexy et sensuelle, mais pour une reine vénérée comme une déesse et l’objet d’un désir obsédant de la part de Marcus Livius, cela fait sens. D’ailleurs, Marazano et Frusin nous évite le cliché de la scène de sexe entre la reine et son nouveau roi. Enfin, les couvertures sont vraiment réussies.

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J’aurais donc dû lire « L’Expédition » bien plus tôt. Richard Marazano nous livre un récit épique et crépusculaire qui de manière intelligente s’avère aussi être une critique du colonialisme et de la vision que les puissances coloniales ont bâti de l’Afrique. Ces romains sont ici convaincus de la grandeur de leur peuple et passe leur temps à juger une civilisation dont ils ignorent tout. Entre supériorité déclarée et ethnocentrisme exacerbé, le colonialisme européen n’est jamais bien loin. C’est aussi pour moi l’occasion de regretter que l’histoire de ce continent nous soit si peu accessible. L’ensemble est porté pas un graphisme très cohérent et très efficace de Marcelo Frusin. Reste la frustration de ne pas avoir les réponses à toutes mes questions lorsque j’ai refermé le dernier tome.

P.S: suite à la publication de cette chronique, le scénariste Richard Marazano m’a confirmé qu’un quatrième tome était en approche. Aurais-je les réponses aux questions que je pose?

Cela me fait surtout pensé à "L'homme qui voulait être roi" de Kipling. Surtout le début. Sldat d'un grand empire qui déserte et partent dans une région mythique à la recherche d'une civilisation oubliée pour se faire sacrer roi... dit comme ça c'est même un copié-collé.

Sinon, il y a eu de grandes civilisations en Afrique, puissantes, étandues, riches, prospères, avec d'immenses villes... le prétendu 'primitivisme' des Noirs est une idée reçue vomie par le colonialisme et la traite des Nègre afin de les colonisateurs se donnent bonnent conscience (nous les civilisons).

Sans avoir lu la BD, je ne peux pas dire si la vision de l'Afrique est réaliste, mais c'est un autre problème.