Le plus illustre des Français
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Le plus illustre des Français
Un petit texte dans l'univers du "Discours de Goering" dans lequel je reprends des idées de "1941" et de "Vingt ans de gaullisme".
Aux lendemains de la libération du territoire et de la fin de la guerre, si la droite avait comme héros Charles De Gaulle, le centre Georges Mandel et la gauche communiste Henri Rol-Tanguy, la gauche socialise pouvait mettre en avant la figure de Pierre Brossolette, unanimement respecté dans tout le pays. Journaliste de premier plan avant guerre, combattant décoré de la bataille de France, il avait préféré des missions périlleuses auprès de la résistance intérieure à la politique algéroise et avait failli à plusieurs reprises tomber aux mains de l’ennemi. Son hostilité à la IIIe République et, surtout, sa volonté de rompre avec le marxisme ne l’empêchaient pas de rester membre de la SFIO, le parti ne pouvant se séparer d’un tel personnage.
Brossolette restait donc membre de la formation historique du socialisme français pendant la campagne de 1944 sur le changement de République. Si l’idée du changement de régime faisait l’unanimité à Alger, de nombreux doutes étaient apparus à gauche avec la libération, et les résultats du référendum n’étaient plus écrits d’avance. Néanmoins, l’implication de figures comme Brossolette ou André Malraux, et le soutien du président du conseil, Charles De Gaulle, permirent une victoire nette (62% ) des partisan d’une IVe République. Restait à savoir laquelle.
Elu à la constituante, Brossolette resta un partisan convaincu d’un renforcement de l’exécutif et d’une rationalisation de la vie parlementaire, ce qui rendait la rupture avec la SFIO inévitable. A l’occasion de la campagne pour le « non » au projet constitutionnelle fut ainsi créé le Parti du Renouveau Socialiste, formation de gauche non-marxiste. Après le rejet du texte, la campagne pour la nouvelle constituante mit Brossolette en face du défi qui sera le sien pour le reste de sa carrière : travailler en bonne intelligence avec la gaullistes (De Gaulle avait lui-même quitté la présidence du Conseil pour former son propre parti, le RPF) tout en s’en démarquant, et éviter d’apparaître comme un cheval de Troie de la droite.
Le compromis finalement trouvé par l’assemblée penche en faveur des idées du PRS et du RPF, quoiqu’il ne satisfasse pas entièrement les gaullistes : le président de la République, élu par un collège élargi et non par la seule assemblée, est l’arbitre de la vie politique française et peut imposer les grandes orientations en matière de politique internationale. Son mandat se limite néanmoins à quatre ans, contre cinq pour l’Assemblée nationale, chambre unique du nouveau régime.
C’est somme toute assez logiquement que Brossolette est élu, malgré son jeune âge, premier président de la IVe République en 1946, après le désistement des gaullistes en sa faveur, car seul candidat acceptable à la fois par la droite et la gauche.
Au cours de ses deux mandats successifs, il travaille à installer durablement la figure présidentielle dans ses nouvelles fonctions, arbitrant la vie politique et brillant à l’international, rencontrant notamment le président Dewey et 1949, puis le colonel Nasser en 1954. Sous sa présidence, les grands chantiers ouverts après la libération trouvent leur aboutissement : sécurité sociale, grandes écoles, nationalisation des monopoles naturels et de certaines industries, approfondissement de l’Union de l’Europe Occidentale. Il poursuit en outre la politique de De Gaulle visant à affaiblir l’Allemagne autant que possible, tout en acceptant d’étendre la zone d’occupation française en Japon après le retrait partiel américain. L’un de ses derniers actes de président en politique étrangère est la reconnaissance de la République Populaire de Chine.
Il oeuvre également avec ses premiers ministres successifs à l’amorce de la décolonisation, avec la reconnaissance de la pleine indépendance pour les trois Etats indochinois, l’autonomie interne du Maroc et de la Tunisie, la création de l’Union Française. En accord avec son président du Conseil Léon Blum, il assouplit les règles d’obtention de la citoyenneté « dans le statut » en Algérie, permettant à une centaine de milliers d’Algériens musulmans d’obtenir des droits politiques complets (200 000 avaient déjà obtenu la nationalité après guerre) et permettant d’entrevoir, à terme, une représentation des Musulmans à la hauteur de leur poids démographique. Ces mesures restent néanmoins « trop peu trop tard » pour les militants algériens, tout en provoquant la radicalisation d’une frange de la communauté pied-noir.
Après la fin de son deuxième mandat et l’élection d’Edouard Herriot, Brossolette quitte pour un temps la vie parlementaire. Ambassadeur à Moscou en 1957, il ne peut intervenir dans les événements algériens, ni dans le rappel de De Gaulle après l’assassinat d’Herriot.
