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Le ventre mou de l'Europe

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Le ventre mou de l'Europe Empty Le ventre mou de l'Europe

Message par DemetriosPoliorcète Dim 11 Déc - 17:37

A l’été et l’automne 1942, Churchill semble imposer sa stratégie d’attaque dans le « ventre mou de l’Europe » avec le débarquement en Sicile puis en Italie du sud et celui en Grèce, avec certes des effectifs limités dans le dernier cas.

Si l’armée française a envoyé en Sicile surtout des troupes d’Afrique du Nord, voulant garder les évacués de Dunkerque puis de la deuxième bataille de France en réserve pour la future reconquête du sol national, Alger impose néanmoins la participation de troupes françaises dans l’expédition grecque, sous commandement britannique. C’est que, depuis la chute du Péloponnèse, l’avenir de la Grèce est l’une des principales pommes de discorde entre les deux alliés, Churchill soutenant les monarchistes et les héritiers du régime de Metaxas, Mandel les libéraux autour de Plastiras et de Sophoklis Venizelos, devenus partisans de la République.

La Grèce semble en tout cas un territoire facile à libérer : le pays a été conquis à grand peine par l’Italie mussolinienne, qui est passée tout près du désastre et n’a pu percer le front épirote que grâce à l’engagement in extremis des troupes évacuées de Libye, et la pénible conquête de la Grèce continentale demeurait incomplète avec l’arrivée du corps expéditionnaire allié du général Maitland Wilson dans le Péloponnèse. Le réduit n’avait pu être conquis que grâce à l’intervention de l’allié allemand et de ses précieuses troupes aéroportées, déjà durement éprouvée par la conquête de la Corse. L’opération Hector avait été coûteuse pour la Wehrmacht et avait contribué à retarder le début de Barbarossa, qui faillit bien ne pas voir le jour du fait du contrôle allié de la Crète, véritable porte-avion géant permettant d’attaquer régulièrement les installations pétrolières roumaines.

Le 2 septembre 1942, les troupes américano-britanniques qui débarquent dans le Péloponnèse buttent bien sur une résistance allemande acharnée, mais les alliés qui débarquent à Corfou puis en Grèce continentale découvrent une armée italienne déjà en pleine débandade face aux andartès, les guérilléros grecs de l’ELAS et, dans une moindre mesure, de l’EDES. Conscients que la régence mise en place par Mussolini avec le soutien des Allemands n’est qu’un préalable à l’abolition de la monarchie, et que le régime du Duce ne tient plus que grâce à une occupation étrangère, les Italiens ont abandonné toute initiative et se sont déjà rendus en masse, quand ils ne sont pas tout simplement passés à l’ennemi en constituant des corps de volontaires se battant du côté grec. La neutralité Yougoslave et l’état d’insurrection similaire dans lequel se trouve l’Albanie empêchent tout remplacement des Italiens par des Allemands.

En une semaine, toutes les principales villes du pays sont aux mains des alliés et des résistants, à une exception notable : Thessalonique, aux mains des bulgares et de leurs auxiliaires locaux slavo-macédoniens. Si la ville tombe le 19 septembre, les combats se poursuivent en Macédoine grecque, rappelant ceux de l’armée d’Orient lors du premier conflit mondial. Pour Berlin, la priorité est d’envoyer du renfort à ses alliés bulgares, pour éviter une percée alliée dans les Balkans, mais aussi et surtout pour appuyer le régime de Filov et lui éviter d’être renversé par le « Front de la patrie », anti-allemand et dominé par les communistes.

Mais un autre problème se pose : en Yougoslavie, le roi Pierre II, déclaré majeur depuis peu, a écarté le conciliant prince Paul et s’entoure de personnalités anti-allemandes. Non-seulement son pays neutre gène-t-il les opérations, mais il pourrait également entrer en guerre aux côtés des alliés dès qu’une occasion se présenterait. Soucieux d’éviter un engagement trop important de ses forces, Hitler opte pour une opération limitée devant aboutir à un changement de régime à Belgrade. Mais l’échec est rapidement patent : les forces allemandes et yougoslaves s’affrontent tandis que les Oustachis croates, lassés du soutien fluctuant germano-italiens, lancent de leur propre chef l’insurrection à Zagreb, rendant l’embrasement de la Yougoslavie irréversible. L’un des derniers ilots de neutralité en Europe s’effondre.

