L'Histoire détournée de René Charles Rey (alias Jen Mazarin)

Publié en 1984 aux éditions fleuve, c'est une très courte uchronie (qui ne dit pas son nom) bâti sur une énième variation sur le thème d'une victoire des forces de l'Axe et présenté comme une compilation de rapports, de témoignages et de documents informatiques réunis aux lendemains de la troisième guerre mondiale (entre un IIIe Reich affaibli et décadent et un empire japonais belliciste) par la résistance mondiale.

Bref vous l'aurez compris, Mazarin ré-écrit le "Maitre du Haut Château" de Philip.K.Dick et c'est étonnamment efficace: on pourrait reprocher certains gros clichés tel qu'un point de divergence en mars 1945 impliquant Martin Bormann et un certaine bombe atomique allemande ou l'absence totale de profondeur des personnages principaux (alors que pourtant il y avait un énorme potentiel) mais je me suis plût à découvrir le "world-building" (désolé pour l'anglicisme) que l'auteur a pris le temps de développer, en somme c'est l'unique et principale qualité de l'ouvrage.
La victoire du IIIe Reich impliquant la destruction par le feu atomique de Londres et de Moscou en avril 1945 n'a pas débouché sur une victoire totale: l'Amérique a été démilitarisée mais reste puissante en terme d'industrie (surtout que ces problèmes d'intégration raciale ont été involontairement résolu par Berlin) la Russie a été réorganisé en un nouvel empire tsariste manifestement revanchard malgré son attachement à l'idéologie nazie, la France vichyste s'est transformée en gigantesque bordel pour les élites nazis (au grand regret de la milice), les forces vives du nazisme se sont exilés dans l'état SS de Bourgogne (chapeau bas à l'auteur d'avoir parlé d'un sujet pas très connu, surtout à l'époque) et dans les marches de l'est, l'Holocauste a été stoppé et les survivants épargnés et exilés sur l'île de Saint Hélène afin de maintenir persistante la haine des élites SS envers les juifs, leur seul force vive (étrange paradoxe, assez bien joué de la part de l'auteur d'avoir imaginé une société juive où les SS se posent en figures quasi-divines, appliquant la mort rituelle comme une rédemption).

En conclusion, je me suis surpris à trouver le roman plus intéressant que le "Maitre du Haut Château" qui finalement laissait beaucoup à désirer, notamment par rapport à son univers (je ne parle pas de la série, bien entendu), les défauts de "l'histoire détournée" sont très importants et ne pardonnerait pas si un tel livre était publié aujourd'hui mais j'ai senti que l'auteur y avait mis finalement pas mal de temps et d'idées, suffisamment pour présenter une uchronie bancal mais très originale dans son thème.