Après avoir quitté la carrière diplomatique, il retrouve les bancs de l’Assemblée en 1962, mais ne peut enrayer le déclin de sa formation, le PRS, qui souffre de son image d’allié du général à gauche, malgré toutes les tentatives pour s’en différencier, notamment sur la politique économique et sociale.
En 1967, la mise en minorité des gaullistes aux législatives laisse penser à une position d’arbitre du PRS et à l’entrée de Brossolette à Matignon. Mais ce sont cette fois les formations de droite alliées à De Gaulle qui refusent. Ne concevant pas de gouverner sans majorité, De Gaulle quitte le pouvoir. Candidat à sa succession, et malgré sa popularité toujours très important, Brossolette n’arrive que troisième derrière Mitterrand et Pompidou.
Retiré de la vie politique, il apporte néanmoins son soutien à la réunification des socialiste en 1973. Il écrit pour l’occasion : « l’esprit des institutions de la IVe République a finalement été accepté dans son ensemble par la majeure partie de la gauche, la division entre SFIO et PRS avait chaque jour moins de sens. Au rythme où vont les choses, et alors que le patriotisme soviétique achève chaque jour de remplacer la révolution marxiste-léniniste en URSS, il arrivera un jour où la division entre socialistes et communistes n’aura, dans le contexte français, pas plus de sens, et où la coupure du congrès de Tours sera elle aussi obsolète ».
Son action dans le cadre de la gauche ne l’empêche pas d’apporter son soutien à Chaban-Delmas, élu en 1974 dans son projet (combattu par les syndicats) de congestion au sein des entreprises.
Décédé en 1981, Brossolette est honoré de funérailles nationales, ses cendres déposées au Panthéon. Il reste, au début du XXIe siècle, la figure politique la plus appréciée des Français.
Le plus illustre des Français : Pierre Brossolette et la République, 1944-1981
Aux lendemains de la libération du territoire et de la fin de la guerre, si la droite avait comme héros Charles De Gaulle, le centre Georges Mandel et la gauche communiste Henri Rol-Tanguy, la gauche socialise pouvait mettre en avant la figure de Pierre Brossolette, unanimement respecté dans tout le pays. Journaliste de premier plan avant guerre, combattant décoré de la bataille de France, il avait préféré des missions périlleuses auprès de la résistance intérieure à la politique algéroise et avait failli à plusieurs reprises tomber aux mains de l’ennemi. Son hostilité à la IIIe République et, surtout, sa volonté de rompre avec le marxisme ne l’empêchaient pas de rester membre de la SFIO, le parti ne pouvant se séparer d’un tel personnage.
Brossolette restait donc membre de la formation historique du socialisme français pendant la campagne de 1944 sur le changement de République. Si l’idée du changement de régime faisait l’unanimité à Alger, de nombreux doutes étaient apparus à gauche avec la libération, et les résultats du référendum n’étaient plus écrits d’avance. Néanmoins, l’implication de figures comme Brossolette ou André Malraux, et le soutien du président du conseil, Charles De Gaulle, permirent une victoire nette (62% ) des partisan d’une IVe République. Restait à savoir laquelle.
Elu à la constituante, Brossolette resta un partisan convaincu d’un renforcement de l’exécutif et d’une rationalisation de la vie parlementaire, ce qui rendait la rupture avec la SFIO inévitable. A l’occasion de la campagne pour le « non » au projet constitutionnelle fut ainsi créé le Parti du Renouveau Socialiste, formation de gauche non-marxiste. Après le rejet du texte, la campagne pour la nouvelle constituante mit Brossolette en face du défi qui sera le sien pour le reste de sa carrière : travailler en bonne intelligence avec la gaullistes (De Gaulle avait lui-même quitté la présidence du Conseil pour former son propre parti, le RPF) tout en s’en démarquant, et éviter d’apparaître comme un cheval de Troie de la droite.
Le compromis finalement trouvé par l’assemblée penche en faveur des idées du PRS et du RPF, quoiqu’il ne satisfasse pas entièrement les gaullistes : le président de la République, élu par un collège élargi et non par la seule assemblée, est l’arbitre de la vie politique française et peut imposer les grandes orientations en matière de politique internationale. Son mandat se limite néanmoins à quatre ans, contre cinq pour l’Assemblée nationale, chambre unique du nouveau régime.
C’est somme toute assez logiquement que Brossolette est élu, malgré son jeune âge, premier président de la IVe République en 1946, après le désistement des gaullistes en sa faveur, car seul candidat acceptable à la fois par la droite et la gauche.