Néanmoins, l’armée royale yougoslave ne fait pas le poids, et Belgrade est rapidement conquise, tandis que le territoire croate est rapidement débarrassé des foyers de résistance unionistes, permettant la création d’un « Etat indépendant croate » dirigé par Ante Pavelic et vassal du Reich. Si la population est massivement enrôlée, les commandants de la Wehrmacht ont la mauvaise surprise de constater que les Oustachis sont davantage préoccupés de mettre en place un nettoyage ethnique à grande échelle dans les Krajina et dans les régions serbes de Bosnie que de mettre sur pied une armée moderne. En un court laps de temps, une série d’horreurs qui choque jusqu’aux officiers SS les plus fanatisés se déploie dans le nouvel Etat à l’encontre des populations serbe et tsigane. Dans le même temps, profitant du chaos albanais, l’Allemagne met sur pied un gouvernement nationaliste au nord de ce pays, avec des prétentions irrédentistes qui permettent d’étendre la guerre au Kosovo, région dont les populations albanophones se soulèvent avec l’appui d’un commando SS dirigé par Otto Skorzeny.

Menacé sur plusieurs fronts, l’armée Yougoslave refuse néanmoins la reddition, tandis que Pierre II, installé à Skopje, annonce qu’il ne quittera pas le sol national. La Bulgarie, qui a officiellement déclaré la guerre à la Yougoslavie et annoncé à sa population l’annexion prochaine de toute la Macédoine du Vardar, a trop à faire en Grèce et dans ses frontières pour entreprendre une action militaire d’envergure, tandis que les troupes et le matériel allié viennent renforcer l’armée yougoslave reconstituée de Draza Mihailovitch.

Dernier acteur mais non le moindre, le Parti communiste yougoslave, qui bénéficie d’une longue expérience de la clandestinité, organise une résistance armée en un temps record, gênant les mouvements allemands et expulsant de certaines zones les Oustachis. Bien plus efficaces que les tchetniks royalistes, les Partisans que commande Josip Broz Tito rallient à eux de nombreux soldats rescapés de l’offensive allemande, et tous ceux que l’invasion a jeté hors de leurs foyers.

Alors que le printemps et l’été 1943 voient les alliés ouvrir le second front à l’ouest et l’Allemagne de Goering se replier partout, l’armée royale appuyée par les alliés reprend Belgrade, tandis qu’en Bulgarie, le régime de Filov s’effondre. Les composantes non-communistes de l’opposition, agrariens et libéraux, ouvrent les portes de Sofia aux franco-anglais, se préservant ainsi de l’avancée soviétique qui fait tomber, au même moment, la Roumanie voisine.

En Croatie et en Bosnie, les troupes de l’Axe tiennent encore plusieurs mois. Conscients de l’imminence de la chute, les Oustachis franchissent encore un palier dans l’horreur avec des massacres de populations auxquels ils font la publicité la plus large possible, pour pousser les Serbes des Krajinas à l’exil et créer un fait accompli.

En février 1944, Tito créé l’exploit en entrant le premier, avec ses partisans, dans Zagreb et en y installant une autorité provisoire communiste. On craint qu’il ne proclame bientôt un régime communiste. L’envoi d’une mission française comprenant Pierre Brossolette, fidèle du général De Gaulle, et plusieurs membres du PCF en Yougoslavie pour servir de médiateurs entre les différentes factions permet néanmoins la constitution d’un gouvernement provisoire unifié intégrant plusieurs ministres communistes.

En Grèce, la fin des combats a également donné lieu à un accord entre les différentes factions, entérinant l’échec de la politique churchilienne : un référendum sur le maintien de la monarchie sera tenu en priorité, avant le retour du roi dans le pays, tandis que la nouvelle armée régulière intégrera, en proportion de leur nombre total au moment de la capitulation bulgare, des andartès de l’ELAS et de l’EDES aux côtés des forces conventionnelles formées en exil.

Le référendum de 1945 donne une victoire sans appel au camp des républicains, lequel comprend aussi bien les communistes que les libéraux vénizélistes. Les élections pour l’assemblée constituante donnent une légère avance aux libéraux, qui ont bénéficié du soutien aussi bien français qu’américain, tandis que l’EAM, regroupement de résistants de gauche dominé par les communistes mais intégrant aussi la gauche sociale-démocrate, arrive presque au coude-à-coude. Les dirigeants du KKE, malgré le retour du stalinien intransigeant Zachariadis exilé à Moscou pendant la guerre, ont d’ores et déjà annoncés qu’ils avaient pour projet de s’intégrer à la vie démocratique parlementaire, et non de mettre en place une démocratie populaire. Le gouvernement d’union nationale issu de ces élections pose les bases de la Grèce moderne, avec une assainissement de la fonction publique, la lutte contre la corruption et le clientélisme, et la mise en place d’un système de protection sociale.

En Bulgarie et en Yougoslavie, si les rois Siméon II et Pierre II  se maintiennent à la tête de leurs Etats respectifs, ce sont également des démocraties parlementaires intégrant les partis communistes qui se mettent en place et posent les bases de grandes réformes sociales et politiques.