Au cours de ses deux mandats successifs, il travaille à installer durablement la figure présidentielle dans ses nouvelles fonctions, arbitrant la vie politique et brillant à l’international, rencontrant notamment le président Dewey et 1949, puis le colonel Nasser en 1954. Sous sa présidence, les grands chantiers ouverts après la libération trouvent leur aboutissement : sécurité sociale, grandes écoles, nationalisation des monopoles naturels et de certaines industries, approfondissement de l’Union de l’Europe Occidentale. Il poursuit en outre la politique de De Gaulle visant à affaiblir l’Allemagne autant que possible, tout en acceptant d’étendre la zone d’occupation française en Japon après le retrait partiel américain. L’un de ses derniers actes de président en politique étrangère est la reconnaissance de la République Populaire de Chine.
Il oeuvre également avec ses premiers ministres successifs à l’amorce de la décolonisation, avec la reconnaissance de la pleine indépendance pour les trois Etats indochinois, l’autonomie interne du Maroc et de la Tunisie, la création de l’Union Française. En accord avec son président du Conseil Léon Blum, il assouplit les règles d’obtention de la citoyenneté « dans le statut » en Algérie, permettant à une centaine de milliers d’Algériens musulmans d’obtenir des droits politiques complets (200 000 avaient déjà obtenu la nationalité après guerre) et permettant d’entrevoir, à terme, une représentation des Musulmans à la hauteur de leur poids démographique. Ces mesures restent néanmoins « trop peu trop tard » pour les militants algériens, tout en provoquant la radicalisation d’une frange de la communauté pied-noir.
Après la fin de son deuxième mandat et l’élection d’Edouard Herriot, Brossolette quitte pour un temps la vie parlementaire. Ambassadeur à Moscou en 1957, il ne peut intervenir dans les événements algériens, ni dans le rappel de De Gaulle après l’assassinat d’Herriot.
Après avoir quitté la carrière diplomatique, il retrouve les bancs de l’Assemblée en 1962, mais ne peut enrayer le déclin de sa formation, le PRS, qui souffre de son image d’allié du général à gauche, malgré toutes les tentatives pour s’en différencier, notamment sur la politique économique et sociale.
En 1967, la mise en minorité des gaullistes aux législatives laisse penser à une position d’arbitre du PRS et à l’entrée de Brossolette à Matignon. Mais ce sont cette fois les formations de droite alliées à De Gaulle qui refusent. Ne concevant pas de gouverner sans majorité, De Gaulle quitte le pouvoir. Candidat à sa succession, et malgré sa popularité toujours très important, Brossolette n’arrive que troisième derrière Mitterrand et Pompidou.
Retiré de la vie politique, il apporte néanmoins son soutien à la réunification des socialiste en 1973. Il écrit pour l’occasion : « l’esprit des institutions de la IVe République a finalement été accepté dans son ensemble par la majeure partie de la gauche, la division entre SFIO et PRS avait chaque jour moins de sens. Au rythme où vont les choses, et alors que le patriotisme soviétique achève chaque jour de remplacer la révolution marxiste-léniniste en URSS, il arrivera un jour où la division entre socialistes et communistes n’aura, dans le contexte français, pas plus de sens, et où la coupure du congrès de Tours sera elle aussi obsolète ».
Son action dans le cadre de la gauche ne l’empêche pas d’apporter son soutien à Chaban-Delmas, élu en 1974 dans son projet (combattu par les syndicats) de congestion au sein des entreprises.
Décédé en 1981, Brossolette est honoré de funérailles nationales, ses cendres déposées au Panthéon. Il reste, au début du XXIe siècle, la figure politique la plus appréciée des Français.
DemetriosPoliorcète- Messages : 1484
Date d'inscription : 05/03/2016
LFC/Emile Ollivier, Rayan du Griffoul et Amon luxinferis aiment ce message
Re: Le plus illustre des Français
. Bonjour,
. Au hasard de mes découvertes, je m'avise de cette uchronie; version institutions post seconde guerre mondiale.
. La démarche est intéressante.
. Cependant, j'attire l'attention sur la rédaction de l'avant dernière phrase "de congestion au sein des entreprises".
. Il est à croire qu'il s'agit de "co-gestion".
. N'égarons pas nos jeunes lecteurs sur le sens de la "nouvelle société" voulue, en son temps, par Jacques Chaban-Delmas...
. Au hasard de mes découvertes, je m'avise de cette uchronie; version institutions post seconde guerre mondiale.
. La démarche est intéressante.
. Cependant, j'attire l'attention sur la rédaction de l'avant dernière phrase "de congestion au sein des entreprises".
. Il est à croire qu'il s'agit de "co-gestion".
. N'égarons pas nos jeunes lecteurs sur le sens de la "nouvelle société" voulue, en son temps, par Jacques Chaban-Delmas...
vigilae- Messages : 158
Date d'inscription : 24/04/2023
Age : 66
Localisation : PAYS DE FRANCE
LFC/Emile Ollivier aime ce message
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