L’Albanie fait figure d’exception : à la fois victime de l’Axe et bénéficiaire de sa politique, avec les tentatives d’extension au Kosovo et au Monténégro, le pays est à la fin de la guerre contrôlé en grande partie par les communistes d’Enver Hoxha, qui contrôle le pays tosque et Tirana, tandis que le nord est envahi par l’armée royale yougoslave, dans la continuité de son offensive au Kosovo. Malgré le retrait des troupes de Mihailovitch et des promesses de Hoxha concernant un gouvernement provisoire intégrant toutes les tendances, les tentatives de conciliation échouent. Les alliés constituent un front commun anticommuniste, actif dans le nord du pays, rassemblant aussi bien les monarchistes zoguistes que d’anciens collaborateurs des Italiens puis des Allemands.

Abandonné par Staline, qui n’a aucun intérêt à s’encombrer d’un allié aussi enclavé, Hoxha résiste pendant deux ans d’une guerre civile dont les horreurs dépassent de loin ce qu’avait pu connaître le pays pendant la guerre. Après la défaite des communistes, le pays mettra encore plusieurs années avant de retrouver une organisation stable.

Les Balkans de l’après-guerre

Le maintien de la monarchie en Yougoslavie n’était que l’une des nombreuses questions que posait le retour à la paix dans un pays dont la lente évolution fédérale avait été stoppée net par l’invasion allemande et la révolte oustachie. Les horreurs perpétrées par les nationalistes croates avaient décrédibilisé pour longtemps les indépendantistes, et les élections pour la constituante se joueraient entre monarchistes unitaires, fédéralistes modérés et communistes, eux aussi favorables à une évolution fédérale.

La constitution acta définitivement le principe d’une Yougoslavie composée de plusieurs banovines fédérées, sans reprendre toutefois les découpages d’avant-guerre : la banovine de Croatie avait été amputée de tous ses territoires qui n’étaient pas clairement peuplés par une majorité croate, au profit de la nouvelle banovine de Bosnie et Krajinas, intégrant l’essentiel des Bosniaques mais restant à majorité serbe, tandis qu’une banovine de Vieille Serbie était créée au cœur du pays, et que la banovine du Vardar était rebaptisée « Banovine de Macédoine du Vardar. Le pouvoir central reconnaissait enfin une spécificité macédonienne distincte de l’identité serbe, mais la langue macédonienne fut standardisée à partir des dialectes locaux les plus proches du Serbo-Croate, sur la quinzaine de parlers existants. La ville de Belgrade devenait quant à elle un district fédéral autonome.
Le pouvoir central ne transigea par contre pas avec les Albanais du Kosovo : alors que la reprise en main de la région avait été particulièrement brutale et avait conduit de nombreux habitants à s’exiler, un décret du gouvernement provisoire ordonna le départ pour l’Albanie de clans entiers soupçonnés de sympathies pour la rébellion.

Le pouvoir royal était sorti renforcé de la guerre, et la volonté de Pierre II de ne pas quitter le pays au cœur de la guerre lui valut une popularité inégalée. Paradoxalement, le Parti communiste, désormais légal, était l’autre grand vainqueur. Profitant de l’hétérogénéité de la Bosnie-Krajina, il put diriger à plusieurs reprises la Banovine dans le cadre de coalitions.

Dans la nouvelle configuration européenne, le « ventre mou de l’Europe », selon les mots de Churchill, était devenu la limite la plus saillante, avec l’Allemagne, de l’Europe libérale, au contact direct du monde communiste que représentaient la Hongrie et la Roumanie. Dans ce contexte, le rapprochement entre les trois Etats longtemps rivaux de Grèce, de Bulgarie et de Yougoslavie s’imposait comme une suite logique. Le Pacte Balkanique fut créé en 1950 par une réunion des trois chefs de gouvernement à Skopje et rejoint en 1955 par l’Albanie. Créé pour approfondir la coopération militaire, économique et culturelle dans la région, il s’affirme comme un acteur incontournable en Europe. Après la fin de la guerre froide, il est rejoint par la Roumanie.
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Message par Thomas Dim 11 Déc - 20:17

Intéressant, ça donne envie de voir le reste du monde.
Ça s'inscrit dans une de tes TL?

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Message par DemetriosPoliorcète Dim 11 Déc - 20:24

Thomas a écrit:Intéressant, ça donne envie de voir le reste du monde.
Ça s'inscrit dans une de tes TL?

C'est dans l'ensemble de texte autour du "Discours de Goering". La France a continué la guerre et Hitler a été assassiné dès 1943, menant à la prise du pouvoir par Hermann Goering.
Le texte sur Doriot que j'ai posté pour le CTC29 se situe dans le même univers.
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Message par Thomas Dim 11 Déc - 20:28

C'est ce qui me semblait. Merci.

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